Description de la zone
La haute vallée de la Vésubie, dite de la Madone de Fenestre, présente la particularité de détenir des glaciers souterrains relictuels des dernières glaciations, dissimulés sous les pierriers d’éboulis. Affluent de la rive gauche du Var, la Vésubie est, par son débit, le 2ème affluent le plus important du Var après la Tinée. Ce torrent de montagne, essentiellement classé en 1ère catégorie, compose l’aile orientale du bassin versant du Var. Il provient de la façade occidentale du point culminant du Mercantour (la Cime du Gélas à 3 134 m). Long de 32 km (175 km avec ses affluents), ce torrent alpin coule principalement sur substrat cristallin. Il draine, notamment dans sa partie amont, pélites, granites, gneiss et amphibolites, ainsi que des roches sédimentaires épimétamorphisées dans sa partie aval (calcaires crétacés et jurassiques, gypse triasique). Son bassin versant s’étend sur une superficie de 395 km2. Sa surface en eau couvre 72 hectares. Il présente deux périodes de hautes eaux, à la fonte des neiges puis à l’automne, ainsi que deux périodes d’étiage, en hiver et en été. Ses eaux sont relativement claires et les taux de matières en suspension ne sont pas très importants, bien que variables. Son profil très déclive se redresse à partir de Saint Martin-de-Vésubie. Grossi du torrent de Salèse, long de 13 km, le Boréon est un affluent de la Vésubie qui prend sa source à 2 200 m d’altitude au Lac des Sagnes et draine la partie septentrionale du bassin. Il correspond à un torrent alpin cristallin de haute altitude, doté de cascades naturelles infranchissables.
L’ensemble de ces caractéristiques font des torrents du bassin de la Vésubie des cours d’eau alpins et subalpins à la torrentialité et au potentiel biologique moyen pour les Alpes. Les eaux de la Vésubie sont globalement dans sa partie aval de qualité physico chimique bonne à excellente, plutôt fraîches, neutres à légèrement alcalines (pH compris entre 7,2 et 8,2) et très bien oxygénées : le taux de saturation en oxygène dissous (O2), souvent voisin de 100 %, est caractéristique d’un torrent de montagne. Le degré de minéralisation des eaux est variable. Les concentrations en sulfates (SO42 ), calcium (Ca2+), hydrogénocarbonates (H2CO3) et magnésium (Mg2+) sont très faibles en amont puis augmentent vers l’aval. Les concentrations en potassium (K+), chlorures (Cl ) et sodium (Na+) restent quant à elles toujours faibles, il en est de même des taux de matières phosphorées (PO43 ), de nitrates (NO3 ) et de matières en suspension (MES). La flore aquatique du cours de la Haute Vésubie et de ses affluents se réduit à un périphyton torrenticole dont le développement est plus ou moins important selon la période de l’année (variations saisonnières) et selon sa localisation géographique (plus développé à l’aval). Au niveau hydrobiologique faunistique, la diversité taxonomique locale et la densité des invertébrés benthiques, qui appartiennent à une faune typique du rhithron alpin, sont médiocres à assez bonnes. La Vésubie présente globalement une faible aptitude biogène. Les prélèvements d’eau réalisés sur la majeure partie de la rivière contribuent à l’évidence à l’appauvrissement de la faune benthique.
Appartenant au domaine salmonicole, la Vésubie et ses affluents sont presque entièrement classés en tant que cours d’eau à migrateurs depuis 1990. Cours d’eau au régime hydrologique sensiblement artificialisé, en débit réservé surtout dans sa partie aval, la Vésubie et ses affluents connaissent de nombreux captages et dérivations destinés à l’irrigation et surtout à l’alimentation en eau potable et plusieurs barrages hydro électriques ont été construits sur son cours principal ainsi que sur ses affluents, ce qui rend ces cours d’eau encore plus fragiles aux pollutions et perturbations diverses (rejets polluants directs, indirects ou diffus plutôt importants, effluents des stations d’épuration, surfréquentation pour le canyoning, la baignade et le canoë kayak). Les conséquences de cette artificialisation sont multiples : eutrophisation et réchauffement des eaux, altération de leurs qualités physico chimiques et hydrobiologiques, augmentation des étiages hivernaux et estivaux, réduction de la capacité d’auto-épuration du cours d’eau, piétinement du milieu, etc... Les rejets polluants accentuent par ailleurs le développement algal d’Hydrurus foetidis, dont l’impact sur la reproduction peut être important.
