Liste hiérarchisée et descriptifs des habitats des Cahiers d'habitats
Zones les plus chaudes de l’étage méditerranéen en France continentale ; en Corse, l'habitat se rencontre depuis le littoral jusqu’à des altitudes atteignant 1 200 m, c’est-à-dire l’étage supraméditerranéen.
Mares et cuvettes sur silice (dépressions temporairement inondées) et ruisseaux temporaires (Maures).
Sols pauvres en carbonates, oligotrophes, à pH proche de la neutralité, submergés pendant l’hiver et une partie du printemps ; assèchement complet l’été et durcissement du sol ; durées et périodes d’inondation variables entre années.
La mise en eau des mares temporaires se fait par une alimentation directe ou indirecte (ruissellement du bassin versant) provenant des précipitations atmosphériques. Parfois les eaux souterraines contribuent à l’alimentation en eau des mares et ruisseaux temporaires. Les niveaux d’eau sont très variables, fonction de la topographie, de l’imperméabilité de la roche sous-jacente, de la pluviométrie. La gamme de profondeur d’eau, comprise entre quelques centimètres et 40 cm, détermine les formations végétales.
Habitat à caractère héliophile, à l’exception de l’association à Spiranthe d’été et Mouron délicat.
Variations selon le niveau topographique
Niveau topographique bas : conditions les plus humides, longue durée d'inondation (de l'automne au printemps), généralement au centre des mares : végétation immergée notamment caractérisée par la présence de l'Isoète voilé ou de l'Isoète sétacé.
Trois groupements géographiquement distincts :
- Languedoc : association à Isoète sétacé [Isoetetum setaceae], particulièrement riche en espèces, se rencontre au fond des cuvettes d’eau peu profondes ;
- Provence : association à Péplis dressé (Lythrum borysthenicum) et Renoncule de Revelière (Ranunculus revelieri) ; on peut aussi la trouver au niveau de ruisseaux à écoulement lent ; à ce groupement se rattache la sous-association à Isoète voilé (Isoetes velata) et Bulliarde de Vaillant (Crassula vaillantii), occupant les petites cuvettes creusées dans la rhyolite, là où la roche volcanique constitue des épanchements tabulaires ;
- Corse : groupement à Isoète voilé [Eryngio barrelieri-Isoetetum velatae] (vicariant de l'Isoetetum setaceae) ;
Niveau topographique moyen : conditions moins humides, plus en bordure des mares, nécessitant une moins longue période d'inondation : végétation amphibie, pouvant être caractérisée par deux autres espèces d'Isoètes : l'Isoète de Durieu et l'Isoète épineux, parfois l'Isoète voilé.
Variabilité géographique :
- Languedoc et Pyrénées-Orientales :
association à Isoète de Durieu [Isoetetum duriaei], assez variable floristiquement, pouvant parfois aussi s'observer dans petites dépressions au milieu des cistaies,
association à Myosure à tête courte et Bulliarde de Vaillant [Myosuro heldrechii-Bulliardetum vaillantii] ;
- Provence :
association à Isoète de Durieu et Cresson rude [Isoeto duriaei-Nasturtietum asperae], assez variable floristiquement, sur les bordures des mares, le long des ruisselets temporaires, ou encore au milieu des cistaies sur des surfaces planes où l’humidité persiste ; la sous-association à Solénopsis laurentie (Solenopsis laurentia) se développe sur les pistes sablonneuses et ombragées de la cistaie où l'évaporation est atténuée,
association à Spiranthe d’été et Mouron délicat [Spirantho aestivalis-Anagallidetum tenellae], strictement inféodée aux berges sablo-rocailleuses des petits ruisseaux encaissés et ombragés dévalant les versants ;
- Corse : quatre groupements pouvant être classés selon un gradient altitudinal :
étage thermoméditerranéen : association à Nananthée de Corse [Plantagino-Nanantheetum perpusillae],
étages thermo- et méso-méditerranéen : groupement à Illécèbre verticillé et Isoète de Durieu et, dans des conditions moins hygrophiles, association à Radiole faux-lin et Isoète épineux [Radiolo linoidis-Isoetetum hystricis], localisée sur de petites dépressions de quelques mètres carrés,
étage supraméditerranéen : association à Jonc capité et Morisia à une fleur [Junco capitati-Morisietum hypogeae].
