8220-8 - Falaises siliceuses montagnardes et subalpines du Massif central

Liste hiérarchisée et descriptifs des habitats des Cahiers d'habitats

Caractéristiques stationnelles

Étage subalpin (alpin) au-dessus de 1 500 m.
Fentes et anfractuosités des falaises (sub)verticales d’origine volcanique et de texture microlithique (phonolites, andésites, basaltes...).
À toutes expositions mais avec une préférence pour les parties froides (ubacs, couloirs peu ensoleillés).
Climat montagnard continental avec :
- des températures moyennes annuelles basses (+ 5 °C) ; de fortes amplitudes saisonnières mais aussi et surtout nycthémérales (jour/nuit), plus accentuées en adret qu’en ubac ;
- des précipitations importantes (supérieures à 2 000 mm), renforcées par une nébulosité fréquente, qui sont liées à l’altitude mais aussi à des incursions répétées d’apports océaniques.
Roches chimiquement riches en bases et de ce fait à acidité peu marquée se délitant par le gel et offrant ainsi des fissures verticales et des encorbellements favorables à l’expression de l’habitat.

Variabilité

Optimum à l’étage subalpin.
Cet habitat présente des variations selon l’exposition:
Au niveau des versants exposés au Nord et à l’Est, à ensoleillement journalier estival déficitaire et enneigement long et important en hiver, où les températures sont en moyenne basses, les amplitudes thermiques plus faibles qu’à l’adret et le taux d’humidité plus élevé : falaises à Saxifrage de Lamotte variante froide à Androsace. [Saxifragetum lamottei subass. androsacetosum].
Groupement plus thermophile au sud et à l’ouest, à ensoleillement journalier estival long et enneigement rare ; les conditions stationnelles sont en moyenne plus chaudes et sèches, cette situation se caractérise surtout par de gros écarts thermiques entre le jour et la nuit : falaises à Saxifrage de Lamotte variante chaude à Saxifrage [Saxifragetum lamottei subass. saxifragetosum].
En situations stationnelles particulières de type abyssales :
- au sein de couloirs étroits, froids, saturés d’humidité de façon permanente et à insolation quasi nulle (exposition nord à nord-est) : falaises hygrosciaphiles à Saxifrage à feuilles d’épervière [Saxifragetum hieraciifoliae].

Physionomie, structure

Degré de recouvrement élevé pour un groupement rupicole (jusqu’à 30 %) en relation avec la forte capacité de délitement de ces roches (plans de clivage) par le gel-dégel, constituant par suite autant de « niches » favorables au développement de l’habitat.
Forte représentativité des espèces chaméphytes sur les falaises plus ou moins éclairées à Saxifrage de Lamotte ; des hémicryptophytes pour le groupement abyssal à Saxifrage à feuilles d’épervière ; à l’inverse, absence presque totale des nanophanérophytes, thérophytes et géophytes, du fait de conditions microstationnelles drastiques et défavorables.
Insinuation de chaméphytes des groupements subordonnés, notamment des landes subalpines (Vaccinio-Piceetea ; cf. chapitre « Dynamique de la végétation) qui se déploient à la faveur et à partir d’encorbellements subhorizontaux qui leur sont plus favorables.

Confusions possibles

Falaises à Saxifrage de Prost [Saxifragetum prostii] des étages élevés des Cévennes siliceuses, d’affinité méditerranéo-montagnardes [Code UE : 8220, Code Corine : 62.26] dans le Gard (Aigoual), la Lozère (Aigoual, mont Lozère), l’Ardèche (monts du Vivarais).

Dynamique

La localisation de l’habitat sur les parois verticales et abruptes des panneaux basaltiques de l’étage subalpin établit des conditions de grande homéostasie.
L’évolution du groupement ne peut se réaliser que sur vires et encorbellements par accumulation progressive de débris végétaux contribuant à l’élaboration d’un sol juvénile.

Habitats associés ou en contact

La désagrégation mécanique par cryoclastie (gel-dégel) des parties les plus exposées de la roche permet l’installation de la lande à Camarine noire [Empetreto-Vaccinietum ; Code UE : 4060, Code Corine : 31.44] sur les vires (sub-) horizontales de taille suffisante, où elles s’insèrent en mosaïque avec les groupements plus strictement rupicoles (d’où une certaine vigilance lors de la caractérisation des relevés afin de bien séparer les différents milieux).
Cette lande à Camarine peut évoluer petit à petit vers une lande à Airelles (à Vaccinium uliginosum et Vaccinium myrtillus) [Vaccinio-Gentianetum appauvri ; Code UE : 4060, Code Corine : 31.412] et l’on peut ainsi trouver des stades transitoires entre ces deux types de landes sur les encorbellements les plus importants. Ce schéma est surtout valable pour les expositions les plus froides ; il subit des modifications en exposition sud où le stade à Camarine n’existe pas, remplacé par des fragments de landes plus sèches à Genévriers nains [Juniperion nanae] ou, à altitude inférieure, à Genêts poilus [Calluno-Genistion].
La base des falaises peut également être en contact avec des éboulis, formés par accumulation de débris issus des parois et souvent colonisés par des Bryophytae du genre Racomitrium. À la faveur de couloirs suintants d’humidité, au contact de la falaise à Saxifrage à feuille d’épervière, mais sans liens génétiques avec elle, se développent fréquemment une mégaphorbiaie luxuriante à Adénostyle et Laitue des Alpes [Adenostylo-Cicerbitetum ; Code UE : 6430, Code Corine : 37.81].

