B6-4 - Vases infralittorales en milieu à salinité variable

Typologie nationale des habitats marins benthiques de la Manche, de la Mer du Nord et de l'Atlantique (NatHab-Atl)

Source de l'ajout à la typologie

L’habitat B6-4 Vases infralittorales en milieu à salinité variable figurait dans la version 1 de la typologie (Michez et al., 2013) sous le code et la dénomination M10.03 Vases sublittorales en milieu à salinité variable. Tout en conservant le même code, son nom évolue vers Vases infralittorales en milieu à salinité variable dans la version 2 de la typologie (Michez et al., 2015), avant que son code n’évolue à son tour dans la version 3 de la typologie (Michez et al., 2019).

Facteurs abiotiques

Etage : Infralittoral
Nature du substrat : Vases et vases sableuses
Répartition bathymétrique : 0-20 m environ [Dépend de la pénétration de la lumière, ce qui est très variable selon les sites. S’étend jusqu’où l’intensité lumineuse est compatible avec la vie des macrophytes photophiles]
Hydrodynamisme : Faible à fort
Salinité : Euryhalin
Température : Cyclotherme journalier, bimensuel et saisonnier
Lumière : Système phytal, eaux turbides
Régime trophique : Mésotrophe à eutrophisé

Caractéristiques stationnelles

Les vases infralittorales correspondent à l’habitat le plus répandu dans les fonds des estuaires et des lagunes littorales à marée. Les vases pures contiennent plus de 75 % de particules fines inférieures à 63 µm (ratio sable:vase < 1:9) et les vases sableuses correspondent à un ratio sable:vase compris entre 1:9 et 1:1.
Dans les estuaires, le transport et le dépôt des particules fines sont liés à la circulation des masses d’eau, dite « circulation résiduelle », qui est la résultante de facteurs constants (bathymétrie et physiographie de l’estuaire) et variables (courants fluviaux, courants de marée, vents). Contrairement aux particules de sable, qui par charriage ou saltation s’éloignent relativement peu ou très progressivement de leur région d’origine, les particules de limon et d’argile peuvent transiter facilement le long de l’estuaire par suspension dans les masses d’eau. Le stock de particules en suspension qui forme le « bouchon vaseux » explique la distribution généralisée des vases au sein de l’estuaire, plus ou moins mobiles ou cohésives, stables ou éphémères.
Dans les lagunes, le type d’envasement dépend du degré d’échange avec la mer. Les lagunes semi-fermées et fermées sont davantage propices à la sédimentation de particules fines que les lagunes ouvertes.
La méiofaune et la macrofaune benthique sont particulièrement dépendantes de la stabilité du substrat. Les vases stables hébergent une faune relativement diversifiée à proximité des conditions marines et une faune paucispécifique mais plus abondante dans des conditions de salinité réduite. Les communautés comprennent généralement des oligochètes et des polychètes. Les vases instables ne permettent pas l’établissement d’une endofaune et sont extrêmement pauvres, voire dépourvues de macrofaune. Les seuls individus qui y sont échantillonnés proviennent d’autres milieux et sont amenés par les courants.

Variabilité

L’habitat et sa composition faunistique varient selon la combinaison des facteurs suivants :
- la courantologie locale, corrélée à la morphologie du site, au régime tidal (méso-, macro- ou mégatidal), au positionnement dans le système estuarien et à la circulation des masses d’eau ;
- la composition du substrat (vases plus ou moins fines, mêlées ou non d’éléments plus grossiers) et sa teneur en matière organique ;
- la cohésion du substrat ;
- le gradient de salinité, qui dépend de la marée et du débit du fleuve ;
- la pollution et autres pressions anthropiques.

La granulométrie du sédiment influence la composition faunistique dans les secteurs euhalin et polyhalin et joue un rôle très secondaire en domaines oligohalin et mésohalin. Les sous habitats de niveau trois sont décrits dans leurs fiches respectives.

Communautés ou espèces caractéristiques

L’habitat B6-4 ne se reconnaît pas par des espèces caractéristiques mais par la bathymétrie et le type de substrat en milieu à salinité variable.

Espèces associées

Dans le cadre de cette fiche, les espèces associées ont été définies comme les espèces les plus fréquemment citées dans la littérature pour cet habitat.
La liste regroupe les espèces communément retrouvées dans les secteurs polyhalin, mésohalin et oligohalin de cet habitat. Pour le secteur euhalin, se référer à la liste d’espèces associées de l’habitat B6-3 Vases infralittorales, à laquelle peuvent être ajoutées les espèces citées ici.
Des espèces inféodées à d’autres habitats associés ou en contact, peuvent être retrouvées dans les vases infralittorales, transportées par les flots.
En domaines oligohalin et mésohalin, le type sédimentaire joue un rôle secondaire dans la structuration des peuplements benthiques. On pourra ainsi trouver dans ces secteurs les mêmes espèces quel que soit le type de substrat meuble.

Dynamique temporelle

Dans les estuaires, en période d’étiage, le bouchon vaseux se situe en amont, à la limite de l’intrusion saline, là où la vitesse de la circulation résiduelle près du fond s’annule. A ce niveau, par faibles coefficients de marée et à l’étale, les particules se déposent sur le fond et s’accumulent sous forme de lentilles de crème de vase. A l’agitation des eaux (jusant, flot, vives-eaux), ces lentilles s’érodent et les particules sont remises en suspension. En période de crue, le bouchon vaseux est situé à l’aval de l’estuaire et/ou peut en être expulsé. Les vases mobiles sont ainsi surtout présentes au niveau de l’embouchure. Les vases plus stables dans le temps, meubles ou cohésives, se forment dans les zones abritées des estuaires, là où la circulation résiduelle est faible ou nulle.
L’endofaune qui subit les variations saisonnières est plus diversifiée et plus abondante au cours de la saison calme. La saison estivale, synonyme d’un régime hydraulique et de gradient de salinité plus constants, favorise le recrutement d’espèces. En période hivernale, le fort débit fluvial qui modifie la salinité et la cohésion des sédiments impacte les communautés établies lors de la saison précédente.

