ZNIEFF 930020502
GRAND CANYON DU VERDON

(n° régional : )

Commentaires généraux

Description

Localisé aux confins des départements des Alpes de Haute-Provence et du Var,  à l’ouest de la petite ville de Castellane, le site est établi sur les communes de Rougon, La Palud sur Verdon, Moustiers Sainte Marie et Aiguines. Ce site comprend les falaises des grandes gorges du Verdon ainsi que le cours du Verdon.

Le substrat géologique de ce site, à la géomorphologie complexe, est relativement homogène. En effet, il est essentiellement composé de terrains sédimentaires calcaires et marneux, d’age Tertiaire et Secondaire. L'ensemble de ces formations est partiellement recouvert d'éboulis actifs, liés à l'érosion des affleurements rocheux présents, d'éboulis anciens ou fixés et de cailloutis cryoclastiques. Les terrains marneux plus récents (oligo miocène) sont très facilement érodables. Les fameuses parois calcaires abruptes des gorges elles mêmes, sont constituées par les calcaires blancs du Portlandien Berriasien (Jurassique).

Du point de vue climatique, le site est soumis à un climat de moyenne montagne nettement marqué par les influences supra méditerranéennes à l’origine d’un ensoleillement important et d’une sécheresse estivale accusée.

Etendu entre 420 m et 1750 m d’altitude, ce vaste site de moyennes montagnes et de gorges calcaires est compris aux étages de végétation supra méditerranéen et montagnard.
La végétation du site est très diverse et constrastée. Elle est marquée par les formations rupestres et d’éboulis, qui en sont l’une des caractéristiques majeures. ainsi que par un complexe de pelouses, garrigues , fruticées à Buis (Buxus sempervirens) et landes à Genêts et Genévriers qui occupe de vastes surfaces, particulièrement sur les pentes bien exposées ou sur les hauteurs du site. Les milieux forestiers sont également bien représentés avec sur les ubacs ou situations confinées de fond de gorges d’importants boisements de Hêtre (Fagus sylvatica) ou de Tilleul (Tilia platyphyllos), et sur les pentes plus bien exposées de de , Chêne pubescent (Quercus humilis) et, plus ponctuellement de Chêne vert (Quercus ilex)l Pin sylvestre (Pinus sylvestris) et Pin noir (Pinus nigra) sont également bien présents.Ce site d’intérêt exceptionnel possède une grande richesse spécifique faunistique et floristique.

Milieux patrimoniaux

Le site compte cinq habitats déterminants : les formations végétales des rochers et falaises calcaires ensoleillées liguro apennines à Saxifrage à feuilles en languettes (Saxifraga callosa) et Raiponce de Villars (Phyteuma villarsii) [all. phyto. Saxifragion lingulatae (62.13)], les entrées de grottes et les balmes thermophiles à annuelles [asso. phyto. Anthrisco caucalidis Asperugetum procumbentis et Sedetum alsiniaefoliae) (65)], milieux très ponctuels constitués surtout par une végétation de petites plantes à cycle végétatif bref, dont de nombreuses espèces à forte valeur patrimoniale et en particulier des plantes xérothermophiles relictuelles, les sources pétrifiantes d’eau dure, qui engendrent des concrétions de tuf [all. phyto. Riccardio pinguis Eucladion verticillati et Adiantion capilli veneris (54.12)], les hêtraies et hêtraies sapinières neutrophiles méridionales des Alpes du sud à Trochiscanthe à fleurs nues (Trochiscanthes nodiflora) [all. phyto. Fagion sylvaticae – Asso. phyto. Trochiscantho fagetum (41.17)] et les boisements de feuillus mixtes des pentes et ravins ombragés et frais sur éboulis [all. phyto. Tilion platyphylli et Tilio platyphylli Acerion pseudoplatani (41.4)].

Deux autres habitats remarquables sont également présents avec les formations végétales des rochers et falaises calcaires [all. phyto. Potentillion caulescentis et Violo biflorae Cystopteridion fragilis (62.15)], et les hêtraies et hêtraies pinèdes sèches sur calcaire [all. phyto. Cephalanthero rubrae Fagion sylvaticae (41.16)].
Ce site compte également plusieurs autres habitats d’intérêt patrimonial marqué comprenant en particulier les pelouses pionnières calcicoles écorchées sur dalles rocheuses calcaires à Orpins (Sedum pl. sp.) et Joubarbes (Sempervivum pl. sp.) [all. phyto. Alysso alyssoidis Sedion albi (34.1)].

Flore

Le site possède une flore d’intérêt exceptionnel avec vingt-quatre espèces végétales déterminantes, dont six sont protégées au niveau national : la Doradille du Verdon (Asplenium jahandiezii), petite fougère endémique de la région du Verdon caractéristique des surplombs des parois calcaires humides et ombragées, le Scandix étoilé (Scandix stellata), rarissime ombellifère, protégée au niveau national et à aire de répartition circumméditerranéenne et irano touranienne très morcelée, la Raiponce de Villars (Phyteuma villarsii), campanulacée endémique des Préalpes du Verdon occupant les parois calcaires ombragées, la Sabline de Provence (Moehringia intermedia), caryophyllacée endémique de Haute Provence caractéristique des parois calcaires, la Pivoine officinale (Paeonia officinalis subsp. huthii ), plante spectaculaire des bois clairs, lisières et landes, et l'Euphorbe à feuilles de graminée (Euphorbia graminifolia).

