ZNIEFF 23M000004
Baie de Seine orientale

(n° régional : 40010000)


Commentaires généraux

L’estuaire de Seine jusqu'au pont de Tancarville constitue la partie aval sous influence marine de l’estuaire. Il se prolonge en domaine marin franc en baie de Seine orientale par un gradient sédimentaire depuis des sédiments fins (sables et vases) face à l'embouchure de l'estuaire à des sables moyens puis grossiers dans les directions d’Etretat au nord et de Ouistreham à l'ouest. Ainsi dans la partie la plus à l’ouest, on retrouve des sables dunaires et des sables grossiers marquant le gradient granulométrique croissant de l’estuaire vers le large. Ce grand estuaire héberge deux grands ports maritimes : Le Havre et Rouen. Cette ZNIEFF inclut les digues du port d’Antifer ainsi que celles de l’estuaire de Seine.

Véritable interface entre terre et mer, l’estuaire met en lien milieux subtidaux, vasières, prés salés et prairies humides via les filandres avec un gradient de l’eau marine franche vers l’eau douce : eaux polyhalines, mésohalines et oligohalines. Cet ensemble abrite une diversité faunistique et floristique benthique exceptionnelle avec plus de 900 espèces (tous milieux confondus) à laquelle il faut rajouter les oiseaux, poissons et mammifères qui utilisent la zone pour l'alimentation, la reproduction ou le repos.

Parmi les poissons, les espèces commercialisées (bar, sole, flet, plie, tacaud et merlan) se nourrissent de proies différentes appartenant à trois grands types de milieux : le domaine benthique subtidal des sables fins envasés de la partie aval de l'estuaire, le domaine suprabenthique plutôt cantonné aux fosses et aux chenaux et le domaine benthique intertidal vaseux ; cela à des stades successifs de leur cycle biologique (Morin et al, 1999). Ces différents habitats sont fortement liés et constituent une véritable continuité écologique de par les fonctions de refuge et de nourricerie.

La zone subtidale est composée des sédiments sableux dunaires à Nephtys cirrosa le plus à l’ouest puis des sables fins plus ou moins envasés à Abra alba. Ces sables fins possèdent plusieurs faciès selon le cortège d’espèces dominantes accompagnant le mollusque Abra alba :

- Le faciès envasé des sables fins à Abra alba est dominé par la polychète Lagis koreni souvent en association avec une autre polychète Owenia fusiformis.

- Le faciès le plus envasé des sables fins à Abra alba est les vases sableuses à Melinnes. On y trouve les polychètes Melinna palmata (récemment implantée en baie de Seine : depuis 2002), Magelona spp, Euclymene oerstedii et le mollusque Thyasira flexuosa.

Ces deux faciès font l’objet d’une ZNIEFF-Mer de type 1. La Znieff terrestre de type 2 "Littoral augeron" correspondant à un site de halte de migration, de nourricerie et d'hivernages des limicoles est en lien étroit avec ce périmètre car les oiseaux viennent s'y nourrir.

On retrouve un autre faciès très particulier des sables fins à Abra alba sous forme de vases indurées à Barnea candida (bivalve foreur) au nord et au sud de l’estuaire (ZNIEFF-Mer de type 1).

L’embouchure de l’estuaire est une zone fortement anthropisée. Les aménagements de l'estuaire ont commencé au milieu du 19ème siècle et continuent encore. Les premiers travaux ont été réalisés à des fins de navigation (accès au grand port maritime de Rouen à 120 km de la mer). Elle se traduit aujourd'hui par la présence de digues insubmersibles de Rouen en aval du pont de Tancarville puis submersibles jusqu'à la mer. De 1850 à aujourd'hui la zone intertidale est passée de 130 km² à moins de 25 km². En dépit de ces aménagements réduisant de façon considérable le volume d'eau oscillant, les fonctionnalités de l'estuaire demeurent importantes et l'accumulation de mesures de protection et de réglementation témoigne de l'intérêt écologique, faunistique et floristique du territoire.

