Liste hiérarchisée et descriptifs des habitats des Cahiers d'habitats
L’habitat est développé dans les mares, étangs et lacs de plaine, dans des zones de profondeur variable, sur tous types de substrats géologiques.
Il s’agit de communautés avec un caractère stagnophile (d’eaux stagnantes) très marqué, dominées par des pleustophytes (macrophytes libres) flottant à la surface de l’eau.
L’habitat correspond à des eaux mésotrophes à eutrophes, parfois hypertrophes, relativement claires à pH neutre à basique, parfois légèrement saumâtres, avec une richesse variable en orthophosphates.
Les facteurs de variation majeurs sont :
L’éclairement
Le caractère très héliophile de la plupart de ces communautés (Hydrocharito morsi-ranae-Stratiotetum aloidis, Spirodeletum polyrhizae, hormis le groupement à Lemna minor, indifférent) se traduit par un moindre développement des communautés en milieu ombragé, avec une régression des Lentilles d'eau et du Stratiotès.
La profondeur
La profondeur influe assez peu, sinon au début du cycle pour la mise en place des communautés, ainsi que pour le réchauffement des eaux. Toutefois, ces communautés se développent à proximité des berges, voire entre les hélophytes.
Le Spirodeletum polyrhizae se trouve dans des eaux peu profondes, les groupements à Lemna minor étant indifférents, l’Hydrocharitetum morsi-ranae pouvant coloniser des eaux assez profondes (plus d’un mètre).
La température
Certaines communautés sont assez thermophiles, comme le Lemneto minoris-Azolletum carolinianae (dont la présence en France est à vérifier) et les communautés incluant la Salvinie nageante.
L’hydrodynamisme et le vent
Ces communautés sont facilement entraînées par le courant ou le vent dans des zones où elles ne se sont pas développées initialement. Elles ne sont donc bien développées qu’en conditions suffisamment calmes (anses, abri des hélophytes).
La granulométrie et la nature des fonds
La granulométrie des fonds est variable, plutôt tourbeuse pour l’Hydrocharis, les Lentilles sans racine ou gibbeuse.
La minéralisation, le pH et le degré de trophie
Le gradient trophique va des groupements mésotrophes à méso- eutrophes : (Ricciocarpetum natantis, appartenant à l’habitat précédent : 3150-2) → Lemneto minoris-Spirodeletum polyrhizae → Lemnetum gibbae (eutrophe à hypertrophe) et Lemnetum gibbae azolletosum filiculoidis.
Cet habitat correspond à un fort développement de la strate flottante à la surface de l’eau ou au-dessus de celle-ci.
Deux grands types structuraux sont donc à distinguer :
- les groupements de petites pleustophytes flottant à la surface de l’eau, formés de Lentilles d'eau et d'Azollas ;
- les groupements de grandes pleustophytes flottant à la surface de l’eau ou au-dessus d’elle, dominés par l’Hydrocharis éventuellement accompagné du Stratiotès.
En strate dominée, des pleustophytes submergés peuvent exister, notamment la Lentille d'eau à trois lobes (Lemna trisulca) qui est fréquente (habitat 3150-2).
Normalement pas de confusion possible, les espèces étant très caractéristiques.
Spontanée :
Ce sont des groupements à caractère pionnier mais qui peuvent devenir très envahissants. Ils présentent un cycle saisonnier marqué, avec éventuellement des successions de communautés correspondant à des changements importants de dominance spécifique.
Liée aux activités humaines :
L’eutrophisation provoquée des eaux entraîne un passage aux groupements de niveau trophique supérieur et la régression des espèces méso-eutrophes. Ces communautés semblent parmi les dernières à résister à l’hypertrophisation et ont été utilisées en épuration des eaux.
Habitats associés :
Les groupements de l’habitat sont interstratifiés et forment des mosaïques avec diverses autres communautés macrophytiques : communautés eutrophes de macrophytes enracinés (habitat 3150-1) et submergés (habitat 3150-2), communautés à characées (UE 3140), Nymphaeion (Cor. 22.431) et Ranunculion aquatilis (zones moins profondes, Cor. 22.432).
Habitats en contact :
Mégaphorbiaies eutrophes (UE 6430).
Herbiers frangeants : phragmitaies (Cor. 53.11), scirpaies (Cor. 53.12), typhaies (Cor. 53.13), phalaridaies (Cor. 53.16), cariçaies (Cor. 53.2) ; cladiaies (UE 7210*, Cor. 53.3).
Rivières lentes et canaux à communautés eutrophes (habitat 3150-4).
Prairies humides eutrophes (Cor. 37.2).
Bois marécageux (Cor. 44.9).
Potentiellement toute la France de l’étage planitiaire à l’étage montagnard.
A priori, habitat assez fréquent et peu sensible, mais des différences entre les groupements sont à signaler.
Spécifiquement dans l’habitat, seule Salvinia natans est protégée au niveau national, mais elle est présumée disparue.
Espèces protégées au niveau régional : Spirodela polyrhiza (Haute- Savoie), Hydrocharis morsus-ranae (Alsace, Limousin, PACA, Rhône-Alpes), Stratiotes aloides (Bourgogne, Champagne-Ardenne, Franche-Comté, Haute-Normandie, Ile-de-France, Nord- Pas-de-Calais, Poitou-Charentes, Rhône-Alpes).
D’autres espèces d’intérêt patrimonial fréquentent les plans d’eau (ou leurs berges) dans lesquels se trouve l’habitat : la Loutre (Lutra lutra), la Caldésie à feuille de parnassie (Caldesia parnas- sifolia) et le Flûteau nageant (Luronium natans) (habitat 3150-1).
Alimentation des anatidés.
États à privilégier :
Les groupements méso-eutrophes, plus rares (Hydrocharito morsi-ranae-Stratiotetum aloidis, Hydrocharitetum morsi-ranae, Lemneto minoris-Spirodeletum polyrhizae) et témoignant de systèmes non dégradés, sont à privilégier par rapport aux groupements eutrophes et hypertrophes.
Autres états observables :
Groupements hypertrophes et eutrophes à Lentille gibbeuse et Azolla fausse-filicule.
Groupements peu diversifiés, et parfois envahissants à Petite lentille d'eau ou à Azolla fausse-filicule.
Groupements fragmentaires dans des biotopes peu favorables (ombragés, agités).
Tendances évolutives :
La forme eutrophe ou hypertrophe de cet habitat est en nette progression articifielle dans les zones d’agriculture intensive au détriment des habitats mésotrophes ou méso-eutrophes. Cette forme eutrophe supporte assez bien les fortes variations de température.
Menaces potentielles :
Envahissement par les macrophytes introduits : Jussies (Ludwigia peploides, L. grandiflora), Myriophylle du Brésil (Myriophyllum aquaticum) ; risque d’introduction de Jacinthe d’eau (Eichhornia crassipes).
Pêche professionnelle en lacs, pisciculture en étangs, ces milieux étant assez productifs (ésocidés, cyprinidés).
Milieux utilisables pour la chasse.
Recherche sur la participation de ces communautés aux flux biogéochimiques et quantification des immobilisations.
Utilisation en épuration avec collecte des Lentilles - Examen des distributions de Lemna minuta.
Bensettiti F., Gaudillat V. & Haury J. (coord.), 2002. « Cahiers d’habitats » Natura 2000. Connaissance et gestion des habitats et des espèces d’intérêt communautaire. Tome 3 - Habitats humides. MATE/MAP/MNHN. Éd. La Documentation française, Paris, 457 p. + cédérom. (Source)