3260-5 - Rivières eutrophes (d'aval), neutres à basiques, dominées par des Renoncules et des Potamots

Liste hiérarchisée et descriptifs des habitats des Cahiers d'habitats

Caractéristiques stationnelles

L’habitat est développé dans des cours d’eau d’ordres 4 à 6-8 plutôt courants, assez larges. Il peut aussi se développer dans des bras morts en systèmes alluviaux complexes. Ce type d’habitat est assez caractéristique des canaux (voir aussi habitat 3150-4).
Il correspond à l’étage collinéen et peut se développer jusqu’en estuaire dynamique, voire saumâtre.
On trouve l’habitat préférentiellement sur roches mères neutres ou basiques, ou bien en situations aval ou alluviales rendant le cours d’eau peu dépendant de la minéralisation et du pH de la roche mère.
L’habitat caractérise des eaux eutrophes, à pH neutre à basique, à richesse variable en nitrates, riches en éléments nutritifs (notamment

Variabilité

Les facteurs de variabilité sont l’éclairement, les conditions hydrodynamiques locales, la qualité de l’eau (trophie, salinité et température).

Variations selon l’éclairement :
Milieux éclairés : dominance de Renoncules ou de Potamots et pénétration des amphiphytes (Butome en ombelle, Scirpe flottant, Eleogiton fluitans, Rubanier simple, Sparganium emersum).
Milieux ombragés : diminution des phanérogames, hormis le Potamot pectiné (assez tolérant à l’ombrage) ; présence de bryophytes sur substrats grossiers (Octodiceras fontanum, Amblystegium riparium) et parfois d’algues vertes (Cladophora sp., Enteromorpha intestinalis).

Variations selon l’écoulement et la profondeur :
La Renoncule flottante est surtout développée en radier ou parfois à l’aval de barrages (herbier d’Argentat), alors que le Myriophylle en épi et le Potamot pectiné sont indifférents à ce facteur de variation ; en situation courante, on note une forte présence des cryptogames (Platyhypnidium rusciforme, Lemanea sp.).
En situations lentes, des espèces stagnophiles apparaissent : Potamots luisant, noueux, crépu, Nénuphar jaune (Potamogeton lucens, P. nodosus, P. crispus, Nuphar lutea), apparition parfois importante de Lentilles d’eau (Lemna minor, Lemna gibba, Spirodela polyrhiza, Wolffia arrhiza) ou d’espèces faiblement enracinées comme le Cératophylle.
Des accomodats d’émersion peuvent apparaître (notamment dans les lieux d’accumulation temporaire des sédiments) ;
Dans des cours d’eau plus grands, on note la présence du Potamot noueux.

Variations selon la trophie (et la température) :
Systèmes eutrophes, avec la Renoncule flottante, le Myriophylle en épi, le Rubanier simple à feuilles longues.
Systèmes hypertrophes avec le Potamot pectiné, le Myriophylle et parfois des proliférations de Cladophores (Cladophora sp.) ou autres algues filamenteuses.
Proliférations macroalgales ou phanérogamiques traduisant un déséquilibre trophique, un ralentissement dû à l’étiage ou des conditions d’habitat physique perturbé.
Espèces introduites proliférantes (essentiellement en conditions relativement calmes) : Élodée dense (Egeria densa), Myriophylle du Brésil (Myriophyllum aquaticum), Jussies (Ludwigia peploides et L. grandiflora).

Physionomie, structure

Cette végétation des eaux assez à peu courantes est dominée par des phanérogames, avec peu de développement de bryophytes. Les groupements sont diversement recouvrants, avec de fortes différences de végétalisation selon les faciès d’écoulement et de fortes variations saisonnières pour les végétations dominées par la Renoncule flottante.
Il est fréquent, dans les zones les plus aval, que seule une petite partie du lit soit colonisée par les macrophytes.
Cinq strates végétales peuvent coexister, mais seules celles des hydrophytes submergées et flottantes, ainsi que celle des épiphytes sont fréquentes :
- une strate cryptogamique appliquée constituée de bryophytes de taille moyenne (Fontinalis antipyretica, Amblystegium fluviatile, Octodiceras fontanum) et parfois aussi d’algues rouges incrustantes (Hildembrandia sp.) ;
- une strate submergée correspondant aux espèces suivantes : Myriophylle en épi, Renoncule flottante, Potamots, Élodées (Elodea canadensis, E. nuttallii), Cératophylle ;
- une strate épiphytique algale souvent assez développée avec des Spirogyres, des Entéromorphes, des Cladophores et des Stigeoclonium sp. ;
- ne strate flottante constituée des feuilles flottantes du Rubanier simple et des Lentilles d’eau, fréquentes dans cet habitat, parfois de grands Potamots (Potamogeton lucens, P. natans) ;
- une strate émergée correspondant aux formes émergées des amphiphytes, Jonc des tonneliers et Oenanthe fluviatile par exemple.

