C3-2 - Sables grossiers et graviers circalittoraux côtiers

Typologie nationale des habitats marins benthiques de la Manche, de la Mer du Nord et de l'Atlantique (NatHab-Atl)

Source de l'ajout à la typologie

L’habitat C3-2 Sables grossier et graviers circalittoraux a été créé dans la version 1 de la typologie (Michez et al., 2013) sous le code M08.01.02. Il se composait des cinq sous-habitats suivants :
- M08.01.02.01 Sables grossiers et graviers du circalittoral côtier à Mediomastus fragilis, Lumbrineris spp. et Bivalves Vénéridés
- M08.01.02.02 Sables graveleux hétérogènes appauvris du circalittoral côtier à Protodorvillea kefersteini et autres Polychètes
- M08.01.02.03 Graviers coquilliers et sables grossiers du circalittoral côtier à Neopentadactyla mixta
- M08.01.02.04 Sables grossiers avec graviers coquilliers du circalittoral côtier à Branchiostoma lanceolatum
- M08.01.02.05 Graviers coquilliers et sables avec Bivalves Pectinidés

Dans la version 2 de la typologie (Michez et al., 2015) le sous-habitat M08.01.02.05 Graviers coquilliers et sables avec Bivalves Pectinidés est supprimé (source Houbin C. et Thiébaut E.) et les sous-habitats et la sous entité suivants sont ajoutés :
- M08.01.02.01 Galets et cailloutis instables du circalittoral côtier à Spirobranchus triqueter avec cirripèdes et bryozoaires encroûtants (source Blanchard (2012) et EUNIS (2008))
- M08.01.02.05.01 Sables grossiers et graviers du circalittoral côtier àBranchiostoma lanceolatum avec présence éparse de maërl (source Bajjouk T. et Blanchard (2012))
- M08.01.02.06 Graviers plus ou moins ensablés du circalittoral côtier (source Blanchard (2012) et HEMISPHERE SUB (2012))

L’ajout du sous-habitat M08.01.02.01 a entraîné un décalage des codes initiaux des sous-habitats:
- M08.01.02.02 Sables grossiers et graviers du circalittoral côtier à Mediomastus fragilis, Lumbrineris spp. et Bivalves Vénéridés
- M08.01.02.03 Sables graveleux hétérogènes appauvris du circalittoral côtier à Protodorvillea kefersteini et autres Polychètes
- M08.01.02.04 Graviers coquilliers et sables grossiers du circalittoral côtier à Neopentadactyla mixta
- M08.01.02.05 Sables grossiers et graviers du circalittoral côtier à Branchiostoma lanceolatum (anciennement M08.01.02.04 Sables grossiers avec graviers coquilliers du circalittoral côtier à Branchiostoma lanceolatum dans la V1)

Dans la version 3 de la typologie (Michez et al., 2019) la codification change et devient C3-2 pour l’habitat, C3-2.1 à C3-2.6 pour les sous-habitat et C3-2.5.1 pour la sous-entité. Le sous-habitat C3-2.7 Sables grossiers et graviers du circalittoral côtier à Sabellaria spinulosa est également ajouté (proposition Dauvin J.-C. et Thiébaut E. (2019)).

Facteurs abiotiques

Étage : Circalittoral côtier ; [se retrouve de l’infralittoral jusqu’au circalittoral du large]
Nature du substrat : Sable grossier, gravier
Répartition bathymétrique : 25 à 80 m
Hydrodynamisme : Fort
Salinité : Milieu marin
Température : Eurytherme
Lumière : Système phytal
Régime trophique : /

Caractéristiques stationnelles

Cet habitat se caractérise par un sédiment principalement composé de graviers (40 à 50 %) et de sables grossiers propres (10 %), le reste de la fraction sédimentaire étant constitué de sables moyens et fins dépourvus de pélite. Il se rencontre jusqu’à des profondeurs de 80 m. Au sein de cet habitat, les espèces endogées sont fortement représentées avec quelques variations suivant un gradient d’appauvrissement au fur et à mesure de l’ensablement des graviers.
L’habitat est composé d’une quinzaine d’espèces dominantes dont les plus représentatives sont les mollusques bivalves Clausinella fasciata, Glycymeris glycymeris, Spisula solida, Spisula elliptica, Polititapes rhomboides, le céphalochordé Branchiostoma lanceolatum, ainsi que l’échinoderme Spatangus purpureus.
Cet habitat forme la transition entre l’habitat de cailloutis du circalittoral côtier (C3-1) et les habitats des fonds sableux du circalittoral côtier : l’habitat de sables fins à moyens mobiles (C5-1) et l’habitat des sables fins propres ou envasés (C5-2).

