Description
Localisé sur la bordure ouest des Hautes-Alpes, ce site fortement boisé se localise au nord-ouest de la petite ville de Veynes, culminant avec la Montagne de Durbonas à 2 086 m.
Le substrat géologique du site est de nature sédimentaire associant des calcaires riches en silex et des calcaires sableux du Campanien et du Maestrichien, avec des calcaires marneux du Barrémien. Des calcaires durs plus massifs du Tithonique soulignent localement les reliefs les plus marqués. Des éboulis stabilisés et localement encore actifs recouvrent une grande partie de ces formations sur la partie inférieure des versants.
Situé dans la zone biogéographique des Préalpes sud dauphinoises, le site est soumis à un climat montagnard de type supra méditerranéen, aux influences atlantiques encore marquées.
Il est inclus dans les étages de végétation supra méditerranéen, montagnard et subalpin, entre 828 m et 2089 m d’altitude. Ses plus hautes crêtes sont soumises cependant à des conditions rappelant par endroits l’étage alpin inférieur.
Ses boisements d’ubac, avec une importante forêt domaniale, en font un site tout à fait singulier, très riche en espèces forestières. Boisements de Hêtre (Fagus sylvatica), de sapin (Abies alba), de Pin sylvestre (Pinus sylvestris) et de Chêne pubescent (Quercus humilis), landes xérophiles, prairies et rocailles sèches et localement éboulis constituent les éléments principaux du paysage végétal.
De nombreux ruisselets et petits torrents et un relief karstique constitué de grottes, de gorges et de balmes, avec notamment celles d’Agnielles, ajoutent une note de diversité complémentaire au site.
Milieux remarquables
Le site possède deux habitats déterminants constitués par un exceptionnel matorral à Genévrier thurifère (Juniperus thurifera) [asso. phyto. Amelanchiero ovalis Juniperetum thuriferae (32.136)], développé dans les secteurs les plus abrités au des gorges d’Agnielles, et par les entrées de grottes et les balmes thermophiles à annuelles [asso. phyto. Anthrisco caucalidis Asperugetum procumbentis) (65)], qui accueillent une végétation de petites plantes annuelles, dont de nombreuses espèces à forte valeur patrimoniale.
Les autres habitats remarquables associent des milieux forestiers comprenant de vastes hêtraies et hêtraies sapinières neutrophiles [all. phyto. Fagion sylvaticae (41.13)], avec de superbes sapins centenaires, des pinèdes sylvestres sèches supra méditerranéennes [all. phyto. Cephalanthero rubrae Pinion sylvestris (42.59)] et des boisements thermophiles et supra méditerranéens de Chêne pubescent (Quercus humilis) [all. phyto. Quercion pubescenti sessiliflorae (41.711)].
Parmi les autres habitats remarquables non forestiers, se rencontrent quelques formations arbustives, avec en particulier des landes supra méditerranéennes et oro méditerranéennes à Genêt cendré (Genista cinerea) et Lavande à feuilles étroites (Lavandula angustifolia) [all. phyto. Lavandulo angustifoliae Genistion cinereae (32.61 et 32.62)] et des fruticées d’arbustes divers [all. phyto. Berberidion vulgaris (31.81)], dont notamment des fruticées des stations rocailleuses à Cotonéaster et Amelanchier à feuilles ovales (Amelanchier ovalis) (31.8123).
Les milieux rocheux remarquables comprennent des formations végétales des rochers et falaises calcaires [all. phyto. Potentillion caulescentis et Violo biflorae Cystopteridion fragilis (62.15)] et des éboulis thermophiles à Calamagrostis argenté (Achnatherum calamagrostis) [all. phyto. Stipion calamagrostis (61.3)], surtout représentés au niveau des gorges qui occupent les parties basses du site.
Flore
Le site d’un grand intérêt patrimonial comprend vingt-cinq espèces végétales déterminantes. Huit sont protégées au niveau national : le Scandix étoilé (Scandix stellata), rarissime ombellifère, protégée au niveau national et à aire de répartition circumméditerranéenne et irano touranienne très morcelée, le Panicaut blanc des Alpes (Eryngium spinalba), ombellifère épineuse des éboulis thermophiles et des pelouses sèches endémique des Alpes sud occidentales, l'Orchis de Spitzel (Orchis spitzelii), le Sabot de Vénus (Cypripedium calceolus), orchidée à floraison spectaculaire typique des hêtraies sèches et hêtraies pinèdes sylvestres, l'Epipogon sans feuilles (Epipogium aphyllum), rare orchidée forestière des boisements montagnards denses et ombragés, l'Inule variable (Inula bifrons), composée à fleurs jaunes des lisières et broussailles sèches, l'Androsace pubescente (Androsace pubescens) et l'Aspérule de Turin (Asperula taurina), caractéristique des hêtraies méridionales.
