Liste hiérarchisée et descriptifs des habitats des Cahiers d'habitats
L’habitat est développé aux étages planitiaire et collinéen, dans des cours d’eau d’ordres 1 à 3-4 assez à peu courants. Il peut aussi se rencontrer dans des bras morts en systèmes alluviaux complexes. Il est particulièrement développé dans les marais eutrophes.
On trouve l’habitat préférentiellement sur roches mères neutres ou basiques, mais parfois aussi sur roches acides, en zone d’agriculture intensive.
Les eaux sont eutrophes, parfois enrichies en matières organiques, à pH neutre à basique, à richesse variable en nitrates, riches en éléments nutritifs (notamment en phosphore), et parfois oligohalines (est de la France, marais saumâtres, estuaire).
Les facteurs de variabilité sont l’éclairement, les conditions hydrodynamiques locales, la qualité de l’eau (trophie, salinité et température).
Variations selon l’éclairement :
Milieux éclairés : dominance de Callitriches, de Zannichellie et pénétration des amphiphytes comme le Cresson de fontaine (Nasturtium officinale) et la Véronique cresson-de-cheval (Veronica beccabunga), avec parfois des proliférations algales à Vauchéries ou Cladophores, parfois Entéromorphes, et des colonies d’organismes hétérotrophes...
Milieux ombragés : diminution des phanérogames, présence de bryophytes sur substrats grossiers (Amblystegium riparium), des colonies d'organismes hétérotrophes.
Variations selon l’écoulement et la profondeur :
La Zannichellie et le Callitriche à angles obtus sont relativement indifférents à la profondeur et au courant ;
En situations lentes, des espèces plutôt stagnophiles apparaissent : Callitriche à fruits aplatis (Callitriche platycarpa), avec développement parfois important de Lentilles d’eau (Lemna minor, Lemna gibba, Spirodela polyrhiza, Wolffia arrhiza), d’Azolla fausse-filicule (Azolla filiculoides) ou d’espèces faible- ment enracinées comme le Cératophylle. Des formes fines de Potamot pectiné peuvent parfois s’y retrouver. Ces situations sont fréquentes dans les canaux des marais eutrophes.
Des accomodats d’émersion peuvent être observés, notamment dans les lieux d’accumulation temporaire des sédiments.
Variations selon la trophie (et la température) :
Systèmes eutrophes avec le Callitriche à angles obtus et la Zannichellie des marais.
Systèmes hypertrophes avec le Potamot pectiné (forme fine), le Cératophylle et parfois des proliférations de Cladophores (Cladophora sp.) ou d'autres algues filamenteuses, mais aussi, assez fréquemment par des tapis de cyanobactéries (Phormidium sp., Oscillatoria sp.).
Systèmes lents et réchauffés parfois envahis par des pleusto- phytes (Azollas, Lentilles d'eau).
Il s’agit d'une végétation des eaux assez à peu courantes, dominée par des phanérogames, avec peu de développement de bryophytes. Les groupements sont diversement recouvrants, avec très peu de variations selon les faciès d’écoulement qui sont en général peu marqués.
Cinq strates végétales peuvent coexister, mais seules celles des hydrophytes submergées et flottantes et des épiphytes sont fréquentes :
- une strate cryptogamique appliquée très peu développée constituée de bryophytes de taille moyenne (Fontinalis antipyretica, Amblystegium riparium) et parfois aussi de cyanobactéries ;
- une strate submergée correspondant aux espèces suivantes : Callitriches, Zannichellie, Élodées (Elodea canadensis, E. nuttallii), Cératophylle, petits Potamots ;
- une strate épiphytique algale souvent assez développée avec des algues filamenteuses vertes ou jaunes (Spirogyra sp., Enteromorpha sp., Cladophora sp., Rhizoclonium sp., Stigeoclonium sp., Vaucheria sp., Melosira sp.) ;
- une strate flottante constituée des feuilles flottantes des Callitriches, des Lentilles d’eau et de l’Azolla ;
- une strate émergée correspondant aux formes émergées des amphiphytes, Cresson de fontaine, Véronique cresson-de-cheval et Ache, Rubanier.
L’habitat se distingue des types mésotrophes (habitats 3260-3 et 3260-4) par l’abondance des taxons/formes suivants : Callitriches, Zannichellie, pleustophytes, Cresson, Rubanier, algues filamenteuses.
Spontanée :
Normalement, ces groupements sont peu stables, hormis lorsqu’ils sont alimentés par une nappe phréatique. Les variations saisonnières ou irrégulières sont souvent marquées, déterminées par diverses espèces proliférantes, algales ou macrophytiques.
Il existe des relations dynamiques (spatiales mais surtout tem- porelles) en fonction des différents facteurs (qualité de l’eau, éclairement, profondeur, vitesse de courant, importance relative du cours d’eau) entre les groupements les plus rhéophiles de ce type d’habitat et ses groupements les plus stagnophiles, ou le vide phytocénologique (lorsque la lumière est insuffisante ou le cours d’eau trop pollué).
Liée aux activités humaines :
- Entretien physique du milieu
De façon générale, le « nettoyage des rivières » influence énormément ces communautés, dans la mesure où l’effet berge est très important.
