ZNIEFF 930020414
FORÊT DOMANIALE DE GAP-CHAUDUN - BOIS DU CHAPITRE

(n° régional : 05123176)

Commentaires généraux

Description

Etabli dans la partie centre ouest du département des Hautes Alpes, au nord ouest de la ville de Gap, ce site est situé dans le bassin de Gap Chaudun et comprend le versant d’ubac du Pic Melette (2062m).
Le substrat géologique est composé par une couverture sédimentaire de terrains tertiaires et secondaires. On trouve ainsi les niveaux de marnes jaunissantes, les bancs marno calcaires et les calcaires lithographiques beiges du Néocomien, surmontant les niveaux calcaires et marneux du Tithonique et du Dogger. L’ensemble est en partie recouvert par des éboulis stabilisés ou encore mobiles, par des cônes de déjection et en fond de vallée par des alluvions torrentielles.
Le site est soumis aux influences climatiques océaniques, continentales et méditerranéennes.
Réparti entre 1196m et 2161m d’altitude, il site est essentiellement compris aux étages de végétation montagnard supérieur et subalpin.
Le site est entièrement inscrit en forêt domaniale, statut crée par achat des terrains par l’Etat, au travers de son service de Restauration des Terrains en Montagne (RTM), à la fin du 19ème siècle. Les reboisements qui ont suivi ont permis d’enrayer les phénomènes d’érosion dramatique que subissaient les parties dénudées de ces versants. Le bois du Chapitre est une forêt d’un grand intérêt scientifique, car considérée comme subnaturelle : les dernières mesures de gestion forestière remontent à plus de 50 ans. Le village abandonné de Chaudun représente pour sa part une attraction touristique et un objectif de promenade pour les habitants de Gap.
La végétation est variée et comprend de grands versants boisés associant des hêtraies (Fagus sylvatica) et hêtraies sapinières, de mélézins et pinèdes de Pin à crochets (Pinus uncinata) et de Pin sylvestre (Pinus sylvestris). Cet ensemble est entrecoupé des grands éboulis calcaires et d’affleurements rocheux. Les crêtes sommitales et certaines parties de versants présentent de vastes ensembles de pelouses calcicoles et de prairies.

Milieux remarquables

Le site recèle de très beaux ensembles forestiers dont le Bois du Chapitre, qui a conservé un très fort degré de naturalité sur certains secteurs, et forme une très belle et riche hêtraie sapinière. Les divers massifs forestiers du site comprennent deux habitats classés déterminants : les hêtraies et hêtraies sapinières neutrophiles des Alpes du Sud à Trochischantès à fleurs nues (Trochischantes nodiflorus) [all. phyto. Fagion sylvaticae – Asso. phyto. Trochiscantho fagetum (41.17)] et les boisements de ravins ombragés et frais sur éboulis, à Erable sycomore (Acer pseudoplatanus) et Lunaire vivace (Lunaria rediviva) [all. phyto. Tilio platyphylli Acerion pseudoplatani (41.4)], exceptionnelles pour la région et en limite méridionale de répartition dans le département des Hautes Alpes.
D’autres habitats forestiers remarquables sont présents en particulier, des hêtraies méso xérophiles sur calcaire [all. phyto. Cephalanthero rubrae Fagion sylvaticae (41.16)] qui apparaissent en conditions stationnelles plus sèches, des hêtraies calcicoles méridionales à Andosace de Chaix (Androsace chaixii) (41.1752), des mélèzins ou forêts de Mélèze (Larix decidua) (42.3), issus d’opérations de reboisements anciens, accompagnées par des peuplements de Pin à crochets (Pinus uncinata) sur calcaire (42.4), habitat dont la conservation prioritaire dans le cadre de la Directive Habitats.
Parmi les milieux herbacés ouverts remarquables du site se remarquent des prairies sèches méso xérophiles à Brome dressé (Bromus erectus) [all. phyto. Mesobromion erecti (34.3265)], des pelouses calcicoles alpines et subalpines à Séslérie bleutée (Sesleria caerulea) et Laîche toujours verte (Carex sempervirens) [all. phyto. Seslerion caeruleae (36.43)] installées sur sols superficiels ;
Celui ci recèle également des formations végétales de milieux rocheux à forte valeur patrimoniale comme les éboulis thermophiles à Calamagrostis argenté (Achnatherum calamagrostis) [all. phyto. Stipion calamagrostis (61.3)], les éboulis calcaires alpins à éléments moyens à Tabouret à feuilles rondes (Noccaea rotundifolia) [all. phyto. Thlaspion rotundifolii (61.2)] et les formations végétales des rochers et falaises calcaires [all. phyto. Potentillion caulescentis et Violo biflorae Cystopteridion fragilis (62.15)]. Mentionnons également l’existence de formations végétales de sources (54.1), groupements végétaux ponctuels à forte valeur patrimoniale.
Enfin, le torrent du Petit Buëch présente par endroit des bancs de graviers des cours d’eau colonisés par une végétation pionnière des alluvions torrentielles [all. phyto. Epilobion fleischeri (24.221)].