Variabilité

Les variations observées au sein de cet habitat sont principalement fonction des conditions hydrodynamiques qui modifient les proportions relatives des fractions graveleuses et sableuses. L’augmentation de la proportion de particules fines entraîne une dominance des polychètes (C3.2.3) au détriment des espèces de bivalves (C3.2.2) qui préfèrent des sédiments plus propres. La distinction entre les sous-habitats est parfois difficile ; elle est à mettre en lien avec la granulométrie et les espèces dominantes associées. Différentes études régionales permettent d’apprécier la variabilité spatiale de la communauté macrobenthique associée à cet habitat, en particulier en fonction de la part relative de graviers et de sables dans le sédiment. Dans le Golfe de Gascogne, les graviers du circalittoral côtier sont dominés par le bivalve Clausinella fasciata et le céphalochordé Branchiostoma lanceolatum auxquels s’ajoutent le polychète Polygordius lacteus et quelques formes prédatrices des genres Glycera, Lumbrineris ou . Lorsque le sédiment s’affine, des graviers propres vers les sables grossiers, la communauté évolue avec l’apparition de quelques espèces caractéristiques comme les bivalves Asbjornsenia pygmaea, Glycymeris glycymeris et Nucula hanleyi et les échinodermes Echinocyamus pusillus et Echinocardium pennatifidum. Dans le golfe normano-breton, l’habitat des sables grossiers graveleux à Glycymeris glycymeris et Branchiostoma lanceolatum se caractérise par la présence commune de nombreux bivalves tels que Polititapes rhomboides, Clausinella fasciata et Timoclea ovata. A cet habitat-type s’ajoutent différents faciès d’appauvrissement tels que le faciès à Nucula nucleus, en fonction de la nature du substrat mais également de la turbidité et de la présence de maerl mort. En Manche orientale, des assemblages faunistiques distincts ont également été décrits dans les différentes paléovallées des fleuves (Seine, Somme) ou entre secteurs sans que les causes de cette variabilité soient clairement identifiées. Dans cette région, une variabilité des abondances des espèces dominantes a également été mentionnée avec des densités plus élevées dans des sédiments plus sableux.
Il convient enfin de souligner qu’en Manche des variations dans la distribution des espèces de cet habitat sont à mettre en relation avec leurs affinités biogéographiques. Alors que des espèces comme Glycymeris glycymeris sont présentes à l’échelle de l’ensemble du bassin, certaines espèces d’affinité d’eaux froides comme Clausinella fasciata se cantonnent uniquement à la Manche occidentale alors que des espèces d’affinité d’eaux chaudes comme Nucula nucleus, Polititapes rhomboides ou Venus verrucosa sont présentes en plus fortes abondances dans le golfe normano-breton. L’habitat C3.2 se décline en sept sous-habitats dont trois comprennent une fraction sédimentaire plus grossière : C3.2.1, C3.2.4 et C3.2.6.
Le sous-habitat C3-2.6 Graviers plus ou moins ensablés du circalittoral côtier est l'unité de niveau 3 représentative de l’habitat niveau 2, et couvre ainsi les habitats non inclus dans les autres sous-habitats de niveau 3.
Les sous-habitats C3-2.1, C3-2.2, C3-2.3 et C3-2.4 sont très peu, voire pas documentés sur les littoraux Manche, Mer du Nord et Atlantique. Cet état de fait est en partie à mettre en relation avec la difficulté à distinguer clairement les différents sous-habitats dans les travaux de bionomie benthique.
Deux sous habitats, C3-2.5 et C3-2.7, présentent une valeur patrimoniale de par la présence d’espèces remarquables. Le premier sous-habitat (C3-2.5) est caractérisé par la présence de l’Amphioxus (Branchiostoma lanceolatum) qui joue un rôle important dans les réseaux trophiques benthiques marins en transférant des quantités importantes de la production microbienne aux niveaux trophiques plus élevés. Le second (C3-2.7) abrite des populations de l’hermelle (Sabellaria spinulosa) qui vit fixée sur les gros débris coquilliers et est classée comme une espèce déterminante de l’inventaire des ZNIEFF mer en Normandie. Les sous habitats de niveau 3 sont décrits dans leurs fiches respectives.

