8220-21 - Végétation humo-épilithique des rochers et parois acidiclines vasco-cantabrique et bretonne

Liste hiérarchisée et descriptifs des habitats des Cahiers d'habitats

Caractéristiques stationnelles

Habitat de type humo-épilithique à humicole, de l’étage atlantique, ne dépassant en général pas 500 m d’altitude. Il caractérise les pans rocheux et les anfractuosités ombragés, humides ou ruisselants, de substrats siliceux (conglomérats, grès, schistes, quartzites…) situés en conditions climatiques hyperocéaniques (soit éloignés du littoral de quelques dizaines de kilomètres au maximum).
Outre la répartition géographique, le maintien d’une hygrométrie constamment saturante des sites est favorisé par les conditions topographiques de fond de ravins et de bords de ruisselets en général et par le couvert forestier environnant empêchant le rayonnement solaire direct d’assécher, en été, par évaporation, l’atmosphère de l’habitat. Les températures restent douces en hiver.
Les végétaux, notamment les ptéridophytes, ancrent leurs rhizomes au sein d’une mince pellicule humifère recouvrant le substrat et sont associés à des colonies bryophytiques.

Variabilité

Les conditions topographiques, d’humidité et de lumière des stations permettent de distinguer deux communautés essentiellement bryo-ptéridophytiques :
- groupement des parois siliceuses ombragées à Hyménophylle de Tunbridge (Hymenophyllum tunbrigense) ou à Hymenophylle de Wilson (Hymenophyllum wilsonii) et hépatiques à feuilles (Jungermanniales) et mousses de tendance atlantique, occupant des pans de rochers ou de falaises humides, mais non ruisselants, avec les bryophytes : Céphaloziella à feuilles dentées (Cephaloziella dentata), Jamesoniella d’automne (Jamesoniella autumnalis), Plagiothécium ondulé (Plagiothecium undulatum), Saccogyna sarmenteux (Saccogyna sarmentosa), Scapania gracile (Scapania gracilis)… ;
- communautés saxicoles sciaphiles à Trichomanès remarquable (Trichomanes speciosum), dont le statut phytosociologique reste à définir, occupant des surplombs gréseux ou schisteux, ruisselants ou mouillés en permanence par les embruns de cascades, et des anfractuosités très sombres à atmosphère saturée en humidité en permanence, avec des bryophytes : Dumortiera hérissé (Dumortiera hirsuta), Jubula d’Hutchinson sous-espèce d’Hutchinson (Jubula hutchinsiae subsp. hutchinsiae), Fissidens rivulaire (Fissidens rivularis)…, souvent accompagnés de : Cystoptéris diaphane (Cystopteris diaphana), Grande soldanelle (Soldanella villosa), Saxifrage hérissée (Saxifraga hirsuta)…

Les communautés de basse Bretagne se distinguent de celles du Pays basque par l’absence des groupements à Trichomanes sporophytique en station naturelle (l’espèce se maintient dans quelques puits) et par un groupement à Hymenophyllum wilsonii qui est plus terricole et plus hygrophile que celui à Hymenophyllum tunbrigense. Dans ce dernier, les éléments hyperatlantiques sont moins fréquents et remplacés par des espèces circumboréales (Lepidozia reptans, Lejeunea cavifolia, par exemple). La présence locale de Fissidens polyphollus atteste des conditions stationelles parfois très hygrophiles. Dans l’ensemble, le cortège bryologique associé est très riche. Ainsi en Bretagne, on compte dix-sept hépatiques et vingt-six mousses (Bardat inédit) qui sont plus ou moins régulièrement présentes avec les Hyménophylles.

Physionomie, structure

Habitat n’occupant dans la plupart des sites que des surfaces très réduites (quelques mètres carrés en moyenne).
Végétation vasculaire et bryophytique pouvant parfois atteindre un recouvrement maximal du support dans les sites les moins sombres. Elle est caractérisée par la richesse en ptéridophytes et bryophytes (hépatiques et muscinées) hygrothermophiles d’affinité tropicale : Trichomanès remarquable, Cystoptéris diaphane, Stegnogramma de Pozo (Stegnogramma pozoi), Dumortiera hérissé, Jubula d’Hutchinson sous-espèce d’Hutchinson. Ces végétaux sont adap- tés aux conditions de très faible luminosité et d’hygrométrie saturante et présentent un appareil végétatif mince et fragile.

