ZNIEFF 930020395
VALLON DU COL AGNEL - ADRET DU GRAND QUEYRAS ET UBAC DU PIC DE CARAMANTRAN

(n° régional : 05108136)

Commentaires généraux

Description de la zone 

Localisé dans la partie est du département des Hautes-Alpes et au sud-est du Parc Naturel Régional du Queyras, le site correspond au vallon du col Agnel et à ses versants proches.

Il se situe dans la partie orientale schisteuse (schistes lustrés de la zone piémontaise) du massif en limite frontalière avec l'Italie que l'on atteint par le célèbre col Agnel.

Localisé dans la zone biogéographique intra alpine du Briançonnais Queyras, il est soumis à un climat montagnard de type continental sec, teinté d'influences adriatiques plus humides en provenance de la plaine du Pô.

Débutant à environ 2 070 m d'altitude, le site qui culmine à 3 150 m près du Pain de Sucre, est inclus essentiellement dans les étages de végétation alpin et nival.

Entouré de crêtes ébouleuses et de barres rocheuses, il est caractérisé par de grandes étendues herbeuses de pâturages et pelouses alpines et par quelques forêts de mélèzes et des étendues de landes extrasylvatiques sur les ubacs.

Habitats naturels

Sur les quatre habitats déterminants que compte le site, trois sont des milieux humides : les bas marais cryophiles d’altitude des bords de sources et suintements à Laîche des frimas (Carex frigida) [assoc. phyto. Caricetum frigidae (D4.18)] associés en mosaïque avec les bas marais alcalins à Laîche de Davall (Carex davalliana) [all. phyto. Caricion davallianae (D4.13)] et les ceintures péri-lacustres des lacs froids et mares d’altitude à Linaigrette de Scheuchzer (Eriophorum scheuchzeri) [assoc. phyto. Eriophoretum scheuchzeri (D2.211)]. L’autre habitat est forestier, ce sont les mélézins cembraies ou forêts de Mélèze (Larix decidua) et de Pin cembro (Pinus cembra) (G3.23).

Cinq autres habitats remarquables sont également présents : les bas marais acides [all. phyto. Caricion fuscae (D2.2)], les éboulis siliceux alpins [all. phyto. Androsacion alpinae et Dryopteridion abbreviatae (H2.3111)], les formations végétales des rochers et falaises calcaires [all. phyto. Potentillion caulescentis et Violo biflorae Cystopteridion fragilis (H3.251)], les landes épineuses oro méditerranéennes à Astragale toujours verte (Astragalus sempervirens) [all. phyto. Ononidion cenisiae (F7.4E)], les saulaies arctico alpines des bas marais et bords de ruisseaux à Saule arbrisseau (Salix foetida) [all. phyto. Salicion lapponi glaucosericeae (F2.3211)] et des saulaies arctico alpines des pentes rocheuses froides et humides à Saule soyeux (Salix glaucosericea) [all. phyto. Salicion helveticae (F2.3211)].

