3130-4 - Communautés annuelles oligotrophiques à mésotrophiques, de bas-niveau topographique, planitiaires, d'affinités atlantiques, des Isoeto-Juncetea

Liste hiérarchisée et descriptifs des habitats des Cahiers d'habitats

Caractéristiques stationnelles

L’habitat se développe essentiellement à l’étage planitiaire, sous climat de type atlantique.
Les situations topographiques sont assez caractéristiques : bordure des eaux peu profondes des lacs, étangs, prairies inondables du lit majeur des vallées de grands fleuves (Loire) et des marais arrière-littoraux poldérisés, mares temporairement inondées.
Les substrats sont oligotrophes à eutrophes, minéraux, acides à neutres, grossiers (sables) à fins (limons).
Le niveau de l’eau, qui doit être éclairée (habitat héliophile), est obligatoirement variable, la durée d’exondation pouvant contribuer à la variabilité de l’habitat amphibie.
Il peut supporter des influences biotiques extensives (piétine- ment peu important).

Variabilité

La variabilité de cet habitat est surtout fonction du climat local et de la nature du substrat.
Sous climat eu-atlantique, en conditions mésotrophes : communautés à Lythrum pourpier et Étoile d’eau [Lythro portulae-Damasonietum alismae].
Sous climat thermo-atlantique, sur substrat argilo-limoneux légèrement salé : communautés à Jonc hybride et Lythrum à trois bractées [Junco hybridi-Lythretum tribracteati], avec variation type (typicum) et variation sur substrat dessalé à Étoile d’eau (damasonietosum alismae).
Sous climat eu-atlantique à thermo-atlantique, en conditions oligotrophes dans les mares temporaires des schistes et grès acides : communautés à Bulliarde de Vaillant et Renoncule nodiflore [Bulliardio vaillantii-Ranunculetum nodiflori].

Physionomie, structure

Cet habitat se présente toujours comme un fin gazon peu stratifié d’herbes annuelles souvent très peu élevées, voire complètement couchées (Élatines). Ce gazon est presque toujours ouvert, laissant apparaître le substrat, et peut se trouver superposé à un gazon ou une prairie d’espèces vivaces dispersées. Compte tenu des conditions stationnelles, la phénologie est tardive et beaucoup d’espèces, tout en se maintenant bien à l’état de diaspores sous l’eau, ne forment des fleurs et fruits qu’en période d’exondation.

Confusions possibles

Les formes les plus eutrophisées de l’habitat s’enrichissent en espèces annuelles nitrophiles (des genres Bidens, Polygonum, Rumex), ce qui peut les faire confondre avec les communautés des Bidentetea tripartitae (en partie UE 3270).

Dynamique

Spontanée :
Cet habitat pionnier, instable et d’ailleurs quelque peu « nomade » selon la variabilité de la dynamique hydrique, se maintient principalement par défaut de concurrence de la part de communautés vivaces (surtout roselières). Certaines mares temporaires évoluent vers des bas-marais à Sphaignes (Sphagnum spp.) et Molinie bleue (Molinia caerulea) (UE 6410).

Liée aux activités humaines :
Il peut être favorisé par des pressions biotiques modérées visant à réduire la coucurrence des espèces vivaces des roselières (piétinement, faucardage) ; ces dernières peuvent redevenir envahissantes si ces pressions diminuent ou disparaissent.
Les communautés à Jonc hybride et Lythrum à trois bractées sont liées aux « mares de tonne » aménagées par les chasseurs de gibier d’eau. Une eutrophisation favorise leur évolution vers un habitat nitrophile de moindre valeur (Bidentetea tripartitae) quoique parfois d’intérêt communautaire (UE 3270).

Habitats associés ou en contact

Communautés aquatiques variées (UE 3140, UE 3150) vers l’eau libre.
Communautés de vivaces amphibies oligotrophiques à eutrophiques (UE 3130, Cor. 37.24) pouvant se superposer aux espèces annuelles dans les gazons ouverts sur substrat minéral.
Communautés annuelles amphibies nitrophiles des Bidentetea tripartitae (en partie UE 3270).