Confusions possibles

Habitat original ne permettant pas de confusion.

Dynamique

Cet habitat très spécialisé a un comportement pionnier et présente un caractère permanent.

Habitats associés ou en contact

Communautés des falaises siliceuses planitiaires océaniques [Asplenio billotii-Umbilicion rupestris ; Code UE : 8220].
Landes atlantiques à Éricacées et Ajoncs [Code Corine : 31.2]
Galeries d’Aulnes glutineux (Alnus glutinosa) pyrénéo-cantabriques [Code Corine : 44.342].
Chênaies pédonculées acidophiles atlantiques [Blechno spicanti- Quercetum roboris ; Code Corine : 41.55].

Répartition géographique

Habitat endémique de la région vasco-cantabrique et de la basse Bretagne. Il dispose de rares localités dans les Vosges méridionales, le pôle essentiel demeurant dans la partie française du Pays basque (département des Pyrénées-Atlantiques).

Valeur écologique et biologique

Habitat emblématique des ravins du Pays basque, mais aussi des chaos rocheux infra-sylvatiques de basse Bretagne où il trouve presque sa limite biogéographique. Cet habitat est d’une remarquable valeur patrimoniale par sa rareté, son originalité, la présence de plusieurs espèces d’affinité tropicale (cf. « Physionomie, structure ») et d’espèces protégées au niveau national : Cystoptéris diaphane, Hyménophylle de Tunbridge, Hyménophylle de Wilson, Grande soldanelle, Stegnogramma de Pozo, Trichomanès remarquable.
Noter également la présence d’espèces hygrophiles endémiques pyrénéennes : Cardamine à feuilles de radis, Saxifrage hérissée.

États de conservation

États à privilégier :
Tous les stades de l’habitat.
Il convient de préciser notamment que les groupements à Hyménophylle sont des communautés climaciques stationnelles où le renouvellement se fait par érosion gravitaire sous le poids de l’accumulation de matériaux organo-minéraux sur les pentes, parois et abris sous roche à forte déclivité. Les hautes eaux parfois torrentielles peuvent réaviver ponctuellement des supports soumis temporairement à une immersion érosive.

Autres états observables :
États fragmentaires, états dégradés.

Tendances et menaces

Cet habitat peut être considéré comme très menacé. Une forte régression des stations connues de l’habitat est constatée depuis une cinquantaine d’années. Des menaces potentielles pèsent sur l’ensemble des stations : déboisements abaissant l’hygrométrie des sites, destruction de sites par des travaux d’aménagements (routes, pistes, ouvrages divers), rudéralisation, pastoralisme incontrôlé, détérioration de la qualité des eaux, cueillettes abusives de végétaux rares, changement global des conditions climatiques.
Une simple éclaircie dans une forêt peut condamner les populations d’Hyménophylle qui occupent généralement les rochers et parois. Avec la mise en pleine lumière, les sporophytes meurent, laissant un réseau de rhizomes anastomosés, se desséchant et entraînant dans sa destruction les populations bryophytiques souvent remarquables qui lui sont associées. Ceci conduit souvent à la mise a nu complète des rochers.

Axes de recherche

Réaliser la description syntaxonomique des communautés de l’habitat dans l’ensemble des zones connues sur le territoire métropolitain. Chercher si le Trichomanès remarquable peut se maintenir au Pays basque en peuplements exclusifs de gamétophytes, comme c’est le cas dans d’autres régions.
Assurer un suivi précis à long terme des sites afin également de connaître leur évolution éventuelle dans le cadre d’un changement climatique global.

Bibliographie

 Bensettiti F., Herard-Logereau K., Van Es J. & Balmain C. (coord.), 2004. « Cahiers d’habitats » Natura 2000. Connaissance et gestion des habitats et des espèces d’intérêt communautaire. Tome 5 - Habitats rocheux. MEDD/MAAPAR/MNHN. Éd. La Documentation française, Paris, 381 p. + cédérom. (Source)