Flore

La flore du site est d’une grande valeur patrimoniale et recèle de nombreuses espèces végétales. Vingt-quatre espèces végétales déterminantes sont présentes, dont 11 sont protégées au niveau national : l'Androsace de Suisse (Androsace helvetica), le Pastel des Alpes (Isatis alpina), crucifère des éboulis à endémisme très restreint, localisée au pourtour du Mont-Viso, historiquement signalée et à rechercher, l'Ail dressé (Allium strictum), à retrouver également, la Primevère de Haller (Primula halleri), belle renonculacée à floraison printanière typique des pelouses et rocailles ventées, connue en France de deux localités dans le Queyras, l'Androsace pubescente (Androsace pubescens), l'Androsace de Vandelli (Androsace argentea), plante en coussins denses et aux feuilles argentées, affectionnant les rochers culminants sur silice, l'Astragale queue de renard des Alpes (Astragalus alopecurus), fabacée atteignant 1 m de hauteur, à floraison spectaculaire, affectionnant les pelouses et landes d’affinités steppiques, le Saule à feuilles de myrte (Salix breviserrata), le Saule de Suisse (Salix helvetica), la Laîche brun noirâtre (Carex atrofusca) et la Laîche bicolore (Carex bicolor), deux rares cypéracées des marécages arctico alpins froids d’altitude. Huit autres espèces sont protégées en Provence Alpes Côte d’Azur : la Saussurée discolore (Saussurea discolor), le Dactylorhize couleur de sang (Dactylorhiza incarnata subsp. cruenta), l'Orchis nain des Alpes (Chamorchis alpina), la Sabline de Clemente (Facchinia lanceolata), le Jonc arctique (Juncus arcticus), plante arctico alpine rare des marécages et bords de ruisselets, le Pâturin vert glauque (Poa glauca), le Trisète en épi à panicule ovale (Trisetum spicatum subsp. ovatipaniculatum) et le Saxifrage à deux fleurs (Saxifraga biflora). Les autres espèces déterminantes du site sont : la Laîche très noire (Carex atrata var. aterrima), le Sainfoin de Briançon (Hedysarum brigantiacum), légumineuse récemment décrite, le Scirpe de Hudson (Trichophorum alpinum), rare cypéracée des bas marais arctico alpins, le Pied d'alouette douteux (Delphinium dubium), spectaculaire renonculacée des mégaphorbiaies subalpines, des aulnaies vertes et des prairies fraîches, et le Saxifrage à tige dressée (Saxifraga adscendens).

Le site abrite également 6 espèces remarquables, dont deux sont protégées au niveau national : la Primevère marginée (Primula marginata), spectaculaire plante des parois calcaires, et le Scirpe alpin (Trichophorum pumilum), rare cypéracée circumboréale des bas marais froids d’altitude. Le Genépi noir (Artemisia genipi), la Gentiane de Schleicher (Gentiana schleicheri), le Pissenlit à ligules en capuchon (Taraxacum cucullatum), et l'Anémone de Haller (Anemone halleri), belle renonculacée à floraison printanière typique des pelouses et rocailles ventées, sont les autres espèces remarquables de ce site.

Faune

Trente-six espèces animales patrimoniales, dont cinq sont déterminantes, ont été recensées sur ce site.

Les mammifères sont représentés par le Bouquetin des Alpes (Capra ibex), ongulé déterminant de nette affinité montagnarde et d’intérêt communautaire et le Lièvre variable (Lepus timidus), espèce remarquable en régression, relicte de l’époque glaciaire, fréquentant des milieux assez variés (alpages, éboulis, landes, forêts, pelouses, champs, cultures, friches) entre 1 200 et 3 100 m d’altitude.

Sept espèces d’oiseaux remarquables ont également été recensées, il s’agit de l'Aigle royal (Aquila chrysaetos), espèce holarctique assez rare en PACA et présente du littoral à la haute montagne (concentrée sur les trois départements alpins) dans les milieux ouverts à sites rupestres, de la Perdrix bartavelle (Alectoris graeca), espèce méridionale de montagne recherchant les versants montagneux ouverts et ensoleillés avec des barres rocheuses entre 1 100 et 2 900 m, du Lagopède alpin (Lagopus muta), espèce menacée et en régression, d’origine arctique, relique de l’époque glaciaire dans les Alpes, où elle occupe les reliefs de croupes et de crêtes, fréquemment enneigées et balayées par le vent, du Crave à bec rouge (Pyrrhocorax pyrrhocorax), nicheur peu fréquent, inféodé aux alpages où il vient s’alimenter situés à proximité de falaises où il niche, du Bruant fou (Emberiza cia) qui affectionne les pelouses et les landes avec rocailles bien ensoleillées, les éboulis avec des buissons et des arbres clairsemés, les landes ouvertes, etc. et menacé par la fermeture des milieux, du Monticole de roche (Monticola saxatilis) qui affectionne les éboulis et les affleurements rocheux bien exposés des étages montagnard et subalpin, entre 1 200 et 2 500 m d'altitude, de la Niverolle alpine (Montifringilla nivalis), espèce paléo-montagnarde caractéristique des pelouses avec escarpements rocheux des étages alpin et subnival des massifs montagneux les plus élevés. 

