8220-2 - Végétation des fissures, des rochers siliceux suintants des étages montagnards à alpins, des Pyrénées centro-occidentales

Liste hiérarchisée et descriptifs des habitats des Cahiers d'habitats

Caractéristiques stationnelles

Habitat se rencontrant de l’horizon montagnard supérieur (dès 1 500 m environ) jusqu’à l’étage alpin, occupant des parois subverticales à verticales, parfois en surplomb, des rochers siliceux pauvres à riches en bases.
Cet habitat n’est pas lié à une exposition privilégiée : il se rencontre depuis des expositions sud jusqu’à l’exposition nord et subit donc quelques variations mésoclimatiques dues à l’exposition, entraînant simplement quelques changements dans les proportions relatives de certaines espèces.
Les végétaux sont liés aux fissures fines, souvent verticales.
Les parois sont suintantes en quasi permanence ou bien humides une bonne partie de l’année ; elles sont souvent recouvertes d’un placage neigeux assez persistant en hiver, atténuant ainsi légèrement la rudesse des conditions climatiques liées au milieu.

Variabilité

La variabilité observée est due à la combinaison des différents facteurs (géographie, altitude, lithologie) permettant de distinguer :
- dans les Pyrénées centrales : la communauté à Saxifrage cotylédon et Primevère hérissée [Saxifrago cotyledonis-Primuletum hirsutae], occupant des rochers siliceux pauvres à riches en bases de l’étage montagnard et de l’étage subalpin ;
- dans les Pyrénées centrales et occidentales : la communauté à Cardamine à feuilles de réséda et Primevère hérissée [Cardamino resedifoliae-Primuletum hirsutae] se présentant sous les trois types (sous-associations) suivants :
sous-association typique [primuletosum hirsutae], des rochers siliceux pauvres en bases (pH 4,8 à 5,6 de l’humus des fissures) de l’étage subalpin essentiellement ;
sous-association à Saxifrage d’Irat (Saxifraga pubescens subsp. iratiana) [saxifragetosum iratianae] et présentant également comme différentielle, la Potentille nivale (Potentilla nivalis), de l’étage subalpin supérieur et de l’étage alpin ;
sous-association à Potentille fausse-alchémille (Potentilla alchimilloides) [potentilletosum alchemilloidis] des rochers siliceux riches en bases (pH de l’humus des fissures moins acide) de l’étage subalpin et de l’horizon alpin inférieur, présentant plusieurs chasmophytes calcicoles comme espèces différentielles : Potentille fausse alchémille, Globulaire rampante (Globularia repens), Rue-de-muraille (Asplenium ruta-muraria), Chèvrefeuille des Pyrénées (Lonicera pyrenaica).

Physionomie, structure

Végétation très ouverte de très faible recouvrement (peu de compétition entre individus), généralement inférieur à 20 % et à nombre restreint d’espèces occupant les fissures, dièdres et micro-replats des rochers et falaises compacts.
La flore est composée d’hémicryptophytes et de chaméphytes particulièrement adaptés aux conditions extrêmes de la vie rupicole (grands écarts de température et d’humidité, balayage par le vent…) présentant des formes biologiques naines (de quelques centimètres à quelques dizaines de centimètres de hauteur), caractérisées par la lenteur de leur croissance, à port essentiellement en coussinet (Androsaces, Primevère, Saxifrages, Joubarbe, Draves) ou plus rarement en espalier [Alchémille des rochers (Alchemilla saxatilis)], à feuilles densément pubescentes (Androsaces, Draves).

Confusions possibles

Ne pas confondre avec les autres habitats des pentes rocheuses siliceuses compactes des Pyrénées centrales et occidentales :
- communautés végétales des rochers siliceux, de préférence exposées au sud, des étages subalpin et alpin [Code UE : 8220] : notamment communauté à Saxifrage d’Irat [Saxifragetum iratianae] ;
- communautés à Armoises (Artemisia eriantha) [Code UE : 8220] des rochers siliceux de l’étage alpin ;
- communauté végétale rare des surplombs siliceux des étages subalpin et alpin : association à Androsace des Pyrénées [Androsacetum pyrenaicae ; Code UE : 8220].