Flore et habitats naturels
La végétation riveraine de la Vésubie et de ses affluents correspond à des ripisylves riches en Aulnes, Saules, Peupliers, Frênes, notamment l’aulnaie blanche à Aulne blanchâtre (Alnus incana) de l’Alnion incanae. Les cours d’eau à la base du l’étage subalpin sont bordés par des pessières acidophiles du Piceion excelsae à Listère cordée (Neottia cordata), et des mégaphorbiaies de l’Adenostylion alliariae, abritant des espèces patrimoniales comme le Chérophylle élégant (Chaerophyllum elegans), le Séneçon de Balbis (Tephroseris balbisiana) ou encore le Cirse des montagnes (Cirsium alsophilum).
Faune
La haute vallée de la Vésubie et la vallée du Boréon possèdent un patrimoine faunistique d’un intérêt biologique élevé, avec 57 espèces animales patrimoniales, dont 35 sont déterminantes.
Le peuplement mammalogique comprend notamment le Loup (Canis lupus), carnivore déterminant, rare et localisé, dont les populations provenço alpines correspondent à la sous espèce italienne, le Bouquetin (Capra ibex) et la Taupe aveugle (Talpa caeca) espèce déterminante rare et localisée dans les Alpes Maritimes. Les autres espèces de mammifères sont des chauves-souris telles que le Vespère de Savi (Hypsugo savii), espèce remarquable rupicole et montagnarde d’affinité méridionale, qui exploite d’une part les milieux forestiers (surtout ceux riverains de l’eau) pour la chasse et d’autre part les milieux rocheux (falaises) pour les gîtes, jusqu’à 2 400 m d’altitude, le Grand rhinolophe (Rhinolophus ferrumequinum) une espèce déterminante rare et localisée et la Noctule de Leisler (Nyctalus leisleri), espèce remarquable arboricole et forestière, relativement fréquente, présente jusqu’à 2 200 m d’altitude.
Quant aux oiseaux, citons notamment plusieurs espèces remarquables comme la Chevêche d’Athéna (Athene noctua), espèce de milieux semi ouverts, d’affinité méridionale, en déclin général, présente jusqu’à 1 100 m d’altitude, l’Aigle royal (Aquila chrysaetos), le Circaète Jean-le-Blanc (Circaetus gallicus), l’Autour des palombes (Accipiter gentilis) et le Cincle plongeur (Cinclus cinclus), espèce liée aux cours d’eau froids, propres et bien oxygénés, à courant plutôt vif, entre 100 et 2 400 m d’altitude, localement abondante.
Les amphibiens sont représentés par le Spélerpès de Strinatii (Speleomantes strinatii), espèce remarquable peu abondante à répartition très localisée dans la région, correspondant à un endémique franco-italien présent en France uniquement surtout dans les Alpes-Maritimes et recherchant les milieux humides, frais et ombragés (forêts, grottes, cavernes, éboulis) de 0 à 2 400 m d’altitude.
Une unique espèce de reptiles est connue localement : la Couleuvre verte et jaune (Hierophis viridiflavus), espèce remarquable à répartition majoritairement Franco-Italienne qui privilégie les fourrés et les friches.
Les poissons d’eau douce sont ici représentés par le Barbeau méridional (Barbus meridionalis), espèce remarquable d’affinité méridionale, liée aux cours d’eau clairs et bien oxygénés à débit rapide sur substrat de graviers et l’Anguille d’Europe (Anguilla anguilla).
Les peuplements d’arthropodes de cette zone présentent un intérêt patrimonial exceptionnel de par la grande diversité qui s’y exprime et la présence de nombreuses espèces rares, endémiques ou en limite d’aire.