Les trois groupements à Isoète de Durieu sont vicariants.
Les communautés de l'Isoetion correspondent à des pelouses plus ou moins hautes, ouvertes, submergées en hiver, dominées par les thérophytes, les hémicryptophytes et les géophytes. Le spectre biogéographique de l'Isoetion est caractérisé par la fréquence des espèces méditerranéennes avec, toutefois, quelques variantes selon les associations végétales. Les surfaces occupées par ces habitats varient de quelques décimètres carrés à un demi-hectare.
La richesse spécifique des groupements de l’Isoetion suit un gradient spatial selon trois zonations, qui peuvent être distinguées en fonction de la profondeur et de la durée d’inondation des mares :
- la zone centrale à Callitriche pédonculé (Callitriche brutia) et Nitella opaca (charophycée), où l’on peut trouver par exemple l’Isoète sétacé (profondeur 10-40 cm), est caractérisée par des hydrophytes et des espèces amphibies, et une faible richesse spécifique ;
- dans des profondeurs plus faibles (0-20 cm), la richesse spécifique s’élève et se rencontrent des espèces amphibies comme l’Isoète voilé, la Renoncule de Revelier ou, pour l’Isoetion de Corse, la Littorelle uniflore ;
- en bordure de mares, ruisseaux ou dans des petites dépressions humides, la richesse spécifique est élevée et des espèces terrestres, annuelles ou géophytes se développent comme l’Isoète de Durieu, accompagné selon le type de substrat par le Scirpe sétacé et le Scirpe de Savi sur sol limono-sableux, par la Radiole faux-lin et l'Aïropsis fluet sur sol sableux.
Pour les ruisseaux, la zonation spatiale est différente, liée à l’hydrodynamisme :
- zone d’écoulement des eaux à Jonc aggloméré (Juncus conglomeratus), Jonc des marais (Juncus tenageia), Scirpe des marais (Eleocharis palustris) ;
- zone de bordure à Isoète de Durieu, Cresson rude ;
- zone sableuse où se développent les pelouses à Hélianthèmes ou à graminées annuelles, puis passage aux cistaies et maquis à éricacées.
Plus généralement les mares et ruisseaux temporaires contrastent vivement avec les milieux terrestres (maquis) dans lesquels ils sont insérés. Les espèces de ces milieux terrestres peuvent apparaître dans l’Isoetion pendant les années sèches.
Les différents groupements hygrophiles des mares temporaires à Isoètes peuvent parfois se confondre entre eux et avec les groupements terrestres de ce type d’habitat.
La persistance des espèces caractéristiques dépend du maintien de phases submergées en hiver, sélectionnant les espèces tolérantes à l’inondation. Le niveau de la nappe, donc la durée de submersion, conditionne la répartition des ceintures de végétation entre l'Isoetion, le Serapion et l'Helianthemion.
Dynamique intra-annuelle :
La strate herbacée connaît un cycle annuel avec une succession dans le temps du développement et de la reproduction des espèces. La reproduction des espèces caractéristiques de l’Isoetion se produit au printemps et au début de l’été, tandis que le cycle végétatif, contrôlé par le cycle hydrologique, débute avec les pluies automnales et s’échelonne selon les espèces : les hydrophytes et les amphibies germent sous l’eau, tandis que les espèces terrestres germent dans un sol, qui peut être saturé d’eau, mais est exondé.
Dynamique inter-annuelle :
Le cycle végétatif connaît des variations inter-annuelles importantes en fonction de l’intensité et de la répartition dans le temps des précipitations. Si les précipitations sont précoces, le cycle débute plus tôt ; si elles sont retardées ou insuffisantes le cycle est retardé et certaines espèces ne se développent pas. La composition spécifique peut varier entre années de façon importante, en particulier pour les espèces annuelles. De même, l’extension spatiale des groupements de l’Isoetion peut varier d’une année à l’autre. Certains groupements voisins dans l’espace peuvent même en quelques années se substituer l’un à l’autre en relation avec les conditions hydrologiques successives.
