Typologie nationale des biocénoses benthiques de Méditerranée (NatHab-Med)

Etage : Infralittoral
Nature du substrat : Meubles (sables grossiers à envasés), durs (roche en place, éboulis)
Répartition bathymétrique : 0,5 à 3 m
Situation : Mer ouverte, exceptionnellement en milieu lagunaire
Hydrodynamisme : Faible à modéré
Salinité : Normale (minimum 36) à hyperhaline (43) jusqu’à 45 en lagune
Température : 9 à 29°C
Lumière : Très importante

Récif barrière :
Dans le fond des baies abritées, la croissance verticale des rhizomes conduit à une surélévation de la matte permettant à l’herbier d’atteindre la surface ; cette structure est désignée sous le terme de « récif-frangeant ». Entre le front d’émersion du récif et la côte, les conditions deviennent défavorables (fortes variations de salinité, de température), l’herbier meurt laissant apparaître une sorte de « lagon », séparé du large par un « récif-barrière ». Ce lagon est généralement occupé par des petites magnoliophytes (Cymodocea nodosa et Zostera noltei) se développant sur matte morte. Au niveau du récif-barrière, qui peut atteindre plusieurs mètres de largeur, les feuilles émergent et s’étalent à la surface de l’eau, notamment au printemps et en été. Le récif se prolonge en pente douce vers le large où il constitue un herbier de fond continu. La forme classique de ces récifs, sous forme d’un front parallèle au rivage, est la plus répandue ; toutefois des structures particulières plus étendues (plates-formes récifales) ont été signalées en Sicile et en Corse.

Herbier tigré :
L’herbier tigré à Posidonia oceanica se développe entre 0,5 et 3 m de profondeur. Il se présente sous forme de rubans assez étroits (1 à 2 m de large) d’une longueur pouvant atteindre plusieurs dizaines de mètres, de forme rectiligne ou sinueuse, rarement ramifiés. Ces rubans sont séparés par des étendues de matte morte colonisées par une pelouse mixte à Cymodocea nodosa et Caulerpa prolifera. En coupe, ces rubans sont asymétriques, avec un petit tombant de matte d’un côté et une pente douce de l’autre. Ces rubans sont des structures dynamiques, se déplaçant parallèlement à eux-mêmes, dans le sens inverse des courants, à une vitesse estimée à une dizaine de centimètres par an. Ces structures se développent essentiellement sur substrat meuble mais un herbier tigré a été observé sur un platier rocheux en Libye.

Atoll :
Une structure d’herbier, souvent présente dans les mêmes secteurs, est désignée sous le terme d’atoll de Posidonia oceanica. Ces atolls se développent entre 0,5 et 2,5 m de profondeur et se présente sous forme d’une couronne dont le centre est occupé par de la matte morte. Ils peuvent être observés associés aux herbiers tigrés ou sur des plates-formes récifales ou constituer la seule structure présente, mais toujours dans des secteurs où l’hydrodynamisme est réduit. L’origine de ces structures semble être liée à la conjonction de deux mécanismes : la croissance centrifuge d’une touffe de Posidonia oceanica (colonisation du substrat adjacent) et la destruction de sa partie centrale. Ces atolls sont séparés par des mattes mortes colonisées par une pelouse mixte à Cymodocea nodosa et algues photophiles (Halopteris scoparia (Syn. Stypocolon scoparium), Padina pavonica, Caulerpa prolifera) ou par du substrat meuble nu ou végétalisé.