Confusions possibles

L’habitat se distingue des types mésotrophes (habitats 3260-3 et 3260-4) ainsi que du type eutrophe de ruisseau (habitat 3260-6) par la présence de Renoncule flottante, du Myriophylle en épi et/ou de Potamot pectiné, par l’absence des autres Renoncules et par la plus grande rareté des Callitriches.

Dynamique

Spontanée :
Normalement, ces groupements sont assez stables, car régulés par le cycle hydrologique annuel.
Les variations saisonnières ou irrégulières peuvent être marquées, déterminées par le cycle des Renoncules, mais surtout par diverses espèces proliférantes, algales ou macrophytiques.
Il existe des relations dynamiques en fonction des différents facteurs (qualité de l’eau, éclairement, profondeur, vitesse de courant, importance relative du cours d’eau) entre les groupements de ce type d’habitat et les groupements les plus stagnophiles (potamophiles) ou le vide phytocénologique (tout au moins pour les phanérogames) en zone hypertrophe ou très profonde.

Liée aux activités humaines :
- Entretien physique du milieu
De façon générale, le « nettoyage des rivières » influence assez peu les communautés dans la mesure où l’effet berge est restreint.
- Modifications hydrauliques
La coupure des annexes hydrauliques du cours principal du fleuve peut avoir un effet soit positif (maintien de conditions plus oligotrophes), soit négatif (eutrophisation) en fonction des niveaux trophiques respectifs des eaux de la nappe, des résurgences et du cours d’eau.
L’enfoncement de la nappe phréatique (lié aux pompages ou au surcreusement du lit mineur) se traduit par une moindre hydraulicité des rivières phréatiques et une régression des communau- tés aquatiques des annexes hydrauliques.
À l’aval des barrages, des proliférations de Renoncules et/ou de Potamots ont été décrites.
- Altérations de la qualité de l’eau
L’eutrophisation des eaux se traduit par des proliférations macroalgales, le remplacement de la Renoncule flottante par le Potamot pectiné ou le Cératophylle. Dans les cas de dégradation plus marquée, la végétation macrophytique peut complètement disparaître.

Habitats associés ou en contact

Habitats associés :
Parfois rivières à Ombre (Cor. 24.13), le plus souvent, rivières à Barbeau (Cor. 24.14), à Brème (Cor. 24.15), voire même amont d’estuaire (rivières tidales : Cor. 13.1).

Habitats en contact :
Vers l’amont : groupements des eaux oligo-mésotrophes à méso-eutrophes, acides à neutres (habitat 3260-3) ou neutres à basiques (habitat 3260-4), ou eutrophes (habitat 3260-6).
Vers l’aval : groupements saumâtres (Cor. 11.4).
Biefs dominés par des éléments des Lemnetea minoris (Cor. 22.41), du Nymphaeion albae (Cor. 22.43) et du Potamion pectinati (Cor. 22.42).
Mégaphorbiaies eutrophes (UE 6430).
Herbiers frangeants des roselières : phalaridaies (Cor. 53.16), cariçaies à grandes Laiches (Cor. 53.21) ; phragmitaies (Cor. 53.11) ; glycériaies à Grande glycérie, Glyceria maxima (Cor. 53.15), scirpaies halophiles (Cor. 53.17).
Prairies humides alluviales : prairies à Molinie bleue (Molinia caerulea) (UE 6410).
Forêts alluviales (pour les rivières phréatiques) : saulaies blanches (UE 91E0*), peupleraies noires (UE 91E0*), peupleraies blanches (UE 92A0), aulnaies-frênaies (UE 91E0*), forêts mixtes des grands fleuves (UE 91F0).

Répartition géographique

L'habitat est essentiellement caractéristique des grands cours d’eau permanents de la région holarctique. Il est très développé dans les rivières de plaine de taille importante, quel que soit le substrat géologique, et en nette croissance, compte tenu de l’eutrophisation croissante des cours d’eau.

