B5-6 - Herbiers à Ruppia maritima sur sables infralittoraux

Typologie nationale des habitats marins benthiques de la Manche, de la Mer du Nord et de l'Atlantique (NatHab-Atl)

Source de l'ajout à la typologie

L’habitat B5-6 Herbiers à Ruppia maritima sur sables infralittoraux a été ajouté dans la version 3 de la typologie (Michez et al., 2019) sur recommandations de N. Michez en 2018. Cet habitat ne figurait pas dans les versions précédentes de la typologie, même sous un autre intitulé.

Facteurs abiotiques

Etage : Infralittoral
Nature du substrat : Sables
Répartition bathymétrique : 0-5m
Hydrodynamisme : Faible
Salinité : Milieu à salinité variable
Température : Variable
Lumière : Eaux claires ; Système phytal
Régime trophique : Eutrophe

Caractéristiques stationnelles

Cet habitat est caractérisé par la présence d’herbiers de ruppie maritime Ruppia maritima sur des sables vaseux infralittoraux, par définition toujours immergés, même à marée basse. Bien que Ruppia maritima soit une espèce principalement présente en milieu saumâtre, elle semble cependant pouvoir être également présente en milieu euhalin (B5-6.1). L’habitat B5-6 est présent dans les lagunes, bras de mers, polders et estuaires soumis à la fois à la marée et à des apports d’eau douce en quantité variable. Ruppia maritima se développe généralement dans des eaux peu profondes et bien éclairées et peut supporter d’importantes variations de salinité, y compris de fortes sursalures (>40-45 en été) et dessalures (en hiver), ainsi que des périodes d’exondation de durée variable ce qui la distingue des autres herbiers.

Variabilité

Les principales sources de variabilité au sein de l’habitat B5-6 sont les variations pouvant exister dans les apports d’eau salée et d’eau douce responsables des fluctuations plus ou moins importantes de la salinité. Ce paramètre varie également selon l’évaporation, principalement dans le cas d’eaux closes (mares, lagunes fermées). Ces variations de salinité influencent la composition de la communauté benthique. En milieu marin, Ruppia maritima peut parfois être observée en mosaïques avec des zostères. Les sous habitats de niveau trois sont décrits dans leurs fiches respectives.

Communautés ou espèces caractéristiques

L’espèce caractéristique de l’habitat B5-6 est Ruppia maritima.

Espèces associées

La liste fournie ne constitue pas une liste exhaustive des espèces associées à cet habitat. D’après les travaux menés par Verhoeven (1980a), les espèces les plus communes au sein des herbiers à Ruppia maritima sont les polychètes Hediste diversicolor et Arenicola marina, les gastéropodes Ecrobia ventrosa, Peringia ulvae et Potamopyrgus antipodarum, les bivalves Abra segmentum et Cerastoderma glaucum, les amphipodes Corophium volutator et Gammarus insensibilis et l’isopode Idotea chelipes. L’herbier peut accueillir des larves de Chironomidae, des espèces de poissons comme Gasterosteus aculeatus et Pomatoschistus microps, et des crustacés tels que Crangon crangon et Palaemon varians. Localement, des zostères (Zostera marina et/ou Zostera noltei) peuvent être observées ainsi que l’espèce Zannichellia palustris souvent présente dans les herbiers en eaux saumâtre. Des espèces de characées (ex : Chara aspera) peuvent être présentes.

Dynamique temporelle

Ruppia maritima est une plante annuelle libérant des graines en hiver avant de mourir, permettant sa réapparition au printemps.
Dans le cas d’eaux closes (type lagunes côtières fermées), les herbiers de R. maritima peuvent être soumis à un assèchement quasi complet voire complet en période estivale, précédé d’un phénomène de sursalure important (salinité >45), entraînant une période d’exondation de durée variable pouvant aller jusqu’à plusieurs semaines.

