IV.3.3.b. - Faciès à Corallium rubrum

Typologie nationale des biocénoses benthiques de Méditerranée (NatHab-Med)

Facteurs abiotiques

Etage : Circalittoral et présent dans les enclaves circalittorales (surplombs, cavités etc.) dans l’infralittoral
Nature du substrat : Rocheux et bio-constructions
Répartition bathymétrique : 3 à 60 m
Situation : Mer ouverte
Hydrodynamisme : modéré à assez fort
Salinité : 38
Température : Variations saisonnières
Lumière : Faible luminosité
Régime trophique : Oligotrophe, apport faible mais régulier de nourriture

Caractéristiques stationnelles

Corallium rubrum est une espèce largement répandue en Méditerranée occidentale au sein de la biocénose des grottes semi-obscures (GSO) (IV.3.3.) (Pérès et Picard, 1964) et sur les roches profondes. Le faciès à Corallium rubrum se caractérise par des agrégations de colonies de Corallium rubrum pouvant couvrir de grandes surfaces dans des zones semi-obscures comme les parois des grottes, les cavités du concrétionnement coralligène, les surplombs et les roches profondes (distribution verticale de 5 à plus de 475 m) (PNUE, PAM, CAR/ASP, 2007). Ce faciès, lorsqu’il fait partie de la biocénose de des grottes semi-obscures (IV.3.3.), a une distribution entre 3 et 60 m de profondeur. Les facteurs abiotiques, la lumière, la circulation de l’eau et l’envasement sont des facteurs qui agissent directement ou indirectement sur ce faciès (Laborel et Vacelet, 1961). En Provence et en Catalogne il peut être rencontré à faible profondeur mais dans de nombreuses régions, il n’est présent qu’en dessous de 40 - 50 m, voire au-delà.
Malgré sa présence dans la biocénose des grottes semi-obscures où l’hydrodynamisme est réduit, Corallium rubrum a besoin d’une certaine circulation d’eau pour vivre (filtreur passif).

Variabilité

Le corail rouge est présent sous forme de faciès sur les surplombs et les voutes de grottes semi-obscures à faible profondeur dans le nord du bassin occidental et sur certains sites profonds. Il est distribué en colonies éparses ou formant de petites agrégations dans le coralligène et sur les roches du large.

Dynamique

Dynamique très faible en raison d'un recrutement aléatoire et d'une croissance en épaisseur des rameaux très lente (30-40 ans pour un diamètre de 7 mm : Marschal et al., 2004 ; Garrabou et Harmelin, 2002). La croissance en longueur sans fabrication d'un squelette axial calcifié épais peut être assez rapide chez les jeunes colonies. La récupération d'une structure 'naturelle' en taille de colonies des bancs de corail rouge après récolte même sélective de corailleurs est donc très lente. Toutefois, la résilience du faciès en tant que telle est grande car la maturation sexuelle commence à une très petite taille (colonies de 2-3 cm de haut), très inférieure à la taille commerciale minimale.

Espèces caractéristiques

L’espèce caractéristique de ce faciès est Corallium rubrum.

Espèces associées

Les colonies de Corallium rubrum sont le plus souvent associées à de nombreuses éponges par exemple Haliclona fulva, Haliclona (Rhizoniera) viscosa, Crella (Crella) mollior, Aplysina cavernicola, Petrosia (Petrosia) ficiformis, Pleraplysilla spinifera, des scléractiniaires comme Leptopsammia pruvoti, Caryophyllia inornata, Hoplangia durotrix, des bryozoaires tels que Smittina cervicornis, Smittoidea reticulata, Celleporina caminata, Disporella hispida (PNUE, PAM, CAR/ASP, 2007), des crustacées comme Balssia gasti, B. noeli, et des mollusques comme Pseudosimnia carnea, Simnia purpurea, Coralliophila brevis.

Principaux critères de reconnaissance

Présence en abondance du corail rouge (PNUE, PAM, CAR/ASP, 2007) au niveau des grottes semi-obscures, des failles et des surplombs.

Habitats associés ou en contact

Biocénose coralligène (C) (IV.3.1.)
Biocénose des grottes semi-obscures (GSO) (IV.3.3.)
Faciès à Parazoanthus axinellae (IV.3.3.a.)
Biocénose des grottes et boyaux à obscurité totale (GO) (IV.3.4.)
Biocénose de la roche du large (RL) (IV.3.5.)

Confusions possibles

Aucune confusion possible. Le faux-corail (Myriapora truncata), qui peut être présent dans des habitats favorables au corail rouge, est un bryozoaire dressé bien reconnaissable par sa couleur plus orange et ses ramifications très cylindriques (PNUE, PAM, CAR/ASP, 2007).