Répartition géographique

Les aires des diverses formes de l’habitat sont assez caractérisées :
- communautés à Lythrum pourpier et Étoile d’eau : ouest et nord-ouest de la France ;
- communautés à Jonc hybride et Lythrum à trois bractées : connues des marais arrière-littoraux poldérisés de Charente-Maritime et du sud de la Vendée, aire s’étendant sans doute jusqu’à l’embouchure de la Loire ;
- communautés à Bulliarde de Vaillant et Renoncule nodiflore : ne sont guère connues que de quelques mares temporaires acides sur schistes (Massif armoricain) et grès (Fontainebleau, Brenne).

Valeur écologique et biologique

La valeur patrimoniale de l’habitat est très haute, au moins en ce qui concerne la flore, par la présence d’espèces :
- protégées au niveau national : Pulicaria vulgaris, Damasonium alisma, Ranunculus nodiflorus, Lythrum tribracteatum, Elatine brochonii ;
- menacées au plan national (prioritaires ou à surveiller) : Pulicaria vulgaris, Elatine brochoni, E. macropoda, Lythrum tribracteatum, Ranunculus nodiflorus, Crassula vaillantii, Damasonium alisma ;
- protégées dans diverses régions : Elatine hexandra, Cicendia filiformis, Limosella aquatica, Juncus pygmaeus, J. tenageia, Crassula vaillantii, Lythrum hyssopifolia, L. borysthenicum.

États de conservation

Privilégier les formes les moins eutrophisées, en dépit de la valeur communautaire de quelques communautés des Bidentetea tripartitae.

Tendances et menaces

Cet habitat fragile reste très menacé par les activités humaines autour des lacs et étangs, induisant aménagements, piétinement, tendance à l’eutrophisation et surtout à la stabilisation du plan d’eau et la régularisation des rives. Les communautés à Bulliarde de Vaillant et Renoncule nodiflore ont beaucoup souffert de l’urbanisation des environs d’Angers, sur les schistes ardoisiers, et de la dynamique naturelle affectant les mares temporaires de Fontainebleau (envahissement par les Sphaignes et la Molinie, embroussaillement des communautés environnantes, déterminant fermeture ou ombrage des mares). L’endiguement a aussi été à l’origine d’une raréfaction des formes de cet habitat liées au lit majeur de certains grands fleuves.

Potentialités intrinsèques de production

Les potentialités économiques de cet habitat en lui-même sont nulles. Par contre, il est susceptible de s’installer dans des milieux d’intérêt économique ou de loisirs ; son maintien peut dès lors être source de conflit avec les usagers de ces milieux. Il peut en revanche être compatible avec une production piscicole extensive (Brochet, Esox lucius dans les vallées fluviales).

Axes de recherche

Accroître les informations fondamentales (phytosociologiques et écologiques) sur quelques formes peu connues de l’habitat, surtout les communautés à Bulliarde de Vaillant et Renoncule nodiflore non étudiées depuis longtemps, sur la faune associée, sur le fonctionnement de l’écosystème global pour dégager des principes concrets de gestion (en particulier l’effet du rajeunissement du substrat).
Profiter des mises en assec proposées pour recueillir des échantillons de vases et les mettre dans de bonnes conditions physiologiques de germination du stock de diaspores afin de mieux connaître l’état potentiel de cette flore.
Tester la possibilité de reconstituer la dynamique de l’écosystème aquatique par l’étude qualitative et quantitative des stocks de graines.

Fiche du cahier d'habitats (format pdf)
Bibliographie

 Bensettiti F., Gaudillat V. & Haury J. (coord.), 2002. « Cahiers d’habitats » Natura 2000. Connaissance et gestion des habitats et des espèces d’intérêt communautaire. Tome 3 - Habitats humides. MATE/MAP/MNHN. Éd. La Documentation française, Paris, 457 p. + cédérom. (Source)