Le chenal de navigation est dragué très régulièrement et possède donc une diversité spécifique benthique très faible mais il est néanmoins essentiel au passage des espèces de poissons amphihalins migrateurs tels que le saumon, la truite de mer, les aloses, les anguilles et les lamproies (marine et fluviatile) et agit comme corridor écologique. On assiste aujourd'hui à une croissance intéressante de la population de saumons. De même, la population de l'éperlan (Osmerus eperlanus) connait un accroissement important sans doute en relation avec une amélioration de la qualité de l'eau. Ce chenal est canalisé avec des digues submersibles dans la partie aval de l'estuaire et avec des digues insubmersibles dans la partie amont.

La vasière nord de l’estuaire de Seine (ZNIEFF-Mer de type 1 : partie aval mésohaline) en milieu intertidal est un site d'alimentation pour les oiseaux limicoles ou migrants faisant escale en Baie de Seine orientale à marée basse et devient un site d'alimentation pour les juvéniles de poissons mais aussi pour les phoques veaux-marins de passage notamment dans les filandres. A marée basse, la vasière n’étant plus accessible pour eux, les juvéniles de poissons se réfugient sur les fonds subtidaux à Abra alba.

La Seine est en connexion avec la Risle maritime sur la rive gauche. Dans cette zone, des filandres et de petites vasières se développent. La fonctionnalité de nourricerie pour les poissons, les limicoles et les phoques y existe également. Ce système de filandres en zone oligohaline est en lien avec les filandres de la rive droite (ZNIEFF-Mer de type 1 : partie amont oligohaline).

L'île aux oiseaux est une île artificielle créée dans l'estuaire de la Seine en 2005. Elle a pour rôle de servir de zone de repos et de reproduction aux limicoles. Un couple d'huitrier-pie nicheur a été observé. Elle est interdite aux hommes pour limiter le dérangement. Des suivis en bateau et un à pied sont effectués pour suivre l'évolution des populations qui utilisent cet îlot de 5 ha chaque année.

Le platier rocheux de Villerville (Znieff-Mer de type 1) est recouvert en partie et temporairement par des aplats de sable fins à moyens en fonction des courants et de la houle. Ce substrat rocheux permet l'établissement d'une moulière à Mytilus edulis et de la faune associée. Ce périmètre marin constitue un site d'hivernage et d'alimentation des oiseaux migrateurs et limicoles.

Ce périmètre est accolé à la ZNIEFF terrestre de type 2 "Littoral Augeron". Cet estran du Calvados correspond à un site de nourricerie pour les limicoles et les macreuses. La fonction d'alimentation pour les oiseaux s'étend en mer dans la ZNIEFF-Mer "Baie de Seine orientale".

A l'echelle de la partie orientale de la baie de Seine, il existe deux grands paradoxes : 1) des fonctionnalités écologiques persistantes en dépit de forts aménagements du milieu et 2) une très grande hétérogénéité des richesses écologiques depuis des zones très appauvries et des zones très riches : benthos de la vasière nord et de la communauté à Abra alba parmi les plus riches à l’échelle des mers européennes ; zooplancton dont le copépode Eurytemora affinis et la crevette blanche Palaemon longirostris qui présentent des abondances parmi les plus fortes relevées au niveau mondial. La raréfaction des espèces de poissons et leur stock ne sont pas uniquement liés à de mauvaises conditions trophiques puisque l'ensemble de la production secondaire (benthos et pélagos) est très importante.

Un travail sur la patrimonialité des oiseaux marins (26 espèces) et des cétacés (6 espèces) sur la façade Manche/Mer du Nord est en cours à l'AAMP (Agence des Aires Marines Protégées). Ce travail porte sur les zones préférentielles de ces espèces selon les saisons (été/hiver) et également sur les zones de reproduction (PELAGIS-AAMP, 2015).

(Validation par les Conseils Scientifiques Régionaux du Patrimoine Naturel de Haute-Normandie et de Basse-Normandie respectivement le 23/06/2015 et le 25/06/2015).

Commentaires sur la délimitation