Liste hiérarchisée et descriptifs des habitats des Cahiers d'habitats
Le Genévrier commun (Juniperus communis subsp. communis) est largement distribué en Europe des étages planitiaire à subalpin. C’est une espèce normalement dioïque (à de rares exceptions près) pouvant atteindre 7 à 8 m, exceptionnellement 17 m. Le port est très variable en partie au moins en relation avec les conditions environnementales (influence du climat et des troupeaux, notamment suite au broutage des jeunes plants). Cette plasticité morphologique peut être résumée en trois types majeurs de port : -« colonnaire », ovoïde subcylindrique, particulièrement élancé, la souche ne formant pas de ramifications principales ; -« étalé/prostré », avec les branches principales retombantes ; -« intermédiaire » entre les deux précédents, d’aspect buissonnant, chaque souche se ramifiant dès la base pour constituer un faisceau de rameaux dressés presque parallèlement les uns par rapport aux autres.
La longévité moyenne du Genévrier commun est estimée à 70-100 ans, mais des individus de 200 ans ne sont pas exceptionnels et un âge record de 2 000 ans (circonférence de 2,75 m à la base du tronc) a été indiqué. La maturité sexuelle est tardive et intervient chez les individus femelles vers 10 ans (un peu moins chez les mâles). Selon des travaux réalisés en Angleterre, la période adulte, correspondant à une fertilité optimale, se situe entre 20 et 45 ans avec un déclin rapide de celle-ci au-delà. Une relation entre vitesse de croissance et longévité a également été mise en évidence, la durée de vie s’amenuisant avec l’augmentation de largeur des cernes. La structure d’âge des peuplements de Genévrier commun, la disposition horizontale des individus mâles et femelles ont un rôle essentiel (mais variable d’une population à une autre) dans la capacité de reproduction et la fertilité des populations, et donc dans le renouvellement des générations. Le sex-ratio est généralement biaisé en faveur des mâles, sauf dans les populations vieillies en raison d’une sénescence plus précoce des mâles.
Dans les régions montagnardes, supraméditerranéennes, littorales ou boréales, le Genévrier commun est souvent installé au sein de communautés arbustives primaires, ouvertes et héliophiles. Il s’agit habituellement de fourrés épars, installés sur des corniches, des falaises ou des vires rocheuses, de structure verticale et horizontale très hétérogène et généralement diversifiés sur le plan des essences.
En situation secondaire agropastorale, les junipéraies sont souvent pures ou de faible diversité spécifique, de densité variable depuis les voiles épars jusqu’aux massifs impénétrables de junipéraies vieillies (cas très rares, observés notamment sur les craies de Picardie). Dans certains types, d’autres espèces peuvent jouer un rôle physionomique majeur en combinaison avec le Genévrier commun : Ajonc d’Europe, Bruyère à balais (« brande à Genévrier commun »), Nerprun des teinturiers, Spirée d’Espagne… Dans les stades de boisement plus avancé, le Genévrier commun peut se maintenir dans certains pré-bois clairs (notamment sous Pin sylvestre) et même former une strate arbustive basse éparse.
Selon le port dominant, la physionomie de ces junipéraies secondaires, d’une part, mais aussi la structure de la végétation varient considérablement, depuis les junipéraies colonnaires (prenant alors souvent l’allure d’un alignement de mégalithes végétaux) sur pelouses rases, jusqu’aux junipéraies étalées aux genévriers ourlés d’une ceinture de hautes herbes (ourlet).
L’origine des junipéraies secondaires à Genévrier commun se situerait au niveau de communautés arbustives primaires, notamment méditerranéo-montagnardes. Le développement des activités pastorales, la migration des troupeaux en a favorisé l’extension dans toute l’Europe.
La diversité typologique des situations secondaires est en relation avec les systèmes de pelouses et de landes associés, au sein desquels les Genévriers forment une communauté arbustive pionnière particulière et dépendante de la relation pastorale. Ils ont par le passé été souvent confondus avec les manteaux et fourrés arbustifs de recolonisation qui s’installent après abandon pastoral et qui constituent une étape de dégradation des junipéraies secondaires à Genévrier commun.
Il existe de très nombreuses situations pouvant globalement se superposer à l’ensemble des communautés de pelouses calcicoles (Festuco valesiacae-Brometea erecti, Festuco-Seslerietea caeruleae), de pelouses acidiphiles (Nardetea strictae, Caricetea curvulae), de landes (Calluno vulgaris-Ulicetea minoris) et plus rarement de bas-marais (Scheuchzerio palustris-Caricetea fuscae) ou de tourbières (Oxycocco palustris-Sphagnetea magellanici). En réalité, pour des raisons probablement historiques et de préférences édaphiques, ces voiles de junipéraies secondaires se sont principalement développés dans les systèmes de pelouses calcicoles. La diversité floristique de ces communautés de junipéraies est souvent faible et réduite au seul Genévrier commun, mais s’enrichit progressivement en contact ou à l’approche des foyers primaires supraméditerranéens.
En situation primaire sur corniches et vires rocheuses, la dynamique est normalement bloquée et les fourrés xériques à Genévrier commun participent à des paysages rupicoles complexes associant des végétations de rochers (Asplenietea trichomanis), de dalles (Sedo albi-Scleranthetea perennis), de pelouses à caractère primaire (notamment du Xerobromion erecti en système calcicole) et d’ourlets (Trifolio medii-Geranietea sanguinei ou Melampyro pratensis-Holcetea mollis).
La place dynamique du Genévrier commun et des junipéraies secondaires qu’il constitue dans les successions végétales post-pastorales est particulièrement précise. Essence héliophile par excellence, le Genévrier commun ne supporte pas la concurrence arbustive et est rapidement éliminé dans les phases de coalescence et de développement des manteaux arbustifs préparant l’installation de la forêt, sauf sous couvert clairsemé d’essences laissant largement pénétrer la lumière, comme le Pin sylvestre.
Deux aspects sont importants à considérer ici : -le déficit de pollinisation et de production de graines viables qui croît avec la densification des manteaux arbustifs ; -la recherche de conditions héliophiles et d’ouverture du tapis végétal pour la régénération et l’établissement des juvéniles.
Cet optimum héliophile associé à des conditions de régénération au sein d’un tapis végétal ouvert ainsi qu’à une maturité sexuelle tardive du Genévrier commun (10 ans environ), restreint considérablement la niche d’occupation de l’habitat dans le temps et dans l’espace ; son développement et son maintien sont ainsi étroitement corrélés à des conditions pastorales suffisamment extensives et pérennes.
Au sein des voiles épars de Genévrier commun, chaque genévrier peut être un foyer dynamique pour l’installation et le développement d’essences arbustives préparant la succession dynamique et l’installation d’un manteau arbustif ; ce rôle « autodestructeur » est d’autant plus vif que le port du genévrier et la présence d’un ourlet herbacé autour créent un microclimat d’ombrage au pied de l’arbuste facilitant l’installation d’autres arbustes ainsi que leur protection ; il est classique d’observer à partir des genévriers en place la constitution de fourrés éclatés dont la coalescence et le développement annoncent la mort de la junipéraie pionnière.
Le Genévrier commun étant particulièrement sensible à la lumière et à la dégénérescence, la conservation des junipéraies secondaires est directement liée au maintien d’une activité pastorale et à des interventions ponctuelles d’éclaircissage qui permettent la génération des fourrés. Les junipéraies primaires ne nécessitent pas d’intervention particulière.
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