91D0-1.1 - Boulaies pubescentes tourbeuses de plaine

Liste hiérarchisée et descriptifs des habitats des Cahiers d'habitats

Caractéristiques stationnelles

Type d’habitats se rencontrant en plaine, à l’étage collinéen et parfois à l’étage montagnard inférieur.
Le climat local est caractérisé par de faibles variations thermiques (milieux froids).
Faible pouvoir évaporant de l’air et forte humidité du sol. Substrat tourbeux dont le pH oscille, à 10 cm de profondeur, entre 3,7 et 5,7.
Eaux très pauvres en éléments nutritifs et en particulier en carbonate.
Sources de pentes, concentration d’eaux météoritiques dans les talwegs à déclivité assez forte (argile surmontée de sables siliceux), sols présentant dans ce cas une certaine aération du fait de la circulation de l’eau ou de l’intermittence de l’engorgement.
Vallées tourbeuses avec acidification d’une tourbière mésotrophe boisée latéralement, ou par le centre.
Sur plateaux à meulières, platières gréseuses, argile à silex.

Variabilité

Variations géographiques :
- race continentale à Sphagnum palustre ;
- race atlantique et subatlantique à Sphagnum fimbriatum.

Variations édaphiques :
- variante acidiphile typique ;
- variante plus acidicline en présence de l’Aulne et des Saules (litière fraîche neutralisante).

Variations selon l’importance de l’étendue des conditions favorables :
- variante appauvrie floristiquement lorsque les conditions favorables (édaphiques, topographiques) sont limitées spatialement (environnement mésotrophe des aulnaies).

Physionomie, structure

Habitats formant des taches circulaires ou elliptiques, des « croissants » ouverts sur la pente ou des talus linéaires (parallèlement à un cours d’eau), les queues d’étangs.
Peuplements assez denses mais rabougris, dominés par le Bouleau pubescent, parsemés d’Aulne glutineux et Sorbier des oiseleurs.
La strate basse se compose d’un épais tapis muscinal spongieux et élastique, avec des brosses de Polytric commun (Polytrichum commune) et des bombements de Sphaignes (Sphagnum fallax, S. angustifolium, S. flexuosum) formant souvent d’épais manchons à la base des troncs (S. palustris, S. papillosum v. laevae et S. fimbriatum). Les plantes à fleurs et les Fougères ont un recouvrement irrégulier, parfois dense et peu élevé.

Confusions possibles

Avec aulnaies à Sphaignes où l’Aulne est dominant, accompagné de nombreuses espèces moins acidiphiles.
Avec aulnaies à Osmonde, à Aulne dominant surmontant une strate herbacée haute et dense (avec l’Osmonde royale). les Sphaignes forment des tapis restreints et localisés.
Avec les saulaies à sphaignes.
Pour confirmer l’identification de l’habitat tourbeux (Code Corine : 44.A1) qui fait l’objet de cette fiche et éviter les confusions, un test pédologique peut se révéler important et doit montrer une épaisseur de tourbe d’au moins 15 cm.

Dynamique

Spontanée :
- Lac, étang oligotrophes --> Exploitation de tourbières à Sphaignes --> Boulaie à Sphaignes --> Aulnaie marécageuse.
- Aulnaie marécageuse mésotrophe --> Acidification : Boulaie à Sphaignes --> Aulnaie marécageuse.
- Engorgement de peuplements forestiers acidiphiles --> Faible épaisseur de tourbe : Boulaie à Sphaignes --> Aulnaie marécageuse.
- Engorgement de peuplements forestiers acidiphiles --> Saulaies marécageuses --> Plus acide : Boulaie à Sphaignes --> Aulnaie marécageuse.
- Engorgement de peuplements forestiers acidiphiles --> Saulaies marécageuses --> Plus mésotrophe : Aulnaie marécageuse.

Liée à la gestion :
Aucune gestion en général.
Si exploitation trop forte : retour au milieu ouvert avec reconstitution difficile de la boulaie.
L’eutrophisation de l’eau conduit au passage à une aulnaie.
Le drainage peut conduire à une évolution du milieu vers la chênaie pédonculée acidiphile.