Dynamique naturelle de la végétation :
Elle peut conduire :
- au développement de ligneux (Ormes, Ulmus spp., Frênes, Fraxinus spp. …), particulièrement en l’absence de pâturage ; ce dernier réduit la biomasse, supprime les espèces dominantes, limite les espèces sociales ;
- à des mécanismes d’atterrissement ; un exemple existe au niveau des dépressions sur grès permiens de la plaine des Maures : par comblement, les biotopes favorables à l’association à Péplis dressé et Renoncule de Revelier évoluent progressivement en milieux plus secs, colonisables par l’Isoeto-Nasturtietum, qui peut ensuite être envahi par des graminées ou des papillionacées (par exemple par le Chrysopogon grillon, Chrysopogon gryllus). Si le caractère xérique du milieu s’accentue ou si le sol est plus sableux, l’évolution se fait rapidement vers des pelouses à Tubéraire à gouttes (Tuberaria guttata), ces pelouses évoluant elles-mêmes vers les cistaies et les maquis à éricacées. Pour le groupement le plus fréquent et le plus stable, l’Isoeto- Nasturtietum, la sous-association à Solenopsis laurentia évolue parfois vers des tapis de bryophytes et de Sélaginelles (groupement à Sélaginelle denticulée, Selaginella denticulata, Asplénium de Billot, Asplenium obovatum subsp. lanceolatum, Grammitis à feuilles minces, Anogramma leptophylla) ;
- à la dominance d’hélophytes (Scirpe maritime, Bolboschoenus maritimus, Massettes, Typha spp., Roseau commun, Phragmites australis) si la durée de la phase d’assèchement diminue pendant plusieurs années, en raison d’une succession d’années pluvieuses, ou par suite d’une perturbation hydrologique du site et de son bassin versant.
Les habitats en contact avec les groupements de l’Isoetion sont très variables, depuis les ceintures à hélophytes jusqu’aux cistaies.
Au niveau des habitats associés, l’Isoetion peut être intercalé entre les gazons méditerranéens longuement inondés du Preslion cervinae (habitat 3170-2) et les pelouses mésophiles à Sérapias du Serapion (habitat 3120-1) ou les pelouses sèches silicicoles de l’Helianthemion guttati (Cor. 35.3) et inclure quelques-unes des caractéristiques de ces formations végétales.
Cet habitat se rencontre en France méditerranéenne (PACA, Languedoc-Roussillon et Corse) :
- Provence et Côte d’Azur : massif de Biot (Alpes-Maritimes), massifs de l’Esterel et de la Colle du Rouet, Plaine des Maures ;
- Languedoc-Roussillon : garrigues de l’Uzégeois, costière nîmoise, plateau basaltique de la région de Pézenas, plaine de Béziers, plateau de Roque-Haute ; Pyrénées-Orientales : mare de Saint-Estève, située sur la rive gauche du Têt ; plateau de Rodès, dominant la vallée du Têt ;
- Corse : extrémités nord (pointe du cap Corse), nord-ouest (Agriate) et sud de l’île (environs de Porto-Vecchio et de Bonifacio, littoral du sud-ouest).
Habitat localisé en France méditerranéenne présentant une valeur botanique et écologique remarquable, tant sur le plan des communautés végétales (rares, parfois endémiques) que des espèces (rares, adaptées à des conditions de milieu très particulières) :
- espèces protégées et/ou menacées (prioritaires) au niveau national : les espèces appartenant au genre Isoetes, la Fougère d’eau pubescente à quatre feuilles (Marsilea strigosa), la Pilulaire menue (Pilularia minuta), l’Élatine de Brochon (Elatine brochonii), le Panicaut nain de Barrelier (Eryngium pusillum), la Gratiole officinale (Gratiola officinalis), la Littorelle uniflore (Littorella uniflora), le Lythrum à feuilles de thym (Lythrum thymifolium), la Molinérie naine (Molineriella minuta), la Morisie à une fleur (Morisia monanthos), la Nananthée de Corse (Nananthea perpusilla), la Pulicaire vulgaire (Pulicaria vulgaris), la Renoncule à fleurs latérales (Ranunculus lateriflorus), la Renoncule à feuilles d’ophioglosse (Ranunculus ophioglossifolius), la Renoncule de Revelière (Ranunculus revelieri), la Spiranthe d’été (Spiranthes aestivalis);
- espèces protégées au niveau d’une ou plusieurs régions (PACA, Languedoc-Roussilon, Corse) : l’Ophioglosse du Portugal (Ophioglossum lusitanicum), la Bulliarde de Vaillant (Crassula vaillantii), l'Élatine à longs pédoncules (Elatine macropoda), etc.
