ZNIEFF 930012789
VALLON DU FOURNEL - BOIS DU SIMON DE L'AIGLE - BOIS NOIR

(n° régional : 05112145)

Commentaires généraux

Description

Localisé dans la partie nord est du département des Hautes Alpes, le site est établi sur le versant rive droite de la vallée de la Durance, dans le vallon du Fournel à l’est de la commune d’Argentière la Bessée. Ce vaste site, au panorama grandiose, correspond à la partie du vallon du fournel établi en bordure est du Parc National des Ecrins. Situé sur la face orientale du massif des Ecrins, ce vallon pénètre toutefois de manière assez marquée au centre de ce massif.
Il est enchâssé entre de hauts sommets et des crêtes rocailleuses : Pointes de Neyzets (3247 m), crête de Plarol et crête de la Pendine au nord ; Tête de Dormillouse (3085 m) et Tête des Raisins (2655 m) au sud.
Le vallon présente une importante complexité géologique et géomorphologique avec la présence de substrats siliceux issus du socle cristallin, ou comprenant les grès du Champsaur de la zone ultradauphinoise, ainsi que divers substrats sédimentaires à dominance calcaire de la zone briançonnaise. L’ensemble a été remodelé par le jeu de l’érosion et des glaciers, amenant des dépôts d’alluvions en fond de vallée et des sédiments morainiques à fort recouvrement sur les versants.
Il est inclus dans la zone biogéographique intra alpine et se caractérise par des contrastes thermiques saisonniers marqués. Il se développe entre 1010m et 3247m d’altitude, aux étages de végétation montagnard, subalpin, alpin et nival.
Les milieux végétaux présents sont très divers avec des pelouses alpines et subalpines, des landes et fruticées, des forêts de Mélèze (Larix decidua), de Pins cembrot (Pinus cembra), des zones humides, des éboulis siliceux surplombés de parois rocheuses… Cette diversité permet le développement d’une faune et d’une flore abondantes et variées.

Milieux remarquables

Ce vallon subit des influences climatiques contrastées qui alliés à la diversité géologique et à la variété des usages agro pastoraux anciens ont occasionné une mosaique variée de milieux à forte valeur patrimoniale.
De nombreux habitats remarquables sont présents au niveau de petites zones humides d’altitude qui ponctuent les parties hautes du site ou des boisements très diversifiés. Ce sont : les bas marais alcalins à Laîche de Davall (Carex davalliana) [all. phyto. Caricion davallianae (54.23)], les bas marais acides [all. phyto. Caricion fuscae (54.4)], les mélèzins cembraies ou forêts de Mélèze (Larix decidua) et de Pin cembrot (Pinus cembra) (42.3), à sous-bois de feuillus qui tapissent les versants et le fond de vallée, associés aux sapinières intra alpines [sous all. phyto. Rhododendro ferruginei Abietenion albae (42.133)], infiltrées d’espèces végétales aux affinités méridionales et septentrionales, et en partie inférieure du site de très beaux peuplements de Pin à crochets sur calcaire (42.421). Parmi les autres habitats remarquables figurent les pelouses calcicoles alpines et subalpines à Séslérie bleutée (Sesleria caerulea) et Laîche toujours verte (Carex sempervirens) [all. phyto. Seslerion caeruleae (36.43)] qui restent malgré tout localisées sur ce site présentant un substrat essentiellement siliceux, ainsi que ceux liés aux milieux rocheux avec les éboulis siliceux alpins [all. phyto. Androsacion alpinae (61.11)] et les formations végétales des rochers et falaises siliceux [all. phyto. Androsacion vandellii (62.2)].
Parmi les autres habitats d’intérêt écologique marqué figurent les pelouses acidiphiles alpines et subalpines (36.3) entrecoupées de lambeaux de pelouses de combe à neige (36.1)]. De même il est à signaler la présence de formations végétales de sources (54.1)], suintements remarquables plutôt présents dans les bas de versants.
La rivière du Fournel, elle-même, présente par endroits un linéaire boisé intéressant constitué par fourrés de saules pionniers des berges et alluvions torrentielles à Saule drapé (Salix elaeagnos), Saule pourpre (Salix purpurea) et Saule faux daphné (Salix daphnoides).

