3130-2 - Eaux stagnantes à végétation vivace oligotrophique à mésotrophique planitiaire des régions continentales, des Littorelletea uniflorae

Liste hiérarchisée et descriptifs des habitats des Cahiers d'habitats

Caractéristiques stationnelles

L’habitat est de préférence inféodé à l’étage planitiaire, sous climat de type continental à submontagnard, mais réapparaîtrait en Corse à l’étage méditerranéen de haute montagne (1750-1850 m).
Les situations topographiques sont caractéristiques : eaux éclairées peu profondes des lacs et des étangs.
Les substrats sont toujours oligotrophes, acides, grossiers (sables) à fins (limons).
Le niveau de l’eau est souvent variable ; le courant d’eau est quasi nul (petites vagues) ; l’eau est très peu minéralisée, mésotrophe à oligotrophe, acide.
Les influences biotiques sont nulles à extensives (piétinement peu important).

Variabilité

L’habitat présente une variabilité fonction essentiellement des régions biogéographiques et de la texture du substrat (enrichissement ou non en matières organiques).
Sur substrat minéral :
- répandues : communautés à Scirpe épingle [Eleocharitetum acicularis], avec variations type (typicum), subaquatique à Potamot nageant (potametosum natantis), et à Littorelle uniflore (littorelletosum uniflorae) ;
- de quelques lacs des montagnes corses : communautés à Laiche intriquée et Scirpe épingle [Lythro portulae-Eleocharitetum acicularis], très peu connues, forme isolée loin de l’aire normale de cet habitat ;
- des rives du lac Léman : communautés à Canche des rives [Deschampsietum rhenanae], peu connues.
Sur substrat enrichi en matières organiques : communautés à Renoncule flammette et Jonc bulbeux [Ranunculo flammulae- Juncetum bulbosi], avec variations type (typicum) et à Sphaignes (sphagnetosum cuspidati).

Physionomie, structure

Cet habitat occupant de faibles surfaces (ponctuel à quelques dizaines de mètres carrés) se présente toujours comme un fin gazon peu stratifié d’herbes souvent très peu élevées, les plus caractéristiques étant plutôt des dicotylédones et des ptéridophytes à feuilles linéaires. Ce gazon est presque toujours ouvert, laissant apparaître le substrat, ce qui permet parfois, lorsque le substrat est minéral, l’infiltration de quelques espèces annuelles supportant peu la concurrence des espèces vivaces. Compte tenu des conditions stationnelles, la phénologie est tardive et beaucoup d’espèces, tout en se maintenant bien à l’état végétatif sous l’eau, ne forment des spores ou des fleurs et fruits qu’en période d’exondation.

Confusions possibles

Les communautés à Renoncule flammette et Jonc bulbeux peuvent être confondues avec des groupements de bas-marais tourbeux de contact topographique supérieur qui s’en distinguent par une meilleure participation des espèces oligotrophiques simplement hygrophiles.

Dynamique

Spontanée :
Cet habitat est souvent assez stable, le battement de nappe très contraignant pour les végétaux (alternance de submersion et de sécheresse pouvant être prononcée sur les sables durant l’été) empêchant le développement de plantes peu adaptées. Les formes sur substrat minéral peuvent dériver vers les formes plus turficoles sous l’effet de l’enrichissement naturel en matières organiques de ce substrat.

Liée aux activités humaines :
En revanche l’habitat est très sensible :
- à l’envasement qui favorise l’arrivée d’espèces moins spécialisées ;
- au piétinement trop intense consécutif aux activités au bord des pièces d’eau ;
- à l’altération de la qualité des eaux (eutrophisation, rejets d’effluents et de biocides) ;
- à la stabilisation du niveau de l’eau.

Ces influences peuvent favoriser l’installation de grandes et petites roselières (notamment à Scirpe des marais) très concurrentielles, et donc la régression des espèces sensibles.

Habitats associés ou en contact

Communautés aquatiques oligotrophiques variées (UE 3140, UE 3150) vers l’eau libre.
Communautés d’annuelles hygrophiles (UE 3130) pouvant se superposer aux espèces vivaces dans les gazons ouverts sur substrat minéral.
Communautés de dépressions tourbeuses subaquatiques à Utriculaires (Utricularia spp.) (UE 3160).
Communautés de bas-marais oligotrophiques acides (UE 6410, Cor. 54.442 en Corse) vers les niveaux supérieurs.
Parfois, roselières mésotrophiques à Laiche terminée en bec (Carex rostrata) (Cor. 53.214).

Répartition géographique

Il s’agit d’un habitat typiquement continental à montagnard (grand Est de la France), deux formes possédant toutefois dans notre pays une aire réduite, les communautés à Canche des rives (rives du lac Léman) et les communautés à Laiche intriquée et Scirpe épingle (montagne corse).

Valeur écologique et biologique

Sa valeur patrimoniale est très haute, au moins en ce qui concerne la flore, par la présence d’espèces :
- protégées au niveau national : Marsilea quadrifolia, Luronium natans, Littorella uniflora ;
- menacées au plan national (prioritaires ou à surveiller) : Marsilea quadrifolia, Deschampsia cespitosa subsp. littoralis, Luronium natans, Subularia aquatica ;
- protégées dans diverses régions : Subularia aquatica, Juncus bulbosus, Eleocharis acicularis, Myriophyllum alterniflorum.

États de conservation

On cherchera à privilégier les formes les moins piétinées, les moins envasées et les moins eutrophisées.

Tendances et menaces

Cet habitat fragile, globalement en bon état quoique la qualité floristique tende à diminuer, reste très menacé par diverses activités humaines sur les lacs et étangs, induisant piétinement, aménagements, tendance à l’eutrophisation (développement des espèces du Bidention tripartitae), à l’envasement et surtout à la stabilisation du plan d’eau et la régularisation des rives.

Potentialités intrinsèques de production

Les potentialités économiques de cet habitat en lui-même sont nulles. Par contre, il est susceptible de s’installer dans des milieux d’intérêt économique ou de loisirs : étangs de pêche, bases de loisirs nautiques, pisciculture… ; son maintien peut dès lors être source de conflit avec les usagers de ces milieux.

Axes de recherche

Accroître les informations fondamentales (phytosociologiques et écologiques) sur quelques formes peu connues de l’habitat, surtout les communautés à Canche littorale, sur la faune associée, sur le fonctionnement de l’écosystème global pour dégager des principes concrets de gestion (en particulier l’effet du rajeunissement du substrat).
Profiter des mises en assec proposées pour recueillir des échantillons de vases et les mettre dans de bonnes conditions physiologiques de germination du stock de diaspores afin de mieux connaître l’état potentiel de cette flore.
Tester la possibilité de reconstituer la dynamique de l’écosystème aquatique par l’étude qualitative et quantitative des stocks de graines.

Fiche du cahier d'habitats (format pdf)
Bibliographie

 Bensettiti F., Gaudillat V. & Haury J. (coord.), 2002. « Cahiers d’habitats » Natura 2000. Connaissance et gestion des habitats et des espèces d’intérêt communautaire. Tome 3 - Habitats humides. MATE/MAP/MNHN. Éd. La Documentation française, Paris, 457 p. + cédérom. (Source)