Description de la zone
Ce vaste ensemble qui s’étend entièrement sur le versant méridional du massif du mont Ventoux (entre 950 m et 1 600 m environ), des Grands Pins à l’ouest, au Collet de Laurence à l’est, comprend les parties hautes du vallon de l’Enrageade, des combes Fiole et Sourne, la Plaine des Armicans, le vallon des Pointes, Besouce, la combe Brune, le Caucadis, le Grand Montjoie, la Baraque d’Aurel, la Combe de la Font de Margot, les Eynes, la Fayet Puante, la Tune.
À l’est du col de la Frache, le substrat se compose de calcaires marneux alors qu’à l’ouest de ce col, ce sont des calcaires compacts à faciès urgonien du Barrémien qui prédominent. Ils sont encore recouverts, surtout dans les parties les plus hautes, par des éboulis détritiques et sont à l’origine de la mise en place d’un modelé karstique dont la marque la plus forte dans le paysage est la présence d’un réseau hydrographique fossile constitué d’une alternance de combes souvent rupestres, à sec toute l’année, même par temps d’orage car les eaux s’infiltrent en totalité dans des calcaires fissurés. Il est probable qu’il existe un réseau hydrographique souterrain, dont l’exutoire principal serait la Fontaine de Vaucluse. Entre ces combes, des croupes (chevrons) apportent une touche moins austère car les pentes y sont plus douces qu’en versant nord.
Cette zone est située dans les étages montagnard méditerranéen et montagnard (partie la plus orientale). Alors que le pin sylvestre occupe une position marginale à la base de l’étage montagnard méditerranéen (dans la partie occidentale et dans les sites les plus xérothermophiles), le hêtre en revanche, est très bien représenté jusqu'à la combe Margot. Il peut même descendre à des altitudes très basses, à la faveur de combes encaissées. Au delà, en allant vers Aurel, la hêtraie qui est davantage mésophile devient très sporadique, mais on la retrouve jusqu'à 1 100 m d’altitude. Malgré la présence de quelques reboisements, le dynamisme du hêtre est tel qu’on peut penser qu’à brève échéance, il aura reconquis les surfaces enrésinées et reprendra donc tout l’espace qu’il a occupé pendant des siècles.
Flore et habitats naturelsDans la partie occidentale de ce site, si la pinède à pin sylvestre se présente comme très pure, et ce malgré quelques reboisements, son indigénat reste toutefois à confirmer. Dans la zone de contact avec la formation à genévrier nain, on retrouve Aquilegia reuteri (ancolie de Bertoloni), Eryngium spinalba (panicaut épine blanche) ou encore Paronychia kapela subsp. serpyllifolia (paronyque imbriquée, de Provence). La hêtraie sèche de la partie occidentale est très appauvrie au plan spécifique en raison de sa localisation, avec une strate herbacée constituée en majorité des espèces de la chênaie pubescente à buis. En revanche, à l’est du col de la Frache, à la faveur de précipitations plus importantes, de températures plus basses et de l’atténuation de l’intensité du mistral, les espèces de la hêtraie sont plus nombreuses et le cortège floristique se rapproche de celui de la hêtraie mésophile du versant nord.
Ces formations forestières sont entrecoupées d’un ensemble de combes souvent rupestres avec parois rocheuses et couloirs d’éboulis (vallon des Pointes, combes de la Grave, Sourne, Fiole, des Trois Faux), ce qui permet à des formations édaphiques comme celle à Potentilla caulescens (potentille caulescente) de se maintenir, à des altitudes basses. On y observe encore Alyssum flexicaule (passerage à feuilles en coin) et Papaver aurantiacum (pavot des Alpes réthiques). De plus, la présence relictuelle de quelques milieux ouverts favorise l’existence de Bupleurum ranunculoides subsp. telonense (buplèvre de Toulon) à la combe Sourne et de Gagea pratensis (gagée des prés) aux Eymes.
FauneLe cortège faunique de la hêtraie sèche du Ventoux est relativement intéressant. Il comprend vingt-sept espèces animales d’intérêt patrimonial dont sept sont des espèces déterminantes.
Les mammifères chiroptères se reproduisant probablement sur le site comprennent deux espèces déterminantes, la Barbastelle d'Europe (Barbastella barbastellus), espèce forestière vulnérable et en régression, d’affinité médio-européenne, très résistante au froid, et le Murin de Bechstein (Myotis bechsteinii), liée aux forêts de feuillus âgées dotées d’un sous-bois dense avec des ruisseaux et des mares, considérée comme rare et menacée, ainsi que deux espèces remarquables : le Molosse de Cestoni (Tadarida teniotis), espèce de haut vol, aux mœurs rupestres pour ses gîtes, et le Vespère de Savi (Hypsugo savii), espèce rupicole et montagnarde d’affinité méridionale, qui exploite d’une part les milieux forestiers (surtout ceux riverains de l’eau) pour la chasse et d’autre part les milieux rocheux (falaises) pour les gîtes, jusqu’à 2 400 m d’altitude.
Parmi les autres mammifères fréquentant cette foret, mentionnons également le Cerf élaphe (Cervus elaphus), grand ruminant remarquable, aujourd’hui plutôt forestier, en expansion géographique et numérique en France et en région PACA, présent jusqu’à 2 500 m.
