3120-1 - Pelouses mésophiles à Sérapias de la Provence cristalline (Serapion)

Liste hiérarchisée et descriptifs des habitats des Cahiers d'habitats

Caractéristiques stationnelles

Habitat de l'étage méditerranéen, se situant à un niveau moyen le long d’un gradient topographique ou au contact et au-dessus des mares temporaires à Isoètes : zone externe des mares endoréiques d’origine naturelle ou anthropique, clairières humides du maquis, bordures des ruisseaux temporaires.
Il se développe sur des sols hydromorphes, généralement sableux ou sablo-limoneux, superficiels (moins de 50 cm le plus souvent), pauvres en humus, oligotrophes, de pH acide ou faiblement basique (5,2 à 7,7), sur roche-mère cristalline.
L'habitat est susceptible d’être soumis à des inondations temporaires : hauteur d’eau maximale (quelques centimètres) et durées d’inondation (nulles à quelques jours) très variables entre années, moins importantes que celles rencontrées dans les formations des mares temporaires méditerranéennes à Isoètes (Isoetion).

Variabilité

La délimitation des trois associations décrites pour cet habitat est soit d’origine biologique, soit d’origine topographique - les durées et hauteurs de submersion sont très faibles et par conséquent de petites modifications de l’hydrologie ou de la microtopographie peuvent modifier très fortement la structure de l’habitat et sa composition floristique.
Le groupement à Oenanthe de Lachenal et Laiche divisée [Oenantho lachenalii-Caricetum chaetophyllae] occupe des dépressions ou des ruisselets assez longtemps imbibés d’eau.
Le groupement à Sérapias et Oenanthe de Lachenal [Serapio-Oenanthetum lachenalii] occupe selon Loisel un niveau topographique légèrement supérieur au précédent, moins longtemps gorgé d’eau, alors que Barbero signale au contraire que le taux d’humidité au niveau du Serapio-Oenanthetum est légèrement supérieur à celui de la pelouse à Laiche divisée. Sous sa forme typique, cette association se rencontre à l’écart du littoral, sur des sols limono-sableux. La sous-association à Isoète épineux (accompagné de la Romulée de Columna et de l’Ail petit-moly) s’installe dans des conditions de plus grande xéricité, sur des sols sablo-limoneux, toujours à proximité du littoral.
Le groupement à Oenanthe de Lachenal et Chrysopogon grillon [Oenantho lachenalii-Chrysopogonetum grylli], mésophile et thermophile, occupe indifféremment les substrats à Sérapias et ceux à Laiche divisée : lorsqu’une souche de Chrysopogon se développe, elle élimine progressivement par extension aérienne et souterraine les autres espèces et tend à constituer un peuplement quasiment pur. Ce groupement se développe surtout en bordure des ruisselets temporaires.

Physionomie, structure

Du fait de leurs exigences écologiques intermédiaires entre les groupements plus hygrophiles et plus xérophiles, ces pelouses peuvent occuper soit d’importantes surfaces en bordure des dépressions, soit des tâches disséminées dans les clairières du maquis, voire une mince frange sinueuse épousant le tracé des ruisselets temporaires. La végétation, principalement observable du printemps au début de l’été, montre un recouvrement et une hauteur variables selon les groupements végétaux.
Le Serapio-Oenanthetum et l'Oenantho-Caricetum correspon- dent à des pelouses mésophiles basses à graminées et cypéracées. Ce sont des groupements à diversité floristique élevée, à recouvrement faible pour le premier, moyen le second qui constitue un habitat moins favorable à l’installation des Sérapias. Leur installation est encore plus difficile dans l'Oenantho- Chrysopogonetum, pelouse de hautes herbes largement dominée par le Chrysopogon grillon pouvant atteindre 1,50 m à 2 m et très souvent fermée.
Les pelouses du Serapion sont généralement dominées par les thérophytes (les géophytes sont abondantes dans la sous- association à Isoète épineux).

