Typologie nationale des habitats marins benthiques de la Manche, de la Mer du Nord et de l'Atlantique (NatHab-Atl)

L’habitat A5-6 Herbiers à Zostera noltei sur sables médiolittoraux a été ajouté dans la version 3 de la typologie (Michez et al., 2019 ; source de l’ajout : N. Michez). Les herbiers de Zostera noltei étaient présents dès la première version de la typologie (Michez et al., 2013), sans distinction de substrat ou d’étage, dans la catégorie des habitats particuliers sous le code P01.01 Herbiers à Zostera noltei. Cet habitat a été modifié dans la version 3 de la typologie pour créer deux habitats de niveau 2, chacun représentatif d’un substrat différent (A5-6 Herbiers à Zostera noltei sur sables médiolittoraux et A6-4 Herbiers à Zostera noltei sur vases médiolittorales).

Etage : Médiolittoral
Nature du substrat : Sables, Sables envasés
Répartition bathymétrique : >0m
Hydrodynamisme : Faible ; Modéré
Salinité : Milieu marin, Milieu à salinité variable
Température : Variable
Lumière : Système phytal
Régime trophique : Oligotrophe ; Mésotrophe

L’habitat A5-6 est présent sur la partie supérieure du médiolittoral avec un taux d’émersion de 40 à 70% et sur des sédiments sableux parfois envasés (de 5 à 25% de particules fines). Cet habitat est présent aussi bien en conditions marines que dans des milieux à salinité variable tels que des estuaires ou des lagunes mais toujours dans des zones relativement abritées. Zostera noltei se reconnaît par ses feuilles longues jusqu’à ± 20 cm et très étroites (de 0,5 à 1,5mm ; Cabioc’h et al., 2014). Les herbiers à Zostera noltei constituent un habitat remarquable, à fort intérêt patrimonial et écologique et connu pour leur richesse.
Il semble utile de remarque qu’à l’heure actuelle, les connaissances concernant cet habitat semblent plus limitées que celles concernant les herbiers de Z. noltei sur vases (A6-4).

Cet habitat peut présenter une variabilité importante. Les principaux paramètres susceptibles de varier sont le recouvrement du substrat par Zostera noltei, influencé entre autres par la pression de broutage exercée par les oiseaux hivernant, et le degré d’envasement du substrat, directement lié à l’hydrodynamisme. L’habitat peut également être continu sur une grande surface ou bien être présent sous la forme de patchs entrecoupés par des zones de sédiments nus ou de roche en place. Les sous-habitats de niveau trois sont décrits sur leur page INPN respective.

L’espèce caractéristique de cet habitat est la zostère naine Zostera noltei (anciennement Zostera noltii).

La liste fournie ne constitue pas une liste exhaustive des espèces associées à cet habitat. La bibliographie existante fait peu souvent la distinction entre substrat vaseux (A6-4) et sableux (A5-6) pour les herbiers de Zostera noltei, et les suivis DCE sur les herbiers de zostères naines ne portent pas à l’heure actuelle sur les peuplements associés. Ainsi, la liste d’espèces présentée ici se base sur les listes dressées dans la littérature scientifique concernant des habitats de zostères naines sur sédiments sableux (Asmus & Asmus 1985 ; Reise et al. 1994) et ne se veut pas exhaustive.

L’habitat A5-6 peut abriter des espèces d’annélides (ex : Arenicola marina, Capitella capitata, Heteromastus filiformis, Eteone longa, Phyllodoce mucosa, Pygospio elegans, Scoloplos (Scoloplos) armiger), des crustacés (ex : Bathyporeia sarsi, Carcinus maenas, Idotea balthica, Jaera (Jaera) albifrons), des bivalves (ex : Cerastoderma edule, Limecola balthica, Mya arenaria, Mytilus edulis) ainsi que des espèces de gastéropodes (ex : Littorina littorea, Littorina obtusata, Littorina saxatilis, Peringia ulvae, Retusa obtusa).

Cet habitat possède une dynamique temporelle importante. Le recouvrement et la superficie des herbiers varient selon les années, notamment à cause du broutage induit par les oiseaux hivernants mais également à cause de phénomènes naturels comme de violentes tempêtes. Ces herbiers présentent également une dynamique saisonnière avec la perte d’une partie des feuilles de zostères en hiver bien que ce phénomène soit minoritaire par rapport à l’impact des oiseaux.

L’habitat A5-6 peut potentiellement être en contact avec tous les habitats sableux du supralittoral et de l’infralittoral (continuité bathymétrique) et du médiolittoral (contact de même niveau).
Habitats potentiellement en contact (liste non exhaustive) :
- A1-2 Roches et blocs médiolittoraux à dominance algale : contact de même niveau.
- A5-1 Sables supralittoraux : contact supérieur, continuité bathymétrique.
- A5-3 Sables fins médiolittoraux : contact de même niveau, mosaïques possibles.
- A5-4 Sables fins envasés médiolittoraux : contact de même niveau, mosaïques possibles.
- A5-5 Sables médiolittoraux en milieu à salinité variable : contact de même niveau, mosaïques possibles.
- B5-3 Sables fins envasés infralittoraux : contact inférieur, continuité bathymétrique.
-A6-4 Herbiers à Zostera noltei sur vases médiolittorales

L’habitat A5-6 peut potentiellement être confondu avec l’habitat A3-4 Herbiers à Zostera marina sur sédiments grossiers médiolittoraux mais une analyse granulométrique et une identification de l’espèce de zostère permettra la différenciation de ces deux habitats. L’habitat est également susceptible d’être confondu avec l’habitat A6-4 Herbiers à Zostera noltei sur vases médiolittorales, d’autant plus lorsque le sable est très envasé (proche de 25% de particules fines) et que la limite avec les vases sableuses (25-75% de particules fines) est floue. Une analyse granulométrique permettra néanmoins de différencier ces deux habitats qui peuvent être présents en continuité.