Sept autres espèces végétales déterminantes sont protégées en région Provence Alpes Côte d’Azur : la Fougère scolopendre ou Langue de cerf (Asplenium scolopendrium), la Dauphinelle fendue (Delphinium fissum), rare renonculacée des rocailles et éboulis xériques, la Sabline cendrée (Arenaria cinerea), caryophyllacée endémique de Provence inféodée aux pelouses rocailleuses calcaires, l'Orpin à feuilles d'alsine (Sedum fragans), crassulacée inféodée aux balmes et grottes calcaires, le Cerfeuil noueux (Chaerophyllum nodosum), récemment découvert dans la région du Verdon, le Grand Ephédra (Ephedra major), et le Myosotis des grottes (Myosotis speluncicola), petite borraginacée liée aux encavements et entrées de grottes actuellement connues de trois localités en France, historiquement signalée et à rechercher sur le site.

Les onze autres espèces végétales déterminantes du site sont : le Dryoptéris submontagnard (Dryopteris submontana), fougère inféodée aux formations karstiques d'altitude, le Buplèvre de Toulon (Bupleurum ranunculoides subsp. telonense), le Gaillet grêle (Galium aparine subsp. tenerum), le Millet paradoxal (Piptatherum paradoxum), le Cotonéaster intermédiaire (Cotoneaster x intermedius), la Potentille inclinée (Potentilla inclinata), la Scrophulaire printanière (Scrophularia vernalis), la Julienne à feuilles laciniées (Hesperis laciniata), crucifère liée aux rochers, rocailles et landes xériques sur calcaire, l'Anthémis de Gérard (Anthemis cretica subsp. gerardiana), le Cynoglosse à pustules (Cynoglossum pustulatum) et l'Hyménolobe pauciflore (Hornungia procumbens var. pauciflorus), ces deux dernières étant historiquement signalées et à rechercher.

Par ailleurs, le site abrite cinq autres espèces végétales remarquables, dont une protégée au niveau national : la Petite massette (Typha minima), historiquement observée et à rechercher activement, et une protégée en Provence Alpes Côte d’Azur : la Violette de Jordan (Viola jordanii). Le Sélin à feuilles de silaus (Katapsuxis silaifolia), l'Odontitès de Provence (Odontites luteus subsp. provincialis) et la Passerine dioïque (Thymelaea dioica) sont les trois autres espèces remarquables de ce site.


Faune

Le Grand Canyon du Verdon présente un intérêt faunistique élevé avec 47 espèces animales patrimoniales dont 10 sont déterminantes.

Au niveau du peuplement avien nicheur, mentionnons des espèces telles que le Faucon pèlerin (Falco peregrinus), l’Aigle royal (Aquila chrysaetos), le Circaète Jean-le-Blanc (Circaetus gallicus), le Grand-duc d’Europe (Bubo bubo), le Cincle plongeur (Cinclus cinclus), le Crave à bec rouge (Pyrrhocorax pyrrhocorax), la Fauvette orphée (Sylvia hortensis), le Monticole bleu (Monticola solitarius), le Monticole de roche (Monticola saxatilis), qui nichent sur ce site. Le Vautour fauve (Gyps fulvus) et le Vautour moine (Aegypius monachus), récemment réintroduits, sont également présents.

Du côté des reptiles, trois espèces remarquables ont été inventoriées dans cette zone, le Seps strié (Chalcides striatus), espèce à répartition Franco-Ibérique qui fréquente les garrigues, les pelouses et les friches de Provence, sous les pierres et autres gîtes favorables, la Couleuvre verte et jaune (Hierophis viridiflavus), espèce à répartition majoritairement Franco-Italienne qui privilégie les fourrés et les friches et la Couleuvre de Montpellier (Malpolon monspessulanus), espèce du sud de la France, de la péninsule Ibérique et du Maghreb qui affectionne les garrigues ouvertes et les milieux karstiques bien exposés.
Le Verdon est encore fréquenté par le Toxostome (Chondrostoma toxostoma) et le Blageon (Leuciscus soufia), deux poissons remarquables d’affinité méridionale (le premier étant sensiblement plus localisé et plus rare), ainsi que par l’Apron (Zingel asper), espèce déterminante devenue très rare et menacée d’extinction en France, propre aux cours d’eau clairs, assez rapides, peu profonds.

Les peuplements d’insectes comportent un très grand intérêt.

