III.6.1.a. - Association à Ericaria amentacea (Syn. Cystoseira amentacea var. stricta)/ Ericaria mediterranea (Syn. Cystoseira mediterranea)

Typologie nationale des biocénoses benthiques de Méditerranée (NatHab-Med)

Evolution

ATTENTION : L’évolution de la taxonomie a mené à une modification du nom d’espèces caractéristiques (Ericaria amentacea (C.Agardh) Molinari & Guiry ; Ericaria mediterranea (Sauvageau) Molinari & Guiry 2020). L’association à Cystoseira amentacea var. stricta / Cystoseira mediterranea devrait ainsi être renommée comme « Association à Ericaria amentacea (Syn. Cystoseira amentacea var. stricta) / Ericaria mediterranea (Syn. Cystoseira mediterranea)».

Facteurs abiotiques

Etage : Infralittoral
Nature du substrat : Fonds durs
Répartition bathymétrique : Premier mètre
Situation : Mer ouverte
Hydrodynamisme : Mode modéré à agité
Salinité : 37 - 38
Température : Variations saisonnières et journalières (en été selon l’alternance émersion/immersion l’amplitude peut être de 20°C environ)
Lumière : Forte luminosité
Régime trophique : Oligotrophe

Caractéristiques stationnelles

Deux variétés de Cystoseira amentacea ont été décrites : var. stricta et var. amentacea. Ces variétés étaient mal définies et ne permettent pas une distinction certaine (Cormaci et al., 2012 ; Thibaut et al., 2014). Il semblait que la variété stricta soit la seule présente dans les eaux de Méditerranée française. Ces variétés sont aujourd’hui considérées comme des synonymes de Ericaria amentacea (C.Agardh) Molinari & Guiry. Elles forment des ceintures denses de végétation qui recouvrent, en sous strate, un peuplement sciaphile. Cette association a été décrite par Molinier en 1958 (Cystoseiretum strictae Molinier). Les ceintures denses se rencontrent dans les zones les plus exposées à l’hydrodynamisme et avec une pente faible. Cependant on peut trouver l’espèce sur les substrats rocheux bien éclairés, quel que soit leur pente. La largeur d’une ceinture en condition favorable est de 1 à 2 mètres. L’espèce est endémique de Méditerranée, on la rencontre dans l’intégralité du bassin (Cormaci et al., 2012 ; Guiry, 2016). Cette association caractérise la limite supérieure de l’étage infralittoral et se localise dans le premier mètre.
Ericaria mediterranea (Syn. Cystoseira mediterranea) est l’espèce vicariante de Ericaria amentacea (Syn. Cystoseira amentacea var. stricta) dans le Languedoc où cette dernière est absente. Cette espèce a été signalée dans l’ensemble du bassin méditerranéen mais sa présence dans certaines régions, et notamment en Méditerranée orientale ainsi que dans certaines zones de l’Atlantique marocain requière confirmation.

Variabilité

Sur les côtes de PACA et Corse, on rencontre uniquement Ericaria amentacea (Syn. Cystoseira amentacea). Ericaria mediterranea (Syn. Cystoseira mediterranea) se trouve uniquement dans les départements de l’Aude (à partir de Leucate) et dans les Pyrénées-Orientales où elle a énormément régressée.

Dynamique

Les deux espèces sont pérennes (hémi-pérennes : la base encroûtante et la base de l’axe (C. mediterranea) ou des axes (E. amentacea) persistent au cours de la vie de la plante). Les rameaux tombent à la fin de l’été. La durée de vie de ces espèces est inconnue.
En cas de perturbation (eutrophisation et / ou dessalure constante), les corallines articulées (Corallina spp.) remplacent l’association, empêchent le recrutement de E. amentacea et de Ericaria mediterranea (Syn. Cystoseira mediterranea).. Dans les zones sous apports de larves de la moule Mytilus galloprovincialis, ces deux espèces sont en compétition avec les moules qui tendent à les remplacer et à constituer une moulière. Néanmoins, si les moules disparaissent, une recolonisation du substrat est possible. Le recrutement des deux espèces se fait de proche en proche. Leurs gros œufs (100 µm de diamètre) flottent mal et se fixent généralement rapidement au substrat. Cependant, des colonisations d’ouvrages portuaires dans des zones où les populations les plus proches étaient à 4 km ont été observées. Il est possible qu’une dispersion lointaine ait lieu sous la forme de « radeaux d’algues » qui seraient constitués par les rameaux caduques.

