Liste hiérarchisée et descriptifs des habitats des Cahiers d'habitats
Habitat de l’étage alpin, colonisant les éboulis et pierrailles (calcaires, schisteuses, arènes granitiques) de petite taille, un peu humides et situés en ombrée.
Du point de vue topographique, il est la plupart du temps situé en pied de falaise, dans des concavités jouxtant des combes à neige ou en amont de cônes d’éboulis.
Il est soumis à un très long enneigement (habitat chionophile), le manteau neigeux épais persistant jusqu’au début ou parfois jusqu’au milieu de l’été.
Les pierriers relativement bien fixés par la végétation sont en général peu mobiles ; la pente est relativement faible (inférieure à 40 %).
Une terre fine de pH acide (5 à 6) constitue, dans les creux et sous les blocs, une matrice humide favorisant l’enracinement des végétaux.
L’habitat est représenté par l’association à Oxyria à deux styles et Doronic des Pyrénées [Oxyrio digynae-Doronicetum pyrenaici], caractérisée en outre par : Renoncule des glaciers (Ranunculus glacialis), et pouvant compter également : Pritzelago des Alpes (Pritzelago alpina), Saxifrage inaperçue (Saxifraga paetermissa), Luzule marron (Luzula alpinopilosa), Petit Pâturin (Poa minor)…
Végétation caractérisée par un très faible recouvrement (atteignant au maximum 10 %) et un développement rapide au cours de la brève période de déneigement fini-estival.
La flore est constituée en majorité d’hémicryptophytes appartenant à des espèces de pierriers peu mobiles très longtemps enneigés.
Étant donné l’écologie particulière de l’habitat, les espèces se montrent très nettement spécialisées aux contraintes du milieu (nature, granulométrie, mobilité du substrat, microclimat…). Ces espèces lithophiles présentent diverses stratégies leur permettant de résister aux contraintes imposées par les mouvements éventuels se produisant au sein des pierriers et entraînant des traumatismes. L’organisation morphologique et anatomique de leur système végétatif (notamment souterrain) permet à ces espèces lithophiles de suivre et de subir, ou non, le mouvement des pierriers, d’où les diverses stratégies distinguées :
- stratégie migratrice : lithophyte migrateur par allongement et régénération : Crépide naine (Crepis pygmaea) ; lithophyte migrateur par allongement : Oxyria à deux styles ; lithophyte migrateur par multiplication végétative : Doronic à grandes fleurs sous-espèce des Pyrénées (Doronicum grandiflorum subsp. pyrenaicum) ; lithophytes migrateurs à système racinaire adhérant fortement au substrat : Petit Pâturin, Renoncule des glaciers, Renoncule des Alpes (Ranunculus alpestris), Épilobe à feuilles de mouron (Epilobium anagallidifolium) ;
- stratégie sédentaire : lithophyte stabilisateur : Saxifrage inaperçue.
Les éboulis chionophiles et hygrophiles à Saxifrage inaperçue des étages subalpin supérieur et alpin des Pyrénées [Saxifragion praetermissae ; Code UE : 8130].
Les éboulis siliceux des Pyrénées à Cryptogramme crispé (Cryptogramma crispa) et Pâturin du Mont Cenis (Poa cenisia) [Senecionion leucophylli ; Code UE : 8130], d’écologie et de composition floristique différentes.
Cet habitat est permanent tant qu’un équilibre s’établit entre les processus géomorphologiques (mobilité, enneigement, phénomènes cryonivaux…) remaniant le milieu et la colonisation par les espèces végétales lithophiles spécialisées. Une tendance à une évolution vers les communautés de combes à neige [Code Corine : 36.1] baso-neutrophiles ou acidiphiles est observable dans les cuvettes, et vers les pelouses du Festucion supinae [Code Corine : 36.34] dans les zones convexes peu pentues.
Végétation chasmophytique des pentes rocheuses calcaires [Code UE : 8210].
Végétation chasmophytique des parois rocheuses siliceuses [Code UE : 8220].
Communautés de combes à neige acidiphiles [Salicion herbaceae ; Code Corine : 36.11].
Communautés de combes à neige calcicoles [Arabidion caerulae ; Code Corine : 36.12].
Communautés des éboulis siliceux des étages montagnard à nival [Code UE : 8110].
Communautés des éboulis calcaires subalpins et alpins [Iberidion spathulatae ; Code UE : 8130] des Pyrénées.
Pelouses orophiles du Festucion supinae [Code Corine : 36.34].
L’habitat appartient à un ensemble de communautés végétales d’écologie singulière réunies dans une alliance [Iberidion spathulatae] endémique pyrénéo-cantabrique.
L’association à Oxyria à deux styles et Doronic des Pyrénées, constituant l’habitat d’éboulis le plus alticole des Pyrénées, se rencontre depuis les hauts massifs des Pyrénées centro-occidentales jusqu’à ceux des Pyrénées orientales.
Habitat très original, rare et endémique des Pyrénées, ne couvrant pas de grande superficie. Il présente une grande valeur écologique et biologique par les conditions très particulières du milieu et le nombre d’espèces spécialisées qu’il renferme. Le cortège floristique comprend l’endémique pyrénéo-cantabrique : Saxifrage inaperçue.
Une lacune persiste dans la connaissance de la faune associée à ce type d’habitat.
États à privilégier :
Stade optimal de l’habitat.
Autres états observables :
Stades appauvris et stades en voie d’évolution vers les communautés de combes à neige ou de pelouses.
L’habitat n’apparaît pas pour l’instant globalement très menacé dans les Pyrénées. Toutefois des menaces de destruction directe (aménagement et extension de domaines skiables, piétinement et pâturage intensifs par les troupeaux, piétinement et bouleversement lors de randonnées et de la pratique de l’escalade, érosion…) et indirecte (dynamique naturelle pouvant faire évoluer l’habitat vers des communautés de combes à neige ou de pelouses, changement climatique global éventuel…) existent.
Affiner la typologie syntaxonomique et la répartition géographique de l’habitat. Réaliser les inventaires de la faune associée à cet habitat.
ll serait intéressant de faire un suivi à long terme de ces habitats afin de connaître leur évolution éventuelle lors d’un changement climatique global.
Bensettiti F., Herard-Logereau K., Van Es J. & Balmain C. (coord.), 2004. « Cahiers d’habitats » Natura 2000. Connaissance et gestion des habitats et des espèces d’intérêt communautaire. Tome 5 - Habitats rocheux. MEDD/MAAPAR/MNHN. Éd. La Documentation française, Paris, 381 p. + cédérom. (Source)