8310-4 - Rivières souterraines, zones noyées, nappes phréatiques

Liste hiérarchisée et descriptifs des habitats des Cahiers d'habitats

Caractéristiques stationnelles

Présent depuis l’étage méditerranéen jusqu’à l’alpin.
L’habitat se caractérise par des aquifères souterrains totalement obscurs, renfermant des masses d’eau souterraines considérables, courantes et statiques, peuplées par une faune spécifique formée d’espèces aveugles et dépigmentées, présentant souvent des effectifs importants, de milliers à des centaines de milliers d’individus, mais avec une densité faible, de l’ordre de quelques individus au mètre cube ; densité plus forte dans les sédiments noyés.

Variabilité

Elle est liée à la nature de l’aquifère souterrain. Deux types sont reconnus :
- les rivières souterraines et zones noyées : elles sont représentées dans les zones karstiques dispersées et bien répertoriées en France. Les zones noyées ne sont souvent que les réservoirs de stockage des eaux qui s’écoulent par les rivières souterraines, les aquifères résultant d’une perte de rivières de la surface. Ce sont ceux qui présentent les communautés souterraines les plus diversifiées en raison des apports importants de nourriture lors des crues ; c’est le cas des rivières souterraines de la bordure sud du Massif central ;
- les nappes phréatiques : elles sont l’équivalent des zones noyées et sont bien représentées dans les plaines et dans les vallées. Elles ne sont pas accessibles par les entrées naturelles des grottes mais par les puits artificiels, les forages pour l’irrigation ou l’alimentation des villes, et les piézomètres. Les inventaires faunistiques se font par filtrages et piégeages dans les puits, à la sortie ou dans les tubes de forages et les piézomètres.

Espèces "indicatrices"

Peuplement à base d’invertébrés aquatiques aveugles et dépigmentés ; 230 espèces d’invertébrés strictement inféodées aux eaux souterraines, pour la plupart endémiques, ont été décrites en France ; les vertébrés y sont limités à quelques populations isolées d’Euprocte des Pyrénées (Euproctus asper) dans le piémont des Pyrénées.
Les biocénoses souterraines aquatiques les plus riches se composent d’une cinquantaine d’espèces strictement souterraines. Les groupes suivants sont les plus représentatifs : planaires, mollusques, et surtout crustacés amphipodes, copépodes, isopodes, syncarides, décapodes.
Les espèces indicatrices de cet habitat sont présentées ci-après.

Mollusques :
Les Hydrobiidés, tous protégés, sont connus des grottes, résurgences karstiques, sources et puits des nappes phréatiques : Moitessieria, Bythiospeum, Bythinella, Belgrandiella, Hauffenia, Palacanthilhiopsis, etc. Certaines cavités peuvent en héberger jusqu’à trois espèces (cas du massif de Dorvan dans l’Ain). Ils couvrent une aire biogéographique vaste, du Jura franco-suisse aux Alpes, et à la France méridionale jusqu’aux Pyrénées ; les espèces endémiques, à répartition géographique limitée parfois à une seule station, abondent dans les Pyrénées et le bassin du Rhône et de la Saône.

Crustacés Isopodes :
Bien représentés dans le domaine aquatique karstique ; plusieurs sont de bonnes espèces indicatrices :
- Sphaeromides raymondi dans la zone noyée de quelques karsts du sud du Massif central, Faucheria faucheri des karsts noyés et des rivières souterraines du Languedoc et des Corbières orientales, Caecosphaeroma virei des rivières souterraines et du karst noyé du Jura franc-comtois, Caecosphaeroma burgundum de deux aires distinctes, l’une à l’est du Bassin parisien et l’autre en Vendée ;
- les Asellidés représentés par une dizaine d’espèces de Proasellus : P. cavaticus dans l’Est, le Sud-Est, les Causses, la vallée du Tarn, P. valdensis dans le Jura, la Savoie et le Dauphiné ; P. beroni endémique de la Corse, P. spelaeus limité au massif des Arbailles (Pyrénées-Atlantiques) et P. racovitzai dans le seul système souterrain du Goueil-di-Her (Haute-Garonne) ;
- les Stenasellidés avec trois espèces relictes, exclusivement souterraines : Stenasellus virei peuple divers types d’eaux souterraines dans les bassins de la Dordogne et de la Garonne, S. racovitzai se localise dans le sud de la Corse et S. buili dans les karsts de l’Aude, de l’Hérault et des Pyrénées-Orientales.