Parmi les crustacés isopodes, citons trois espèces de cloportes qui comportent un grand intérêt patrimonial, Caeroplastes porphyrivagus, espèce remarquable connue uniquement de France et de Sardaigne, présente dans la quasi-totalité de la région PACA (Alpes de Haute Provence, Alpes Maritimes, Bouches du Rhône, Var) et se rencontre du littoral et des îles côtières (d’Hyères et de Lérins) jusque dans les régions de moyenne montagne où elle peut atteindre 1 000 m d’altitude, Trichoniscus korsakovi, espèce déterminante endémique de la moyenne vallée de la Vésubie (Alpes Maritimes).et Cylisticus racovitzai, espèce cavernicole déterminante, strictement endémique connue de seulement deux localités situées dans les Alpes Maritimes à Lantosque (vallée de la Vésubie) et Breil sur Roya (vallée de la Roya).
Les coléoptères se distinguent par la présence de nombreuses espèces déterminantes endémiques ou rares. Citons plusieurs espèces de Carabidae comme le Carabe de Solier (Carabus solieri), espèce protégée en France, endémique des Alpes occidentales et de Ligurie, des pelouses subalpines et lisières forestières aux étages montagnards et subalpins, Trechus latus grouvellei, sous espèce d’affinité montagnarde, endémique de la vallée de la Vésubie, Cychrus angulicollis, espèce rare et gravement menacée d’extinction, en limite d’aire en région P.A.C.A., localisée en France exclusivement dans les Alpes-Maritimes, correspondant à un endémique franco-italien, habitant surtout les massifs calcaires entre 2 000 et 2 600 m d’altitude, dans les éboulis et les amoncellements de blocs rocheux, à l’entrée des gouffres et des grottes, sous les détritus, Duvalius lantosquensis, espèce surtout cavernicole et habitant les grottes, les mines et sous les pierres enfoncées, endémique de la vallée de la Vésubie dans le département des Alpes Maritimes, le Ptérostique dilaté (Pterostichus truncatus dilatatus), espèce endémique franco italienne localisée en France aux Alpes Maritimes où elle fréquente la zone alpine et les forêts supérieures, Bembidion decorum ticinense, endémique du Var et des Alpes Maritimes, Laemostenus obtusus, espèce cavernicole et troglophile, endémique franco italienne, en limite d’aire et strictement localisée en France aux départements des Alpes-de-Haute Provence et des Alpes Maritimes, entre 350 et 1 700 m d’altitude dans les grottes et les cavités, Molops ovipennis medius, sous-espèce endémique des Alpes-Maritimes, Trechus delarouzeei, accompagnées du charançon Dichotrachelus alpestris, espèce endémique des trois départements sud alpins, où, relativement bien répandue, elle se trouve entre 2 000 et 3 000 m d’altitude sous les pierres, dans les mousses ou l’humus, le Péritèle Peritelus robusticornis, Curculionidés liée au cours d’eau de la Vésubie dont il est endémique de sa vallée. Notons aussi la présence du longicorne Evodinus clathratus, espèce remarquable à répartition européenne vivant dans le bois en décomposition des arbres de montagne, présente en France seulement dans les Alpes où elle est rarement abondante, du longicorne Stictoleptura simplonica, espèce remarquable des forêts de montagne vivant dans les branches mortes de conifères et de feuillus, endémique alpine en Suisse, Italie et France, où elle ne se trouve que dans le Mercantour et le Queyras, et du longicorne Tetropium fuscum, espèce remarquable d'Europe et de Sibérie occidentale associée aux conifères, peu commune et localisée en France et en PACA où elle se limite aux zones montagneuses.
Parmi les hémiptères, citons trois espèces déterminantes de punaises, Carpocoris melanocerus, espèce rare, Alloeorhynchus putoni, espèce prédatrice d’affinité ouest méditerranéenne, rare et localisée en France, liée aux versants crayeux secs, notamment au pied des touffes de Dorycnie (Dorycnium sp.) et Acalypta visolensis, Tingidés très localisé et gravement menacé d’extinction, en limite d’aire en région P.A.C.A., correspondant à un endémique franco-italien, d’affinité montagnarde, présente dans les étages subalpin et alpin.