Chez les lépidoptères, citons le Semi apollon (Parnassius mnemosyne), espèce montagnarde déterminante à la répartition fragmentée et localisée, qui occupe les clairières et lisières de bois où croissent les corydales, ses plantes hôtes et le Moiré de Provence (Erebia epistygne), espèce déterminante méditerranéeo montagnarde liée aux pelouses sèches à fétuque. Les espèces remarquables de papillons également signalées dans le périmètre sont l’Apollon (Parnassius apollo), espèce alpine remarquable, relicte de l’ère tertiaire, protégée au niveau européen, la Proserpine (Zerynthia rumina), espèce ouest méditerranéenne dont la chenille vit sur l’Aristoloche (Aristolochia pistolochia), l’Azuré du Serpolet (Maculinea arion), espèce protégée et en régression, l’Hermite (Chazara briseis), espèce en très forte régression qui colonise les milieux arides et très ouverts, l’Azuré des Orpins (Scolitantides orion), espèce méridionale à aire de distribution morcelée, emblématique des Gorges du Verdon puisque inféodée aux milieux rocheux peuplés d’orpins, plantes hôtes de sa chenille et l’Hespérie des cirses (Pyrgus cirsii), espèce remarquable d’Hespéridés en régression, inféodée aux milieux ouverts et secs.

Les cortèges de coléoptères sont particulièrement intéressants. Les espèces déterminantes sont représentée par 4 espèces, le taupin Athous vittatus, espèce des bois et taillis affectionnant les conifères, le Carabe de Solier (Carabus solieri), espèce protégée en France, endémique des Préalpes occidentales et de Ligurie, des pelouses subalpines et lisières forestières aux étages montagnards et subalpins, et plus localement à plus basse altitude dans des pinèdes humides dans les collines azuréennes, le Saphane brun (Saphanus piceus), Cerambycidae rare, localisé et en limite d’aire sud occidentale en région PACA, d’affinité montagnarde et lié aux aulnaies et aux forêts de conifères et le Pique-prune ou Osmoderme (Osmoderma eremita), espèce de la famille des cétoines (Cetoniidés), protégée au niveau européen, rare et en régression, inféodée aux vieux arbres dans lesquels sa larve se développe au sein des cavités volumineuses pleines d’humus. Les autres espèces remarquables de coléoptères connues sur le site sont le longicorne Anaglyptus gibbosus, espèce ouest-méditerranéenne inféodée aux arbres feuillus des boisements thermophiles, le longicorne Chlorophorus glaucus, espèce à répartition limitée à la méditerranée occidentale, recherchant le bois sec dans les forêts thermophiles, cantonnée en France principalement au littoral varois, le silphide Nicrophorus investigator, espèce nécrophage à distribution paléarctique mais localisée dans les zones de basse altitude, où elle a généralement subi une régression significative, ou encore Amadotrogus vicinus, Anthaxia thalassophila, Brachygonus bouyoni, Brachygonus ruficeps, Cerambyx welensii, Laemostenus alpinus, Megapenthes lugens, et Purpuricenus globulicollis.

Chez les orthoptères, citons le Dolichopode d’Azam (Dolichopoda azami), espèce remarquable de sauterelle cavernicole endémique franco-italienne, assez répandue, troglophile, hygrophile et lucifuge, liée aux grottes, aux galeries de mines, aux cavités sombres et humides, souterraines ou non, aux fentes des rochers, parfois aux recoins obscurs et humides des maisons.

Enfin, chez les mollusques, citons la présence de l’Escargot de Nice (Macularia niciensis), espèce remarquable endémique franco-italienne, protégée en France, fréquentant rochers, vieux murs, surtout sur substrat calcaire, jusqu’à 2 500 m d’altitude.



Fonctionnalité/Liens éventuels avec d’autres ZNIEFF

La fréquentation touristique, très importante et liée à l'accessibilité aisée en voiture des plateaux dominants les gorges (routes des crêtes, routes en rive droite et rive gauche, point sublime…) permettant l'observation de panoramas grandioses, peut entraîner des conséquences directes sur la flore et ses habitats (cueillette, piétinement du sol et des plantes, pollution visuelle et sonore liée aux nombreux passages et aux détritus abandonnés sur place). De plus les activités de loisirs de plein air (randonné, canyoning, escalade…) ne doivent pas se développer au détriment de la flore et de la faune très riches liées aux gorges.
La pression pastorale, qui tend actuellement à se réduire, conduit dans les pelouses sèches à l’installation d’une végétation ligneuse comprenant des landes et des fourrés, précurseur de l’installation de boisements de Pin sylvestre (Pinus sylvestris). Ce stade végétal ultime présente quelques inconvénients : risques d'incendies accrus, banalisation du paysage, diminution de la biodiversité, réduction de l'espace pastoral et de sa valeur.

Commentaires sur la délimitation

Un ensemble d’habitats remarquables et de populations d’espèces animales et végétales de très forte valeur patrimoniale caractérisent ce site exceptionnel. Ses limites s’appuient sur les repères topographiques et géographiques majeurs. Au Sud et à l’Est, le périmètre inclut le cours du Verdon et suit les limites des zones escarpées et à dominante rocheuse des gorges. Au Nord et à l’Ouest, il longe en particulier le réseau de dessertes et de routes locales.