Crustacés Amphipodes :
Le genre Niphargus est l’animal « symbole » des eaux souterraines karstiques européennes. En France, ce genre, connu par 24 espèces, est présent dans tous les types d’eaux souterraines, avec souvent des effectifs élevés. Niphargus ladmiraulti est localisé entre Loire et Garonne, N. virei dans la moitié est (Lorraine, Jura septentrional, Cévennes, Languedoc), N. rhenorhodanensis des Vosges à la Méditerranée, N. schellenbergi dispersé sur le territoire français abonde en Lorraine. N. gallicus est limité aux rives de la Méditerranée, N. gineti surtout aux Causses, N. balazuci à la grotte du Colombier (Ardèche). N. rhenorhodanensis jalonne les rives de la mer miocène dans le sud-est de la France et représente un bon indicateur paléogéographique.
Deux Ingolfiellidés sont connues de France : Ingolfiella catalanensis des nappes phréatiques du Tech et I. thibaudi de la nappe phréatique de l’Ardèche et du Chassezac.

Décapodes.

Habitats associés ou en contact

Habitats souterrains terrestres et certaines grottes à chauves-souris [Code UE : 8310].
Habitats du couvert végétal et des cours d’eau de la partie amont des bassins versants dans les cas des rivières souterraines issues de pertes de ces cours d’eau.

Répartition géographique

Très vaste répartition de l’habitat en France.
Les biocénoses souterraines les plus diversifiées se localisent dans les rivières souterraines et les karsts noyés de la bordure calcaire du sud du Massif central (Hérault et Gard) ; endémisme et biodiversité sont encore forts dans les Pyrénées et les bordures calcaires du sillon rhodanien et de la vallée de la Saône et du Doubs, faible ailleurs, très faible dans le nord.
Les principales rivières souterraines et zones noyées étudiées, importantes pour l’intérêt patrimonial de leur faune souterraine aquatique, sont : Les Cents Fons et le Lez souterrain dans les Causses au nord de Montpellier, Le Vidourle souterrain dans le Gard, le gouffre de Padirac dans les Causses du Quercy, Le Goueil di Her et le système souterrain du Baget dans les Pyrénées centrales, la rivière souterraine du massif du Dorvan dans l’Aine.
Les nappes phréatiques avec une faune souterraine existent dans toute la France, même en dehors des zones calcaires ; citons les nappes phréatiques dans la craie du Bassin parisien, celles qui accompagnent ou bordent les fleuves et les rivières à basse et moyenne altitude, ou celles qui sont des nappes perchées à moyenne altitude.

Valeur écologique et biologique

Habitat refuge pour des espèces disparues de la surface. Présence de fossiles vivants et d’espèces endémiques (environ 200).
Une seule espèce, d’un grand intérêt patrimonial, l’Atyidé Troglocaris inermis est connue des eaux souterraines françaises, dans la zone noyée et des rivières souterraines des karsts du Gard et de l’Hérault.
Niches écologiques pour des espèces aveugles, dépigmentées. Grande réserve d’eau potable.

Tendances et menaces

Les habitats souterrains aquatiques sont particulièrement sensibles aux pollutions accidentelles (découlant de l’industrialisation et de l’urbanisation) ou diffuses liées en l’emploi des pesticides dans l’agriculture intensive. Les pollutions dues à des accidents de transport, des fuites de réservoirs sont nombreuses et introduisent des hydrocarbures (55 % des cas) et des produits chimiques (25 %). Les rejets des industries ou des installations d’élevages sont une source importante de pollution localisée.
Des pollutions sont également liées aux produits et détritus jetés dans les avens. L’impact des pollutions bactériologiques est faible ou nul sauf si elles sont associées à des pollutions organiques importantes.

Axes de recherche

Approfondir la connaissance et la cartographie des espèces endémiques à répartition géographique réduite et des réseaux souterrains ; préciser la composition des biocénoses.
Développer les études sur l’impact des pollutions sur les biocénoses souterraines.
Faire l’inventaire et la cartographie de ces habitats et de leur faune dans les sites déjà protégés.

Fiche du cahier d'habitats (format pdf)
Bibliographie

 Bensettiti F., Herard-Logereau K., Van Es J. & Balmain C. (coord.), 2004. « Cahiers d’habitats » Natura 2000. Connaissance et gestion des habitats et des espèces d’intérêt communautaire. Tome 5 - Habitats rocheux. MEDD/MAAPAR/MNHN. Éd. La Documentation française, Paris, 381 p. + cédérom. (Source)