Confusions possibles

En fonction du caractère plus ou moins humide ou sec de l’année, la physionomie de ces pelouses peut être modifiée par l’apparition d’espèces transgressives des groupements plus hygrophiles des mares temporaires méditerranéennes à Isoètes (Isoetion durieui, habitat 3170*-1) ou des groupements plus xériques des pelouses siliceuses méditerranéennes (Helianthemion guttati, Cor. 35.3). Ces pelouses se situant à l’interface entre le milieu humide et les milieux terrestres environnants, elles peuvent ainsi, en fonction des conditions hydrologiques, « glisser » d’une année à l’autre le long du gradient topographique et/ou présenter des formes intermédiaires par l’apport d’espèces transgressives.

Dynamique

La persistance des espèces caractéristiques des pelouses du Serapion dépend du maintien des phases submergées en hiver, sélectionnant les espèces tolérantes à l’inondation. Le niveau de la nappe, donc la durée de submersion, conditionne la répartition des ceintures de végétation entre l’Isoetion, le Serapion et l’Helianthemion. Les espèces annuelles caractéristiques des pelouses du Serapion germent au printemps dans un sol humide mais exondé.

Dynamique intra-annuelle
La végétation herbacée montre typiquement une succession au cours du cycle annuel de plusieurs groupes d’espèces plus ou moins abondantes en fonction des conditions climatiques : en avril fleurissent le Sérapias négligé, la Pâquerette annuelle (Bellis annua), la Moenchie dressée (Moenchia erecta), l’Orchis à fleurs lâches (Orchis laxiflora), le Myosotis rameux (Myosotis ramosissima), en mai le Sérapias soc (Serapias vomeracea) et le Sérapias en cœur (Serapias cordigera), tandis qu’en juin l’Oenanthe de Lachenal, le Sérapias à petites fleurs achèvent leur développement aux côtés de la Linaire à vrilles et la Paronyque en cyme.

Dynamique inter-annuelle
Le Serapio-Oenanthetum n’est pas floristiquement stable et varie d’une année à l’autre en fonction de la hauteur des précipitations et de la durée de la période d’humidité (sol saturé ou inondé). Pendant les années sèches, les espèces des formations végétales voisines et de topographie supérieure tendent à envahir temporairement l’habitat. Inversement, les espèces plus hygrophiles peuvent se développer pendant les années plus humides. À titre d’exemple, les caractéristiques des pelouses sèches silicicoles de l’Helianthemion guttati, exigeant un taux d’humidité du sol moins important que celles des mares temporaires à Isoètes (Isoetion), apparaissent fréquemment dans le Serapio-Oenanthetum, en particulier les années sèches.

Dynamique naturelle de la végétation
La dynamique spontanée mène le plus souvent vers une colonisation par les ligneux du maquis. De plus, les formations du Serapion comptent parmi les plus favorables à la germination et à l’installation du Pin pignon (Pinus pinea). Le pâturage contenait autrefois cette dynamique, mais, aujourd’hui, il se trouve fortement diminué.

Habitats associés ou en contact

Cet habitat se trouve généralement situé entre les formations plus hygrophiles des mares temporaires méditerranéennes à Isoètes (Isoetion, habitat 3170*-1) et les pelouses mésophiles siliceuses à Vulpie de Ligurie (Vulpia ligustica), Vulpie des murailles (Vulpia muralis) et Aïra de Cupani (Aira cupaniana) (Vulpion ligusticae, Cor. 35.3) ou à Tubéraire à gouttes (Tuberaria guttata) (Helianthemion guttati, Cor. 35.3).

Répartition géographique

En France, l'habitat est localisé strictement en Provence cristalline (Var) :
- Serapio-Oenanthetum : Maures (dépression permienne) et Estérel ;
- Oenantho-Chrysopogonetum : bois de Palayson au nord de Fréjus, également au nord-est de cette ville dans des conditions édapho-climatiques très voisines, mais beaucoup plus disséminé ;
- Oenantho-Caricetum : occupe sur les massifs cristallins une importance variable selon les stations : Cannet des Maures, de Vidauban et de la Garde Freinet, littoral des Maures et de l’Estérel (sous-association à Allium chamaemoly).