Valeur écologique et biologique

Il s’agit d’un habitat caractéristique des grandes rivières naturellement ou artificiellement eutrophisées. Les espèces phanérogamiques y sont communes. Ce sont des zones de reproduction et de croissance du Brochet (Esox lucius), de la Perche (Perca fluviatilis), des cyprinidés, de la Lamproie marine. Leur richesse dépend notamment des relations avec les bras morts et de l’inondabilité des zones humides adjacentes.

États de conservation

États à privilégier :
Les états à privilégier correspondent aux faciès courants eutrophes, avec des interrelations cours d’eau/berge/zone inondable.

Autres états observables :
Secteurs hypertrophes à Potamot. Secteurs profonds à Nénuphar.
Secteurs soumis à de fortes proliférations végétales.

Tendances et menaces

Tendances évolutives :
Il y a une très nette progression de ces communautés dans les zones d’agriculture intensive, avec néanmoins une tendance à la disparition en cas d’hypertrophisation et/ou d’envasement.
L’évolution naturelle vers l’aval correspond à la disparition des végétations macrophytiques vers le centre du lit, l’habitat se cantonnant aux zones moins profondes à proximité des berges.

Menaces potentielles :
Des travaux ou modifications hydrauliques entraînent la disparition du groupement : enfoncement de la nappe alluviale, recalibrages et endiguements drastiques.
L’hypertrophisation, et notamment l’enrichissement en orthophosphates et en ammonium, mais aussi les pollutions par métaux lourds constituent un risque très important de régression de ces communautés (disparition de toute végétation macrophytique). À l’inverse, une restauration de la qualité de l’eau permet de retrouver des phytocénoses mésotrophes et donc de faire régresser cet habitat « par le haut ».
L’envasement et les matières en suspension sont aussi une cause de régression de l’habitat (régression voire disparition des macrophytes). Cet envasement est accéléré par les travaux hydrauliques dans le lit des cours d’eau, l’extraction de granulats dans le lit mineur (théoriquement interdit) et les érosions régressives du lit et des berges qu’ils entraînent.
Localement, les embâcles peuvent entraîner une régression des espèces caractéristiques de l’habitat, mais contribuent à la diversification de l’habitat pisciaire.
Les aménagements hydrauliques (barrages de soutien d’étiage, barrages hydroélectriques) réduisent l’habitat (dans la retenue), mais favorisent fréquemment les espèces eutrophes à l’aval (par fourniture d'ammonium et d'eau souvent plus froide), hormis lorsque le débit réservé est trop insuffisant. L’herbier d’Argentat (Dordogne) fait partie des exemples les plus connus.
La chenalisation et l’endiguement peuvent limiter l’habitat lorsqu’ils s’accompagnent de travaux hydrauliques importants et/ou d’une trop forte augmentation de la profondeur d’eau ou de la vitesse du courant.
Des introductions d’espèces allochtones proliférantes peuvent déséquilibrer la communauté (surtout pour les faciès lents) : Myriophyllum aquaticum, Ludwigia spp., Egeria densa, sans toutefois en général risquer de faire disparaître l’habitat.

Potentialités intrinsèques de production

Pêche professionnelle dans ces zones aval des cours d’eau et dans les annexes fluviales, halieutisme.
Prises d’eau au fil de l’eau.

Axes de recherche

Des recherches complémentaires sont à mener sur les causes des proliférations végétales et sur les impacts écologiques des espèces invasives.
Un état des lieux de l’envasement des cours d’eau et de ses impacts sur les phytocénoses est à établir.
Les interrelations entre les zones marginales, les annexes fluviales et le chenal central du lit, à la fois en terme de distribution des phytocénoses et de colonisation-utilisation par les peuplements pisciaires, sont encore du domaine de la recherche, de même que les rôles de la ripisylve et des embâcles.

Fiche du cahier d'habitats (format pdf)
Bibliographie

 Bensettiti F., Gaudillat V. & Haury J. (coord.), 2002. « Cahiers d’habitats » Natura 2000. Connaissance et gestion des habitats et des espèces d’intérêt communautaire. Tome 3 - Habitats humides. MATE/MAP/MNHN. Éd. La Documentation française, Paris, 457 p. + cédérom. (Source)