Citons également la présence de Plectrocnemia praestans, un trichoptère déterminant.
Les orthoptères patrimoniaux sont représentés par le Criquet de la Bastide (Chorthippus saulcyi daimei), sous espèce déterminante et endémique de Haute Provence et des Alpes du sud, peuplant les landes et pelouses des versants montagneux.
S’ajoute encore deux espèces déterminantes d’Empis (diptères), Chelifera serraticauda meridionalis, espèce orophile d’Empididés, endémique de la haute vallée de la Vésubie, présente entre 2 100 à 2 300 m d’altitude et Chelifera precabunda, espèce à aire de distribution morcelée en Europe, en limite d’aire en région P.A.C.A., localisée en France aux Massif central, aux Alpes du Dauphiné et aux Alpes Maritimes.
Les lépidoptères d’intérêt patrimonial sont représentés par plusieurs espèces déterminantes comme la Zygène de la Vésubie (Zygaena brizae vesubiana), espèce protégée en France, rare et localisée, qui fréquente les pelouses à cirses et dont la sous espèce vesubiana est endémique franco italienne des Alpes du Sud, le Semi-Apollon (Parnassius mnemosyne), espèce protégée au niveau européen, d'affinité montagnarde et liée à la présence de corydales, qui fréquente les pelouses et les lisières forestières, surtout entre 1 000 et 2 000 m d’altitude, l’Alexanor (Papilio alexanor), espèce protégée au niveau européen, rare et dont l’aire de répartition est morcelée, inféodée aux éboulis et pentes rocailleuses jusqu’à 1 700 m d’altitude où croît sa plante hôte locale Ptychotis saxifraga, la Vanesse des pariétaires (Polygonia egea), espèce déterminante de papillon de jour en forte régression, ne subsistant en France plus que dans les Alpes Maritimes à l’est du fleuve Var, le Nacré des Balkans (Boloria graeca tendensis), espèce déterminante à distribution fractionnée, des Balkans et des Alpes occidentales, dont la sous espèce tendensis est endémique franco italienne des Alpes du Sud, dans les pelouses subalpines rases et sèches à Violette éperonnée (Viola calcarata), et plusieurs espèces remarquables comme l’Apollon (Parnassius apollo), espèce d'affinité montagnarde, protégée au niveau européen, peuplant les rocailles, pelouses et éboulis à Crassulacées et Saxifragacées entre 500 et 2 500 m d’altitude, l’Azuré du Serpolet (Phengaris arion), espèce remarquable et protégée au niveau européen, inféodée aux bois clairs et ensoleillés, pelouses et friches sèches avec présence de ses plantes hôtes, des serpolets et de sa principale fourmi hôte, Myrmica sabuleti, jusqu’à 2 400 m d’altitude.
Plusieurs mollusques patrimoniaux sont inventoriés sur le site : l'Helicon de la Vésubie (Corneola crombezi), espèce endémique et déterminante, présente uniquement dans les vallées de la Vésubie et de la Roya et dans les grès d'Annot, dans les éboulis, vieux murs et autres anfractuosités en substrat acide, l'Escargotin montagnard (Gittenbergia sororcula), espèce remarquable à l'aire de répartition dispersée et rare en région PACA, qui fréquente les milieux montagnards au sein des forêts sèches dans les rochers calcaires, le Maillot sud-alpin (Pagodulina austeniana), escargot remarquable localisé, principalement présent à l'est de la région, dans les Alpes-Maritimes et au sud-est des Alpes-de-Haute-Provence, d'écologie calcicole, il vit dans les forêts humides entre les rochers ou dans les vieux murs et la Fausse-veloutée de la Riviera (Urticicola moutonii), espèce endémique et déterminante, distribuée entre les Préalpes d'Azur jusqu'à la Riviera où elle fréquente les milieux frais et humides.
ZNIEFF qui englobe les cours d'eau et leurs dépendances (ripisylves, mégaphorbiaies …)