Répartition géographique

Ce faciès est rencontré principalement en Méditerranée occidentale dans des zones semi-obscures, les cavités de concrétionnement coralligène, les surplombs et les roches profondes entre 3 et 60 m de profondeur. Les régions où ce faciès est le plus rencontré sont la côte orientale de l’Algérie, la côte nord de la Tunisie, les parages d’Alboran, les Baléares, le sud de la Sicile, la région de Naples, le nord de la Sardaigne, la Catalogne, la Provence et la Corse (Harmelin, 2016). Corallium rubrum est aussi connu de profondeurs nettement plus importantes (à 475 m dans le canyon des Moines en Corse (Goujard com. pers.) et à 819 m dans le détroit de Sicile (Costantini et al., 2010), sans que de véritables faciès aient pu être observés.

Structure et fonctions

Ce cnidaire octocoralliaire colonial est un filtreur passif, consommateur de plancton ou de particules organiques ; sa présence est ainsi conditionnée par l’existence d'une circulation hydrologique pour l’apport de nourriture et de larves (recrutement). L'agrégation dense de colonies à longue durée de vie entraine une monopolisation pérenne de l'espace. Inversement, l'établissement d'un faciès à corail rouge par recrutement larvaire est une phase critique et aléatoire étant donné les contraintes drastiques de la compétition pour l'espace pour les organismes sessiles. Le corail rouge a peu de prédateurs naturels (e.g. Balssia gasti, B. noeli, Pseosimnia carnea (Poiret, 1789), Simnia purpurea Risso, 1826).

Intérêt pour la conservation

Les parois à corail ont une haute valeur esthétique pour le tourisme sous-marin et une haute valeur marchande (bijouterie). Toutefois, la croissance de ce cnidaire étant très lente, une mauvaise gestion de la ressource peut engendrer une diminution importante de ce faciès (PNUE, PAM, CAR/ASP, 2007) et surtout de sa qualité par disparition des colonies de grande taille. Une exploitation respectueuse de la faible dynamique de ce corail précieux implique un système de jachère avec prélèvement sélectif des branches à partir d'une certaine taille et l’établissement de sanctuaires.

Menaces potentielles

L’exploitation du corail rouge est responsable de l’extrême raréfaction des colonies de grande taille, un impact qui a débuté il y a une dizaine de siècles avec l’utilisation de la croix de St André à des profondeurs parfois importantes. Toutefois, ces prélèvements n’affectent pas la pérennité des faciès peu profonds, ces agrégations de colonies comprenant de nombreuses petites colonies sans intérêt commercial, mais déjà fertiles.
Des anomalies thermiques avec un réchauffement estival très important sont à l’origine de la mortalité massive de colonies de Corallium rubrum dans les parties les moins profondes de certains sites. Ce phénomène a été observé en 1999 (Garrabou et al., 2001) et en 2003 (Garrabou et al , 2009) dans le nord-ouest de Méditerranée (PNUE, PAM, CAR/ASP, 2007). La fréquentation exagérée par les plongeurs des grottes et des surplombs riches en corail rouge peut engendrer des cassures de colonies et une remise en suspension de la vase du fond, ce qui est préjudiciable au corail.

Tendance évolutive

Une accentuation de la pression de pêche pourra accentuer encore plus l’érosion de la structure en tailles des colonies des populations locales, avec élimination des colonies de tailles de plus en plus petites avec la raréfaction de la ressource.
Le renforcement du réchauffement de la Méditerranée pourra entrainer une extinction de la frange la moins profonde des populations de corail rouge du nord de la Méditerranée. Toutefois, il est possible que, par sélection génétique, il puisse y avoir maintien de faciès à Corallium rubrum à faible profondeur.

Auteur(s)

Harmelin J.-G., Palomba L., Chevaldonné P.

Date de rédaction

2016

Bibliographie

La Rivière M., Michez N., Delavenne J., Andres S., Fréjefond C., Janson A-L., Abadie A., Amouroux J-M., Bellan G., Bellan-Santini D., Chevaldonné P., Cimiterra N., Derolez V., Fernez T., Fourt M., Frisoni G-F., Grillas P., Harmelin J-G., Jordana E., Klesczewski M., Labrune C., Mouronval J-B., Ouisse V., Palomba L., Pasqualini V., Pelaprat C., Pérez T., Pergent G., Pergent-Martini C., Sartoretto S., Thibaut T., Vacelet J., Verlaque M., 2021. Fiches descriptives des biocénoses benthiques de Méditerranée. UMS PatriNat éd., Paris : 660 pp. (Source)

