Liste hiérarchisée et descriptifs des habitats des Cahiers d'habitats
Habitat de basse altitude, thermophile, se rencontrant surtout à l’étage thermoméditerranéen et éventuellement à l’horizon inférieur du mésoméditerranéen (d’environ 0 à 700 m d’altitude).
À l’intérieur des terres ou en situation proche du littoral mais jamais directement maritime.
En exposition, soit chaude et ensoleillée, pour les rochers à Phagnalon sordide (Phagnalon sordidum) et ceux à Asplénium de Pétrarque (Asplenium petrarchae), soit ombragée (versant toujours nord) et assez humide, pour les rochers à Scolopendre sagittée (Asplenium sagittatum) (cf. « Variabilité »).
La pente est très variable : des affleurements rocheux quasiment plats aux parois verticales.
Substrat constitué principalement par des rochers calcaires miocènes, mais aussi parfois par des schistes riches en carbonate de calcium.
Substrat assez compact (sans fentes assez larges pour permettre l’infiltration et la rétention d’eau et le développement d’une végétation plus dense ou arbustive).
Deux types de groupements très différents se distinguent, selon l’exposition et la localisation géographique :
- un groupement à caractère xérique, se développant sur certains rochers calcaires ensoleillés (chauds et secs), dominé par le Phagnalon sordide et où l’on trouve d’autres espèces thermophiles, comme l’Asplénium cétérach (Asplenium ceterach), la Campanule érinus (Campanula erinus), le Phagnalon des rochers (Phagnalon saxatile) et très ponctuellement l’Asplénium de Pétrarque, petite fougère très rare en Corse qui pousse exclusivement sur calcaire ;
- très localement, dans certains vallons encaissés de l’extrême sud de la Corse, un groupement à Scolopendre sagittée qui se développe dans les petits abris sous roche des affleurements calcaires ombragés et parfois humides, sur lesquels pousse aussi parfois la Capillaire de Montpellier (Adiantum capillus-veneris), le Cyclamen étalé (Cyclamen repandum), le Lierre (Hedera helix), le Fragon piquant (Ruscus aculeatus) ou le Petit Ombilic de Vénus (Umbilicus horizontalis).
La végétation des rochers calcaires chauds et secs de basse altitude, dont le recouvrement varie de 5 à 20 %, n’est pas seulement constituée de plantes typiquement rupestres ; elle est composée aussi bien de chaméphytes frutescents (c’est-à-dire des espèces des fruticées) ou herbacés, de thérophytes, que de chasmophytes (des Asplenietea).
Le groupement à Scolopendre sagittée (qui n’est souvent défini que par cette fougère essentiellement sciaphile) se trouve toujours en situation d’éclairement modéré, enfoui sous une végétation arbustive, le plus souvent en sous-bois de Chêne vert (Quercus ilex), avec de la Viorne-tin (Viburnum tinus), de l’Alaterne (Rhamnus alaternus), de l’Arbousier (Arbutus unedo), du Filaria (Phillyrea spp.), du Lentisque (Pistacia lentiscus) ou du Myrte (Myrtus communis), mais aussi sous des ronciers (Rubus spp.) ou des lianes telles que Salsepareille (Smilax aspera), Tamier commun (Tamus communis), Chèvrefeuilles (Lonicera spp.). On peut également y noter la présence d’espèces assez nitrophiles comme la Pariétaire judaïque (Parietaria judaica). Le recouvrement de ce type de végétation peut aller jusqu’à 30 %.
Avec les falaises calcaires mésoméditerranéennes à Chou insulaire (Brassica insularis) [Code UE : 8210], qui sont toutefois plus alticoles et abritent des espèces calcicoles d’altitude, ce qui n’est pas le cas de l’habitat considéré ici.
Les végétations des rochers et falaises calcaires semblent être des groupements stables ; en effet, le substrat très compact et l’absence de sol limitent les possibilités d’évolution.
Dans certaines falaises calcaires chaudes du centre de la Corse, les formations à Phagnalon sordide peuvent être localement en contact avec le groupement plus alticole à Chou insulaire (Brassica insularis) [Code UE : 8210] ou avec les formations dominées par la Sabline de Bertoloni (Arenaria bertolonii) [Code UE : 8210].
Dans les rochers calcaires ombragés du sud de l’île, le groupe- ment à Scolopendre sagittée est entouré et souvent en mélange avec des maquis mésoméditerranéens à Chêne vert [Code Corine : 32.1].
Les rochers et falaises calcaires à Phagnalon sordide sont principalement présents dans la région de Saint-Florent, mais aussi plus ponctuellement dans la région de Corte et de Bonifacio. D’une manière générale, ils couvrent de petites superficies.
Les rochers à Asplénium de Pétrarque sont localisés (sur de très petites superficies) au centre et au sud-est de la Corse (Pedano à Pietralba, Punta Calcina et Monte Santu).
Les affleurements calcaires à Scolopendre sagittée sont uniquement présents dans quelques vallons ombragés de la région de Bonifacio (extrême sud de l’île).
C’est le seul habitat abritant les quelques petites populations corses de Scolopendre sagittée, fougère menacée et protégée au niveau national et européen (inscrite à l’annexe IV de la directive « Habitats »).
Il faut aussi noter :
- la présence d’espèces végétales protégées, rares ou localisées en Corse, comme l’Asplénium de Pétrarque ou le Petit Ombilic de Vénus ;
- la présence d’espèces animales remarquables, notamment des mollusques endémiques, protégés et rares (car inféodés aux substrats calcaires), comme Hypnophila remyi (Cochlicopidae) et Solatopupa guidoni (Chondrinidae).
États à privilégier :
Les falaises calcaires chaudes et sèches à Asplénium de Pétrarque. Les rochers à Scolopendre sagittée les moins dégradés (sans espèces nitrophiles) et les affleurements calcaires les moins enfouis dans la végétation arbustive (où la concurrence végétale est la moins forte).
Habitat menacé par le développement des activités d’escalade (en particulier les quelques falaises de calcaire compact abritant les populations corses de d’Asplénium de Pétrarque sont toutes équipées pour l’escalade), par la « nitrophilisation » (développement de formations végétales nitrophiles ou rudérales) et éventuellement par l’exploitation de la roche (carrières).
Les rochers calcaires à Scolopendre sagittée sont plus particulièrement menacés :
- par les incendies de maquis, qui détruisent les formations arbustives nécessaires au maintien d’ombre et d’humidité indispensables au développement de cette fougère et des espèces herbacées associées ;
- éventuellement, par l’embroussaillement dû au développement trop important des ronces ou des lianes ;
- par les collectionneurs de plantes, qui sont à la recherche de fougères rares.
Les habitats calcaires n’ont pas fait l’objet d’études approfondies en Corse ; il faudrait donc :
- rechercher les sites les plus riches sur les plans floristique et faunistique ;
- étudier la typologie des stations corses d’Asplénium de Pétrarque, notamment celles signalées autrefois dans le cap Corse (pour vérifier qu’elles correspondent bien à ce type d’habitat) ;
- mieux étudier l’écologie et la typologie des petites populations de Scolopendre sagittée de Bonifacio.
Bensettiti F., Herard-Logereau K., Van Es J. & Balmain C. (coord.), 2004. « Cahiers d’habitats » Natura 2000. Connaissance et gestion des habitats et des espèces d’intérêt communautaire. Tome 5 - Habitats rocheux. MEDD/MAAPAR/MNHN. Éd. La Documentation française, Paris, 381 p. + cédérom. (Source)