Typologie nationale des habitats marins benthiques de la Manche, de la Mer du Nord et de l'Atlantique (NatHab-Atl)

L’habitat B6-2 Vases sableuses infralittorales eutrophisées était déjà dans la version 1 de la typologie (Michez et al., 2013) sous le code M10.01.02. La dénomination reste identique mais le code change dans la version 3 de la typologie (Michez et al., 2019).

Etage : Infralittoral
Nature du substrat : Vases sableuses
Répartition bathymétrique : 0-20 m environ [Dépend de la pénétration de la lumière, ce qui est très variable selon les sites. S’étend jusqu’où l’intensité lumineuse est compatible avec la vie des macrophytes photophiles]
Hydrodynamisme : Faible à modéré
Salinité : Milieu marin [sous influence estuarienne en période de crue]
Température : Cyclotherme saisonnier
Lumière : Système phytal ; Eaux turbides
Régime trophique : Eutrophisé

Vases sableuses eutrophisées de la zone infralittorale, retrouvées dans des secteurs très abrités tels que les baies, les bras de mer, les rades et les milieux portuaire à l’abri des houles et des courants de marée. Ces vasières sont soumises à une pollution organique liée aux déversements d’activités agricoles, industrielles ou urbaines des bassins versants ou plus directement à des activités aquacoles ou des rejets d’eau usée aux alentours. La sédimentation active de matériaux fins, provenant en majorité des fleuves, et le faible renouvellement des eaux favorisent l’accumulation de matière organique dans le substrat. Cet enrichissement peut être aussi d’origine naturelle, due par exemple aux réjections d’oiseaux côtiers concentrés sur un même site. La dégradation de la matière organique par les processus de minéralisation bactérienne induit une forte consommation en oxygène dissous pouvant engendrer une hypoxie voire une anoxie des sédiments superficiels. La diversité de la faune endogée dépend de l’intensité de l’eutrophisation. Plus elle est importante, plus la richesse spécifique diminue alors que les espèces benthiques opportunistes, résistantes aux perturbations physico-chimiques, prolifèrent dans l’espace libéré. Les peuplements opportunistes comprennent typiquement les annélides polychètes de la famille des Capitellidae et des Spionidae, particulièrement adaptées à un enrichissement excessif du milieu et à de faibles teneurs en oxygène.

La variabilité est liée à l’intensité de l’enrichissement organique et à la composition du substrat (rapport sable:vase compris entre 1:9 et 1:1). Les apports organiques et sédimentaires dépendent des débits fluviaux et de l’hydrodynamisme local qui influent sur le renouvellement en eau. Le substrat est plus ou moins cohésif, chargé en matière organique et oxygéné selon les conditions environnementales et la pression de pollution. Tous ces facteurs conditionnent la biocénose en présence. Avec l'augmentation de l'enrichissement organique, la richesse spécifique diminue alors que les espèces benthiques opportunistes résistantes à la pollution organique et aux faibles teneurs en oxygène prolifèrent dans l’espace libéré. Néanmoins, au stade ultime d’eutrophisation, avec une absence totale d’oxygène, toute vie macrofaunique disparaît et est remplacée notamment par des bactéries, et parfois certaines espèces de foraminifères, adaptées à ces conditions extrêmes. Selon le degré d’eutrophisation on peut notamment trouver les deux sous-habitats décrits dans leurs fiches respectives.

L’habitat B6-2 ne se reconnait pas par des espèces caractéristiques mais par la bathymétrie et le type de substrat.

Dans le cadre de cette fiche, les espèces associées ont été définies comme les espèces les plus fréquemment citées dans la littérature pour cet habitat.

La sédimentation des particules fines et l’accumulation de matière organique ont lieu principalement en période estivale, lorsque l’hydrodynamisme (courants marins, de marée, houle et vents) est au plus faible dans les milieux abrités. C’est également la période où le potentiel d’oxydo-réduction de l’activité bactérienne est à son maximum dans l’épaisseur sédimentaire. Il atteint en effet l’interface eau-sédiment en été alors qu’il se cantonne à quelques centimètres de profondeur durant la saison froide. Cette discontinuité est aussi corrélée à l’hydrodynamisme. Les turbulences de la saison hivernale favorisent la circulation de l’eau interstitielle dans le sédiment compact et permet ainsi une meilleure diffusion de l’oxygène tandis que l’été est synonyme de renouvellements en eau parfois inexistants dans les milieux abrités.
Ces conditions estivales engendrent à terme des phénomènes d’eutrophisation qui se traduisent par l’hypoxie voire l’anoxie des sédiments. Les espèces opportunistes adaptées à ces perturbations présentent ainsi des cycles d’abondance qui suivent l’évolution des conditions d’eutrophisation.

L’habitat B6-2 peut potentiellement être en contact avec les habitats suivants :
En contact supérieur avec les habitats médiolittoraux :
- A2-1 Récifs de moules (moulières) médiolittoraux
- A2-2 Récifs d'huîtres médiolittoraux
- A4-1 Sédiments hétérogènes envasés médiolittoraux marins
- A4-2 Sédiments hétérogènes envasés médiolittoraux en milieu à salinité variable
- A5-4 Sables fins envasés médiolittoraux
- A5-3 Sables fins médiolittoraux
- A5-5 Sables médiolittoraux en milieu à salinité variable
- A5-6 Herbiers à Zostera noltei sur sables médiolittoraux
- A5-7 Herbiers à Zostera marina sur sables médiolittoraux
- A6-1 Vases médiolittorales marines
- A6-4 Herbiers à Zostera noltei sur vases médiolittorales