En fonction de leur origine et de leur structure les récifs-barrières peuvent être classés en différentes catégories (récifs frangeants, récifs-barrières avec lagon de matte, récifs-barrières avec lagon de matte érodée, récifs-barrières avec lagon d’origine géomorphologique, récifs-barrières fossiles, faux récifs-barrières, plateaux récifaux et récifs perpendiculaires) (Boudouresque et al., 2014). La taille de ces structures est très variable ; ainsi la longueur des récifs peut varier de quelques mètres à plusieurs kilomètres (Iles Kuriat, Tunisie) et le lagon présenter une largeur pouvant atteindre plusieurs dizaines de mètres.
Les plus grands herbiers tigrés identifiés, au niveau des îles Kerkennah (Tunisie) couvrent plusieurs dizaines de km2, mais cette taille peut être beaucoup plus réduite, comme dans la baie de Porto-Vecchio en Corse ou dans la baie de Gülbahçe en Turquie où ils ne couvrent que quelques dizaines de m2. De même, en fonction du site, la distance entre les rubans de Posidonia oceanica peut varier de plusieurs mètres (jusqu’à 20 m aux îles Kerkennah) à quelques dizaines de centimètres (Corse, Turquie).
La taille de ces atolls est très variable, de 3 à 6 m de diamètre pour les premières structures observées, et désignées sous le terme de micro-atolls, à plusieurs dizaines de mètres de diamètre dans l’Est de la Libye (macro-atolls).

Ces structures présentent une localisation et une dynamique similaires. La partie extérieure, celle exposée aux courants dominants ou à l’hydrodynamisme, colonise le substrat situé en avant, grâce à des rhizomes plagiotropes. Inversement, la partie intérieure, où les conditions de biotopes deviennent défavorables (température, salinité), présente une baisse de vitalité pouvant conduire à une mortalité des faisceaux de Posidonia oceanica et l’apparition de matte morte. Cette matte morte peut être recouverte par des petites magniolophytes (Cymodocea nodosa) et des algues photophiles.

Les mêmes que celles de la biocénose.

Récif barrière :
La présence d'un récif matérialisé par l'émersion des feuilles en surface, séparé de la côte par un lagon peu profond, plus ou moins large.

Herbier tigré :
La structure spécifique de ces formations en ruban, dans des biotopes superficiels, et la présence de matte morte, recouverte de Cymodocea nodosa ou d’algues photophiles, séparant ces structures.

Atoll :
Structures circulaires en forme de couronne dont la partie centrale est occupée par de la matte morte.

La biocénose de l'herbier à Posidonia oceanica (III.5.1.) et ses deux faciès de matte morte (III.5.1.b. et III.5.1.c.).

Aucune confusion possible.

Récif barrière :
Les récifs constitués par l'herbier à Posidonia oceanica se développent dans des fonds de baies abritées. Une soixantaine de ces structures a été recensée au cours de ces dernières décennies, principalement en Méditerranée occidentale (Espagne, France, Italie, Algérie, Tunisie, Turquie).
En France : le littoral de Provence-Alpes-Côte d’Azur et surtout le littoral de la Corse comptent environ 35 récifs-barrières et frangeants. La majorité de ces structures ont été décrites récemment et confirme l’intérêt qui leur est porté (Vela et al., 2008).

Herbier tigré :
L'herbier tigré est particulièrement bien développé dans le golfe de Gabès, à proximité des îles Kerkennah (Tunisie). Il peut être rencontré de façon plus ponctuelle en Italie (Sicile), en Libye, en Turquie et en France (Golfe de Porto-Vecchio - Corse).

Atoll :
Les atolls, ont été observés pour la première fois en Turquie (côte égéenne) mais depuis plusieurs autres sites ont été identifiés (Italie, Tunisie, Turquie). Les plus grands atolls (macro-atolls) et les plus nombreux (plusieurs dizaines) ont été découverts dans l’Est de la Libye dans la baie d’Ain Al Ghazala. En Corse plusieurs atolls de 4 à 12 m de diamètre ont été observés sur la plate-forme récifale de Saint-Florent et dans la Réserve Naturelle des Bouches de Bonifacio (Baie de Paraguan).

Similaire à la biocénose de l’herbier à Posidonia oceanica avec un rôle de nurserie significatif. En effet, les premiers éléments issus du programme NUhAGE indiquent que la diversité d’espèces est importante ainsi que la densité de juvéniles (Le Diréach et al., 2015).

Récif barrière :
Les quelques structures identifiées à ce jour, dans des secteurs très localisés et peu anthropisés, sont sans commune mesure avec l'extension passée de cette écomorphose. Il est clair que la majorité des récifs-barrières à Posidonia oceanica ont aujourd'hui disparu alors qu'ils constituent une structure unique dans la biosphère. Ces structures sont également à l'origine de la mise en place de biotopes eurythermes et euryhalins (avec la biocénose qui leur est associée) tout à fait particuliers (lagons).

