ZNIEFF 930012781
FORÊT DOMANIALE DE BOSCODON - CIRQUE ET FORÊT DE MORGON - BOIS DE BRAGOUSSE - VERSANT OUEST DE LA CRÊTE DU LAUZET ET DU POUZENC

(n° régional : 05100164)

Commentaires généraux

Description

Etabli dans la partie sud est du département des Hautes Alpes, au sud d’Embrun, ce site de 4355 ha, d’un intérêt exceptionnel, borde le lac de Serre Ponçon au sud est. Les paysages sont splendides et variés avec une nature encore sauvage et bien conservée. Plusieurs belvédères permettent aux promeneurs d’en admirer le panorama. Le site possède une géographie complexe composée de nombreux vallons et torrents se jetant dans la vallée principale de l’impétueux torrent du Boscodon. Le cirque de Morgon à plus de 1900 m d’altitude domine l’ensemble.
Le paysage de ce site à la géomorphologie complexe est marqué par les phénomènes d’érosion glaciaire et de haute montagne, où l’action du gel et du dégel est manifeste. Le substrat géologique, très complexe, est dominé par les couches sédimentaires de la série de la zone Dauphinoise et de la série sub-briançonnaise (appartenant aux nappes de l’Embrunais Ubaye) : terres noires, cargneules, dolomies, gypses, bancs calcaires et marno calcaires… Une part importante de la surface est constituée par les moraines glaciaires, ainsi que part d’importants éboulis actifs issus de produits d’altération superficielle.
Le site présente d’importantes variations altitudinales, de 968 m à 2897 m, et s’inscrit dans les étages de végétation montagnard, subalpin et alpin. Il est soumis aux influences climatiques de la zone biogéographique intra alpine.
Le site se caractérise par l’importance des massifs forestiers avec la très belle forêt domaniale de Boscodon, le bois de Bragousse, et la forêt du Bout de Mélèze. Plus en altitude dominent les vastes ensembles de pelouses et d’éboulis calcicoles, accompagnés de barres rocheuses et de bas marais. Intérêt biologique et qualité esthétique se conjuguent avec des secteurs comme celui de la Fontaine de l’Ours, le lac et le cirque du Morgon ou le cirque de Bragousse.

Milieux remarquables

Trois habitats déterminants sont présents : les pelouses steppiques sub continentales [all. phyto. Stipo capillatae Poion carniolicae (34.31)], les bas marais cryophiles d’altitude des bords de sources et suintements à Laîche des frimas (Carex frigida) [assoc. phyto. Caricetum frigidae (54.28)] et les hêtraies et hêtraies sapinières neutrophiles méridionales des Alpes du Sud à Trochiscanthe à fleurs nues (Trochiscanthes nodiflorus) [all. phyto. Fagion sylvaticae – Asso. phyto. Trochiscantho fagetum (41.17)].
Outre ce dernier habitat, la forêt de Boscodon et le bois de Morgon associent une importante diversité de formations forestières dont certaines sont classés remarquables, en particulier de très belles hêtraies sapinières neutrophiles [all. phyto. Fagion sylvaticae (41.13)], et, en conditions stationnelles plus sèches, des hêtraies sur calcaire à Polygale petit buis (Polygala chamaebuxus) [all. phyto. Cephalanthero rubrae fagion sylvaticae (41.161)]. En altitude se remarquent des mélèzins cembraies ou forêts de Mélèze (Larix decidua) et de Pin cembrot (Pinus cembra) (42.3), accompagnées par de très beaux peuplements de Pin à crochets sur calcaire à Raisin d’ours (Arctostaphylos uva ursi) (42.42). En partie inférieure du site se développent des pinèdes de Pin sylvestre (Pinus sylvestris) à Bugrane à feuilles rondes (Ononis rotundifolia) en conditions stationnelles très sèches [all. phyto. Ononido rotundifolii Pinion sylvestris (42.53)]. Enfin Le torrent du Boscodon présente par endroits un linéaire boisé intéressant constitué par les formations riveraines de saules [all. phyto. Salicion incanae (44.111 et 24.223)].
D’autre part ce site, très riche, possède également d’autres milieux remarquables, non forestiers, particulièrement intéressants avec les pelouses calcicoles alpines et subalpines à Séslérie bleutée (Sesleria caerulea) et Laîche toujours verte (Carex sempervirens) [all. phyto. Seslerion caeruleae (36.43)] installées sur sols superficiels, les bas marais alcalins à Laîche de Davall (Carex davalliana) [all. phyto. Caricion davallianae (54.23)] et des formations végétales de milieux rocheux à forte valeur patrimoniale comme éboulis calcaires alpins [all. phyto. Thlaspion rotundifolii (61.2)] et les formations végétales des rochers et falaises calcaires [all. phyto. Potentillion caulescentis et Violo biflorae Cystopteridion fragilis (62.15)].

