ZNIEFF 930012805
PLATEAU DU COL BAYARD ET DU COL DE MANSE - BOIS DE SAINT-LAURENT

(n° régional : 05100178)

Commentaires généraux

Description

Etabli dans la partie centrale du département des Hautes Alpes, au nord est de la ville de Gap, ce site de plus de 1300 hectares est localisé sur le plateau de Bayard. Il s’agit d’un vaste espace de prairies et de zones marécageuses, qui fait la jonction entre le Champsaur et le Gapençais.
Le paysage de pré bois, ceinturé des splendides massifs montagneux du Champsaur et du Dévoluy, est de grande valeur.
Le substrat géologique du site est composé essentiellement par des épandages glaciaires d’âge Quaternaire, à morphologies morainiques (attribuées à la glaciation würmienne), par de petites zones de limons de lavage, et par les Terres noires ou marnes de l’Oxfordien à Bathonien.
Soumis à un climat montagnard assez rude, le site constitue un carrefour climatique, avec des influences océaniques, continentales et méditerranéennes. Cette situation géographique exceptionnelle contribue à la variété et à la richesse des cortèges floristiques et des types de milieux présents.
Réparti entre 1142 m et 1360 m d’altitude, le site est entièrement compris dans l’étage de végétation montagnard.
Une palette de formations végétales diverses caractérise ce site composite : prairies et pâturages, milieux humides, landes, bocage montagnard, boisements de feuillus et de conifères associant hêtraies, pinèdes et plantations résineuses.

Milieux remarquables

Deux habitats déterminants sont présents sur le site. Il s’agit des tourbières de transition [all. phyto. Caricion lasiocarpae (54.5)], avec notamment des tremblants péri lacustres de petits lacs mares à Tréfle d’eau (Menyanthes trifoliata), milieux d'une très grande valeur patrimoniale, qui recèlent de nombreuses espèces végétales rares, ainsi que les herbiers palustres et flottants d’étangs et plans d’eau à Utriculaires (Utricularia pl. sp.) (22.414).
Les autres habitats remarquables du site comprennent une très grande diversité de formations végétales liées aux zones humides, milieux de plus en plus rares et souvent dégradés. Ce sont en particulier : des bas marais alcalins à Laîche de Davall (Carex davalliana) [all. phyto. Caricion davallianae (54.23)], particulièrement riches en orchidées, des belles magnocariçaies à Laîche élevée (Carex elata) [all. phyto. Magnocaricion elatae (53.21)], des formations amphibies des rives exondées, des lacs, étangs et mares, à Rubanier nain (Sparganium minimum) (22.3) et la végétation aquatique flottante ou submergée liés aux eaux mésotrophes à eutrophes (22.4). Ces dernières formations végétales sont très rares dans le département des Hautes Alpes.
Le complexe de zones humides du site recèle également des formations végétales herbacées hygrophiles hautes comme les prairies humides eutrophes et oligotrophes [all. phyto. Molinion caeruleae (37.2 et 37.3)] et les prairies humides hautes à Reine des près (Filipendula ulmaria) et formations végétales associées [all. phyto. Thalictro flavi Filipendulion ulmariae (37.1)], qui par leur flore remarquable contribuent à son importante biodiversité. Enfin apparaissent, disséminées et peu abondantes sur le site, des pelouses acidiphiles qui se rapprochent, par leur caractéristiques floristiques, aux formations végétales subatlantiques à Nard raide (Nardus stricta) [all. phyto. Violion caninae (35.1)]. Outre son importante richesse florale qui en fait un habitat dont la conservation est prioritaire dans le cadre de la Directive Habitats, ce dernier milieu, en régression marquée à basse altitude, est particulièrement remarquable car il se trouve ici en limite méridionale de répartition.

