8340-2 - Glaciers rocheux (pergélisol)

Liste hiérarchisée et descriptifs des habitats des Cahiers d'habitats

Caractéristiques stationnelles

Étages nival et alpin (à partir de 2 500 m). Aux expositions nord, ouest ou est.
Dans des situations topographiques favorables à l’accumulation de roches, la formation d’éboulis.
Présence d’une accumulation adaptée de neige (peu, sinon on obtient un glacier qui vire très rapidement au glacier noir).
Sur tout type de roche.

Variabilité

Variations suivant la nature de l’éboulis, les possibilités d’extensions de la langue terminale (pente et cassures de pente), la présence de rides et bourrelets en chevrons à convexité dirigée vers l’aval plus ou moins marqués selon la dynamique (pente, teneur en glace interstitielle) :
- formes actives : avec formation de glacier rocheux et écoulement ;
- formes fossiles : sans formation de glacier rocheux et sans écoulement notable, bien qu’il puisse subsister des noyaux de roches avec de la glace interstitielle ; certaines de ces formes, aujourd’hui végétalisées, sont très anciennes (développés après le retrait des glaciers Würmiens) et se trouvent à basse altitude jusqu’à 1 300 m ; la distinction des formes actives/fossiles est parfois délicate.

Physionomie, structure

En surface :
- l’allure d’un glacier rocheux ressemble à celle d’un éboulis ou écroulement rocheux, mais le fluage lui donne une forme de langue terminale aux bords abrupts caractéristiques et une surface parfois en forme de marches, de rides et de bourrelets emboîtés à convexité dirigée vers l’aval ;
- la glace n’est généralement pas visible directement en surface car elle est recouverte d’une épaisse couche de blocs rocheux [ex. : sur Laurichard (Combeynot, massif des Écrins), de l’ordre de 50 cm à la racine supérieure et de 1,5 à 2 m sur la langue] ;
- la surface de blocs, toujours en mouvement, ne permet pas une installation de la végétation aussi facile que sur un glacier de type noir.
En profondeur :
- à la différence des glaciers de type blanc ou noir, dont la masse est constituée de glace généralement très propre, un glacier rocheux est un sol gelé (pergélisol), où la glace n’occupe que les interstices entre les blocs. Du fait de l’inclusion de blocs rocheux rigides, le fluage n’est dû qu’à une faible partie de la masse, la glace interstitielle. Cela confère au matériau une viscosité bien plus élevée que celle de la glace pure et des vitesses d’écoulement plus faibles (ex.: sur Laurichard, de 0,5 à 1 m/an).

Confusions possibles

Avec les éboulis non englacés, qui ne présentent pas, en partie basse, les morphologies caractéristiques du glacier rocheux : front abrupt et rides emboîtées convexes.
Avec les zones d’ablation recouvertes des glaciers noirs.
Avec les amas frontaux apparemment totalement inactifs (carrières et captage d’eau au Lautaret, carrière de La Plagne en Chartreuse, routes d’accès en station de ski, etc.) dans lesquels il a été trouvé de la glace lors de travaux de terrassement en altitude.

Dynamique

Un glacier rocheux peut être la forme extrême d’aboutissement d’un glacier noir (lui-même issu d’un blanc à l’origine, comme le glacier du Marinet, Ubaye ou encore la moraine terminale du glacier d’Arsine, autrefois).
Contrairement aux glaciers blancs-noirs, qui avancent ou reculent (i.e. : s’allongent ou se raccourcissent), les glaciers rocheux ne peuvent qu’avancer du fait de leur imposant vallum morainique frontal. S’ils diminuent, c’est en laissant sur place cette moraine frontale et en s’effondrant à l’amont, par disparition de la glace interstitielle, comme le montrent les formes fossiles.
Les variations de forme des glaciers rocheux sont très lentes et ils constituent une classe de structure morphologique particulièrement stable : même devenus fossiles, leurs restes marquent profondément le paysage de la moyenne montagne. Cependant, lors des relevés annuels systématiques du glacier rocheux de Laurichard depuis 1979, on a pu observer une augmentation de la rive droite, près des stations topographiques fixes dans les années 85, comme pour les autres glaciers.
Colonisation de la langue terminale par des habitats d’éboulis avec principalement :
- les éboulis siliceux de l’Androsacion alpinae [Code UE : 8110] ;
- les éboulis de calcschistes du Drabion hoppeanae [Code UE : 8120].

Répartition géographique

Existence signalée ou décrite dans tous les massifs montagneux des Alpes et des Pyrénées sans qu’il existe encore un inventaire cartographique exhaustif de ce type de glacier particulièrement discret dans le paysage. Cependant, une fois ces glaciers repérés par leurs caractéristiques de forme et de mouvement, on en reconnaît un peu partout.

Valeur écologique et biologique

Caractère original de l’habitat : stock d’eau solide (neige, névé et glace) et milieu poreux susceptible de stocker temporairement de grandes quantités d’eau liquide (eau de fonte des névés et glace, eau des précipitations liquides), d’autant plus que cet habitat (dans ses deux formes : active et fossile) présente une fréquence élevée en moyenne montagne.
Valeur paysagère, bien que largement méconnue.

Tendances et menaces

Ces glaciers rocheux échappent généralement à l’action humaine (sauf si on les transforme en carrière de roches et graviers comme ce fut le cas au col du Lautaret, face nord du Combeynot).
Pollution organique possible à proximité d’infrastructures (chalets, stations de ski…).

Axes de recherche

Bien que quelques-uns aient déjà fait l’objet d’études ponctuelles assez détaillées (sur la forme, la structure, la dynamique), il y aurait à développer :
- un inventaire cartographique de répartition (Alpes et Pyrénées) de cet habitat qui est encore peu connu et peu reconnaissable par les aménageurs ou les gestionnaires de la montagne ;
- la poursuite des études de structure (prospection électrique pour la présence de glace et l’évaluation des épaisseurs) dans le but d’une utilisation de ces réserves d’eau et dans un but purement fondamental ;
- la poursuite d’études d’évolution dans le temps (dynamique : altitude de la surface et vitesses d’écoulement), comme sur le glacier rocheux du Laurichard, Combeynot ;
- celles de bilan de masse des glaciers rocheux qu’on ne sait pas encore effectuer pratiquement, car il reste encore à trouver un glacier rocheux dont l’émissaire soit apparent et le débit bien mesurable (méthode hydrologique).

Bibliographie

 Bensettiti F., Herard-Logereau K., Van Es J. & Balmain C. (coord.), 2004. « Cahiers d’habitats » Natura 2000. Connaissance et gestion des habitats et des espèces d’intérêt communautaire. Tome 5 - Habitats rocheux. MEDD/MAAPAR/MNHN. Éd. La Documentation française, Paris, 381 p. + cédérom. (Source)