Dynamique temporelle

Très peu d’études ont porté sur la dynamique temporelle de l’habitat des sables grossiers et graviers du circalittoral côtier en raison, en particulier, des difficultés de prélèvement quantitatif de ces sédiments et de leur éloignement de la côte. Conformément à de nombreuses observations effectuées en région tempérée, des variations saisonnières des principaux descripteurs de la communauté (abondances, biomasse et richesse spécifique) ont été décrites en Manche occidentale, au large de Roscoff, comme en Manche orientale, au large de Dieppe, avec des valeurs minimales à la fin de l’hiver et au début du printemps et des valeurs maximales à la fin de l’été et au début de l’automne. En parallèle, des variations inter-annuelles sont observées.
Sur des échelles de temps plus longues, il n’existe aucun suivi permettant de décrire la variabilité à long terme de cet habitat. Toutefois, des observations ponctuelles à des intervalles de temps longs, de plusieurs décennies, mettent en évidence des variations d’abondances prononcées de quelques espèces emblématiques. Entre les années 1970 et les années 2000, les occurrences de plusieurs espèces de bivalves telles Spisula elliptica, la praire Venus verrucosa ou Timoclea ovata ont régressé de manière plus ou moins importante dans le golfe normano-breton. Les causes avancées pour expliquer un tel déclin sont multiples et incluent le changement climatique et les effets directs et indirects de la pêche. A contrario, à l’échelle de la Manche occidentale et centrale, le réchauffement des eaux au cours des dernières décennies a profité à certaines espèces d’affinité d’eau chaude comme Nucula nucleus et Gouldia minima.

Habitats pouvant être associés ou en contact

L’habitat C3-2 peut potentiellement être en contact avec les habitats suivants :
En contact supérieur avec les habitats infralittoraux :
- B1-1 Roches ou blocs de la frange infralittorale
- B3-2 Sables grossiers et graviers infralittoraux
- B5-1 Sables fins à moyens mobiles infralittoraux
- B5-3.2 Sables fins envasés compacts infralittoraux à Fabulina fabula et Magelona mirabilis avec bivalves vénéridés et amphipodes

En contact de même niveau bathymétrique ou en association :
- C1 Roches ou blocs du circalittoral côtier
- C3-1 Cailloutis du circalittoral côtier
- C3-2 Sables grossiers et graviers circalittoraux côtiers
- C4-1 Sédiments hétérogènes circalittoraux côtiers
- C5-1 Sables fins à moyens mobiles circalittoraux côtiers

En contact inférieur avec les habitats circalittoraux du large :
- D1 Roches ou blocs du circalittoral du large
- D3-1 Sables grossiers et graviers circalittoraux du large

Confusions possibles

Cet habitat peut être confondu avec ceux des niveaux bathymétriques supérieur et inférieur :
- B3-2 Sables grossiers et graviers infralittoraux
- D3-1 Sables grossiers et graviers circalittoraux du large
Cette confusion est due à la continuité bathymétrique de l’habitat qui s’étend de l’infralittoral jusqu’au circalittoral du large et à la présence d’espèces communes entre ces habitats.
Le sous-habitat C3-2.1 Galets et cailloutis instables du circalittoral côtier à Spirobranchus triqueter avec cirripèdes et bryozoaires encroûtants peut être confondu avec le sous-habitat C3-1.1 Cailloutis circalittoraux côtiers à épibiose sessile, dont la seule différence se base sur la stabilité du sédiment.

Répartition géographique

Cet habitat est très largement distribué sur l’ensemble de la Manche. En Manche orientale, il est rencontré principalement dans le détroit du Pas-de-Calais, au large des trois estuaires picards (Canche, Authie et Somme), au large du littoral Seino-marin et en baie de Seine. En Manche occidentale, il est observé le long des côtes nord bretonnes (ex. large de Roscoff où il porte le nom de Trezen) et dans le golfe normano-breton (au large de Flamanville et des îles de Guernesey et Jersey, entre Granville et Cancale, au large de la Baie du Mont-Saint-Michel et de la baie de Saint-Brieuc). En mer d’Iroise, il occupe les intervalles entre les appointements rocheux, dans les eaux claires et brassées (ouest de l'île d'Ouessant, nord du Conquet et large de la presqu’île de Crozon), dès lors que les courants de marée sont assez forts pour empêcher la sédimentation fine.
En Atlantique, dans le Golfe de Gascogne, il s'observe au large de l’Anse de Bénodet, de la Baie de Concarneau, de l'île de Groix, de Belle-Île et du Mor Braz. Cet habitat occupe de grands espaces du sud de Belle-Île jusqu’au large de la Gironde, plus particulièrement au large de la baie de Vilaine, du chenal sud de la Loire, de la Baie de Bourgneuf et des Pertuis Charentais.

