B3-4 - Bancs de maërl sur sables grossiers et graviers infralittoraux

Typologie nationale des habitats marins benthiques de la Manche, de la Mer du Nord et de l'Atlantique (NatHab-Atl)

Source de l'ajout à la typologie

L’habitat B3-4 Bancs de maerl sur sables grossiers et graviers infralittoraux était inclus dans la version 1 de la typologie (Michez et al., 2013) sous le code P03.01 Bancs de maërl sur sédiments propres. Dans la version 3 (Michez et al., 2019), des précisions sur le substrat sont ajoutées et l’intitulé devient « Bancs de maërl sur sables grossiers et graviers infralittoraux ».

Facteurs abiotiques

Etage : Infralittoral
Nature du substrat : Sables grossiers ; Graviers
Répartition bathymétrique : 5-40 m
Hydrodynamisme : Fort
Salinité : Milieu marin
Température : Variable
Lumière : Eaux claires
Régime trophique : Mésotrophe

Caractéristiques stationnelles

Les bancs de maerl sont composés d’algues rouges corallinacées non fixées vivantes, géographiquement isolés dans l’étage infralittoral. En mer ouverte les bancs sont dominés essentiellement par l’espèce Phymatolithon calcareum même si d’autres espèces de maerl peuvent être présentes (Lithothamnion corallioides, Phymatolithon lusitanicum, Lithophyllum fasciculatum).
Les brins de maerl s’accumulent au-dessus d’une matrice sédimentaire composée de sables grossiers propres ou de graviers. Les pélites sont absentes au moins dans les premiers centimètres de dépôts sédimentaires, apparaissant plus profondément dans la colonne sédimentaire. Ces bancs sont très souvent structurés en ripple-marks dont les rides peuvent atteindre plusieurs dizaines de cm voire 1m de hauteur.
La vitalité du maerl y est généralement moyenne, autour de 50% de recouvrement, même si certains bancs peuvent laisser apparaitre de larges surfaces de maerl mort. En général, le maerl vivant se concentre au creux des ripple-marks, ce qui entraîne une forte variabilité naturelle de la couverture en maerl vivant à petite échelle. Cela est naturel.
Les algues rouges vivant en épiphyte sur les thalles de maerl sont nombreuses saisonnièrement : Rhodymenia ardissonei, Rhodothamnielia floridula, Cruoria cruoriiformis, Cordylecladia erecta, Spermothamnion repens. La faune associée est riche et diversifiée, les bancs de maerl apparaissant comme l’habitat le plus riche en espèce de l’infralittoral côtier de métropole (plus de 2400 taxons associés au maerl identifiés à ce jour). Les espèces dominantes et régulières des bancs de maerl sur sables grossiers et graviers infralittoraux sont les crustacés Pisidia longicornis, Liocarcinus pusillus, Atelecyclus rotundatus, Ebalia tuberosa, les amphipodes Socarnes erythrophthalmus, Animoceradocus semiserratus, les annélides Polygordius lacteus, Glycera alba, Lysidice unicornis, Mediomastus fragilis, les mollusques gastropodes Gibbula magus, Rissoa lilacina, les bivalves Clausinella fasciata, Polititapes rhomboides, le chiton Leptochiton scabridus, les échinodermes Sphaerechinus granularis, Ophiura albida. En outre ces bancs peuvent abriter des populations denses de coquilles Saint-Jacques ou de praires (Venus casina).

Variabilité

Les communautés associées aux bancs de maerl sont contrôlées par différents paramètres environnementaux et biotiques présentés ci-dessous.
- Lumière : Si le maerl a besoin de lumière pour se développer, il se restreint cependant souvent aux zones où celle-ci est relativement limitée. Faible compétiteur avec les autres macroalgues, Lithothanmion et Phymatolithon spp. sont, et présentent même, une inhibition face aux trop fortes lumières incidentes ; Par contre, il est capable d’assurer sa croissance à des profondeurs essentiellement inaccessibles aux autres macroalgues rouges.
- Turbidité : l’accès à la lumière est un facteur essentiel pour le maerl. Les fortes turbidités (supérieures à 10mg/l sur de longues périodes) dégradent ses capacités de survie et empêchent le développement de bancs importants (cf Pertuis Charentais).
- Profondeur : Il s’agit d’un paramètre évidemment en lien avec lumière et turbidité. Néanmoins, les algues constituant le maerl sont extrêmement sensibles à la dessiccation et ne peuvent donc survivre sur l’estran. La profondeur maximale atteinte est souvent liée à la topographie des lieux (présence de banquettes relativement planes).
- Salinité : le maerl est sensible aux baisses de salinité qui entraînent des problèmes de calcification. Sa répartition se limite donc aux zones strictement euhalines et ne pénètre pas les estuaires. L’hypothèse ancienne proposant que les bancs de maerl s’installaient préférentiellement face aux apports d’eau douce directs a été réfutée.
- Épaisseur de maerl « libre » : l’épaisseur de maerl qui n’est pas envasée peut varier d’un banc à l’autre. Il a été démontré que ce paramètre contrôle directement la biodiversité associée en termes de nombre d’espèces associées et de diversité fonctionnelle.