Flore

Le site comprend trente deux espèces végétales déterminantes. Six sont protégées au niveau national : l'Orchis à odeur de punaise (Anacamptis coriophora subsp. coriophora), la Serratule à feuilles de chanvre d'eau (Klasea lycopifolia), composée liée aux prairies de fauche d’une très grande rareté et en régression marquée, historiquement signalée sur le site, le Dracocéphale de ruysch (Dracocephalum ruyschiana), le Choin ferrugineux (Schoenus ferrugineus), la Laîche de Buxbaum (Carex buxbaumii) et la Laîche à épis d'orge (Carex hordeistichos). Douze sont protégées en région Provence Alpes Côte d’Azur : l'Ophioglosse commun (Ophioglossum vulgatum), la Nivéole de printemps (Leucojum vernum), la Gymnadenie odorante (Gymnadenia odoratissima), l'Orchis de Traunsteiner (Dactylorhiza traunsteineri), le Gnaphale des lieux humides (Gnaphalium uliginosum), l'Aspérule des teinturiers (Asperula tinctoria), rubiacée très discrète et très rare affectionnant les pelouses acidiclines, localisée à quelques rares stations dans les Alpes du Sud, la Pédiculaire des marais (Pedicularis palustris), la Petite violette (Viola pumila), espèces rarissime en France, historiquement signalée sur le site, le Danthonie des Alpes (Danthonia alpina), le Rubanier nain (Sparganium natans), la Potentille blanche (Potentilla alba) et l'Orchis musc (Herminium monorchis), protégée uniquement dans les Hautes-Alpes. Quatorze espèces n’ont pas de statut de protection : l'Ail anguleux (Allium angulosum), qui serait à rechercher sur le site, le Doronic à feuilles cordées (Doronicum pardalianches), la Passerage de Villars (Lepidium villarsii), le Silène de nuit (Silene noctiflora), l'Oeillet de Séguier (Dianthus seguieri subsp. seguieri), la Gesse blanchâtre (Lathyrus pannonicus), le Cytise faux lotier (Cytisus lotoides), sub endémique franco espagnole, en limite nord de son aire de répartition, la Gentiane des marais (Gentiana pneumonanthe), l'Utriculaire citrine (Utricularia australis), la Véronique à écus (Veronica scutellata), le Saule à feuilles étroites (Salix repens), la Pulsatille des montagnes (Anemone montana), belle renonculacée à floraison printanière liée aux pelouses sèches à répartition très restreinte en France, la Renoncule flammette (Ranunculus flammula) et le Pigamon simple (Thalictrum simplex).
Par ailleurs, le site comprend une espèce végétale remarquable qui n’a pas de statut de protection : l'Anémone de Haller (Anemone halleri), belle renonculacée à floraison printanière typique des pelouses et rocailles ventées.

Faune

Vingt-neuf espèces animales patrimoniales, dont 11 déterminantes ont été dénombrées sur le site.

Les oiseaux sont représentés par deux espèces déterminantes : le Râle des genêts (Crex crex) espèce déterminante nicheuse possible rare et très localisé dans les Hautes Alpes et le Moineau soulcie (Petronia petronia). De nombreuses autres espèces remarquables sont également présentes : l’Autour des palombes Accipiter gentilis, la Bondrée apivore (Pernis apivorus), la Caille des blés (Coturnix coturnix) et de la Pie grièche écorcheur (Lanius collurio), l’Alouette lulu (Lullula arborea), le Bruant ortolan (Emberiza hortulana), le Bruant fou (Emberiza cia), le Monticole de roche (Monticola saxatilis), le Pipit rousseline (Anthus campestris), la Fauvette grisette (Sylvia communis), le Torcol fourmilier (Jynx torquilla), la Rousserole verderolle (Acrocephalus palustris), la Huppe fasciée (Upupa epops) et le Petit Duc d’Europe (Otus scops).