Michez N., Dirberg G., Bellan-Santini D., Verlaque M., Bellan G., Pergent G., Pergent-Martini C., Labrune C., Francour P., Sartoretto S., 2011. Typologie des biocénoses benthiques de Méditerranée, Liste de référence française et correspondances. Rapport SPN 2011 - 13, MNHN, Paris, 50 p. (Source)

 Michez, N., Fourt, M., Aish, A., Bellan, G., Bellan-Santini, D., Chevaldonné, P., Fabri, M.-C., Goujard, A., Harmelin, J.-G., Labrune, C., Pergent, G., Sartoretto, S., Vacelet, J. et Verlaque, M. 2014. Typologie des biocénoses benthiques de Méditerranée Version 2. Service du patrimoine naturel, Muséum national d'Histoire naturelle, Paris. SPN 2014 - 33: 26 pp. (Source)

Crocetta, F. et Spanu, M. (2008). Molluscs associated with a Sardinian deep water population of Corallium rubrum (Linnι, 1758). Mediterranean Marine Science, 9 (2), 63-86.

FOURT M., GOUJARD A., 2012. Rapport final de la campagne MEDSEACAN (Têtes des canyons méditerranéens continentaux) novembre 2008 – avril 2010. Partenariat Agence des aires marines protégées – GIS Posidonie, GIS Posidonie publ. 218p.+ annexes.

Garrabou J., Coma R., Bensoussan N., Bally M., Chevaldonné P., Cigliano M., Diaz D., Harmelin J.G., Gambi M.C., Kersting D.K., Ledoux J.B., Lejeusne C., Linares C., Marschal C., Perez T., Ribes T., Romano H., Serrano J., Torrents T., Zabala E., Zuberer S. et Cerrano A. (2009). Mass mortality in Northwestern Mediterranean rocky benthic communities: effects of the 2003 heat wave. Global Change Biology, 15 (5), 1090-1103.

 GARRABOU J., HARMELIN J.G., 2002. A 20-year study on life history traits of a harvested long-lived temperate coral in the NW Mediterranean: insights into conservation and management needs. J. Anim. Ecol., 71, 6: 966-978.

 GARRABOU J., PEREZ T., SARTORETTO S., HARMELIN J.G., 2001. Mass mortality event in red coral (Corallium rubrum, Cnidaria, Anthozoa, Octocorallia) population in the Provence region (France, NW Mediterranean). Mar. Ecol. Prog. Ser., 217: 263-272.

HARMELIN J.G., 1984. Biologie du corail rouge. Paramètres de populations, croissance et mortalité naturelle. Etat des connaissances en France : 99-103. In Charbonnier D. & Garcia S., eds., Rapport de consultation technique du CGPM sur les ressources du corail rouge de la Méditerranée occidentale et leur exploitation rationnelle. FAO rapport NÀ306 sur les Pêches, Palma de Mallorca, Espagne, FAO Pub.: 142 pp.

Harmelin, J.G. (2016). Le corail rouge, l’or de Méditerranée. http://www.futura-sciences.com/magazines/nature/infos/dossiers/d/faune-corail-rouge-or-mediterranee-606/page/3/ , consulté le 18 mai 2016.

 LABOREL J., VACELET J., 1961. Répartition bionomique du Corallium rubrum LMCK dans les grottes et falaises sous-marines. Rapp. Comm. int. Mer Médit., 16: 464-469.

Marschal, C., Garrabou, J., Harmelin, J. G. et Pichon, M. (2004). A new method for measuring growth and age in the precious red coral Corallium rubrum (L.). Coral reefs, 23 (3), 423-432.

 PERES J.M., PICARD J., 1964. Nouveau manuel de bionomie benthique de la Méditerranée. Rec Trav. Stat. Mar. Endoume, 31 (47) : 1-137.

 PNUE, PAM, CAR/ASP, 2007. Manuel d’interprétation des types d'habitats marins pour la sélection des sites à inclure dans les inventaires nationaux de sites naturels d’intérêt pour la Conservation. Pergent G., Bellan-Santini D., Bellan G., Bitar G. et Harmelin J.G. eds., CAR/ASP publ., Tunis, 199 pp.

Torrents, O., Garrabou, J., Marschal, C. et Harmelin, J.G. (2005). Age and size at first reproduction in the commercially exploited red coral Corallium rubrum (L.) (Octocorallia, Gorgonacea) in the Marseille area (France, NW Mediterranean). Biological Conservation 121 (3), 391-397. (http://link.springer.com/article/10.1007/s00338-004-0398-6/fulltext.html)

Torrents, O., Tambutté, E., Caminiti, N. et Garrabou, J. (2008). Upper thermal thresholds of shallow vs. Deep populations of the precious Mediterranean red coral Corallium rubrum (L.): Assessing the potential effects of warming in the NW Mediterranean. Journal of Experimental Marine Biology and Ecology, 357, 7-19.