Flore

Ce site d’un grand intérêt floristique comprend dix-neuf espèces végétales déterminantes. Trois sont protégées au niveau national : le Panicaut des Alpes (Eryngium alpinum), l'Androsace pubescente (Androsace pubescens) et le Dracocéphale d'Autriche (Dracocephalum austriacum), lamiacée à floraison spectaculaire inféodée aux rocailles et pelouses steppiques, rarissime en France. Quatre sont protégées en région Provence Alpes Côte d’Azur : la Violette des collines (Viola collina), l'Euphraise visqueuse (Odontites glutinosus), plante hémi-parasite des pelouses sèches dont les populations briançonnaises (les seules françaises) sont excentrées de l'aire sud-est européenne de cette espèce, le Cotonéaster du Dauphiné (Cotoneaster delphinensis) et la Fraxinelle blanche (Dictamnus albus), belle rutacée des lisières et broussailles sèches. Douze espèces n’ont pas de statut de protection : l'Avoine des Abruzzes (Helictochloa versicolor subsp. praetutiana), graminée franco-italienne des pelouses calcaires d’altitude, distribuée dans les montagnes du sud de l’Italie et dans les Alpes du Sud, récemment découverte en France, le Cotonéaster de l'Atlas (Cotoneaster nebrodensis), le Buplèvre des Alpes (Bupleurum alpigenum), grand buplèvre localisé en France à la haute vallée de la Durance et au Queyras, où il occupe les prairies de fauche, mégaphorbiaies et lisières forestières fraîches, le Cirse faux hélénium (Cirsium heterophyllum), la Céphalaire des Alpes (Cephalaria alpina), le Sainfoin de Briançon (Hedysarum brigantiacum), légumineuse récemment décrite, la Gentiane asclépiade (Gentiana asclepiadea), le Streptope à feuilles embrassantes (Streptopus amplexifolius), la Calamagrostide velue (Calamagrostis villosa), graminée associée aux mégaphorbiaies et forêts subalpines de conifères en situations fraîches, sur substrats acides, le Pigamon simple (Thalictrum simplex), la Pulsatille des montagnes (Anemone montana) et la Potentille inclinée (Potentilla inclinata).

Par ailleurs, le site comprend trois espèces végétales remarquables. Deux sont protégées au niveau national : la Gagée jaune (Gagea lutea) et l'Ancolie des Alpes (Aquilegia alpina). Une est protégée en région Provence Alpes Côte d’Azur : le Saule pubescent (Salix laggeri), arbuste endémique des Alpes qui pousse dans les alluvions humides et sur les berges de torrents, où il forme des fourrés ripicoles parfois denses.

Faune

Le patrimoine faunistique du site revêt un intérêt très élevé puisque 59 espèces animales patrimoniales, dont 16 espèces déterminantes, y ont été dénombrées.

Au rang des mammifères locaux d’intérêt patrimonial, il convient de citer le Bouquetin des Alpes (Capra ibex), ongulé déterminant d’intérêt communautaire, dont les populations locales sont issues de réintroductions, le Lièvre variable (Lepus timidus), espèce remarquable en régression, relicte de l’époque glaciaire, fréquentant des milieux assez variés (alpages, éboulis, landes, forêts, pelouses, champs, cultures, friches) entre 1200 à 3100 m d’altitude, le Cerf élaphe (cervus elaphus), espèce remarquable dont la colonisation est récente et diverses chauves-souris telles que le Petit Rhinolophe (Rhinolophus hipposideros), espèce remarquable en régression marquée, plutôt thermophile et anthropophile et assez rare en montagne, le Molosse de Cestoni (Tadarida teniotis), espèce remarquable de haut vol, aux mœurs rupestres pour ses gîtes, le Grand Rhinolophe (Rhinolophus ferrumequinum), espèce déterminante et menacée, en régression partout en France, le Grand Murin (Myotis myotis), espèce remarquable plutôt commune mais localement en régression et la Barbastelle d'Europe (Barbastella barbastellus), espèce forestière déterminante, vulnérable et en régression, d’affinité médio-européenne, très résistante au froid.