Dix sont protégées en région Provence Alpes Côte d’Azur : la Listère en forme de cœur (Neottia cordata), discrète orchidée forestière de montagne, historiquement signalée et à rechercher, le Myosotis à petites fleurs (Myosotis minutiflora), petite boraginacée des balmes et entrées de grottes calcaires, le Cytise de Sauze (Cytisus sauzeanus), endémique locale occupant les rocailles, lisières et sous-bois clairs sur substrats calcaires, la Tozzie des Alpes (Tozzia alpina), la Circée commune (Circaea lutetiana), le Pâturin vert glauque (Poa glauca), le Pâturin hybride (Poa hybrida), graminée liée aux mégaphorbiaies montagnardes et subalpines, très rare dans le contexte des Alpes du Sud, la Dauphinelle fendue (Delphinium fissum), rare renonculacée des rocailles et éboulis xériques, le Saxifrage du Dauphiné (Saxifraga delphinensis), rare endémique delphino provençale des falaises calcaires ombragées et la Dorine à feuilles alternes (Chrysosplenium alternifolium). Sept espèces n’ont pas de statut de protection : le Cynoglosse de Dioscoride (Cynoglossum dioscoridis), la Céphalaire des Alpes (Cephalaria alpina), le Raisin d'ours des Alpes (Arctostaphylos alpinus), rarissime dans les Alpes du Sud, l'Avoine des Abruzzes (Helictochloa versicolor subsp. praetutiana), graminée franco-italienne des pelouses calcaires d’altitude, distribuée dans les montagnes du sud de l’Italie et dans les Alpes du Sud, récemment découverte en France, la Potentille inclinée (Potentilla inclinata), la Potentille des neiges (Potentilla nivalis) et le Cotonéaster intermédiaire (Cotoneaster x intermedius).
Par ailleurs, le site comprend cinq espèces végétales remarquables. Une est protégée au niveau national : l'Ancolie des Alpes (Aquilegia alpina). Une est protégée en région Provence Alpes Côte d’Azur : la Violette de Jordan (Viola jordanii). Trois espèces n’ont pas de statut de protection : le Sélin à feuilles de silaus (Katapsuxis silaifolia), la Laîche espacée (Carex remota) et l'Anémone de Haller (Anemone halleri), belle renonculacée à floraison printanière typique des pelouses et rocailles ventées.
Faune
Le site accueil un patrimoine faunistique d’un intérêt élevé, riche de 56 espèces animales patrimoniales, parmi lesquelles 19 sont déterminantes.
Mentionnons la présence de plusieurs mammifères tels que le Lynx boréal (Lynx lynx), Carnivore forestier déterminant, à faibles effectifs mais en expansion à l’heure actuelle, le Loup (Canis lupus), le Cerf élaphe (Cervus elaphus), et le Lièvre variable (Lepus timidus), espèce remarquable en régression, relicte de l’époque glaciaire, fréquentant des milieux assez variés (alpages, éboulis, landes, forêts, pelouses, champs, cultures, friches) entre 1 200 et 3 100 m d’altitude.
