8340-1 - Glaciers véritables blancs ou noirs

Liste hiérarchisée et descriptifs des habitats des Cahiers d'habitats

Caractéristiques stationnelles

Principalement à l’étage nival, certaines langues glaciaires descendent néanmoins à plus basse altitude, jusqu’à l’étage montagnard (le front de la Mer de glace est à 1 500 m d’altitude).
Dans tout site topographique favorable à l’accumulation de la neige (ou de la glace pour les glaciers régénérés).
Caractéristiques climatiques nécessaires :
- température : l’existence d’une zone d’accumulation située au-dessus de l’isotherme moyen annuel 0 °C est la première condition nécessaire pour la formation de glaciers ;
- précipitation : l’existence de précipitations solides (qui le sont presque toujours, sous forme de neige, grésil et grêle, au-dessus de 3 600 m) suffisantes dans cette zone d’accumulation [plus de 2 m d’équivalent eau (4 m de neige) par an environ, principalement sous forme de précipitations hivernales] est la seconde condition pour la formation de glaciers. À très haute altitude (> 4 000 m) les précipitations estivales sont aussi importantes que les précipitations hivernales ;
- ligne d’équilibre (bilan de masse annuel nul) située vers 2 900 m dans les Alpes ;
- nécessité d’une couche de glace d’épaisseur suffisante pour permettre au glacier de se maintenir, sinon il disparaîtrait et réapparaîtrait au gré des fluctuations climatiques favorables ou défavorables (ex. : 400 m à la Mer de glace, 300 m au glacier Blanc).
Sur tout type de roche basale (silice, calcaire) ; les massifs calcaires de haute altitude (> 2 900 m) sont néanmoins rares dans l’arc alpin.
Lit basal de toute nature : rocheux ou morainique (meuble ou non).
Absence de sol : ni litière, ni humus, cet habitat est un milieu minéral presque pur sauf pour les glaciers noirs qui peuvent se végétaliser faiblement.
Cortège de moraines latérales ou frontales voisines ou contiguës.

Variabilité

Plusieurs sources de variations existent, elles sont principalement liées à la nature de la roche et à la topographie :
- variations avec la nature de la roche et la morphologie : l’éboulement des parois rocheuses ou morainiques produit une couverture d’épaisseur variable sur les glaciers, pouvant donner tous les dégradés entre un glacier blanc et un glacier totalement noir en surface ; un glacier noir étant recouvert d’une couche de débris rocheux d’une vingtaine de centimètres en moyenne, alors qu’un glacier blanc en est pratiquement dépourvu ;
- variations dans les formes suivant l’infinie diversité de la topographie locale. La classification morphologique permet de retenir les principaux types : glaciers de vallée, de cirque, de couloir, de plateau (dôme ou calotte) ;
- variation liée à l’altitude de la température des glaciers :
froids, au-dessus de 4 000 m (- 15 °C, à 10 m de profondeur au Mont Blanc), par l’absence de fusion ;
tempérés (0 °C), pour des zones d’accumulation situées au-dessous de 3 600 m ;
- variations dues à l’exposition : les glaciers exposés au nord ou protégées du rayonnement solaire connaissent des fusions moins intenses que ceux exposés au sud ;
- variations en liaison avec la pente qui entraînent un crevassement plus ou moins important pouvant donner des séracs, pinacles... ;
- variations en liaison avec la forme de la zone d’accumulation en altitude (ample ou réduite) et à son aptitude à recueillir les précipitations neigeuses qui entraîne des vitesses d’écoulement différentes ;
- variations en liaison avec les régimes d’alimentation : fonction des proportions des précipitations directes et des apports de neige par avalanche et transport par le vent.

Physionomie, structure

Les glaciers constituent réellement un habitat rocheux car ils sont constitués presque exclusivement de la roche glace pure (glacite) sous différentes microstructures (neige, névé, glace compacte), contenant de très faibles quantités d’impuretés (minérales et organiques, cryoconite). Même dans les glaciers noirs, les débris rocheux ne représentent pas plus de 1 % du volume total.
Zonation en surface : schématiquement, un glacier est formé d’une zone d’accumulation supérieure (neige ou névé) et d’une zone d’ablation inférieure plus ou moins recouverte de matériaux morainiques ; la séparation des deux zones est la ligne de névé qui en fin d’été se situe vers 2 800 m en exposition nord et 3 000 m en exposition sud, altitudes variables suivant le climat de l’année, jusqu’à 200 m autour des positions moyennes respectives ; la couverture superficielle formée par les matériaux morainiques agit comme un accélérateur de fonte en favorisant la capture et la transmission de l’énergie solaire jusqu’à 1 à 2 cm d’épaisseur ; au-delà, rôle protecteur et isolant, d’où un métabolisme de glacier noir très ralenti par rapport au blanc.

Espèces "indicatrices"

Espèces présentes dans l’habitat :
Sur la neige et la glace se rencontrent des algues (rouges, jaunes ou vertes) microscopiques, unicellulaires, Chlamydomonas nivalis, et un cortège de consommateurs formé de collemboles, rotifères, champignons et acariens. La cryoconite formée par les aérosols atmosphériques minéraux et organiques et concentrée en surface du glacier par la fonte, constitue le début de la chaîne trophique.