L’habitat B3-4 présente une variante qui n’est pas à ce jour inclue dans la typologie comme sous-habitat mais qui peut être rencontrée sur nos côtes :
- Bancs de maerl et cailloutis des chenaux tidaux : il se caractérise par la présence de brins de maerl en mélange avec des cailloutis, pour certains couverts par la forme encroûtante de P. calcareum, et se situe dans les chenaux entre les ilots des mers à fort marnage. Relativement pauvre en espèces, il est associé à la présence d’espèces de milieu rocheux (algues Melobesioideae, porifères, cnidaires), mollusques Gibbula magus, Ocinebrina aciculata, Steromphala cineraria.

Communautés ou espèces caractéristiques

L’habitat se reconnaît par la présence de maerl à la surface du sédiment. Il est généralement admis qu’une couverture en maerl (vivant ou mort) de 30% constitue la limite qui permet de définir un banc de maerl.

Espèces associées

La liste fournie ne constitue pas une liste exhaustive des espèces associées à cet habitat. Les inventaires menés sur les bancs de maerl ont permis de recenser à ce jour près de 1500 espèces associées aux bancs de maerl sur sables grossiers. Ces espèces proviennent soit de milieux meubles soit de milieux rocheux. La liste d’espèces associées présentée ici ne constitue en aucun cas une liste exhaustive.
Les peuplements de faune associés aux bancs de maerl sur sables grossiers et graviers se composent essentiellement :
- des éponges Ciocalypta penicillus, Suberites carnosus ;
- des cnidaires Cerianthus lloydii, Capnea sanguinea, Peachia cylindrica ;
- des siponcles Golfingia (Golfingia) elongata et Phascolion (Phascolion) strombus strombus ;
- des polychètes Polygordius lacteus, Notomastus latericeus, Lumbrineris latreilli, Pista cf mediterranea, Glycera lapidum, Caulleriella alata, Eurysyllis tuberculata, Scalibregma celticum, Heteromastus filiformis ;
- des crustacés décapodes Pisidia longicornis, Galathea intermedia, Athanas nitescens, Pagurus prideaux, Liocarcinus pusillus, Ebalia tuberosa, Atelecyclus rotundatus, des amphipodes melitidae Abludomelita gladiosa, Gammarella fucicola, Animoceradocus semiserratus, Socarnes erythrophthalmus, Leptocheirus tricristatus, de la caprelle Phtisica marina, des isopodes Janira maculosa, Jaera (Jaera) albifrons, Paranthura nigropunctata, des tanaidacés Apseudopsis latreilli et Apseudes talpa ;
- des mollusques polyplacophores Leptochiton cancellatus, Callochiton septemvalvis, des gastéropodes Caecum glabrum, Euspira nitida, Tectura virginea, Bittium reticulatum, Onoba semicostata, Gibbula magus, des bivalves Clausinella fasciata, Polititapes rhomboides, Aequipecten opercularis, Loripes orbiculatus ;
- des échinodermes avec les ophiures Amphipholis squamata, Ophiotrix fragilis, les oursins Sphaerechinus granularis et Psammechinus miliaris, les holothuries Pseudothyone raphanus, Ocnus planci ;
- des ascidies.

Dynamique temporelle

La dynamique saisonnière est forte en termes d’abondance en organismes associés (faune et flore) qui atteint son maximum en début d’automne et est minimale en fin d’hiver. Les juvéniles d’invertébrés sont nombreux à y recruter au printemps puis peuvent migrer vers d’autres habitats (pectinidae).
Les bancs de maerl sont des formations sédimentaires mobiles dont les contours peuvent varier en fonction des plans de houles dominants ou par l’effet de tempêtes exceptionnelles. Leur emplacement peut donc varier au cours des saisons.

