3170-3 - Gazons méditerranéens amphibies halonitrophiles (Heleochloion)

Liste hiérarchisée et descriptifs des habitats des Cahiers d'habitats

Caractéristiques stationnelles

L'habitat se rencontre à l'étage thermoméditerranéen au niveau de mares ou en bordure de marais, souvent dans des zones humides aménagées (irrigation).
Il se développe sur des substrats sub-eutrophes, voire même eutrophes, souvent riches en calcaire, à pH neutre à basique, faiblement salés.
Ces terrains sont temporairement inondés et s'assèchent à la fin du printemps ou en été ; l’assèchement et l’humidité estivale constituent des facteurs déterminants pour la végétation de l'habitat.

Variabilité

L'habitat présente une variabilité d'ordre géographique.
En France continentale :
- dans le Var, les Bouches-du-Rhône, le Languedoc : groupement à Crypsis piquant (Crypsis aculeata), parfois accompagné du Crypsis faux-choin ;
- dans des mares temporaires des Bouches-du-Rhône et du Languedoc-Roussillon : groupement à Crypsis piquant (Crypsis aculeata) et Cressa de Crète (Cressa cretica) ;
- en Camargue et Languedoc : groupement à Chénopode à feuilles grasses (Chenopodium chenopodioides) et Arroche couchée (Atriplex prostrata), parfois associés au Cressa de Crète autour de l’étang de Berre.

En Corse littorale, une dizaine de groupements ont été décrits :
- groupements dominés par le Crypsis piquant :
dans des milieux généralement pâturés, à substrat ni trop salé ni trop dulcicole et moyennement riche en matière organique : communautés à Arroche couchée et Crypsis piquant [Atriplici prostratae-Crypsidetum aculeatae],
sur des substrats assez riches en matière organique et restant relativement humides à la fin de l’été : communautés à Chénopode à feuilles grasses et Crypsis piquant [Chenopodio chenopodioidis-Crypsidetum aculeatae],
en milieu sableux assez humide et non salé, en régime de fort amoindrissement de pacage : communautés à Polypogon de Montpellier et Crypsis piquant [Polypogono monspeliensis-Crypsidetum aculeatae],
au niveau de bordures de sentiers, dans des ruisseaux et des talwegs encaissés et humides, en régime de faible fréquentation par les bovins : communautés à Samole de Valerand et Crypsis piquant [Samolo valerandi-Crypsidetum aculeatae] ;
- groupements dominés par le Crypsis faux-choin :
sur une retenue asséchée, sur substrat limono-argileux, avec un assez fort pacage fini-estival : communautés à Crypsis faux-choin et Souchet de Micheli [Crypsio schoenoidis- Cyperetum micheliani],
sur substrat argileux riche en matière organique, peu compacté car peu piétiné, et bien nitrifié : communautés à Chénopode à feuilles grasses et à Crypsis faux-choin [Chenopodio chenopodioidis-Crypsidetum schoenoidis],
sur substrat argileux plus compact, car plus piétiné et moyen- nement nitrifié : communautés à Échinochloa pied-de-coq et à Crypsis faux-choin [Echinochloo crucis-galli-Crypsidetum schoenoidis],
sur substrat argileux très compact, car très piétiné, et riche en nitrates : communautés à Héliotrope couché et Crypsis faux-choin [Heliotropio supini-Heleochloetum schoenoidis],
sur les berges asséchées d’un réservoir : groupement à Crypsis faux-choin (Crypsis schoenoides) et Corrigiole des grèves (Corrigiola littoralis),
dans des dépressions dénudées en été par le pacage des bovins et fortement inondées au printemps : groupement à Crypsis faux-choin et Cotule pied de corbeau (Cotula coronopifolia).

Physionomie, structure

Cet habitat correspond à des communautés amphibies halonitrophiles et se présente comme une végétation herbacée basse à densité très variable dans l’espace et dans le temps. Le recouvrement moyen n’atteint pas 100%, le substrat est donc apparent en certains endroits. Inondées l’hiver, ces pelouses sont marquées par une phénologie tardive. Si le niveau d'eau le permet, des herbiers d’hydrophytes submergées peuvent s'y développer, la végétation caractéristique de l'habitat se développe quant à elle pendant et après l’assèchement, en fin de printemps et en été. La composition spécifique peut varier sensiblement en fonction de la date d’assèchement et de la salinité. Les surfaces occupées varient du mètre carré à quelques hectares selon les sites.

Confusions possibles

Absence d'informations.

Dynamique

Spontanée :
La strate herbacée est le plus souvent maintenue basse par le pâturage, mais elle est influencée par les conditions de submersion, en partie liées au climat. Une inondation longue ou des hauteurs d’eau plus importantes peuvent influencer certains groupements, notamment celui à Crypsis piquant, en entraînant un développement de la végétation hélophytique et submergée : végétation hygrophile du Callitricho-Batrachion, formations des marais temporaires doux ou faiblement saumâtres à charophytes (Chara aspera, Chara vulgaris, Chara contraria, Tolypella spp.). L’envahissement par les hélophytes (scirpes, roseaux) conduit à la disparition des espèces caractéristiques, le pâturage semble alors indispensable.

Liée aux activités humaines :
Le pâturage est un élément très important car il permet de limiter le développement des grandes hélophytes et donc de maintenir l’Heleochloion. Les apports d’eau artificiels pour le pâturage peuvent favoriser le Paspalum faux-paspalum (Paspalum distichum), espèce exotique envahissante tendant à former des peuplements monospécifiques, ou encore les Jussies (Ludwigia peploides, Ludwigia grandiflora).