Flore

Le site comprend seize espèces végétales déterminantes, dont trois sont protégées au niveau national : le Panicaut blanc des Alpes (Eryngium spinalba), ombellifère épineuse des éboulis thermophiles et des pelouses sèches, endémique des Alpes sud occidentales, l'Epipogon sans feuilles (Epipogium aphyllum), rare orchidée forestière des boisements montagnards denses et ombragés, composée à fleurs jaunes des lisières et broussailles sèches, et l'Aspérule de Turin (Asperula taurina), caractéristique des hêtraies méridionales. Trois autres espèces végétales déterminantes sont protégées en Provence Alpes Côte d’Azur : la Lunaire vivace (Lunaria rediviva), crucifère généralement inféodée aux boisements frais de ravins des étages collinéen supérieur et montagnard, particulièrement rare en région Provence-Alpes-Côte d’Azur, la Laitue à feuilles de chêne (Lactuca quercina), rarissime laitue sauvage inféodée aux lisières forestières, dont les observations récentes en France ne concernent que les deux localités des Hautes Alpes, et la Vesce des Pyrénées (Vicia pyrenaica). Les autres espèces végétales déterminantes du site sont : le Buplèvre à feuilles allongées (Bupleurum longifolium), grand buplèvre liée aux mégaphorbiaies et érablaies de ravin, très rare dans les Alpes du Sud où il se localise dans le Briançonnais et le Dévoluy, le Chardon bardane (Carduus personata), la Campanule à larges feuilles (Campanula latifolia), belle campanule à grosses fleurs, essentiellement cantonnée dans les Alpes du Sud au massif du Dévoluy où elle occupe des érablaies de ravin, le Gaillet des rochers (Galium saxosum), l'Asarum d'Europe (Asarum europaeum), qui serait à retrouver, l'Avoine des Abruzzes (Helictochloa versicolor subsp. praetutiana), graminée franco italienne des pelouses calcaires d’altitude, distribuée dans les montagnes du sud de l’Italie et dans les Alpes du Sud, récemment découverte en France, la Renoncule laineuse (Ranunculus lanuginosus), la Potentille inclinée (Potentilla inclinata), le Cotonéaster de Rabou (Cotoneaster raboutensis), petit arbustive endémique local, localisé à quelques stations du pourtour de Gap, et le Cotonéaster intermédiaire (Cotoneaster x intermedius).
Il abrite également cinq espèces végétales remarquables dont trois sont protégées au niveau national : la Bérardie laineuse (Berardia subacaulis), composée archaïque endémique des Alpes sud occidentales typique des éboulis calcaires à éléments fins, la Gagée jaune (Gagea lutea), petite liliacée aux fleurs jaunes affectionnant les boisement frais, et l'Ancolie des Alpes (Aquilegia alpina), belle renonculacée aux grandes fleurs d'un bleu vif. Le Sélin à feuilles de silaus (Katapsuxis silaifolia) et l'Anémone de Haller (Anemone halleri), fleurissant au printemps sur les pelouses et rocailles ventées, sont les autres espèces végétales remarquables du site.

Faune

Le site héberge quatorze espèces animales patrimoniales dont trois sont déterminantes.
Les mammifères sont représentés par quatre espèces de chauves souris : une espèce déterminante, la Sérotine bicolore (Vespertilio murinus), bien adaptée aux climats froids et trois espèces remarquables, la Noctule de Leisler (Nyctalus leisleri) et le Murin de Brandt (Myotis brandtii), deux espèces forestières et la Vesper de Savi (Hypsugo savii) qui affectionne les milieux rocheux. Le Cerf élaphe (Cervus elaphus) est également présent, grand ruminant remarquable, aujourd’hui plutôt forestier, en expansion géographique et numérique en France et dans la région, présent jusqu’à 2 500 m.
Concernant les oiseaux le site est fréquenté par l’Aigle royal (Aquila chrysaetos), la Chevêchette d'Europe (Glaucidium passerinum), espèce euro-sibérienne déterminante et rare de la taïga et des forêts claires de résineux dans les Alpes (mélézins, sapinières, pessières, cembraies), la Chouette de Tengmalm (Aegolius funereus), espèce boréo-alpine forestière et déterminante, des hêtraies, pessières, cembraies et mélézins, plutôt âgés, jusqu’à 2 300 m., le Monticole de roche (Monticola saxatilis), le Bruant fou (Emberiza cia), le Bruant ortolan (Emberiza hortulana), le Pic noir (Dryocopus martius).
Les insectes sont représentés par deux espèces remarquables : l’Apollon (Parnassius apollo), espèce d'affinité montagnarde, protégée au niveau européen, peuplant les rocailles, pelouses et éboulis à Crassulacées et Saxifragacées entre 500 et 2500 m d’altitude et la Rosalie des Alpes (Rosalia alpina), coléoptère longicorne (Cerambycidés), protégée à l'échelle européenne, inféodée au bois sénescent de vieux arbres feuillus, surtout des hêtres.

Fonctionnalité/Liens éventuels avec d’autres ZNIEFF

Cette ZNIEFF de type 1 est incluse dans la ZNIEFF de type 2 «05_123_100   Dévoluy méridional : massif de Bure   Gleize   vallée de Chaudun   Charance».
Un des principaux enjeux pour ce site consiste en la conservation des habitats d’espèces végétales liées aux hêtraies sapinières et aux pelouses sèches. De fait la gestion forestière se doit d’être très prudente. Le Bois du Chapitre est classé comme Réserve Biologique Domaniale dirigée (RBD) et ne fait à ce titre plus l’objet de mesures de gestion. De nombreux programmes de recherche scientifique sont en cours ou ont été engagés sur ce massif forestier.

Commentaires sur la délimitation

Le site associe un complexe d’habitats forestiers remarquables, de milieux d’éboulis, rochers et formations herbacées alpines et subalpines, avec leurs cortèges d’espèces spécifiques et à forte valeur patrimoniale. Ses limites s’appuient au mieux sur les éléments topographiques ou paysagers les plus marquants : crêtes principales, talwegs, fond de vallée, lisières forestières…