De manière générale, on observe une répartition discontinue de l’ouest Cotentin jusqu’au Pays Basque. Il semblerait que l’habitat ne soit pas présent au-delà du Cotentin en Manche et Mer du Nord mais cela reste à confirmer. Les lacunes peuvent persister quant à la répartition géographique de cet habitat car la distinction entre substrat sableux (A5-6) et vaseux (A6-4) est rarement faite dans la bibliographie.
Des herbiers sur substrat sableux ou sablo-vaseux ont été décrits dans l’estuaire de la Rance et dans l’estuaire du Trieux (Gerla, 2006), au niveau des marais de Mousterlin (TBM, 2000), en baie de Plouharnel (Robert & Chauvaud, 2004), dans l’estuaire de la Vilaine (TBM Environnement, 2008), au Croisic, à Marennes-Oléron (sablo-vaseux), dans les Pertuis-Breton (Sauriau et al., 2017), dans le lac d’Hossegor (bien qu’au vu de la forte variabilité sédimentaire interannuelle, une alternance entre l’habitat A5-6 et A6-4 semble exister ; Auby et al., 2020), dans l’estuaire de la Gironde au niveau du site DCE Bellevue-Perottine (Aubert et al., 2020) et dans le bassin d’Arcachon.

Les herbiers de zostères de manière générale et donc l’habitat A5-6 ont un rôle écologique et fonctionnel important. Ils possèdent d’importantes fonctions écologiques et offrent de nombreux services écosystémiques présentés ci-après (Tullrot, 2009 ; Hily, 2010 ; Angst et al., 2014 ; Sanchez et al., 2020).
Les herbiers de zostères atténuent l’hydrodynamisme ce qui favorise la sédimentation des particules sédimentaires et diminue la remise en suspension et l’érosion. Couplé à l’important réseau que forment les racines et les rhizomes des zostères, cela permet la stabilisation des sédiments. Les herbiers de zostères ont également un rôle dans la clarification de la colonne d’eau en abritant des organismes filtreurs en abondance. Les pieds de zostères tendent à retenir les débris de macroalgues à la dérive mais également les débris issus des zostères. Cela enrichit les sédiments en matière organique particulaire ce qui stimule l’activité bactérienne. Les herbiers de zostères ont également un rôle dans le cycle biogéochimique de nombreux éléments (azote, phosphore, oxygène, carbone).
Les zostères, et donc Zostera noltei, sont des espèces ingénieures qui structurent la biocénose benthique grâce à leur structure complexe et qui abritent de nombreuses espèces absentes des sédiments non végétalisés à proximité. Cet habitat a également un important rôle de zone de reproduction pour les juvéniles de poissons, de crustacés (ex : l’araignée de mer Maja brachydactyla) et de mollusques, et de réservoirs de nourriture pour certains poissons (bars, labridés) et oiseaux hivernants qui se nourrissent soit directement des zostères (ex : bernaches cravant, cygnes tuberculés, canards siffleurs, foulques macroules, cygnes noirs, oies cendrées), soit de la faune associée.

L’espèce Zostera noltei est inscrite sur la liste des espèces végétales protégées en région Pays de la Loire (Arrêté du 25 janvier 1993) et sur celle des espèces végétales protégées en région Basse-Normandie (Arrêté du 27 avril 1995). Elle est aussi considérée comme une espèce patrimoniale et déterminante ZNIEFF. Au titre de la DHFF (92/43/CEE), cet habitat est inclus dans l’Habitat d’Intérêt Communautaire (HIC) 1140 « Replats boueux ou sableux exondés à marée basse ». Il peut également correspondre à l’HIC 1130 « Estuaires » ou l’HIC 1150 « Lagunes côtières » sous réserve de respect des critères d'identification géomorphologiques et de délimitation physiographiques de l'HIC. Les herbiers de zostères naines au sens large sont également listés par la Convention OSPAR comme habitat menacé et/ou en déclin.

Un phénomène de régression a été observé dans certaines zones, notamment celles impactées par les activités humaines (aménagements portuaires, corps morts) ou par des phénomènes naturels (eutrophisation, hausse de la turbidité). Cependant, les zones qui ne sont pas impactées par ces phénomènes peuvent présenter des herbiers en extension.
Si des changements de l’hydrodynamisme ambiant ont lieu, via des aménagements anthropiques, cela pourrait être responsable d’une modification du substrat avec par exemple, un potentiel envasement du milieu. On basculerait alors dans l’habitat A6-4 Herbiers à Zostera noltei sur vases médiolittorales.

Tauran A., Grall J.

2020

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