Quant à l’avifaune nicheuse locale, elle est riche en espèces patrimoniales : le Bihoreau gris (Nycticorax nycticorax), nicheur plutôt rare en Provence, très localisé dans les Alpes, la Bondrée apivore (Pernis apivorus), l'Aigle royal (Aquila chrysaetos), l'Autour des palombes (Accipiter gentilis), le Circaète Jean le blanc (Circaetus gallicus), le Faucon pèlerin (Falco peregrinus), la Perdrix bartavelle (Alectoris graeca), espèce méridionale de montagne recherchant les versants montagneux ouverts et ensoleillés avec des barres rocheuses, le Tétras lyre (Tetrao tetrix), espèce remarquable fragile, emblématique des Alpes, le Lagopède alpin (Lagopus mutus), espèce remarquable menacée, relique de l’époque glaciaire dans les Alpes, où elle occupe les reliefs de croupes et de crêtes, fréquemment enneigées et balayées par le vent, le Grand-duc d’Europe (Bubo bubo), la Huppe fasciée (Upupa epops), le Torcol fourmilier (Jynx torquilla), le Cincle plongeur (Cinclus cinclus), le Monticole de roche (Monticola saxatilis), le Gobemouche gris (Muscicapa striata), l'Alouette lulu (Lullula arborea), la Caille des blés (Coturnix coturnix), le Pic noir (Dryocopus martius), le Tichodrome échelette (Tichodroma muraria), espèce paléomontagnarde remarquable et relativement rare, recherchant les gorges et escarpements rocheux, la Pie grièche écorcheur (Lanius collurio), le Crave à bec rouge (Pyrrhocorax pyrrhocorax), nicheur remarquable, inféodé aux alpages où il vient s’alimenter situés à proximité de falaises où il niche, le Sizerin flammé (Carduelis flammea), le Tarin des aulnes (Carduelis spinus), le Venturon montagnard (Serinus citrinella), espèces paléomontagnardse remarquablse, typiques des boisements d'altitude, la Niverolle alpine (Montifringilla nivalis), espèce paléomontagnarde remarquable, caractéristique des pelouses avec escarpements rocheux des étages alpin et subnival des massifs montagneux les plus élevés, le Moineau soulcie (Petronia petronia), espèce déterminante paléoxérique, d’affinité méridionale, le  Bruant fou (Emberiza cia) et le Bruant ortolan (Emberiza hortulana). Plus récemment sur le site ont été contactées les deux chouettes forestières d'altitude, la Chevêchette d'Europe (Glaucidium passerinum) et la Chouette de Tengmalm (Aegolius funereus), espèces déterminantes à forte patrimonialité. Bien que non reproducteurs, Gypaète barbu (Gypaetus barbtus), Vautour fauve (Gyps fulvus) et Vautour moine (Aegypius monachus) fréquentent le site pour leur alimentation.

Un reptile remarquable a été observé dans la zone, la Couleuvre verte et jaune (Hierophis viridiflavus), espèce à répartition majoritairement Franco-Italienne qui privilégie les fourrés et les friches.

Les insectes d’intérêt patrimonial sont représentés par de nombreuses espèces, souvent d’affinités médio européenne, euro sibérienne, alpine, boréo alpine ou arctico alpine.
Les peuplements de lépidoptères diurnes sont particulièrement bien pourvus avec quatre espèces déterminantes, le Solitaire (Colias palaeno europomene), sous-espèce protégée en France, localisée et endémique des Alpes internes, inféodée aux landes à Ericacées et biotopes marécageux où croissent ses plantes hôtes, des airelles (Vaccinium sp.), l’Alexanor (Papilio alexanor), espèce protégée au niveau européen, rare et dont l’aire de répartition est morcelée, inféodée aux éboulis et pentes rocailleuses jusqu’à 1 700 m d’altitude où croît sa plante hôte locale Ptychotis saxifraga, le Semi Apollon (Parnassius mnemosyne), espèce protégée au niveau européen, d'affinité montagnarde et liée à la présence de corydales, qui fréquente les pelouses et les lisières forestières, surtout entre 1 000 et 2 000 m d’altitude et le Moiré aveugle (Erebia pharte), espèce alpine liée aux prairies subalpines humides et aux pelouses entre 1 500 et 2 000 m et sensible au surpâturage. Elles sont accompagnées de plusieurs espèces remarquables, l’Azuré du Serpolet (Maculinea arion), espèce protégée au niveau européen, inféodée aux bois clairs et ensoleillés, pelouses et friches sèches avec présence de ses plantes hôtes, des serpolets et de sa principale fourmi hôte, Myrmica sabuleti, jusqu’à 2 400 m d’altitude, l’Azuré de la croisette (Maculinea alcon rebeli), espèce protégée en France, liée aux pelouses et prairies des étages montagnards et subalpins où croît sa plante hôte (Gentiane croisette Gentiana cruciata) et vit sa fourmi hôte (surtout Myrmica schencki), le Petit Apollon (Parnassius corybas sacerdos), espèce protégée en France, des bords des torrents et autres zones humides des étages subalpin et alpin, dont la chenille est inféodée au Saxifrage faux aizoon (Saxifraga aizoides), l’Apollon (Parnassius apollo), espèce d'affinité montagnarde, protégée au niveau européen, peuplant les rocailles, pelouses et éboulis à Crassulacées et Saxifragacées entre 500 et 2 500 m d’altitude, le Grand Sylvain (Limenitis populi), espèce forestière d’affinité euro sibérienne, des clairières et lisières des forêts humides de feuillus jusqu’à 1 700 m. d’altitude, dont la chenille se développe principalement sur le Tremble (Populus tremula), la Mélitée des digitales (Melitaea aurelia), espèce euro sibérienne liée aux pelouses sèches, landes et lisières fleuries jusqu'à 1 500 m d'altitude, et la Zygène des bugranes (Zygaena hilaris), espèce d'affinité ibéro provençale, liée aux pelouses et friches sèches où croît sa plante hôte (Bugrane jaune Ononis natrix).