Flore

Le site comprend dix huit espèces végétales déterminantes dont six sont protégées au niveau national : le Sabot de Vénus (Cypripedium calceolus), orchidée à floraison spectaculaire typique des hêtraies sèches et hêtraies pinèdes sylvestres, l'Epipogon sans feuilles (Epipogium aphyllum), rare orchidée forestière des boisements montagnards denses et ombragés, l'Androsace pubescente (Androsace pubescens), l'Astragale queue de renard des Alpes (Astragalus alopecurus), fabacée atteignant 1 m de hauteur, à floraison spectaculaire, affectionnant les pelouses et landes d’affinités steppiques, la Violette à feuilles pennées (Viola pinnata) et l'Ancolie de Bertoloni (Aquilegia reuteri), superbe renonculacée endémique des Alpes du Sud-Ouest qui serait toutes deux à retrouver sur le site. Quatre sont protégées en région Provence Alpes Côte d’Azur : la Listère en forme de cœur (Neottia cordata), discrète orchidée forestière de montagne, le Dactylorhize couleur de sang (Dactylorhiza incarnata subsp. cruenta), l'Orchis de Traunsteiner (Dactylorhiza traunsteineri) et la Violette des collines (Viola collina). Huit espèces n’ont pas de statut de protection : le Chardon bardane (Carduus personata), anciennement mentionné, le Doronic à feuilles cordées (Doronicum pardalianches), historiquement signalé à et à rechercher également, la Scrophulaire printanière (Scrophularia vernalis), l'Avoine des Abruzzes (Helictochloa versicolor subsp. praetutiana), graminée franco italienne des pelouses calcaires d’altitude, distribuée dans les montagnes du sud de l’Italie et dans les Alpes du sud, récemment découverte en France, le Pied d'alouette douteux (Delphinium dubium), spectaculaire renonculacée des mégaphorbiaies subalpines, des aulnaies vertes et des prairies fraiches, la Potentille inclinée (Potentilla inclinata), la Potentille des neiges (Potentilla nivalis) et le Cotonéaster intermédiaire (Cotoneaster x intermedius).

Par ailleurs, le site comprend sept espèces végétales remarquables. Quatre sont protégées au niveau national : la Bérardie laineuse (Berardia subacaulis), composée archaïque endémique des Alpes sud occidentales typique des éboulis calcaires à éléments fins, la Primevère marginée (Primula marginata), spectaculaire plante des parois calcaires, le Sainfoin de Boutigny (Hedysarum hedysaroides subsp. boutignyanum), l'Ancolie des Alpes (Aquilegia alpina). Deux sont protégées en région Provence Alpes Côte d’Azur : la Minuartie des rochers (Minuartia rupestris subsp. rupestris), le Saule pubescent (Salix laggeri), arbuste endémique des Alpes qui pousse dans les alluvions humides et sur les berges de torrents, où il forme des fourrés ripicoles denses. Une espèce n’a pas de statut de protection : l'Anémone de Haller (Anemone halleri), belle renonculacée à floraison printanière typique des pelouses et rocailles ventées.