Habitats associés ou en contact

Ils sont très variés, l’Heleochloion pouvant se rencontrer dans des trouées de roselières (celles du Scamandre en petite Camargue gardoise), en contact avec des formations annuelles pionnières à Salicornes (Thero-Suaedion), des groupements halonitrophiles à Chenopodium chenopodioides et des formations d’hydrophytes (communautés du Callitrichio-Batrachion, Cor. 22.432, herbiers de charophytes, UE 3140), etc.

Répartition géographique

Cet habitat strictement méditerranéen a surtout été étudié dans le Var et en Corse, mais sa présence est attestée dans les Bouches-du-Rhône et dans le Languedoc-Roussillon.
Var : groupement à Crypsis piquant (étangs de Villepey et des Pesquiers).
Bouches-du-Rhône (Camargue et étang de Berre) et Languedoc :
- groupement des bords d’étang à Crypsis piquant auquel s’associe parfois le rare Crypsis faux-choin ;
- groupement à Crypsis piquant et Cressa de Crète de certaines mares temporaires de Camargue et du Languedoc ;
- groupement à Chénopode à feuilles grasses et Arroche couchée, avec parfois le Cressa de Crète (étang de Bolmont).
Corse littorale :
- Atriplici prostratae-Crypsidetum aculeatae : nord de Porto-Vecchio, Barcaggio, Crovani, étangs de Tanchiccia et de Gradugine... ;
- Chenopodio chenopodioidis-Crypsidetum aculeatae : Tizzano, Tanchiccia, Padulone, Lavu Santu ;
- Polygono monspeliensis-Crypsidetum aculeatae : Lavu santu, Agriate ;
- Samolo valerandi-Crypsidetum aculeatae : Agriate ;
- Crypsio schoenoidis-Cyperetum micheliani : une station unique aux environs d’Aléria ;
- Chenopodio chenopodioidis-Crypsidetum schoenoidis : marais de Tanchiccia ;
- Echinochloo crucis-galli-Crypsidetum schoenoidis : vallée de l’Ortolo, marais de Canniccia ;
- Heliotropio supini-Heleochloetum schoenoidis : marais de Tanchiccia ;
- groupement à Crypsis faux-choin et Corrigiole des berges : Alzitone-Ghisonaccia ;
- groupement à Crypsis faux-choin et Cotule pied de corbeau : étang de Gradugine.

Valeur écologique et biologique

Habitat très localisé et rare en France.
Exception faite de Centaurium spicatum et de Coronopus squamatus, les caractéristiques et différentielles d’alliance sont des espèces relativement rares sur le littoral varois. Certaines d'entre elles sont protégées au niveau régional : Crypsis aculeata (PACA), Cressa cretica (PACA, Languedoc-Roussillon ; cette espèce est par ailleurs inscrite au livre rouge de la flore menacée de France, parmi les espèces prioritaires), Crypsis schoenoides (PACA), la Pulicaire de Sicile (Pulicaria sicula) (PACA, Languedoc-Roussillon).
Interêt pour l’avifaune, surtout en hiver, comme sites d’alimentation des canards (herbiers d’hydrophytes).

États de conservation

L’information disponible sur ces groupements est très faible, leur dynamique et les relations entre cette dynamique et les activités humaines sont peu documentées, bien que probablement très importantes. Les états à privilégier semblent être ceux correspondant au fort recouvrement des espèces rares (Crypsis…), c’est-à-dire à des conditions instables dans l’espace (plage d’exondation temporaire) et dans le temps (variabilité inter-annuelle). Ces conditions peuvent être pérennisées par une pression de pâturage prévenant la dominance des espèces hélophytes et compétitives.

Tendances et menaces

Du fait de sa rareté et compte tenu des menaces risquant de le faire disparaître, cet habitat est très important à sauvegarder. Dans le Var, il est menacé par l’action de l’homme, en raison notamment de l’installation d’un camping (aménagement et tendance à l’eutrophisation).
Par ailleurs, l’allongement de la période de submersion et l’augmentation des hauteurs d’eau peuvent entraîner la disparition des espèces caractéristiques et une évolution vers des groupements à végétation hélophytique ou submergée. Le développement d'espèces envahissantes (Paspalum distichum, Ludwigia peploides, Ludwigia grandiflora), favorisé par les apports d’eau artificiels pour le pâturage, constitue également une menace potentielle.

Potentialités intrinsèques de production

Elles sont très faibles (pâturage extensif).

Axes de recherche

Suivi de la dynamique des communautés des mares temporaires :
- mieux comprendre la dynamique de la végétation en fonction du régime hydrologique pour les différentes associations et les principales espèces (Crypsis en particulier) ;
- suivre les phénomènes d’atterrissements en liaison avec les diverses perturbations environnantes ;
- étudier l’impact du pâturage, en particulier pour son rôle d’ouverture du milieu.

Fiche du cahier d'habitats (format pdf)
Bibliography

 Bensettiti F., Gaudillat V. & Haury J. (coord.), 2002. « Cahiers d’habitats » Natura 2000. Connaissance et gestion des habitats et des espèces d’intérêt communautaire. Tome 3 - Habitats humides. MATE/MAP/MNHN. Éd. La Documentation française, Paris, 457 p. + cédérom. (Source)