Habitats pouvant être associés ou en contact

L’habitat B6-4 peut potentiellement être en contact avec les habitats suivants :
En contact supérieur avec les habitats médiolittoraux :
- A1-5 Roches ou blocs médiolittoraux avec fucales en milieu à salinité variable
- A3-3 Sédiments grossiers médiolittoraux en milieu à salinité variable
- A4-2 Sédiments hétérogènes envasés médiolittoraux en milieu à salinité variable
- A5-5 Sables médiolittoraux en milieu à salinité variable
- A6-3 Vases médiolittorales en milieu à salinité variable de la slikke
- A5-6.2 Herbiers à Zostera noltei sur sables médiolittoraux en milieu à salinité variable
- A6-4.2 Herbiers à Zostera noltei sur vases médiolittorales en milieu à salinité variable

En contact de même niveau bathymétrique ou en association avec :
- B1-8 Roches ou blocs infralittoraux en milieu à salinité variable
- B3-3 Sables grossiers et graviers infralittoraux en milieu à salinité variable
- B4-2 Sédiments hétérogènes infralittoraux en milieu à salinité variable
- B5-4 Sables mobiles infralittoraux en milieu à salinité variable
- B5-5 Herbiers à Zostera marina sur sables infralittoraux
- B5-6 Herbiers à Ruppia maritima sur sables infralittoraux
- B6-1 Vases sableuses infralittorales non eutrophisées
- B6-2 Vases sableuses infralittorales eutrophisées
- B6-3 Vases infralittorales

En contact inférieur avec les habitats circalittoraux :
- C1-8 Roches ou blocs circalittoraux en milieu à salinité variable

Confusions possibles

Une confusion d’ordre altitudinale peut avoir lieu avec l’habitat A6-2 Vases médiolittorales en milieu à salinité variable de la slikke. Le relevé des coordonnées GPS couplé aux cartes marines permet de faire la distinction.
En limite d’estuaire, cet habitat peut être facilement confondu avec les habitats marins B6-1 Vases sableuses infralittorales non eutrophisées, B6-2 Vases sableuses infralittorales eutrophisées et B6-3 Vases infralittorales, qui lors des périodes de crue peuvent également subir des variations de salinité. Il convient de se référer aux limites géographiques établies pour chaque système estuarien.

Répartition géographique

Cet habitat est présent dans tous les estuaires de la façade Manche – Mer du Nord – Atlantique ainsi que dans les baies et les lagunes sous influence d’eaux douces. Parmi les lagunes naturelles, on peut citer le Hâble d’Ault, séparé par la mer par un cordon de galets, les étangs de Trévignon et la lagune fermée de la Belle Henriette en Vendée, alimentée par une nappe phréatique connectée à la mer.

Fonctions écologiques

Dans les estuaires, la matière organique piégée dans la masse turbide est nécessaire aux processus de minéralisation bactérienne. Les éléments nutritifs ainsi libérés sont utilisés plus en aval dans les mécanismes de production primaire. Ce rôle épurateur de la masse turbide est essentiel pour la qualité du littoral.
Les fonds vaseux des estuaires attirent peu de prédateurs. Seuls quelques organismes fouisseurs démersaux ou benthiques dont les poissons plats viennent s’y alimenter.
Dans les lagunes à marée, où le régime trophique est généralement eutrophe, les peuplements de diatomées benthiques épipéliques et épiphytiques qui forment le microphytobenthos, constituent avec les phanérogammes (Zostera, Ruppia, Potamogeton) et les macroalgues (Chaetomorpha et Ulva) les premiers maillons du réseau trophique de ces écosystèmes. Cette importante production primaire attire des micro-métazoaires, une méiofaune (nématodes) et des macroinvertébrés benthiques détritivores phytophiles (Ecrobia ventrosa, Idotea chelipes, Sphaeroma hookeri, Palaemonetes varians, Gammarus chevreuxi). Cette faune benthique est elle-même consommée par les juvéniles de poissons euryhalins qui colonisent ces milieux (mulets Liza aurata et Liza ramada, l’anguille Anguilla anguilla, le bar Dicentrarchus labrax).

Statut de conservation

Au titre de la DHFF (92/43/CEE), l’habitat B6-2 peut correspondre à l’HIC 1130 « Estuaires », à l’HIC 1150 « Lagunes côtières » ou à l’HIC 1160 « Grandes criques et baies peu profondes » sous réserve de respect des critères d'identification géomorphologiques et de délimitation physiographiques de l'HIC. Il peut également correspondre à l’HIC 8330 « Grottes marines » sous réserve de respect des critères d’identification de l’HIC (notamment de seuil de taille).

Tendance évolutive

La plupart des lagunes du littoral atlantique ont depuis très longtemps été exploitées pour les propriétés spécifiques de ce type de milieux (extraction de sel, élevages aquacoles de poissons, de crevettes, conchyliculture, saliculture). On observe cependant peu à peu une déprise des activités de culture et d’élevage. L’abandon progressif de ces pratiques, souvent associées à une gestion des eaux, a des conséquences sur les habitats naturels associés telles que les vases infralittorales lagunaires.

Auteur(s)

Latry L., Blanchet H.

Date de rédaction

2020

Bibliographie

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