Habitats associés ou en contact

Complexes tourbeux (UE : 7100).
Prairies humides à Molinie.
Étangs oligotrophes.
Landes acides (UE : 4010).
Landes humides (UE : 4020).
Aulnaies marécageuses acidiphiles.
Saulaies à sphaignes.
Pelouses oligotrophes des Nardetalia

Répartition géographique

Présence dans le Finistère, les Côtes-d’Armor, la Mayenne (Écouve, landes de Malingre), le Perche, la Sologne (et forêt d’Orléans), le Morvan, les Vosges (du sud), la Brie, les vallées de la Seine et de la Somme, le Valois, les forêts de Fontainebleau et de Montmorency, le massif de Rambouillet, le Vexin, le pays de Bray, le haut bassin de l’Escaut et de l’Oise, le Laonnois, le Boulonnais, la Picardie, la basse Ardenne, le Calvados armoricain (le mont Pinçon).
Dombes, Landes, vallée de la Vienne, basse Auvergne…

Valeur écologique et biologique

Type d’habitat rare, et dispersé à individus de faible étendue, souvent fragmentés en régression du fait de diverses actions anthropiques.
—› type d’habitat résiduel rare ou limité topographiquement.
Flore avec espèces étroitement spécialisées et parfois rares (en limite d’aire de répartition) ; exubérance des fougères (conditions d’humidité très favorables).
La diversité bryologique peut être très remarquable pour certaines tourbières, il peut exister des taxons rares à l’échelle régionale voire nationale.
Intérêt des mosaïques d’habitats par la grande diversité de micromilieux ainsi engendrés :
- les vasques constituent des zones d’éclosion pour les insectes ;
- insectes abondants dans les chablis fréquents dans ces milieux ;
- Lézard vivipare, Vipère péliade, Grenouille rousse, Triton alpestre et Triton palmé ;
- micromammifères dans les strates muscinales ;
- oiseaux cavernicoles très présents (Grimpereaux, Pic épeichette, Mésanges…).
Par ailleurs ces zones humides permanentes (sources de pente) jouent un rôle non négligeable dans la régulation du Réseau hydrographique (prévention des inondations, rétention des sédiments, d’éléments nutritifs…).
Intérêt cynégétique de ces milieux (zone de refuge pour la faune sauvage, souille à sanglier, taillis clair apprécié des bécasses…).

États de conservation

États à privilégier :
Les sites dont le fonctionnement hydrologique est actif, avec engorgement du sol, associé à un impluvium peu modifié (fertilisation et drainage absents ou faibles).

Tendances et menaces

Modification du régime des eaux (ex. création de réserve d’eau, pompages, creusement de fossés) : ces opérations constituent les principaux facteurs de dessèchement des tourbières.
Ainsi, le drainage entraîne la disparition progressive des Sphaignes et des plantes supérieures caractéristiques, Blechnum spicant persistant souvent le dernier dans les fossés. Les espèces à tendance xérophytique comme Deschampsia flexuosa, Vaccinium myrtillus, Leucobryum glaucum, Pleurozium schreberi, Hylocomium splendens, Rhytidiadelphus triquetrus s’installent dans les parties les plus sèches comprises entre ces fossés.
Plantations forestières : plus que le boisement en lui-même c’est son association avec les pratiques de drainage qui constitue une menace.
Coupes fortes : modifient profondément la végétation qui revient, mais difficilement, au stade initial, les fougères entrent temporairement en régression mais peuvent résister grâce au relèvement du niveau d’eau. Finalement, la végétation herbacée se modifie : certaines espèces effacées du taillis deviennent prépondérantes (Rubus, Juncus, Scirpus…). À mesure que le taillis ou hallier bourbeux se reconstitue, l’association revient lente- ment à son état typique.
Pollution et eutrophisation des eaux imprégnant les sols : aboutit également à la dégradation du groupement qui perd ses caractéristiques au profit des espèces banales des Aulnaies.
Feux : de durée courte et de surface, ils contribuent à ouvrir le milieu en ne brûlant que les parties aériennes des végétaux mais ils provoquent également une minéralisation de la biomasse. Sur les tourbières au sens strict (ex. tourbières bombées), les incendies de profondeur et intenses brûlent les niveaux sous-jacents de la tourbe, il est de plus difficile de les arrêter.

Potentialités intrinsèques de production

Peu productifs et généralement de faible surface, ces milieux à hydromorphie élevée ne permettent pas l’obtention d’individus âgés (chablis) : les bouleaux dépérissent très vite face aux conditions abiotiques difficiles. Le Bouleau pubescent en général de petite dimension, possède un faible intérêt technique ou techno- logique mais fournit cependant un bon combustible.
L’engorgement du milieu est peu propice à une pénétration du milieu et à son exploitation.
Ces Boulaies à Sphaignes remplissent un rôle d’épurateur et de régulateur des eaux, qui a également son importance d’un point de vue économique.

Bibliographie

 Bensettiti F., Rameau J.-C. & Chevallier H. (coord.), 2001. « Cahiers d’habitats » Natura 2000. Connaissance et gestion des habitats et des espèces d’intérêt communautaire. Tome 1 - Habitats forestiers. Volume 1. MATE/MAP/MNHN. Éd. La Documentation française, Paris, 339 p. + cédérom. (Source)