Faune

Le site héberge un patrimoine faunistique d’un intérêt relativement élevé puisque trente-deux espèces animales patrimoniales, dont douze déterminantes le fréquentent.
Au niveau des mammifères au moins trois espèces ont été contactées sur le site : la Barbastelle d'Europe (Barbastella barbastellus), espèce forestière déterminante, vulnérable et en régression, d’affinité médio-européenne, très résistante au froid. Le Loup (Canis lupus) très mobile et occupant un vaste territoire fréquente le site. Le Lièvre variable (Lepus timidus), espèce remarquable en régression, relicte de l’époque glaciaire, fréquentant des milieux assez variés (alpages, éboulis, landes, forêts, pelouses, champs, cultures, friches) entre 1200 à 3100 m d’altitude, est présent sur ce site.
Le peuplement avien nicheur local est constitué par plusieurs espèces intéressantes : Aigle royal (Aquila chrysaetos), Autour des palombes (Accipiter gentilis), Circaète Jean le blanc (Circaetus gallicus), Faucon pèlerin (Falco peregrinus), Bondrée apivore ( Pernis apivorus), Grand duc d’Europe (Bubo bubo), Tétras lyre (Tetrao tetrix), espèce remarquable fragile, emblématique des Alpes, Lagopède alpin (Lagopus mutus), espèce remarquable menacée et en régression, d’origine arctique, relique de l’époque glaciaire dans les Alpes, où elle occupe les reliefs de croupes et de crêtes, fréquemment enneigées et balayées par le vent, Gélinotte des bois (Bonasa bonasia) et Bécasse des bois (Scolopax rusticola), espèces forestières remarquables d’affinité médio européenne, Chouette de Tengmalm (Aegolius funereus), espèce boréo alpine forestière et déterminante, des hêtraies, pessières, cembraies et mélézins, Chevêchette d’Europe (Glaucidium passerinum), espèce euro sibérienne déterminante et rare de la taïga et des forêts claires de résineux dans les Alpes (mélézins, sapinières, pessières, cembraies), Pie grièche écorcheur (Lanius collurio), Crave à bec rouge (Pyrrhocorax pyrrhocorax), nicheur remarquable peu fréquent, inféodé aux alpages où il vient s’alimenter situés à proximité de falaises où il niche, Niverolle alpine (Montifringilla nivalis), espèce paléomontagnarde remarquable, caractéristique des pelouses avec escarpements rocheux des étages alpin et subnival des massifs montagneux les plus élevés, Bruant fou (Emberiza cia), Alouette lulu (Lullula arborea).
L’herpétofaune locale patrimoniale est représentée par le Lézard des souches (Lacerta agilis), espèce remarquable d’affinité médio européenne nordique, des landes, lisières de forêts et prairies herbeuses jusqu’à 2000 m d’altitude.
Les insectes d’intérêt patrimonial sont représentés par un cortège exceptionnel de lépidoptères : l’Isabelle (Actias isabellae), espèce déterminante et emblématique des Alpes du sud de lépidoptère, protégée au niveau européen, de répartition ouest méditerranéenne morcelée (en France : Alpes du sud et Pyrénées orientales), principalement inféodée aux peuplements de Pin sylvestre des versants abrités entre 600 et 1800 mètres d’altitude, l’Azuré de la croisette (Maculinea alcon), espèce remarquable et protégée en France, liée aux pelouses et prairies des étages montagnards et subalpins où croît sa plante hôte (Gentiane croisette Gentiana cruciata) et vit sa fourmi hôte (surtout Myrmica schencki), l’Azuré du Serpolet (Maculinea arion), espèce remarquable et protégée au niveau européen, inféodée aux bois clairs et ensoleillés, les pelouses et les friches sèches à serpolets jusqu’à 2400 m d’altitude, le Semi apollon (Parnassius mnemosyne), espèce déterminante protégée au niveau européen, d'affinité montagnarde et liée à la présence de corydales, qui fréquente les pelouses et les lisières forestières, surtout entre 1000 et 2000 mètres d’altitude, l’Apollon (Parnassius apollo), Lépidoptère Papilionidé remarquable et protégé au niveau européen, habitant les rocailles, pelouses et éboulis à Crassulacées et Saxifragacées des étages montagnard à alpin, entre 500 et 2500 m. d’altitude, le Moiré piémontais (Erebia aethiopellus), espèce déterminante et endémique franco italienne cantonnée aux Alpes occidentales, inféodé aux pelouses alpines sèches à Fétuque paniculée (Festuca paniculata), et le Céphalion (Coenonympha gardetta macromma), sous espèce remarquable et endémique du centre et de l’ouest des Alpes, à aire de répartition disjointe, inféodée aux pelouses et fourrés de l’étage subalpin. Les coléoptères patrimoniaux sont représentés par le Carabe de Solier (Carabus solieri), espèce déterminante de coléoptère endémique des Alpes occidentales et de Ligurie, qui fréquente surtout les pelouses subalpines et lisières forestières des étages montagnards et subalpins, et le Carabe montagnard (Carabus monticola), coléoptère remarquable alpin qui affectionne surtout les bois et forêts de hêtres, châtaigniers, robiniers ou conifères des fonds de vallées. Enfin chez les odonates, signalons la présence du Cordulégastre bidenté (Cordulegaster bidentata), espèce remarquable de grande taille, inféodée par sa larve aquatique aux ruisseaux des versants pentus des montagnes sud européennes.

Fonctionnalité/Liens éventuels avec d’autres ZNIEFF

Cette ZNIEFF de type 1 n’est pas incluse dans une ZNIEFF de type 2.
Une grande prudence est de rigueur dans la gestion sylvicole et l’exploitation de la forêt du Boscodon, notamment pour bien prendre en compte la présence des rares orchidées forestières : Sabot de Vénus (Cypripedium calceolus), Epipogon sans feuilles (Epipogium aphyllum), des boisements montagnards denses et ombragés, et Listère à feuilles en cœur (Listera cordata). De plus les stations de Sabot de Vénus et d’Astragale queue de renard sont à préserver. Afin de répondre à ces enjeux la mise en place d’une Zone Spéciale de Conservation (Directive Habitat) est à l’étude. Le site fera donc l’objet d’un plan de gestion au travers l’élaboration du document d’objectifs.

Commentaires sur la délimitation

Le site correspond au versant ubac du massif du Morgon – Boscodon. Il est délimité à l’amont, c’est à dire sur sa bordure sud, par des crêtes très marquées d’altitudes élevées. Sa bordure aval s’appuie sur des éléments géographiques ou paysagers qui se repèrent aisément (dessertes forestières, lisières, etc.), lorsqu’il en existe.