Plusieurs espèces de chauves-souris fréquentent le site, dont six sont déterminantes : la Barbastelle d'Europe (Barbastella barbastellus), espèce forestière vulnérable et en régression, d’affinité médio-européenne, très résistante au froid, le Murin de Bechstein (Myotis bechsteinii), espèce liée aux forêts de feuillus âgées dotées d’un sous-bois dense avec des ruisseaux et des mares, considérée comme rare et menacée, le Grand Murin (Myotis myotis), espèce plutôt commune mais localement en régression, le Petit Murin (Myotis blythii) espèce thermophile occupant des cavités souterraines ou bâtis en reproduction et chassant en milieux ouverts, le Minioptère de Schreibers (Miniopterus schreibersii), espèce typiquement méditerranéenne et strictement cavernicole et le Grand Rhinolophe (Rhinolophus ferrumequinum) espèce menacée, en déclin dans la région, plutôt thermophile mais présent jusqu’à au moins 2 200 m d’altitude, chassant dans les bocages et les paysages karstiques riches en broussailles, pelouses, pâtures et prairies, souvent proches de l’eau courante ou stagnante, de grottes et d’habitations. Elles sont accompagnées par plusieurs espèces remarquables, le Petit Rhinolophe (Rhinolophus hipposideros), espèce en régression marquée, plutôt thermophile et anthropophile et assez rare en montagne, la Noctule de Leisler (Nyctalus leisleri), espèce forestière relativement fréquente, le Murin d'Altathoé (Myotis alcathoe), espèce forestière très rare et localisée au nord-est de la région PACA à plus de 1 000 m d'altitude, le Murin de Brandt (Myotis brandtii), espèce forestière contactée dans la région généralement à plus de 1 000 m d'altitude ou encore le Vespère de Savi (Hypsugo savii), espèce rupicole et montagnarde d’affinité méridionale, qui exploite d’une part les milieux forestiers (surtout ceux riverains de l’eau) pour la chasse et d’autre part les milieux rocheux (falaises) pour les gîtes, jusqu’à 2 400 m d’altitude.
Quant aux représentants de l’avifaune nicheuse, ou probablement nicheuses, citons l’Aigle royal (Aquila chrysaetos), l’Autour des palombes (Accipiter gentilis), la Bondrée apivore (Pernis apivorus), le Circaète Jean-le-Blanc (Circaetus gallicus), le Hibou grand-duc (Bubo bubo), la Perdrix bartavelle (Alectoris graeca), espèce méridionale de montagne recherchant les versants montagneux ouverts et ensoleillés avec des barres rocheuses, semble-t-il en régression, le Tétras lyre (Tetrao tetrix), espèce remarquable fragile, emblématique des Alpes, la Chevêchette d’Europe (Glaucidium passerinum) et la Chouette de Tengmalm (Aegolius funereus), espèces boréo alpines forestières et déterminantes, des hêtraies, pessières, cembraies et mélézins, le Pic noir (Dryocopus martius) qui contribue également à la création de cavités de nidification pour les deux chouettes forestières précédentes, la Pie grièche écorcheur (Lanius collurio), l’Alouette lulu (Lullula arborea), le Bruant fou (Emberiza cia), la Caille des blés (Coturnix coturnix) au niveau des quelques prairies de fauche, le Crave à bec rouge (Pyrrhocorax pyrrhocorax), nicheur remarquable peu fréquent, inféodé aux alpages où il vient s’alimenter situés à proximité de falaises où il niche, le Venturon montagnard (Serinus citrinella), espèce paléomontagnarde remarquable, typique des boisements de conifères semi ouverts, le Bruant ortolan (Emberiza hortulana). Se rencontre également sur le cite le Faucon pèlerin (Falco peregrinus) et le Tichodrome échelette (Tichodroma muraria), deux espèces rupestres.
L’herpétofaune patrimoniale est quant à elle représentée par deux espèces remarquables, le Lézard vivipare (Lacerta vivipara), espèce typiquement nord eurasiatique, relicte glaciaire, en limite sud de son aire de répartition dans les Alpes, liée aux pelouses, prairies et landes humides, tourbières, bords de ruisseaux et la Couleuvre verte et jaune (Hierophis viridiflavus), espèce à répartition majoritairement Franco-Italienne qui privilégie les fourrés et les friches.
Le Blageon (Telestes souffia) fait partie des poissons d’eau douce présents localement.
Les arthropodes d’intérêt patrimonial sont notamment représentés par plusieurs espèces de coléoptères, dont trois sont déterminantes : l'Acanthocine réticuleux (Acanthocinus reticulatus), Cerambycidae à répartition européenne où elle colonise les sapinières matures froides et humides, sa larve se développant dans les troncs de gros diamètre, l'Eucnemidae Xylophilus corticalis, espèce strictement européenne très localisée dans les forêts à caractère naturel, riche en bois mort colonisé par le mycélium, connue en PACA seulement de quelques hêtraies-sapinières entre le Dévoluy et la montagne de Lure et le Cardinal triste (Pytho depressus), espèce ouest-paléarctique, prédatrice sous-corticale dans les conifères morts des forêts de haute montagne en France, où elle est rare et cantonnée aux vieux boisements. Elles sont accompagnées de trois espèces remarquables, le ténébrionide Nalassus harpaloides, espèce endémique de France, présent surtout en région PACA où il fréquente les forêts de montagne et notamment les boisements de conifères, le taupin Ampedus melanurus, Elateridae hôte des forêts montagnardes de l’Europe centrale et méridionale, cité en France des Alpes, de l’Ain, du Massif central et surtout des Pyrénées et le taupin Hypoganus inunctus, espèce localisée se développant dans le bois en décomposition de feuillus ou de résineux, cantonnée dans le sud de la France aux forêts de montagne mais se trouvant aussi en plaine plus au nord.