En contact de même niveau bathymétrique ou en association avec :
- B1 Roches ou blocs infralittoraux (et ses déclinaisons)
- B2-1 Récifs de moules (moulières) infralittoraux
- B2-2 Récifs d'huîtres infralittoraux
- B2-3 Récifs de polychètes tubicoles infralittoraux
- B4-1 Sédiments hétérogènes infralittoraux
- B4-2 Sédiments hétérogènes infralittoraux en milieu à salinité variable
- B4-3 Bancs de maërl sur sédiments hétérogènes envasés infralittoraux
- B4-4 Herbiers à Zostera marina sur sédiments hétérogènes infralittoraux
- B5-1 Sables fins à moyens mobiles infralittoraux
- B5-2 Sables fins propres infralittoraux
- B5-3 Sables fins envasés infralittoraux
- B5-4 Sables mobiles infralittoraux en milieu à salinité variable
- B5-5 Herbiers à Zostera marina sur sables infralittoraux
- B5-6 Herbiers à Ruppia maritima sur sables infralittoraux
- B6-1 Vases sableuses infralittorales non eutrophisées
- B6-3 Vases infralittorales
- B6-4 Vases infralittorales en milieu à salinité variable

En contact inférieur avec les habitats circalittoraux :
- C2-1 Récifs de Mytilidae (moulières) du circalittoral côtier
- C2-2 Récifs de polychètes tubicoles du circalittoral côtier
- C4-1 Sédiments hétérogènes circalittoraux côtiers
- C5-2 Sables fins propres ou envasés circalittoraux côtiers
- C6-1 Vases sableuses circalittorales côtières
- C6-2 Vases circalittorales côtières

Dans les sites potentiellement pollués, il peut y avoir confusion avec l’habitat B6-1 Vases sableuses infralittorales non eutrophisées en fonction du degré et de l’étendue du phénomène de pollution.
Confusion possible avec l’habitat B6-3 Vases infralittorales selon l’appréciation de la granulométrie du sédiment sur le terrain. Des analyses bio-sédimentaires complètes en laboratoire pourront permettre de distinguer ces deux habitats.
Une confusion d’ordre altitudinale peut aussi avoir lieu avec les habitats A6-1 Vases médiolittorales marines et C6-1 Vases sableuses circalittorales côtières. Le relevé des coordonnées GPS couplé aux cartes marines permet de faire la distinction.
En limite d’estuaire, cet habitat peut être facilement confondu avec l’habitat B6-4 Vases infralittorales en milieu à salinité variable.

Les vases infralittorales eutrophisées sont potentiellement observables dans les rades portuaires, les baies et autres milieux maritimes semi-fermés soumis à des apports organiques excessifs. Elles ont notamment été recensées en rade de Brest.

Dans un milieu eutrophisé, seules quelques espèces ubiquistes et opportunistes prolifèrent en présentant des pics d’abondances qui peuvent atteindre plusieurs milliers d’individus au 0,1 m². C’est le cas des polychètes du genre Capitella, Scolelepis et Chaetozone qui ont un cycle de vie court à fort potentiel de reproduction. Leur activité souterraine maintient une teneur en eau interstitielle et donc en oxygène dans les sédiments, ce qui contribue au maintien du système d’oxydo-réduction. La production bactérienne est de plus favorisée par l’augmentation de matière organique induite par les fèces de cette faune endogée.
Dans les cas les plus extrêmes d’eutrophisation, comme aux abords d’émissaires en situation confinée (front de port par exemple), la vie macrofaunique peut disparaître et laisser place aux organismes vivants à mécanismes anaérobies. Parmi eux, en plus des bactéries, on peut retrouver quelques espèces de foraminifères.
Les sédiments eutrophisés sont souvent associés à des eaux de mauvaise qualité. La pollution organique généralisée représente une barrière hydrologique pour les consommateurs d’invertébrés benthiques habituellement inféodés aux vases sableuses tels que les soles et les mulets. Ces milieux sont ainsi particulièrement stériles.

Au titre de la DHFF (92/43/CEE), l’habitat B6-2 peut correspondre à l’HIC 1130 « Estuaires », à l’HIC 1150 « Lagunes côtières » ou à l’HIC 1160 « Grandes criques et baies peu profondes » sous réserve de respect des critères d'identification géomorphologiques et de délimitation physiographiques de l'HIC. Il peut également correspondre à l’HIC 8330 « Grottes marines » sous réserve de respect des critères d’identification de l’HIC (notamment de seuil de taille).

Sans mesure de protection mise en place pour contrer la pollution organique, les vases sableuses eutrophisées peuvent tendre vers l’un des deux sous-habitats décrits dans la section Variabilité. Néanmoins, ces dernières années, la réglementation concernant les rejets urbains en mer, en application à la directive européenne du 21 mai 1991, permet peu à peu d’améliorer les réseaux d’assainissement et les techniques d’épuration du territoire français. Cette mise aux normes progressive dans les différentes agglomérations et leurs suivis devraient à terme permettre de diminuer l’occurrence de cet habitat.

Latry L., Blanchet H.

2020

Michez N., Aish A., Hily C., Sauriau P.-G., Derrien-Courtel S., de Casamajor M.-N., Foveau A., Ruellet T., Lozach S., Soulier L., Popovsky J., Blanchet H., Cajeri P., Bajjouk T., Guillaumont B., Grall J., Gentil F., Houbin C., Thiébaut E., 2013. Typologie des habitats marins benthiques français de Manche, de Mer du Nord et d'Atlantique : Version 1. Rapport SPN 2013 - 9, MNHN, Paris, 32 p. (Source)

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