Description de la zone
Dans sa partie méridionale, la croupe massive des monts de Vaucluse est entaillée par un ensemble de combes (Grande Combe, Sénancole, Véroncle, Vaumale, Lioux, Javon, Sigalière, Marignon et Baladières), tantôt sauvages et austères, tantôt marquées par l’histoire, ce qui confère à l’ensemble une grande qualité paysagère. Quelques unes d’entre elles portent les traces d’une activité humaine séculaire. Tel est le cas du vallon de la Sénancole qui abrite la célèbre abbaye cistercienne de Sénanque (XIIe siècle), exemple parfait de l’intégration d’un monument historique classé dans son milieu naturel. Tel est le cas encore de la combe de Véroncle, surtout connue pour son patrimoine industriel. Ici, au fil du ruisseau, se succèdent moulin à eau, canaux, barrages, conduites forcées aujourd’hui en ruines, mais qui restent le témoin d’une intense activité humaine dès le XVIe siècle.
Ces combes, entaillées dans un calcaire compact de type urgonien qui date du Crétacé sont essentiellement rupestres avec des gorges profondes et étroites, des grottes perchées, des parois rocheuses au pied desquelles se sont installés de grands couloirs d’éboulis, des marmites de géant.
Au sud du bassin de Murs, la nature du substrat (calcaires et marnes de l’Oligocène, calcaires bioclastiques) apporte un élément de diversification avec des reliefs aux formes moins marquées qui autorisent l’existence de deux milieux ouverts. Le premier est localisé au sud ouest du village de Murs et comprend les environs de la ferme de la Jaumière, le ravin de Sumian ainsi que les crêtes des Plaines (entre les Chalottes et le village de Murs). Le second site qui s’étend de Boissière jusqu’au ruisseau temporaire de la Cauquière en passant par le Fossé de la Rourette développe un relief de petits vallons.
À l’est de cet ensemble, une exceptionnelle paroi rocheuse marque le paysage. Elle s’étend sur près de 4 km de long, au sud est du village de Lioux, entre l’ancien Moulin et le hameau de Font Jouvale. Elle comprend le remarquable miroir de faille de Lioux (100 m d’aplomb par endroit), qui résulte d’un effondrement lié au soulèvement ibéro provençal il y a 40 millions d’années. Il se prolonge vers le sud par un plateau peu pentu qui présente un modelé karstique à lapiaz.
Alors que la partie occidentale de cette zone et son piémont sont soumis aux influences du climat méditerranéen (avec sécheresse extrême, aridité prononcée et vents violents), sa partie orientale (en particulier à partir de 500 m) présente un climat plus frais et humide avec des températures plus basses.L’essentiel de l’espace est ici occupé par l’étage mésoméditerranéen avec taillis de chêne vert, pinèdes de pin d’Alep, garrigues et formations édaphiques saxicoles. Cet ensemble est aussi remarquable car les thalwegs des combes offrent souvent des linéaires humides, parfois alimentés en eau une bonne partie de l’année. Ils sont le siège d’activités biologiques rares sous climat méditerranéen qui aboutissent à un phénomène d’inversion d’étage de végétation dans la partie aval de certaines combes.
En altitude et dans la partie orientale de la zone, c’est l’étage supraméditerranéen qui apparaît et qui est particulièrement bien développé dans les combes de Lioux, de Javon, de Sigalière, de Marignon et de Baladières. Les boisements y sont très diversifiés, à base de chêne pubescent, d’érables, de sorbiers, etc. Dans la partie amont des fonds de vallons, ils peuvent prendre des allures de futaies, apportant, par des structures forestières plus proches de la forêt climacique, une diversification favorable à des activités biologiques originales. Ces sites encaissés sont de véritables enclaves montagnardes et septentrionales au sein d’un massif où les influences méditerranéennes se font partout sentir.
Flore et habitats naturelsCet ensemble offre une mosaïque de milieux à l’origine d’une très grande biodiversité des habitats et des espèces, car, à côté des formations forestières climaciques, on y observe des formations édaphiques très importantes ici en raison de la configuration de la zone.
Les formations saxicoles sont particulièrement bien développées avec la formation à Asplenium fontanum (doradille des fontaines) qui s’inscrit dans pratiquement toutes les combes à côté de la formation, plus rare (les Busans) à Potentilla caulescens (potentille caulescente). Même si sa présence est plus localisée que dans la partie septentrionale du massif des monts de Vaucluse, la formation endémique française à Hieracium stelligerum (épervière étoilée) existe encore à Vaumale. Le lapiaz très prononcé situé en contre haut du miroir de faille de Lioux héberge un superbe matorral à genévrier de Phénicie.