Les reptiles sont représentés par le Lézard vivipare (Zootoca vivipara), espèce remarquable, typiquement nord eurasiatique, relicte glaciaire, en limite sud de son aire de répartition dans les Alpes, liée aux pelouses, prairies et landes humides, tourbières, bords de ruisseaux.

Du côté des insectes citons trois espèces de lépidoptères déterminants : l’Hespérie rhétique (Pyrgus warrenensis), espèce très rare et localisée, endémique des Alpes, occupant certaines pelouses subalpines et alpines, le Moiré piémontais (Erebia aethiopellus), espèce endémique franco-italien cantonné aux Alpes occidentales, inféodé aux pelouses alpines sèches à Fétuque paniculée (Festuca paniculata), et le Solitaire (Colias palaeno europomene), espèce protégée en France, dont cette sous-espèce est localisée et endémique des Alpes internes, inféodée aux landes à Ericacées et biotopes marécageux où croissent ses plantes hôtes, des airelles (Vaccinium sp.). Elles sont accompagnées par de nombreuse autres espèces remarquables : l’Hespérie du pas d’âne (Pyrgus cacaliae), Hespéridés dont la répartition est limitée aux Alpes avec deux isolats en Bulgarie et Roumanie, liée à des potentilles dans les pelouses subalpines, surtout en bordure de zones humides, l’Azuré du Serpolet (Phengaris arion), espèce protégée au niveau européen, inféodée aux bois clairs et ensoleillés, pelouses et friches sèches avec présence de ses plantes hôtes, des serpolets et de sa principale fourmi hôte, Myrmica sabuleti, jusqu’à 2 400 m d’altitude, l’Apollon (Parnassius apollo), espèce d'affinité montagnarde, protégée au niveau européen, peuplant les rocailles, pelouses et éboulis à Crassulacées et Saxifragacées entre 500 et 2 500 m d’altitude, le Petit Apollon (Parnassius corybas sacerdos), espèce protégée en France, des bords des torrents et autres zones humides des étages subalpin et alpin, dont la chenille est inféodée au Saxifrage faux aizoon (Saxifraga aizoides), la Piéride de la roquette (Euchloe simplonia), espèce à aire disjointe des Alpes occidentales, Pyrénées et monts Cantabriques, inféodée aux pelouses subalpines où croissent ses plantes hôtes des Brassicacées, l'Hespérie des frimas (Pyrgus andromedae), espèce boréo-alpine de la famille des Hespéridés, localisée et peu abondante dans les Alpes fréquentant les prairies et pelouses d'altitude, entre 1 000 et 3 000 mètres d'altitude, l'Azuré de la canneberge (Agriades optilete), espèce holarctique localisée en France dans les Alpes internes et du nord, dans les landes et tourbières à airelles (Vacciinum ssp.), l’Azuré de la croisette (Phengaris alcon), espèce protégée en France, liée aux pelouses et prairies des étages montagnards et subalpins où croît sa plante hôte (Gentiane croisette Gentiana cruciata) et vit sa fourmi hôte (surtout Myrmica schencki), le Céphalion (Coenonympha macromma), sous-espèce de la sous-famille des Satyrinés, endémique du centre et de l’ouest des Alpes, à aire de répartition disjointe, inféodée aux pelouses et fourrés de l’étage subalpin, le Moiré des pâturins (Erebia melampus), espèce endémique du massif alpin, rare et localisée au niveau régional, ou encore des hétérocères comme Elophos caelibaria et la Sciadie menaçante (Sciadia tenebraria), Geometridae présent dans les Pyrénées et les Alpes et qui fréquente les éboulis entre 2 500 et 3 200 m d'altitude.