Espèces caractéristiques

Ericaria amentacea (Syn. Cystoseira amentacea var. stricta)
Ericaria mediterranea (Syn. Cystoseira mediterranea)

Espèces associées

Boergeseniella deludens, Vertebrata fruticulosa, Bryopsis duplex, Gelidium pusillum, Herponema valiantei, Osmundea truncata et Feldmannia paradoxa var. caespitula.

Principaux critères de reconnaissance

Forêt de Ericaria amentacea ou de Ericaria mediterranea.
Ericaria amentacea est une espèce cespiteuse (40-50 cm de haut) formée de courts axes qui produisent de longs rameaux caduques couverts de ramules courts en forme d’épines. Les individus peuvent être iridescents bleu. Les réceptacles sont terminaux et se développent au printemps-été. Elle ne peut pas être confondue avec d’autres Ericaria car c’est la seule à supporter une émersion plus ou moins longue (ressac, marées barométriques, seiches, etc.). La principale différence avec Ericaria mediterranea (Syn. Cystoseira mediterranea) est que cette dernière ne possède qu’un seul axe (espèce non cespiteuse).

Habitats associés ou en contact

Au-dessus, la biocénose de la roche médiolittorale inférieure (RMI) (II.4.2.).
En-dessous, d’autres aspects de la biocénose des algues infralittorales (III.6.1.), la biocénose de l'herbier à Posidonia oceanica (III.5.1.), ou les biocénoses de substrats meubles.
Sur les côtés, en mode calme, l’association à Ericaria crinita (Syn. Cystoseira crinita), C. foeniculacea (Syn. C. discors) et C. compressa / C. crinitophylla (III.6.1.b.) ou à Gongolaria sauvageauana (Syn. Cystoseira sauvageauana) et Gongolaria barbata (Syn. Cystoseira barbata) et C. barbata (III.6.1.d.).
En milieux perturbés ou ombragés (par ex. sous les visors), l’association à Ellisolandia elongata (Syn. Corallina elongata) et Herposiphonia secunda (III.6.1.g.) se développe.

Confusions possibles

La confusion de Ericaria amentacea est possible avec Ericaria brachycarpa lorsque celle-ci remonte près de la surface.

Répartition géographique

Les deux Fucales (Phaeophyceae) ont été souvent cartographiées le long des côtes françaises de la Méditerranée : Cystoseira amentacea var. stricta en région PACA et en Corse et Cystoseira mediterranea dans l’Aude, au niveau des falaises de Leucate, et sur la côte des Albères (Pyrénées-Orientales) (Thibaut et al., 2012).

Structure et fonctions

Structure : forêt algale/peuplements arborescents
Fonctions : nurseries d’espèces (par ex. Blennidae, Labridae), production primaire, ces deux espèces étant parmi les plus productives de Méditerranée (Ballesteros, 1988)

Intérêt pour la conservation

Ce sont les seules espèces qui structurent l’horizon haut de l’étage infralittoral supérieur. Elles assurent une production importante qui est exportée dans les niveaux inférieurs. Cette association caractérise des habitats naturels non ou faiblement perturbés. Elle est un bon indicateur de la bonne qualité du milieu. Elle contribue à l'équilibre du milieu, est utilisée comme refuge par une petite faune vagile ainsi qu’aux juvéniles de poissons et elle est une zone de nourrissage. Elle maintient aussi la biodiversité : cette association, comprenant plusieurs strates, abrite des organismes épiphytes et des organismes de sous strate. On y trouve des espèces appartenant principalement aux macroalgues, aux polychètes, aux mollusques et aux crustacés. Enfin, E. amentacea est exploitée pour la cosmétologie dans le Var (500 kg par km).