Du côté des lépidoptères, citons la présence de quatre espèces déterminantes : l’Alexanor (Papilio alexanor), espèce protégée au niveau européen, rare et dont l’aire de répartition est morcelée, inféodée aux éboulis et pentes rocailleuses jusqu’à 1700 m d’altitude où croît sa plante hôte locale Ptychotis saxifraga, le Semi apollon (Parnassius mnemosyne), espèce protégée au niveau européen, d'affinité montagnarde et liée à la présence de corydales, qui fréquente les pelouses et les lisières forestières, surtout entre 1 000 et 2 000 m d’altitude, le Moiré de Provence (Erebia epistygne), espèce d’affinité méditerranéo montagnarde dont l’aire de répartition ibéro provençale est morcelée et restreinte, inféodée aux pelouses sèches à fétuques (surtout Festuca cinerea) et le Moiré aveugle (Erebia pharte), espèce alpine liée aux prairies subalpines humides et aux pelouses entre 1 500 et 2 000 m et sensible au surpâturage. Ces espèces sont accompagnées de plusieurs papillons remarquables : l’Azuré de la croisette (Phengaris alcon), espèce protégée en France, liée aux pelouses et prairies des étages montagnards et subalpins où croît sa plante hôte (Gentiana cruciata) et vit sa fourmi hôte (surtout Myrmica schencki), l’Azuré du Serpolet (Phengaris arion), espèce protégée au niveau européen, inféodée aux bois clairs et ensoleillés, pelouses et friches sèches avec présence de ses plantes hôtes, des serpolets et de sa principale fourmi hôte, Myrmica sabuleti, jusqu’à 2 400 m d’altitude, la Proserpine (Zerynthia rumina), espèce d’affinité ouest-méditerranéenne protégée en France, dont la chenille vit sur l’Aristoloche pistoloche (Aristolochia pistolochia) dans les forêts claires et sur les coteaux pierreux, chauds et ensoleillés jusqu’à 1100 m d’altitude, l’Apollon (Parnassius apollo), espèce d'affinité montagnarde, protégée au niveau européen, peuplant les rocailles, pelouses et éboulis à Crassulacées et Saxifragacées entre 500 et 2500 m d’altitude et l'Échiquier de Russie (Melanargia russiae), espèce d'affinité steppique, localisée et dont la sous espèce cleanthe est endémique des montagnes du nord de l'Espagne et des Alpes du sud.
Citons également la présence de l'OEdipode stridulante (Psophus stridulus), espèce remarquable d'orthoptère boréo-montagnarde qui affectionne les milieux rocailleux des pelouses xerothermiques et des alpages bien exposés, du Cordulégastre bidenté (Cordulegaster bidentata), espèce remarquable d’odonate de grande taille, inféodée par sa larve aquatique aux ruisseaux des versants pentus des montagnes sud-européennes et du Cloporte de Provence (Porcellio provincialis), espèce déterminante rare et endémique de crustacés isopodes, des collines calcaires sèches préalpines et de Haute Provence.
Enfin, deux mollusques remarquables ont été inventoriés sur ce site, la Fausse-veloutée des vallées (Urticicola glabellus), escargot à répartition limitée cantonné au sud-est de France, de la Savoie aux Alpes-Maritimes et la Columelle édentée (Columella edentula), espèce de Truncatillinidés peu commune et inféodée aux habitats humides à très humides.
Fonctionnalité/Liens éventuels avec d’autres ZNIEFF
Cette ZNIEFF de type 2 englobe les trois ZNIEFF de type 1 suivantes : « 930020118 - Milieux rocheux et falaises de la crête de Bouchier et des Blaches » ; « 930020418 - Montagne de Durbonas et ses pentes boisées proches - vallons de l'ancienne chartreuse de Durbon et des Chabottes » & « 930020419 - Gorges d'Agnielles et partie inférieure de la combe Seraine ».
Le site englobe un massif montagneux principalement forestier. Ses limites s’appuient sur la topographie (lignes de crêtes principales et talwegs) et sur des repères géographiques marqués comme les axes routiers.