Dynamique

Cet habitat est pionnier des fissures étroites et des petites vires des rochers siliceux. Il se maintient tant que ses conditions stationnelles particulières et extrêmes perdurent, et revêt alors un caractère plutôt permanent.

Habitats associés ou en contact

Communautés jouxtant cet habitat dans les séquences phytotopographiques des massifs siliceux.

À l’étage montagnard :
- éboulis siliceux grossiers du Dryopteridion oreadis [Code UE : 8110] ;
- Hêtraies-sapinières [Code Corine : 41.14, 42.122] ;
- mégaphorbiaies [Adenostylenion pyrenaicae ; Code UE : 6430] à l’horizon supérieur de l’étage montagnard.

À l’étage subalpin :
- pelouses pyrénéennes siliceuses à Fétuque Gispet (Festuca eskia) [Code UE : 6140] ;
- pelouses acidophiles à Nard (Nardus stricta) [Nardion strictae ; Code UE : 6230*] ;
- landes du Juniperion nanae [Code UE : 4060] ;
- landes à Rhododendron ferrugineux (Rhododendron ferrugineum) [Rhododendron ferruginei-Vaccinion myrtilli ; Code UE : 4060] ;
- mégaphorbiaies [Adenostylenion pyrenaicae ; Code UE : 6430] ;
- pinède à Pin à crochet (Pinus uncinata) [Code UE : 9430] ;
- communautés végétales de crêtes siliceuses fissurées [Code UE : 8220] ;
- communautés végétales des rochers siliceux de préférence exposés au sud [Code UE : 8220] ;
- communautés végétales des surplombs siliceux [Androsacetum pyrenaicae ; Code UE : 8220].

À l’étage alpin, en plus de ces trois derniers habitats :
- combes à neige acidophiles [Code Corine : 36.11] ;
- pelouses siliceuses orophiles [Festucion supinae ; Code Corine : 36.3] ;

Répartition géographique

Habitats endémiques pyrénéens : Pyrénées centrales pour la communauté à Saxifrage cotylédon et Primevère hérissée, et Pyrénées centrales et occidentales pour la communauté à Cardamine à feuilles de réséda et Primevère hérissée.

Valeur écologique et biologique

Habitat, lui-même endémique, recelant plusieurs espèces endémiques pyrénéennes (spéciation postglaciaire) à populations souvent en aires disjointes (Androsace des Pyrénées, diverses Saxifrages…) et des reliques arctico-alpines.
Biotope de nidification de plusieurs espèces d’oiseaux protégées au niveau national : Tichodrome échelette (Tichodroma muraria), Hirondelle de rochers (Ptyonoprogne rupestris), Faucon crécerelle (Falco tinnunculus)…
Abri éventuel de Chiroptères (Androsace pyrenaica ; Code UE : 1632).

États de conservation

États à privilégier :
Stade de l’habitat présentant la composition floristique optimale.

Autres états observables :
États fragmentaires (composition floristique pauvre) et stades intermédiaires vers les autres types d’habitat des pentes rocheuses siliceuses.

Tendances et menaces

Cet habitat n’est pas considéré comme globalement très menacé, mais des menaces directes de destruction partielle ou totale existent potentiellement : travaux d’élargissement de routes de montagnes, création de pistes pastorales ou forestières, de constructions diverses (parking, bâtiments…), mise en eau de barrages, ouverture de carrières, destruction partielle lors de travaux de déboisement et de débardage, pratique de l’escalade et du canyoning non respectueux de la végétation des parois.
Menaces indirectes à long terme : cueillettes abusives de certaines espèces, pollution atmosphérique près des axes de circulation.

Axes de recherche

Affiner la typologie syntaxonomique des habitats ; préciser leur répartition géographique.
Il serait intéressant de faire un suivi à long terme de ces habitats afin de connaître leur évolution éventuelle lors d’un changement climatique global.

Bibliographie

 Bensettiti F., Herard-Logereau K., Van Es J. & Balmain C. (coord.), 2004. « Cahiers d’habitats » Natura 2000. Connaissance et gestion des habitats et des espèces d’intérêt communautaire. Tome 5 - Habitats rocheux. MEDD/MAAPAR/MNHN. Éd. La Documentation française, Paris, 381 p. + cédérom. (Source)