Fonctions écologiques

Calcification et production carbonatée : les fortes biomasses de bivalves de grande taille qui caractérisent cet habitat favorisent la production de carbonate de calcium CaCO3 qui contribue, à la mort des organismes, à alimenter localement ou non les sédiments. Cette production se traduit par une « anomalie carbonatée » des sédiments et la forte proportion de sédiments bioclastiques, en particulier en Manche, avec des teneurs en carbonate de calcium excédant 50 %. A titre d’exemple, dans le golfe normano-breton, la production annuelle de carbonate de calcium par l’amande de mer (Glycymeris glycymeris) et la palourde rose (Polititapes rhomboides) a été estimée à environ 420 000 tonnes. La richesse en carbonate de calcium de ces sédiments en fait un habitat privilégié pour l’extraction de granulats calcaires.
Si la production de carbonate de calcium contribue au service de régulation du carbone par sa séquestration sur le long terme, elle se traduit lors de sa formation par la libération de CO2, faisant de ce système côtier une source de CO2 pour l’atmosphère.

Rôle halieutique de l’habitat : les sables grossiers et graviers circalittoraux côtiers constituent des zones de pêche en Manche pour les mollusques bivalves tels que l’amande de mer (Glycymeris glycymeris), la palourde rose (Polititapes rhomboides), la coquille Saint-Jacques (Pecten maximus), la praire (Venus verrucosa), le pétoncle vanneau (Aequipecten opercularis), mais aussi pour le bulot (Buccinum undatum), l’araignée de mer (Majo squinado) et la sole (Solea solea).

Statut de conservation

D'après la liste rouge des habitats européens, cet habitat est considéré comme "vulnérable" en Atlantique Nord-Est.
Au titre de la DHFF (92/43/CEE), l’habitat C3-2 peut être inclus dans le HIC 1110 « Bancs de sable à faible couverture permanente d'eau marine », sous réserve de limite haute du HIC au-dessus de 20m de profondeur, de continuité sédimentaire et des communautés associées depuis la zone moins profonde. L’habitat C3-2 peut également correspondre à l’HIC 1130 « Estuaires », à l’HIC 1150 « Lagunes côtières » ou à l’HIC 1160 « Grandes criques et baies peu profondes » sous réserve de respect des critères d'identification géomorphologiques et de délimitation physiographiques de l'HIC. Il peut également correspondre à l’HIC 8330 « Grottes marines » sous réserve de respect des critères d’identification de l’HIC (notamment de seuil de taille).

Tendance évolutive

Deux sources de perturbations majeures pourraient impacter de manière significative cet habitat au cours des prochaines décennies : le changement climatique et le développement d’infrastructures offshore tels que les parcs d’éoliennes en mer. En Manche, de nombreuses espèces emblématiques de cet habitat se trouvent en limite d’aire de distribution au regard de leur affinité thermique avec certaines espèces d’affinité d’eaux chaudes et d’autres espèces d’affinité d’eaux froides. Les effets à long terme du réchauffement des eaux devraient ainsi favoriser une augmentation des occurrences et des abondances associées à une expansion de l’aire de distribution des premières espèces. Au contraire, les occurrences et abondances des secondes espèces devraient décliner avec une rétractation de leur aire de distribution.
Plusieurs des champs d’éoliennes en mer prévus dans les prochaines années tels que ceux de Dieppe - Le Tréport ou Saint-Brieuc seront implantés au sein de l’habitat de sables grossiers et graviers circalittoraux côtiers. Ces implantations auront des effets multiples sur la structure et le fonctionnement habitat, tant au niveau de la phase d’installation que de la phase d’exploitation. En particulier, la phase d’installation induira des perturbations physiques des fonds comme le remaniement sédimentaire ou l’utilisation d’une surface de l’habitat. En phase d’exploitation, les infrastructures agiront comme des récifs artificiels colonisés par une grande diversité d’organismes pouvant modifier le fonctionnement du réseau trophique. A l’inverse, l’exclusion d’activités anthropiques autres au sein des parcs éoliens pourra générer un effet réserve.
Enfin, une augmentation des extractions de granulats siliceux pourrait également altérer cet habitat.

Auteur(s)

Lutrand A., Houbin C., Thiébaut E.

Date de rédaction

2020

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