Le curage entraîne en général des proliférations algales qui profitent du phosphore remis à disposition des macrophytes.
- Modifications hydrauliques
La coupure des annexes hydrauliques du cours principal du fleuve a en général un effet négatif (renforcement de l’eutrophisation et accélération du comblement).
Toute diminution du débit et de la vitesse du courant est susceptible de favoriser les proliférations macrophytiques ou algales.
Habitats associés :
Ruisselets (Cor. 24.11) et parfois rivières à Truites (Cor. 24.12) ou rivières à Ombre (Cor. 24.13), le plus souvent, rivières à Barbeau (Cor. 24.14), à Brème (Cor. 24.15), voire même amont d’estuaire (rivières tidales : Cor. 13.1), ou vasques de rivières asséchantes (Cor. 24.16).
Habitats en contact :
Vers l’amont : groupements des eaux oligo-mésotrophes à méso-eutrophes, acides à neutres (habitat 3260-3) ou neutres à basiques (habitat 3260-4), et vers l’aval, grandes rivières eutrophes (habitat 3260-5).
Vers l’aval : groupements saumâtres (Cor. 11.4).
Biefs dominés par des communautés des Lemnetea minoris (Cor. 22.41) et du Potamion pectinati (Cor. 22.42).
Mégaphorbiaies eutrophes (UE 6430).
Herbiers frangeants des roselières : cressonnières au sens large (Cor. 53.4 p.p.), phalaridaies (Cor. 53.16), cariçaies à grandes Laiches (Cor. 53.21) ; phragmitaies (Cor. 53.11) ; glycériaies à Grande glycérie (Glyceria maxima) (Cor. 53.15), scirpaies halophiles (Cor. 53.17).
Prairies humides alluviales : prairies à Molinie bleue (Molinia caerulea) (UE 6410).
Forêts alluviales (pour les rivières phréatiques) : saulaies blanches (UE 91E0*), peupleraies noires (UE 91E0*), peupleraies blanches (UE 92A0), aulnaies-frênaies (UE 91E0*).
L'habitat est potentiellement présent sur toute la France, y compris méditerranéenne. Il est très développé dans les zones d’agriculture intensive, mais aussi en zones urbaines et périurbaines.
Extrêmement faible dans leur forme typique : ce sont des milieux à restaurer.
Les espèces phanérogamiques y sont communes.
Ce sont des zones de reproduction et de croissance d’espèces très peu exigeantes en matière de qualité des eaux, typiquement zones à Épinochette (Pungitius pungitius). Leur richesse dépend notamment des relations avec les bras morts et de l’inondabilité des zones humides adjacentes.
États à privilégier :
Les états à privilégier correspondent aux faciès courants eutrophes, avec des interrelations avec des cours d’eau moins eutrophes. En tant que tel l’habitat n’est pas à conserver en l’état, mais devrait faire l’objet d’une restauration, passant par une gestion de la qualité de l’eau et des sédiments.
Autres états observables :
Secteurs hypertrophes à Potamots, Lentilles d'eau, algues filamenteuses.
Secteurs soumis à de fortes proliférations végétales.
Tendances évolutives :
Il y a une très nette progression de ces communautés dans les zones d’agriculture intensive, avec néanmoins une tendance à la disparition de tout macrophyte en cas d’hypertrophisation et/ou d’envasement.
Menaces potentielles :
Des travaux ou modifications hydrauliques entraînent la disparition du groupement : enfoncement de la nappe alluviale, recalibrages et rectifications de ces cours d’eau, mais aussi curages trop drastiques des cours d'eau, bétonnage des rives et du lit, ainsi que la coupure des annexes hydrauliques qui se traduit par une baisse de diversité.
L’hypertrophisation, et notamment l’enrichissement en orthophosphates et en ammonium, mais aussi les pollutions par métaux lourds constituent un risque très important de disparition de ces communautés (disparition de toute végétation macrophytique par effet toxique ou à cause de la trop grande charge phytoplanctonique). À l’inverse, une restauration de la qualité de l’eau permet de retrouver des phytocénoses mésotrophes et donc de faire régresser cet habitat « par le haut ».
L’envasement et les matières en suspension sont aussi une cause de régression de l’habitat (vases anoxiques empêchant l'ancrage des macrophytes, trop fort ombrage des macrophytes entraînant leur régression). Cet envasement est accéléré par les travaux hydrauliques dans le lit des cours d’eau, souvent pour des raisons de drainage agricole. Il est souvent associé à un problème de métaux lourds.
Très fréquemment, notamment en milieu urbain et périurbain, ces petits cours d’eau eutrophes servent de dépotoirs.
Aucune.
Des expérimentations complémentaires sont à mener sur la restauration de ces cours d’eau (parfois qualifiés d’égouts à ciel ouvert). Des suivis d’opération sont à réaliser.
Les modalités de colonisation-utilisation de ces petits cours d’eau par les peuplements pisciaires sont encore du domaine de la recherche.
Bensettiti F., Gaudillat V. & Haury J. (coord.), 2002. « Cahiers d’habitats » Natura 2000. Connaissance et gestion des habitats et des espèces d’intérêt communautaire. Tome 3 - Habitats humides. MATE/MAP/MNHN. Éd. La Documentation française, Paris, 457 p. + cédérom. (Source)