Herbier tigré :
Cette écomorphose n'apparaît que dans des secteurs très localisés ; elle est donc rare à l'échelle de la Méditerranée. Sa structure et sa dynamique sont uniques et n'ont fait l'objet d'aucune autre signalisation chez d'autres espèces de magnoliophytes.

Atoll :
Cette écomorphose très rare en Méditerranée mérite une protection renforcée d’autant plus qu’elle se situe dans des secteurs particulièrement vulnérables et convoités (ex fonds de baies abritées). D’autre part, la mise en place des macro-atolls nécessite plusieurs milliers d’années ce qui rend toute dégradation irréversible à l’échelle humaine et constitue de véritables monuments naturels ; à ce jour ces structures spécifiques n’ont été identifiées que sur un seul site (Libye).

Récif barrière :
Dans des conditions de milieu optimales ces structures seraient amenées à s'étendre vers le large ; toutefois compte tenu de leur fragilité (équilibre sédimentaire et hydrodynamique) et de leur situation en bordure de littoral leur maintien est fortement compromis si aucune mesure n'est envisagée.

Herbier tigré :
Ces structures présentent un équilibre dynamique dont le maintien peut être hypothéqué par une modification de la courantologie et/ou de la sédimentation.

Atoll :
La dynamique de ces structures est très lente compte tenu de la vitesse de croissance réduite de Posidonia oceanica (quelques centimètres par an). Situées dans des fonds de baies abritées, à faible profondeur, elles subissent le piétinement régulier des baigneurs et/ou de l’ancrage des petites embarcations. D’autre part, lorsqu’elles sont situées en milieu lagunaire les modifications de salinité, de la concentration en nutriments et de la circulation des eaux peuvent conduire à des régressions drastiques (ex. Stagnone en Sicile).

Récif barrière :
Cette écomorphose a payé un lourd tribut à l'aménagement du littoral depuis très longtemps. En effet, zones de mouillage recherchées, la majorité des fonds de baies abrités ont été inexorablement occupés par des ports qui ont recouvert la quasi-totalité des récifs-barrières existants. Les quelques récifs encore présents présentent tous une dynamique régressive du fait des nombreuses agressions dont ils sont l'objet (plaisance, pollution, aménagements). Egalement inscrite dans le « Livre rouge Gérard Vuignier des végétaux, peuplement et paysages marins menacés de Méditerranée » cette écomorphose « relique » doit faire l'objet d'un statut spécifique sous peine de disparaître définitivement des rivages méditerranéens.

Herbier tigré :
Du fait de leur localisation en bordure du littoral et dans des secteurs très superficiels, ces structures sont particulièrement sensibles à l'impact de l'homme. La dégradation générale du milieu dans le golfe de Gabès (à l'origine d'une régression massive des herbiers de Posidonia oceanica), et les projets d'aménagements littoraux de façon plus générale, sont susceptibles de causer la disparition de ces écomorphoses tout à fait remarquables. L'inscription de cette écomorphose dans le « Livre rouge Gérard Vuignier des végétaux, peuplement et paysages marins menacés de Méditerranée » confirme ces menaces potentielles. La mise en place d'un statut de conservation spécifique apparaît indispensable.

Atoll :
Si dans les secteurs où la fréquentation est faible, ces structures ne semblent pas présenter de signe de régression importants en revanche elles paient souvent un lourd tribu à lors de l’aménagement du littoral (recouvrement par des routes côtières, inclusion puis disparition dans des bassins portuaires).

Pergent G.