Chez les mammifères le plateau est fréquenté par le Cerf élaphe (Cervus elaphus), espèce remarquable ainsi que trois espèces de chauves-souris, le Vespère de Savi (Hypsugo savii), espèce remarquable rupicole et montagnarde d’affinité méridionale, qui exploite d’une part les milieux forestiers (surtout ceux riverains de l’eau) pour la chasse et d’autre part les milieux rocheux (falaises) pour les gîtes, jusqu’à 2 400 m d’altitude, le Molosse de Cestoni (Tadarida teniotis), espèce remarquable de haut vol, aux mœurs rupestres pour ses gîtes et la Noctule de Leisler (Nyctalus leisleri), espèce remarquable forestière relativement fréquente.
Les amphibiens sont représentés par le Sonneur à ventre jaune (Bombina variegata), espèce déterminante à effectifs faibles, en déclin, d’affinité médio européenne et montagnarde, affectionnant les petits points d’eau peu profonds, dans les endroits restant frais et humides en été et les reptiles par la Couleuvre verte et jaune (Hierophis viridiflavus), espèce remarquable à répartition majoritairement Franco-Italienne qui privilégie les fourrés et les friches.

La faune entomologique d’intérêt patrimonial est représentée trois espèces déterminantes : l'Azuré de la sanguisorbe (Maculinea teleius), papillon de jour, rare et en régression, protégée au niveau européen, strictement inféodée aux prairies humides et bordures marécageuses peuplées par sa plante hôte la Sanguisorbe officinale et ses fourmis hôtes du genre Myrmica (notamment Myrmica scabrinodis), le Semi-apollon (Parnassius mnemosyne), espèce protégée au niveau européen, d'affinité montagnarde et liée à la présence de corydales, qui fréquente les pelouses et les lisières forestières, surtout entre 1 000 et 2 000 m d’altitude et le Barbitiste à bouclier (Polysarcus scutatus), sauterelle très localisée et aux populations dispersées, sensible au surpâturage, qui affectionne les prairies et pelouses en montagne. Elles sont accompagnées par plusieurs espèces remarquables : l’Azuré de la croisette (Maculinea alcon rebeli), espèce protégée en France, liée aux pelouses et prairies des étages montagnards et subalpins où croît sa plante hôte (Gentiane croisette Gentiana cruciata) et vit sa fourmi hôte (surtout Myrmica schencki), le Leste des bois (Lestes dryas), espèce d'odonate Zygoptères (demoiselles), en limite d'aire méridionale dans les Alpes du sud, localisée et inféodée aux pièces d'eau temporaires et le Criquet ensanglanté (Stethophyma grossum), espèce d'orthoptère d'affinité eurosibérienne, en forte régression en dehors des Alpes, strictement liée aux prairies très humides et surfaces marécageuses.

Citons enfin la présence d’un mollusque déterminant, la Grande brillante (Cochlicopa nitens), escargot dont les populations sont très morcelées et qui fréquente les marais calcaires de moyenne montagne à partir de 800 m en région PACA.


Fonctionnalité/Liens éventuels avec d’autres ZNIEFF
Cette ZNIEFF de type 1 n’est pas incluse dans une ZNIEFF de type 2.

Un des principaux enjeux pour ce site consiste en la conservation, voire la restauration des habitats d’espèces végétales liées aux zones humides. De plus il faut veiller à conserver la fonction de corridors biologique de l’ensemble du réseau de haies présent sur le site.

Cet espace, pour sa partie située sur le territoire communal de la ville de Gap, est sujet à de fortes pressions d’aménagements du territoire liées au développement de zones de loisirs et du tourisme : plantations de conifères, construction d’un golf, avec un projet d’extension prochaine, et mise en place de parcours de santé.
Dans ces buts le projet d’extension du golf du Col Bayard devra se faire de manière prudente et respectueuse des grandes richesses biologiques des zones marécageuses.

Commentaires sur la délimitation

Le site correspond à un vaste plateau aux pentes douces, parsemé d’un complexe de zones humides et de prairies semi-humides, milieux associés à des populations d’espèces rares ou remarquables. L’ensemble qui inclut le réseau hydrologique local connecté à ces milieux humides et le réseau interstitiel comprenant des prairies naturelles, des haies et des boisements divers, constitue une zone de valeur patrimoniale exceptionnelle. Ses limites tentent d’englober ces divers éléments, tout en s’appuyant sur des repères géographiques et paysagers notables, lorsqu’il en existe : réseau routier, ruptures topographiques, lisières…