Habitats pouvant être associés ou en contact

L’habitat B3-4 peut, entre autres, être associé ou en contact avec :
- A3-2 Sédiments grossiers propres médiolittoraux : continuité bathymétrique, contact supérieur
- B3-2 Sables grossiers et graviers infralittoraux : contact de même niveau, mosaïque possible.
- B5-2 Sables fins propres infralittoraux : contact de même niveau
- B5-3 Sables fins envasés infralittoraux : contact de même niveau
- B4-1 Sédiments hétérogènes infralittoraux : contact de même niveau
- B1-1 Roches ou blocs de la frange infralittorale : contact de même niveau
- B4-4 Herbiers à Zostera marina sur sédiments hétérogènes infralittoraux : contact de même niveau, mosaïque possible
- B5-5 Herbiers à Zostera marina sur sables infralittoraux : contact de même niveau, mosaïque possible

Confusions possibles

Il n’est pas possible de confondre les bancs de maerl avec d’autres habitats meubles. Néanmoins une confusion est possible avec l’habitat B4-3 Bancs de maerl sur sédiments hétérogènes envasés infralittoraux qui se caractérise par un fort taux de pélites à proximité de la surface du sédiment.

Répartition géographique

L’habitat se répartit essentiellement sur la façade Atlantique et en particulier sur les côtes de Bretagne, du cotentin jusqu’à Belle-Ile.

Fonctions écologiques

Les bancs de maerl constituent un des habitats côtiers les plus riches et les plus fragiles de nos zones côtières. Par leur structure physique tridimensionnelle, ils abritent une biodiversité exceptionnelle, regroupant au même endroit des espèces aux affinités très différentes (de milieux rocheux et de milieux meubles). Par-là, ils jouent le rôle de réservoir potentiel de biodiversité en abritant un pool d’espèces qui peut potentiellement aider à recoloniser des habitats qui se seraient dégradés.
Les bancs de maerl jouent également un rôle important en tant que nurserie pour de nombreuses espèces halieutiques (coquillages tels que les pectinidés, palourdes, praires, les ormeaux), les crustacés (araignées de mer, homards) et les poissons (gadidés, sparidés, …). Ce rôle de nurserie peut varier localement en fonction des espèces présentes et doit donc être évalué pour chaque banc rencontré.
Les bancs de maerl, par l’abondance de la faune qu’ils abritent jouent également un rôle de nourricerie pour une large gamme de poissons qui les exploitent régulièrement.
Enfin ils jouent également un rôle de nourricerie pour les oiseaux plongeurs (cormorans) et peuvent même localement jouer un rôle essentiel pour des hivernants tels que les Harles huppés, Grèbes huppés et à cou noir, ou les plongeons.
Ces rôles peuvent varier localement en fonction des espèces présentes.

Statut de conservation

Les bancs de maerl au sens large sont listés par la Convention OSPAR comme habitat menacé et/ou en déclin. Au titre de la DHFF (92/43/CEE), l’habitat B3-4 peut être inclus dans le HIC 1110 « Bancs de sable à faible couverture permanente d'eau marine », sous réserve de limite haute du HIC au-dessus de 20m de profondeur, de continuité sédimentaire et des communautés associées depuis la zone moins profonde. L’habitat B3-4 peut également correspondre à l’HIC 1130 « Estuaires », à l’HIC 1150 « Lagunes côtières » ou à l’HIC 1160 « Grandes criques et baies peu profondes » sous réserve de respect des critères d'identification géomorphologiques et de délimitation physiographiques de l'HIC. Il peut également correspondre à l’HIC 8330 « Grottes marines » sous réserve de respect des critères d’identification de l’HIC (notamment de seuil de taille). Deux des espèces constitutives du maerl (Lithothamnium coralloides et Phymatholithon calcareum) font également partie des espèces d’intérêt communautaire listées à l’annexe V de la DHFF.

Tendance évolutive

La tendance évolutive s’est avérée plutôt négative sous la pression des activités de pêche au cours des dernières décennies. La question des effets du changement global commence à être évaluée en termes de capacité du maerl à assurer sa croissance (acidification) et en compétition face à des algues opportunistes.
Sur le long terme, les bancs de maerl peuvent potentiellement être menacés par l’acidification de l’eau de mer qui engendre des problèmes de précipitation du carbonate de calcium par la plante ainsi que des problèmes de compétition avec d’autres algues rouges.

Auteur(s)

Grall J., Tauran A.

Date de rédaction

2020

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