Répartition géographique

L’habitat est présent sur l’ensemble des hauts massifs (au-dessus de 1 500 m) d’origine volcanique (chaîne des Puys) du centre du Massif central (monts du Cantal : Plomb du Cantal ; Puy Mary... ; monts Dore : Puy de Sancy...) avec un centre de gravité nettement localisé aux parties les plus froides (et les plus continentales : le Cantal).
Il y a perte de ces éléments les plus caractéristiques (notamment la Saxifrage de Lamotte) dès lors que l’on s’éloigne de ce centre de gravité.
Les sommets du Massif central d’altitude équivalente, mais plus marginaux d’un point de vue géographique, qu’ils soient méridionaux (Cévennes) ou septentrionaux (Puy-de-Dôme), possèdent leurs groupements propres en relation avec les caractères dominants du mésoclimat duquel ils dépendent.

Valeur écologique et biologique

Intérêt biologique :
- présence de taxons néo-endémiques auvergnats (différenciés depuis la fin des glaciations) : Saxifraga exarata subsp. lamottei, Androsace carnea subsp. rosea ;
- espèces relictes glaciaires : Saxifrage à feuille d’épervière (Saxifraga hieraciifolia) et/ou rare pour le Massif central : Dryade à huit pétales (Dryas octopetala) ;
- différenciation d’un micro-groupement endémique relictuel : falaises à Saxifrage à feuille d’épervière.

Intérêt biogéographique en tant que point d’appui pour les flux migratoires de cortèges floristiques à répartition plus large :
- espèces orophiles présentes dans les Alpes occidentales et les Pyrénées : diverses Saxifrages (Saxifraga bryoides, S. androsacea...), Céraiste alpin (Cerastium alpinum subsp. lanatum), Woodsie des Alpes (Woodsia alpina) ;
- espèces boréales : Camarine noire (Empetrum nigrum subsp. hermaphroditum), Lycopode (Huperzia selago), Dryade à huit pétales (Dryas octopetala).

États de conservation

États à privilégier :
Falaises exemptes d’activités humaines.

Tendances et menaces

Menaces physiques :
Cet habitat est globalement non menacé à l’heure actuelle ; mais l’engouement pour les sports de pleine nature pourrait faire en sorte qu’il serve de support à des pratiques d’escalade. La nature de la roche et ses tendances aux délitements sont peut-être les meilleurs garants de non-utilisation de ces voies.
La cueillette de plantes pour leur rareté ou leur intérêt horticole ou esthétique n’est pas à exclure mais semble peu fréquent et ne peut concerner que les parties basses les plus accessibles.
Une exploitation commerciale de la roche n’est pas à exclure dans ces dernières situations d’accès facilités par les infrastructures.

Perturbations :
La surfréquentation et les passages répétés (sentier de randon- née) peuvent constituer autant de sources de dérangements pour l’avifaune utilisant ces sites rupestres, notamment pour la reproduction [Faucon pèlerin (Falco peregrinus), Hibou Grand-duc (Bubo bubo), Choucas (Corvus monedula), Merle de roche (Monticola saxatilis)...] ou la quête de nourriture (chasse).

Axes de recherche

Compléments d’inventaire des bryophytes présents dans les différents sites accueillant le groupement. L’originalité biogéographique de l’habitat du point de vue des phanérophytes doit être également envisagé au niveau des plantes non vasculaires.
Inventaire, cartographie et suivi des sites de nidification de l’avifaune rupestre.
Mécanismes de renouvellement des milieux faisant suite à un rajeunissement des parois par les agents physiques ou toute autre cause de destruction.

Bibliographie

 Bensettiti F., Herard-Logereau K., Van Es J. & Balmain C. (coord.), 2004. « Cahiers d’habitats » Natura 2000. Connaissance et gestion des habitats et des espèces d’intérêt communautaire. Tome 5 - Habitats rocheux. MEDD/MAAPAR/MNHN. Éd. La Documentation française, Paris, 381 p. + cédérom. (Source)