Menaces potentielles

La principale menace est la destruction de l’habitat par des aménagements côtiers (remblaiements, constructions de routes et développements portuaires). Les deux espèces sont sensibles à l’eutrophisation permanente et notamment aux rejets côtiers et en surface d’eau douce de STEP (Arevalo et al., 2013 ; Thibaut et al., 2014 ; Pinedo et al., 2015). Cependant, on peut les trouver à proximité immédiate des entrées de ports. Une menace potentielle est celle liée aux marées noires même si aucun impact sur cette association n’a été relevé lors de la marée noire du Haven à Gênes en 1991. On note aussi les rejets sauvages d’eau douce plus ou moins polluées (fosses septiques, vidange de piscines) ainsi que le piétinement dans les zones les plus fréquentées (Milallo, 2012).

Tendance évolutive

Etant liées aux eaux pures, les deux espèces sont en régression en Méditerranée occidentale et ont disparu des zones soumises à une forte pollution chronique.
Sur les côtes de Méditerranée occidentale française, la présence de l’association au sein de quatre régions (Provence occidentale et orientale, la côte d’Azur et la Corse) fait preuve d’une remarquable stabilité (plusieurs dizaines d’années) hormis sur quatre zones où elle est en régression :
- entre Eze-sur-Mer et Cap Martin
- entre Beaulieu-sur-Mer et Saint-Jean-Cap-Ferrat
- les calanques de Marseille
- entre la pointe de la Revellata et le port de Calvi 
L’association à E. mediterranea est en fort déclin depuis les années 1940. Elle a totalement disparu de Sète et du Cap d’Agde (aménagements). La limite nord de l’espèce a régressé de 50 km (depuis 1982), on ne la retrouve plus que sur les falaises de Leucate et la côte des Albères. La tendance évolutive n’est pas connue à Leucate. La régression sur la côte des Albères semble liée à une compétition avec les Mytilus et aux épisodes climatiques extrêmes. La dynamique linéaire pour la côte des Albères est variable : baisse entre 2003 et 2007, remontée entre 2007 et 2012, et est en corrélation avec la fréquence des épisodes climatiques extrêmes.

Auteur(s)

Michez M., Thibaut T., Verlaque M.

Date de rédaction

2016

Bibliographie

La Rivière M., Michez N., Delavenne J., Andres S., Fréjefond C., Janson A-L., Abadie A., Amouroux J-M., Bellan G., Bellan-Santini D., Chevaldonné P., Cimiterra N., Derolez V., Fernez T., Fourt M., Frisoni G-F., Grillas P., Harmelin J-G., Jordana E., Klesczewski M., Labrune C., Mouronval J-B., Ouisse V., Palomba L., Pasqualini V., Pelaprat C., Pérez T., Pergent G., Pergent-Martini C., Sartoretto S., Thibaut T., Vacelet J., Verlaque M., 2021. Fiches descriptives des biocénoses benthiques de Méditerranée. UMS PatriNat éd., Paris : 660 pp. (Source)

Michez N., Dirberg G., Bellan-Santini D., Verlaque M., Bellan G., Pergent G., Pergent-Martini C., Labrune C., Francour P., Sartoretto S., 2011. Typologie des biocénoses benthiques de Méditerranée, Liste de référence française et correspondances. Rapport SPN 2011 - 13, MNHN, Paris, 50 p. (Source)

 Michez, N., Fourt, M., Aish, A., Bellan, G., Bellan-Santini, D., Chevaldonné, P., Fabri, M.-C., Goujard, A., Harmelin, J.-G., Labrune, C., Pergent, G., Sartoretto, S., Vacelet, J. et Verlaque, M. 2014. Typologie des biocénoses benthiques de Méditerranée Version 2. Service du patrimoine naturel, Muséum national d'Histoire naturelle, Paris. SPN 2014 - 33: 26 pp. (Source)

Ballesteros E. (1988). Estructura de la comunitad de Cystoseira mediterranea Sauvageau en el Mediterraneo noroccidental. Inv. Pesq. 52 (3): 313-334.