2016

La Rivière M., Michez N., Delavenne J., Andres S., Fréjefond C., Janson A-L., Abadie A., Amouroux J-M., Bellan G., Bellan-Santini D., Chevaldonné P., Cimiterra N., Derolez V., Fernez T., Fourt M., Frisoni G-F., Grillas P., Harmelin J-G., Jordana E., Klesczewski M., Labrune C., Mouronval J-B., Ouisse V., Palomba L., Pasqualini V., Pelaprat C., Pérez T., Pergent G., Pergent-Martini C., Sartoretto S., Thibaut T., Vacelet J., Verlaque M., 2021. Fiches descriptives des biocénoses benthiques de Méditerranée. UMS PatriNat éd., Paris : 660 pp. (Source)

Michez N., Dirberg G., Bellan-Santini D., Verlaque M., Bellan G., Pergent G., Pergent-Martini C., Labrune C., Francour P., Sartoretto S., 2011. Typologie des biocénoses benthiques de Méditerranée, Liste de référence française et correspondances. Rapport SPN 2011 - 13, MNHN, Paris, 50 p. (Source)

 Michez, N., Fourt, M., Aish, A., Bellan, G., Bellan-Santini, D., Chevaldonné, P., Fabri, M.-C., Goujard, A., Harmelin, J.-G., Labrune, C., Pergent, G., Sartoretto, S., Vacelet, J. et Verlaque, M. 2014. Typologie des biocénoses benthiques de Méditerranée Version 2. Service du patrimoine naturel, Muséum national d'Histoire naturelle, Paris. SPN 2014 - 33: 26 pp. (Source)

BOUDOURESQUE C.F., BONHOMME D., ASTRUCH P., BONHOMME P., GOUJARD A., THIBAUT T., 2014. Insight into the typology of reef formations of the Mediterranean seagrass Posidonia oceanica. Fifth Mediterranean symposium on marine vegetation, Portorož, 27-28 October 2014: 58-63.

Le Diréach L., Astruch P., Rouanet E., Cheminée A., Harmelin-Vivien M., Ruitton S., Thibaut T., Blanfuné A., 2015. Typology of shallow nursery habitats for juvenile fish on the French Mediterranean coast (Var, France). Colloque Driver-Sublimo Restoration of nurseries of Mediterranean shallow coastal waters, 27-29 April 2015, Embiez Island, France.

PASQUALINI V., PERGENT-MARTINI C., PERGENT G., 1995. Etude de la formation récifale de St-Florent (Haute-Corse) - Cartographie et évolution. Contrat DIREN/GIS Posidonie, GIS Posidonie - Centre de Corse édit. : 1-49.

Pergent G., Calvo S., Cancemi G., Djellouli A., Dupuy de la Grandrive R., Langar H., Pergent-Martini C., Tomasello A., 2010. Nouvelles connaissances sur les herbiers tigrés de Méditerranée. Proceedings of the 4th Mediterranean symposium on marine vegetation (Hammamet, 2-4 December 2010). S. El Asmi, H. Langar & W. Belgacem edits., RAC/SPA publ., Tunis : 95-98.

Pergent G., Djellouli A., Hamza A.A., Ettayeb K.S., Alkekli A., Talha M., Alkunti E., 2007. Structure of Posidonia oceanica meadows in the vicinity of ain al-ghazala lagoon (Libya): the « macroatoll » ecomorphosis. Proceedings of the third Mediterranean symposium on marine vegetation (Marseilles, 27-29 March 2007). C. Pergent-Martini, S. El Asmi, C. Le Ravallec edits., RAC/SPA publ., Tunis: 135-140.

Pergent-Martini C., Bonacorsi M., Plantecoste D., Pergent G., 2013. Evolution inattendue des récifs à Posidonia oceanica dans le golfe de Saint-Florent. Colloque Carhamb'ar, 2ème édition, Brest, 26 au 28 Mars 2013 : 140-143.

 PNUE, PAM, CAR/ASP, 2007. Manuel d’interprétation des types d'habitats marins pour la sélection des sites à inclure dans les inventaires nationaux de sites naturels d’intérêt pour la Conservation. Pergent G., Bellan-Santini D., Bellan G., Bitar G. et Harmelin J.G. eds., CAR/ASP publ., Tunis, 199 pp.

Vela A., Garrido-Maestracci M., 2008. Recensement des formations récifales superficielles bioconstruites sur le littoral corse – Contrat SINTINELLE & DIREN CORSE, 154p.