Habitats pouvant être associés ou en contact

L’habitat B5-6 peut potentiellement être en contact avec les habitats (liste non exhaustive):
- B5-5 Herbiers à Zostera marina sur sables infralittoraux : contact de même niveau, mosaïque possible
- A5-5 Sables médiolittoraux en milieu à salinité variable : continuité bathymétrique, contact supérieur
Les herbiers à Ruppia maritima peuvent aussi parfois être en contact avec de la végétation à salicorne (contact supérieur) et autres végétations halophiles.

Confusions possibles

Ruppia maritima peut être confondue avec Ruppia cirrhosa et la différenciation in-situ peut être difficile hors période de floraison. R. cirrhosa se retrouve généralement davantage dans des étangs ou mares permanent(e)s tandis que R. maritima est présente dans des retenues d’eau qui s’assèchent en été. De plus, R. maritma s’observe dans des milieux oligohalins voire mésohalins (salinité <18) étant soumis à des sursalures estivales tandis que R. cirrhosa est présente dans des eaux poly- à hyperhalines (salinité comprise entre 2 et 40) (voir Verhoeven, 1975). Il est probable que des différences entre les biocénoses de ces deux habitats existent.

Répartition géographique

Rare dans le Nord-Pas-de-Calais, des herbiers à Ruppia maritima sont mentionnés près de Calais et Dunkerque (Catteau et al., 2009). Des herbiers de ruppie maritime semblent également présents dans l’estuaire de la Rance (dans des lagunes côtières), dans l’estuaire de la Seine (en faible abondance, dans les filandres et mares), dans le Pays de la Loire et dans le Golfe du Morbihan (lagunes en mer à marée) mais sans précision de substrat. Des habitats à ruppie sont présents dans les Pertuis Bretons et Pertuis d’Antioche dans des vasais (premier bassin des marais salants). Il est cependant difficile de conclure qu’il s’agit bien de l’habitat B5-6 précisément dans chacun de ces sites.
Potentiellement, l’habitat B5-6 peut être observé dans toutes les embouchures de fleuves (estuaires), dans des eaux saumâtres et dans tous les milieux sableux continuellement immergés pouvant être influencé par de l’eau douce.

Fonctions écologiques

L’habitat B5-6 sert de zone de nourriture pour certaines espèces d’oiseaux (dont certains anatidés comme la bernache cravant Branta bernicla) mais également pour certains poissons (ex : l’épinoche Gasterosteus aculeatus) qui y trouvent des proies. Certaines espèces de poissons utilisent également cet habitat comme lieu de frayère et comme abris pour leur juvéniles. L’habitat B5-6 sert également de supports pour de nombreux invertébrés benthiques y compris en période de reproduction (ex : ponte de Peringia ulvae fixée sur R. maritima).
Les herbiers de Ruppia maritima ont également un rôle de piégeage des sédiments (bien que moins important que celui assuré par les herbiers de zostères).

Statut de conservation

Au titre de la DHFF (92/43/CEE), l’habitat B5-6 peut être inclus dans le HIC 1110 « Bancs de sable à faible couverture permanente d'eau marine », sous réserve de limite haute du HIC au-dessus de 20m de profondeur, de continuité sédimentaire et des communautés associées depuis la zone moins profonde. L’habitat B5-6 peut également correspondre à l’HIC 1130 « Estuaires », à l’HIC 1150 « Lagunes côtières » ou à l’HIC 1160 « Grandes criques et baies peu profondes » sous réserve de respect des critères d'identification géomorphologiques et de délimitation physiographiques de l'HIC.

Tendance évolutive

Dans le cas de milieux clos ou en cas de fermeture du milieu (par phénomènes naturels (atterrissement) ou non), si les apports d’eau salée disparaissent, l’habitat est voué à disparaître également au profit d’herbiers aquatiques d’eau douce (ex : Ranunculus baudotii). De manière générale, des changements sur le long-terme des paramètres physico-chimiques (salinité) peuvent entraîner des modifications de la biocénose et des espèces dominantes (Verhoeven, 1980a). La tendance étant à la réouverture des marais et polders pour en rétablir les fonctionnalités, il est envisageable que cet habitat gagne du terrain dans les années à venir.

Auteur(s)

Tauran A., Grall J.

Date de rédaction

2020

Bibliographie

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