Valeur écologique et biologique

Habitat rare localisé en Provence cristalline (principalement les Maures et le massif de l’Estérel).
Présence d'espèces végétales protégées :
- au niveau national : Isoetes histrix, Isoetes duriaei (Isoète de Durieu), Serapias neglecta, Serapias parviflora, Kickxia cirrhosa, Kickxia commutata, Allium chamaemoly ;
- au niveau régional : Romulea columnae (PACA et Languedoc-Roussillon), Orchis laxiflora (PACA) et Paronychia cymosa (PACA).
Habitat participant lors de sa phase inondée, au même titre que les groupements voisins plus hygrophiles, à la richesse élevée en invertébrés des mares temporaires méditerranéennes (crustacés branchiopodes en particulier : espèces souvent rares ou endémiques).

États de conservation

En raison de la rareté et de l’originalité de ces communautés, ainsi que de la valeur patrimoniale de leur cortège floristique, tous les états sont à privilégier, en prenant en compte la variabilité géographique et la variabilité stationnelle intra et inter-annuelle.

Tendances et menaces

Cet habitat, encore bien représenté dans le Var (Maures et Estérel), est menacé par l’abandon du pâturage, le développement urbanistique (habitat) et touristique (golf).

Les causes d’altération ou de dégradation sont multiples et s’exercent à des niveaux écologiques variables. Dans la plupart des cas, les conséquences ne sont connues que de façon superficielle et mériteraient une étude des impacts et potentialités de restauration :
- substitution par infrastructure (irréversible) : routes, constructions, etc. ;
- modifications hydrauliques par assèchement-drainage ou au contraire mise en eau permanente. Les modifications hydrauliques sont parfois réversibles mais les possibilités de restauration de l’habitat et de sa composition floristique sont faibles ;
- mise en culture sans drain (partiellement réversible si la topographie n’est pas affectée mais les possibilités de restaurer la composition floristique initiale sont inconnues) ;
- modification de la qualité des eaux (sensibilité directe à la qualité des eaux inconnue, l’eutrophisation conduit probablement à la dominance d’espèces plus compétitives) ;
- comblements / atterrissements (irréversible) ;
- modifications de la microtopographie en particulier par le passage d’engins lourds pour les travaux forestiers (pare-feux) (irréversible -) ;
- abandon du pâturage et colonisation par des herbacées vivaces (Joncs, Paspalum Paspalum spp., Laiche divisée, Chrysopogon grillon…) et des ligneux (réversible -). De ces deux facteurs résultent une diminution de la lumière incidente et une accumulation de litière modifiant le sol, mais leurs impacts sur l'habitat sont inconnus.

Potentialités intrinsèques de production

Les groupements du Serapion ne présentent aucune potentialité significative de production économique ; seul un pâturage extensif est compatible avec leur conservation.

Axes de recherche

Les dynamiques dans le temps (fluctuations liées aux conditions climatologiques et changements écologiques) de cet habitat sont peu connues, ainsi que l’impact des facteurs environnementaux naturels mais surtout anthropiques. Un bon état de conservation de cet habitat résultait des activités humaines (pâturage). Leur abandon et les modifications des pratiques (pare-feux) ont induit des changements dont les mécanismes et les pas de temps ne sont pas bien connus. Les potentialités de restauration devraient être étudiées et de nouvelles techniques de gestion testées. Les pistes de recherche principales sont les suivantes :
- identifier et hiérarchiser les facteurs responsables du maintien de cet habitat (indicateurs d’état et de fonctionnement, valeurs seuils) et les pas de temps associés ;
- analyser l’impact de l’abandon du pâturage (et sa réversibilité) ;
- suivre les phénomènes d’atterrissements en liaison avec les diverses perturbations environnantes ;
- analyser l’impact des accumulations de litières ligneuses (débroussaillement) sur les sols et la végétation ;
- analyser les impacts des populations de sangliers (Sus scrofa) sur la dynamique des communautés végétales ;
- étudier les impacts de différentes techniques de gestion en fonction de leurs modalités d’application (fréquence, intensité) ;
- étudier les possibilités de restauration de sites dégradés en fonction de la nature de la dégradation.

Fiche du cahier d'habitats (format pdf)
Bibliographie

 Bensettiti F., Gaudillat V. & Haury J. (coord.), 2002. « Cahiers d’habitats » Natura 2000. Connaissance et gestion des habitats et des espèces d’intérêt communautaire. Tome 3 - Habitats humides. MATE/MAP/MNHN. Éd. La Documentation française, Paris, 457 p. + cédérom. (Source)