Confusions possibles

Par altitudes décroissantes :
- avec les névés permanents de haute altitude à l’écart de tout appareil glaciaire (au-dessus de la rimaye) ;
- avec les zones dites de névés qui cachent en fait sous quelques mètres de la véritable glace (ex. : le névé Pélissier, Pelvoux, qui suite à la remontée de la ligne de neige ces dernières années laissent apparaître le glacier sous-jacent) ;
- avec les glaciers rocheux actifs et fossiles pour les zones d’ablation des glaciers noirs, recouvertes de débris rocheux ;
- avec les moraines pour les zones couvertes, végétalisées des glaciers de type noir (ex.: front d’Arsine ou du glacier Noir dans les Écrins).

Dynamique

Très intéressante à suivre en périphérie des fronts glaciaires en recul pour évaluer la colonisation des délaissés glaciaires.
Les délaissés glaciaires sont principalement colonisés par les :
- éboulis siliceux de l’Androsacion alpinae [Code UE : 8110] ;
- éboulis de calcschistes du Drabion hoppeanae [Code UE : 8120] ;
Les glaciers noirs peuvent aussi évoluer vers des glaciers rocheux.

Répartition géographique

Les Alpes : massifs du Mont Blanc, de la Vanoise, des grandes Rousses, des Écrins et des Alpes cottiennes et maritimes.
Les Pyrénées.

Valeur écologique et biologique

Caractère original de l’habitat : stock d’eau solide (neige, névé et glace) ou liquide (réservoirs de surface, d’interface ou du milieu poreux constitué par les moraines et les cavités à la base du lit, eau vadose dans la glace tempérée).
Fonction de l’habitat dans le cycle de l’eau : modérateur du cycle de l’eau par stockage des précipitations solides (sous forme de neige, de grêle et de grésil) et leur transformation en glace, puis déstockage aux échelles annuelles, pluriannuelles ou même séculaires, en fonction des défauts ou des excès du climat.
Valeur paysagère touristique et alpinistique forte.
Source d’eau, particulièrement prisée les années de sécheresse (ex. : été 1976), utilisée pour l’irrigation, la production d’énergie électrique (après décantation de la farine glaciaire si possible), l’alimentation des nappes aquifères (la consommation directe n’est pas souhaitable, nécessité de filtrage, oxygénation et purification). Il est à signaler que contrairement à une croyance bien répandue, la production d’eau hivernale est négligeable car la fusion basale, due au flux géothermique, n’est que de quelques millimètres par an.

Tendances et menaces

La tendance actuelle de l’habitat, dans les Alpes et Pyrénées, est à la diminution générale de surface comme cela s’est déjà produit naturellement depuis la fin du Petit Âge de Glace. Toutefois cette diminution est entrecoupée de ré-avancées ou reculs plus vigoureux, à l’échelle de la décennie qui donnent un caractère toujours renouvelé aux paysages glaciaires.
Certaines actions anthropiques peuvent avoir un impact négatif sur l’habitat telles que :
- dépôt de déchets solides divers (câbles, carcasses d’avion, de pylône ou de benne de téléphérique), qui ressortent ensuite progressivement (pendant quelques décennies) dans les zones basses d’ablation, du fait du lent écoulement des glaciers ;
- comblement des crevasses en domaine skiable par de la paille, des filets plastiques ou du polystyrène expansé ;
- rejets d’eaux usées (pollution organique) provenant des refuges et de la fréquentation intense de la quasi-totalité des zones glaciaires par les skieurs ou alpinistes, qui ne peuvent être éliminés étant donné la température du milieu (0 °C) et la quasi-absence de micro-organismes (milieu minéral pur) ;
- extraction des graviers et sables des moraines terminales ;
- action que peut exercer l’homme sur le climat avec les rejets de gaz à effet de serre et d’aérosols atmosphériques.

Axes de recherche

Les expérimentations possibles se situent à trois niveaux distincts dans un ordre croissant de difficulté :
- observations visuelles du milieu naturel glaciaire, photoconstat (terrestre ou aérien) adaptés au suivi des évolutions, modifications ainsi qu’aux occurrences ou menaces de risques naturels d’origine glaciaire ;
- mesures des variations de longueurs et éventuellement cartographie des surfaces par photogrammétrie aérienne [clichés déjà disponibles (IGN, Cemagref) ou réalisés spécialement] ;
- mesures systématiques de l’ensemble des paramètres de variations (bilan de masse, altitudes, vitesses et longueurs), pour les besoins de la recherche fondamentale, sur un échantillon observatoire représentatif de glaciers des Alpes et des Pyrénées. Actuellement ces mesures systématiques alimentent la base de données mondiale et font l’objet de publications régulières de la part de l’UNESCO : « Fluctuations of glaciers-ICSI ». Cette fonction d’observatoire sur le plan français (Alpes et Pyrénées) est très importante car elle permet d’accéder aux répartitions spatiales des modifications climatiques, de les relier aux modifications de l’environnement et d’évaluer les impacts économiques dans le domaine de la haute montagne (utilisation des champs de neige, de glace et de l’eau des émissaires). Enfin ces observations sont indispensables à l’évaluation des risques naturels glaciaires.

Bibliographie

 Bensettiti F., Herard-Logereau K., Van Es J. & Balmain C. (coord.), 2004. « Cahiers d’habitats » Natura 2000. Connaissance et gestion des habitats et des espèces d’intérêt communautaire. Tome 5 - Habitats rocheux. MEDD/MAAPAR/MNHN. Éd. La Documentation française, Paris, 381 p. + cédérom. (Source)