Les mares temporaires à Isoetion présentent un grand intérêt au niveau faunistique, toutefois cette richesse est liée à l’unité hydrologique (la mare) et à l’absence de prédateurs (poissons).
Elles constituent des milieux naturels riches en espèces de :
- batraciens : Triton marbré (Triturus marmoratus), Triton palmé (Triturus helveticus), Triton crêté (Triturus cristatus), Pélobate cultripède (Pelobates cultripes), Crapaud calamite (Bufo calamita), toutes ces espèces sont protégées sur l'ensemble du territoire national ;
- invertébrés remarquables par leur rareté dans la faune française :coléoptères (Graphoderes austriacus, Agabus undulatus, Dryops algericus, Eretes sticticus), hétéroptères (Callicorixa praeusta, Parasigara concinna), conchostracés (Immadia yeyetta), notostracés (Triops cauciiformis -).
Du fait de la rareté de cet habitat, de sa très faible étendue (de l’ordre de la centaine d’hectares en France) et de sa grande variabilité géographique, stationnelle et phénologique, tous les états observés sont à privilégier. Dans chaque station, l’état à privilégier est celui d’une diversité spatiale et temporelle intra et inter-annuelle permettant l’expression successive ou simultanée des diverses associations gazonnantes éphémères de l’Isoetion, qui s’agencent en mosaïques et en ceintures selon le gradient hydrologique.
Tendances évolutives :
Comme tous les milieux humides littoraux et juxta-littoraux de France méditerranéenne, les mares temporaires sont des habitats en régression, menacés par les activités humaines. Paradoxalement, l’abandon de certaines activités ou les changements dans leurs modalités de mise en œuvre conduisent également à la dégradation de ces milieux. Deux facteurs sont essentiels pour le maintien de cet habitat : le fonctionnement hydrologique et la dynamique de la végétation. La dynamique spontanée de la végétation va le plus souvent favoriser la colonisation par les ligneux du maquis. Le pâturage contenait autrefois cette dynamique, mais, aujourd’hui, il se trouve fortement diminué. L’état de conservation des mares temporaires semble assez satisfaisant en Corse contrairement aux mares de France continentale.
Menaces potentielles :
Les causes d’altération ou de dégradation sont multiples et s’exercent à des niveaux écologiques variables. Dans la plupart des cas, les conséquences ne sont connues que de façon superficielle et mériteraient une étude des impacts et potentialités de restauration :
- substitution par infrastructure (irréversible) : routes, constructions, etc. ;
- modifications hydrauliques par assèchement-drainage ou au contraire mise en eau permanente. Les modifications hydrauliques sont parfois réversibles, mais les possibilités de restauration de l’habitat et de sa composition floristique sont faibles ;
- mise en culture sans drain (partiellement réversible si la topographie n’est pas affectée, mais les possibilités de restaurer la composition floristique initiale sont inconnues) ;
- modification de la qualité des eaux (sensibilité directe à la qualité des eaux inconnue, l’eutrophisation conduit probable- ment à la dominance d’espèces plus compétitives) ;
- comblements/atterrissements (irréversible) ;
- abandon du pâturage et colonisation par les ligneux (réversible -) ; les conséquences sont la diminution de la lumière incidente et une accumulation de litière modifiant le sol.
Le pâturage extensif, outil de gestion, ne constitue pas ici une potentialité de production économique significative.
Mieux comprendre la dynamique des diverses ceintures de végétation par rapport au régime hydrique des mares.
Suivre les phénomènes d’atterrissements en liaison avec les diverses perturbations environnantes.
Étudier les conséquences des divers niveaux de pâturage et de l’impact des populations de Sangliers (Sus scrofa) sur la dynamique des communautés végétales.
Étudier les possibilités de restauration de certains milieux. Étudier les impacts des différentes techniques de gestion en fonction de leurs modalités d'application (fréquence, intensité).
Bensettiti F., Gaudillat V. & Haury J. (coord.), 2002. « Cahiers d’habitats » Natura 2000. Connaissance et gestion des habitats et des espèces d’intérêt communautaire. Tome 3 - Habitats humides. MATE/MAP/MNHN. Éd. La Documentation française, Paris, 457 p. + cédérom. (Source)