Une espèce déterminante et rare de punaise (hémiptères hétéroptères), le pentatome Carpocoris melanocerus, est notifiée sur la zone. On notera aussi la présence d’un coléoptère d’intérêt Agolius abdominalis, espèce remarquable de Scarabaeidae. 

Chez les orthoptères, plusieurs espèces remarquables sont inventoriées : le Gomphocère des moraines (Aeropedellus variegatus), espèce à répartition arctico-alpine et euro-sibérienne, très thermophobe, localisée en France aux Alpes internes (Savoie et Alpes du sud), où ses populations ne se rencontrent que dans quelques stations relictuelles et isolées de pelouses, cariçaies et éboulis de l’étage subnival, généralement au-dessus de 2 300 m d’altitude, la Miramelle piémontaise (Epipodisma pedemontana), espèce des prés landes des étages alpin et subalpin, entre 1 800 et 2 900 m d’altitude, endémique des Alpes franco italiennes, la Miramelle des frimas (Melanoplus frigidus frigidus), criquet remarquable d'affinité boréo-alpine qui s'observe surtout au-dessus de 2 000 m et jusqu'à la limite des névés, le Sténobothre cottien (Stenobothrus cotticus), criquet endémique de l'arc alpin, inféodé aux éboulis, rochers à végétation maigre et pelouses écorchées entre 2 000 et 2 800 m d’altitude, et le Criquet ensanglanté (Stethophyma grossum), d'affinité eurosibérienne, en forte régression en dehors des Alpes, strictement liée aux prairies très humides et surfaces marécageuses.

Plusieurs mollusques remarquables sont observés dans le secteur : le Maillot montagnard (Granaria stabilei), un escargot fusiforme à la distribution limitée aux massifs montagneux du sud-est de la France où il fréquente les milieux secs et ensoleillés des crêtes rocheuses et éboulis de montagnes ou il peut atteindre jusqu'à 2 700 m d'altitude, la Luisantine brune (Nesovitrea petronella), de la famille des Gastrodontidae, une espèce nordique en limite d'aire de répartition dans l'est de la France, dans les massifs du Jura et des Alpes, l'Hélicon des glaciers (Delphinatia glacialis), Helicidae dont l'aire est limitée aux alpes du sud-ouest (des Hautes-Alpes à la Haute-Savoie), qui fréquente les éboulis calcaires d'altitude jusqu'à 2 500 m d'altitude et le Maillot des Alpes (Pupilla alpicola), distribué dans les Alpes, les Carpates et l’Altaï, relique glaciaire et vivant dans les zones humides calcaires d'altitude.


Fonctionnalité lien avec ZNIEFF

Cette ZNIEFF de type 1 est incluse dans la ZNIEFF de type 2 « 930012757 - Vallées et Parc Naturel Régional du Queyras - val d'Escreins ».

Les seules connexions avec les vallons voisins français et italiens que connaît le site sont limitées essentiellement à l'entrée de ce vallon et aux cols Vieux et Agnel, ce qui a favorisé le développement d'endémisme floristique et le maintien d'un certain nombre de taxons rarissimes.

La fréquentation touristique, très importante du fait de la présence de hauts cols accessibles à pied et en voiture (le col Agnel est l’un des plus hauts cols de France qui peut être franchis en automobile), de paysages grandioses, peut entraîner des conséquences directes sur la flore et ses habitats (création de drailles, cueillette, piétinement du sol et des plantes, pollution visuelle et sonore liée aux nombreux passages et aux détritus abandonnés sur place).

A cela s'ajoute l'attrait du Genépi noir (Artemisia genipi) et du Genépi des glaciers (Artemisia glacialis) sur les éboulis de calcschistes à des fins de récoltes commerciales. Cela peut aboutir ponctuellement à des arrachages excessifs de ces plantes et à une érosion accélérée du sol par les déplacements répétitifs des cueilleurs.

Commentaires sur la délimitation

Le site est délimité par sa topographie très marquée de crêtes aux altitudes élevées, qui constituent le vallon du Col Agnel. Celui-ci englobe de nombreux milieux et populations d’espèces à forte valeur patrimoniale.