Toujours du côté des lépidoptères, citons aussi la présence de l’Isabelle (Actias isabellae), espèce déterminante protégée au niveau européen, de répartition ouest méditerranéenne morcelée (en France : Alpes du sud et Pyrénées orientales), principalement inféodée aux peuplements de Pin sylvestre des versants abrités entre 600 et 1 800 m d’altitude.
Les peuplements d’odonates se distinguent par la présence de la Cordulie des Alpes (Somatochlora alpestris), espèce déterminante rare et menacée en Provence Alpes Côte d'Azur, d'affinité boréo alpine, dont la larve aquatique se développe dans les marais et tourbières d'altitude. le Cordulégastre bidenté (Cordulegaster bidentata), espèce remarquable de grande taille, inféodée par sa larve aquatique aux ruisseaux des versants pentus des montagnes sud européennes, et le Leste des bois (Lestes dryas), espèce remarquable d'odonate Zygoptères (Demoiselles), en limite d'aire méridionale dans les Alpes du sud, localisé et inféodé aux pièces d'eau temporaires.

Dans les prairies humides, citons également le criquet marginé (Chorthippus albomarginatus), espèce remarquable d’orthoptère d’affinité médio européenne, rare et localisée en Provence Alpes Côte d'Azur où elle est strictement inféodée aux prairies humides.

Un coléoptère remarquable a été inventorié dans cette zone, le longicorne Evodinus clathratus, espèce à répartition européenne vivant dans le bois en décomposition des arbres de montagne, présente en France seulement dans les Alpes où elle est rarement abondante.

Enfin, deux espèces de mollusques déterminantes peuvent rencontrer, l’Hélice du Queyras (Arianta arbustorum repellini), espèce subendémique qui fréquente les chaos rocheux composés de gros blocs, uniquement présente dans le massif du Queyras et au sud des Ecrins et l'Hélicon des granites (Chilostoma zonatum), gastéropode d'altitude subendémique alpin, qui se trouve sur substrat acide en montagne, où il vit dans les chaos rocheux et autres éboulis, du Mercantour jusqu'en Vanoise.



Fonctionnalité/Liens éventuels avec d’autres ZNIEFF
Cette ZNIEFF de type 1 est incluse dans la ZNIEFF de type 2 « 930020404 - Partie sud est du massif et du Parc National des Écrins - massif du Mourre Froid - Grand Pinier - haut vallon de Chichin - face est des Bans - vallée du Fournel ».

Un des principaux enjeux pour le site consiste en la conservation, voire la restauration des habitats d’espèces végétales à forte valeur patrimoniale. D’autre part la gestion du site doit permettre de contrôler le développement de la Fétuque paniculée (Festuca paniculata), graminée sociale envahissante, dans les anciennes prairies de fauche et l’entretien des zones pastorales.

Commentaires sur la délimitation

Les limites du site s’appuient principalement sur la topographie très marquée de crêtes et talweg et englobe une importante partie de la vallée du Fournel, où se concentrent de nombreux éléments à forte valeur patrimoniale (habitats et espèces).