BOUDOURESQUE C. F., 1971. Contribution à l’étude phytosociologique des peuplements algaux des côtes varoises. Vegetatio, Acta Bot., 22(1-3) : 83-184.

BOUDOURESQUE C.F., 1984. Groupes écologiques d’algues marines et phytocénoses benthiques en Méditerranée nord-occidentale : une revue. Giorn. Botan. Ital., 118, sppl. 2 : 7-41.

CORMACI M., FURNARI G., CATRA M., ALONGI G. & GIACCONE G., 2012 - Flora marina bentonica del Mediterraneo: Phaeophyceae. Bollettino dell’Accademia Gioenia di Scienze Naturali di Catania 45: 1-508.

 GIACCONE G., ALONGI G., PIZZUTO F., COSSU A. 1994. La vegetazione marina bentonica fotofila del Mediterraneo: II. Infralitorale e Circalitorale: Proposte di aggiornamento. Boll. Accad. Gioenia Sci. Nat. Catania, (27) 346: 111-157.

M.D. Guiry in Guiry, M.D. & Guiry, G.M. 2016. AlgaeBase. World-wide electronic publication, National University of Ireland, Galway. http://www.algaebase.org; searched on 27 April 2016.

Molinier R., 1958. Etude des biocénoses marines du Cap Corse. Thèse Doctorat, Marseille.

Pinedo S, Arévalo R, Ballesteros E, 2015. Seasonal dynamics of upper sublittoral assemblages on Mediterranean rocky shores along a eutrophication gradient. Estuarine, Coastal and Shelf Science. 161: 93-101.

 PNUE, PAM, CAR/ASP, 2007. Manuel d’interprétation des types d'habitats marins pour la sélection des sites à inclure dans les inventaires nationaux de sites naturels d’intérêt pour la Conservation. Pergent G., Bellan-Santini D., Bellan G., Bitar G. et Harmelin J.G. eds., CAR/ASP publ., Tunis, 199 pp.

Thibaut T., Blanfuné A., Boudouresque C.-F. & Verlaque M. 2015. Decline and local extinction of Fucales in the French Riviera: the harbinger of future extinctions? Mediterranean Marine Science 16(1): 206-224.

Thibaut T., Blanfuné A., Markovic L. 2012. Biocénoses des fonds durs de l’infralittoral. Sous-région marine Méditerranée occidentale. Evaluation initiale DCSMM. MEDDE, AAMP, Ifremer, Ref. DCSMM/EI/EE/MO/22/2012, 11 pp.

Thibaut, T., Blanfuné, A., Boudouresque, C-F., Cottalorda, J.-M., Hereu, B., Susini, L. & Verlaque, M. (2016). Unexpected temporal stability of Cystoseira and Sargassum forests in Port-Cros, one of the oldest Mediterranean marine National Parks. Cryptogamie Algologie 37(1): 61-90.

Thibaut, T., Blanfuné, A., Markovic, L., Verlaque, M., Boudouresque, C. F., Perret-Boudouresque, M., ... & Bottin, L. (2014). Unexpected abundance and long-term relative stability of the brown alga Cystoseira amentacea, hitherto regarded as a threatened species, in the north-western Mediterranean Sea. Marine pollution bulletin, 89(1), 305-323.

VERLAQUE M., 1987. Contribution à l’étude du phytobenthos d’un écosystème photophyle, termophyle marin en Méditerranée occidentale. Thèse de Doctorat d’Etat, Université d’Aix-Marseille II, 389 pp.