Le site est habité par plusieurs oiseaux nicheurs ou probablement nicheurs remarquables, comme l’Autour des palombes (Accipiter gentilis), espèce forestière peu commune et discrète, la Bondrée apivore (Pernis apivorus), rapace forestier d’affinité médioeuropéenne, recherchant les forêts claires de feuillus et les mosaïques de milieux boisés et de milieux ouverts, le Circaète Jean le blanc (Circaetus gallicus), rapace d’affinité méridionale, au régime alimentaire ophiophage, le Venturon montagnard (Carduelis citrinella), espèce paléo-montagnarde typique des boisements de conifères semi ouverts, le Bruant fou (Emberiza cia), qui affectionne les pelouses et les landes avec rocailles bien ensoleillées, les éboulis avec des buissons et des arbres clairsemés, les landes ouvertes, etc. et menacé par la fermeture des milieux, le Bruant ortolan (Emberiza hortulana), espèce de milieux à faible végétation en régression dans la région, le Pic noir (Dryocopus martius), oiseau des forêts de conifères assez âgées, entre 700 et 2 200 m d'altitude, d'où il dépend d'arbres de grande taille dans lesquels il peut creuser ses cavités de repos ou de nidification, l'Alouette lulu (Lullula arborea), espèce des paysages ouverts à semi-ouverts, et le Monticole de roche (Monticola saxatilis), qui affectionne les éboulis et les affleurements rocheux bien exposés des étages montagnard et subalpin, entre 1 200 et 2 500 m d'altitude.
Du côté des reptiles, la Couleuvre verte et jaune (Hierophis viridiflavus), espèce remarquable à répartition majoritairement Franco-Italienne qui privilégie les fourrés et les friches.
Les lépidoptères d’intérêt patrimonial de ce site comprennent plusieurs espèces, dont l’Alexanor (Papilio alexanor), espèce déterminante de lépidoptères, protégée au niveau européen, rare et dont l’aire de répartition est morcelée, inféodée aux éboulis et pentes rocailleuses jusqu’à 1700 m d’altitude où croît sa plante hôte locale Ptychotis saxifraga et six taxons remarquables : l’Apollon (Parnassius apollo), lépidoptère d'affinité montagnarde, protégé au niveau européen, peuplant les rocailles, pelouses et éboulis à Crassulacées et Saxifragacées entre 500 et 2 500 m d’altitude, l’Azuré du Serpolet (Phengaris arion), espèce remarquable et protégée au niveau européen, inféodée aux bois clairs et ensoleillés, pelouses et friches sèches avec présence de ses plantes hôtes, des serpolets et de sa principale fourmi hôte, Myrmica sabuleti, jusqu’à 2 400 m d’altitude, l’Hermite (Chazara briseis), espèce remarquable en forte régression, liée aux milieux très ouverts, secs et rocailleux où croissent ses plantes-hôtes, plusieurs graminées (fétuques et brachypodes), l'Échiquier de Russie (Melanargia russiae), lépidoptère d'affinité steppique, localisé et dont la sous-espèce cleanthe est endémique des montagnes du nord de l'Espagne et des Alpes du sud, la Zygène des bugranes (Zygaena hilaris), espèce d'hétérocère zygénidés, d'affinité ibéro-provençale, liée aux pelouses et friches sèches où croît sa plante hôte (la Bugrane jaune Ononis natrix), et la Zygène des gesses (Zygaena nevadensis), espèce peu commune de papillon diurne dont la sous-espèce gallica est endémique de Provence et des Préalpes occidentales françaises.
Mentionnons également la présence de deux orthoptères, le Sténobothre cliqueteur (Stenobothrus grammicus), espèce déterminante ibéro provençale, distribuée en populations dispersées, typique des milieux secs, arides et pierreux de l'étage montagnard méditerranéen, et le Grillon testacé (Eugryllodes pipiens), espèce remarquable ouest-méditerranéenne dont la sous-espèce provincialis est endémique du sud de la France, qui peuple les pentes rocailleuses et pelouses sèches sur les reliefs exposés.
Les coléoptères sont représentés par deux espèces saproxyliques notables et le Saphane de Truqui (Drymochares truquii), espèce déterminante rare et localisée, présente en France exclusivement en région Provence Alpes Côte d’Azur dans les Alpes du sud, qui se développe dans les branches mortes de petit diamètre de divers feuillus (noisetiers, hêtres, …).
Enfin, les hémiptères comprennent deux espèces déterminantes : la Punaise Aradus obtectus, espèce en limite d’aire d’Hémiptères Aradidés, vivant sous les écorces et dans les fentes des arbres, probablement mycétophile, et la réduve Coranus pericarti, espèce déterminante d’Hémiptères Réduviidés.
Répartition et agencement des habitats : les boisements de pin sylvestre supposé indigène et de hêtre des étages supra-méditerranéen et montagnard constituent l’essentiel de la zone, permettant ainsi de définir les contours de cette ZNIEFF. Cette zone englobe également toutes les parties asylvatiques des combes ainsi que les secteurs recolonisés au nord par le pin à crochet.
La climatologie ainsi que les contraintes du milieu physique confortent la définition du pourtour de la zone.
Les sites ne relevant pas des étages supra-méditerranéen et montagnard ont été exclus de la zone. De même la station de ski du chalet Reynard est hors zone.