C’est encore dans un cadre rupestre exceptionnel, celui du vallon supérieur de la Sénancole, que se localise le site des Busans. On est ici en présence d’un ensemble de dalles calcaires à faciès urgonien qui ont été profondément corrodées par des bactéries calciphages (Microcodium). Cette biocorrosion a rendu le calcaire très tendre et friable. C’est dans ce contexte si particulier et unique dans le Vaucluse que s’est installée la formation méditerranéo montagnarde à Genista pulchella subsp. villarsiana (genêt de Villars) enrichie d’une flore à affinité orophile avec Minuartia capillacea (sabline capillaire) et Paronychia kapella subsp. serpyllifolia (paronyque imbriquée, de Provence) en particulier. À proximité, des pelouses à Ophrys saratoi (ophrys de la Drôme) complètent cet ensemble (on les retrouve également en contre haut de Véroncle, site qui héberge également Bupleurum ranunculoides subsp. telonense (buplèvre de Toulon). C’est encore dans le vallon de la Sénancole, mais plus à l’aval et près de l’abbaye de Sénanque qu’existent toujours la très rare Phleum paniculatum (phléole en panicule) ainsi que Centaurea benedicta (chardon béni) qui n’a pas été récemment confirmée.Dans le fond des combes, parfois en situation abyssale, existe une ambiance de fraîcheur et d’humidité favorable à la présence d’une flore forestière mésophile avec Lathraea squamaria (clandestine écailleuse) à Font Jouvale et au vallon de Javon, Poa flaccidula (pâturin mou) dans les combes de la Sénancole et de Véroncle, et Aristolochia pallida (aristoloche pâle).
FauneL’intérêt faunistique des combes méridionales des monts de Vaucluse est élevé avec 30 espèces d’intérêt patrimonial, dont deux sont déterminantes.
Les mammifères sont notamment représentés par le Petit Rhinolophe, la Genette commune.
L’avifaune nicheuse locale comprend des espèces rupicoles, forestières et de milieux ouverts. Parmi les premières, citons notamment le Vautour percnoptère (dont un couple y niche ponctuellement), l’Aigle royal, le Grand-duc d’Europe et le Monticole bleu. Parmi les oiseaux nicheurs de milieux ouverts ou semi ouverts, souvent d’affinité méditerranéenne, méridionale ou steppique orientale, on note ici la nidification du Circaète Jean le blanc, du Petit duc scops, de la Huppe fasciée, des Pies grièches écorcheur et méridionale, de l’Alouette lulu, du Pipit rousseline et de la Huppe fasciée. Les oiseaux forestiers correspondent aux nicheurs suivants : Bondrée apivore, Autour des palombes, et Fauvette orphée.
A signaler également la présence de quatre espèces de reptiles remarquables, le Lézard ocellé (Timon lepidus), espèce des écosystèmes ouverts et semi-ouverts à affinité méditerranéenne, le Seps strié (Chalcides striatus), espèce à répartition Franco-Ibérique qui fréquente les garrigues, les pelouses et les friches de Provence, sous les pierres et autres gîtes favorables, la Couleuvre de Montpellier (Malpolon monspessulanus), espèce du sud de la France, de la péninsule Ibérique et du Maghreb qui affectionne les garrigues ouvertes et les milieux karstiques bien exposés et la Couleuvre à échelons (Zamenis scalaris), espèce à distribution franco-ibérique, typique du cortège provençal et affectionnant les milieux secs et broussailleux.
Chez les arthropodes patrimoniaux, notons trois lépidoptères diurnes, le Sablé de la luzerne (Polyommatus dolus), espèce déterminante de rhopalocères ("papillons de jour"), dont la sous espèce dolus est endémique de Provence et peuple les chênaies claires, lisières et pelouses où croissent ses plantes hôtes des sainfoins (Onobrychis ssp), l’Azuré du Serpolet (Maculinea arion), espèce remarquable de rhopalocères, protégée au niveau européen, inféodée aux bois clairs et ensoleillés, pelouses et friches sèches avec présence de ses plantes hôtes, des serpolets et de sa principale fourmi hôte, Myrmica sabuleti, la Zygène cendrée (Zygaena rhadamanthus),espèce remarquable d’hétérocères d’affinité ouest méditerranéenne, protégée en France, liée aux friches, garrigues et boisements clairs où croît la principale plante nourricière de sa chenille, la Badasse (Dorycnium pentaphyllum). Les orthoptères sont représentés par l'Arcyptère provençale (Arcyptera kheili), espèce remarquable de criquet à mobilité réduite et endémique de Provence, qui peuple les pelouses sur les plateaux calcaires et garrigues ouvertes et le Criquet des Ajoncs (Chorthippus binotatus binotatus), espèce remarquable rare et localisée, qui peuple les garrigues et friches sèches couvertes de genêts ou d'ajoncs dont elle se nourrit.
Enfin, signalons la présence de, la Scolopendre ceinturée (Scolopendra cingulata), imposant chilopode (« mille pattes ») limité en France à la bordure méditerranéenne et le Scorpion languedocien (Buthus occitanus), espèce remarquable xéro thermophile d’affinité ouest méditerranéenne, peu commune et affectionnant les sols meubles voire sablonneux.
Répartition et agencement des habitats : les combes rupestres ainsi que quelques milieux ouverts occupent la totalité de cette zone, permettant ainsi de définir les contours de cette ZNIEFF.
Cette démarche se justifie par le fonctionnement et les relations qui existent entre ces différents écosystèmes (complémentarité entre les milieux ouverts, terrain de chasse privilégié pour l’avifaune nichant dans les milieux plus fermés ou les sites rupestres).
La climatologie ainsi que les contraintes du milieu physique et plus particulièrement l’analyse géomorphologique du massif confortent la définition du pourtour de la zone. C’est ainsi que n’ont pas été retenus les agrosystèmes et les vastes zones situées entre les combes, occupées pour l’essentiel par des taillis de chêne vert ou de chêne pubescent et d’un intérêt moindre au niveau de la biodiversité.
Le piémont trop artificialisé a également été exclu de la zone.