Liste hiérarchisée et descriptifs des habitats des Cahiers d'habitats
Landes humides atlantiques sous forte influence océanique, présentes de l’étage planitiaire à collinéen.
Elles occupent des positions topographiques variées : pentes, replats, dépressions...
Elles se développent sur des substrats oligotrophes très acides (pH 4,5) : roches massives (granite, grès, schiste, quartzite...) ou sables siliceux.
Le sol se caractérise par une hydromorphie peu profonde à moyenne (sols à pseudogley et/ou à gley).
La nappe, alimentée par des eaux pauvres en éléments minéraux, est permanente ou temporaire. Elle peut être stable ou connaître d’importantes fluctuations avec des phases plus ou moins périodiques d’inondation puis d’assèchement et de minéralisation superficiels.
Ces landes peuvent ainsi s’établir soit directement sur des substrats minéraux, soit sur des horizons paratourbeux (humus brut de type hydromor), soit encore sur un dépôt peu épais de tourbe.
Variations selon le niveau hydrique :
Les landes les plus humides, caractérisées par la présence de Sphaignes mésohygrophiles pouvant avoir une faible activité turfigène, s’établissent lorsque le substrat est gorgé d’eau. Il se forme des landes tourbeuses lorsque cet engorgement est permanent et qu’un fin dépôt holorganique (tourbe) se forme, ou paratourbeuses lorsque le substrat connaît un assèchement temporaire conduisant à une minéralisation lente de la matière organique. Les landes humides moins hygrophiles sont dépourvues de Sphaignes et les éricacées (Callune, Bruyère ciliée) voient leur contribution spécifique augmenter à mesure de l’assèchement.
Variations selon la répartition biogéographique :
En Basse-Bretagne, sous climat hyper-atlantique, se développent des communautés à Ajonc de Le Gall, vicariantes de la lande à Ajonc nain de Haute-Bretagne. Les landes hygrophiles de Gascogne, plus thermophiles (climat atlantique méridional), sont colonisées par la Bruyère à balai. Dans le Pays basque, des communautés mésohygrophiles à Avoine de Thore se rencontrent également.
Variations selon le niveau trophique :
Des communautés hyper-oligotrophes, dans lesquelles Trichophorum cespitosum subsp. germanicum forme faciès, ont été décrites en Bretagne.
Ces landes hygrophiles, dominées par des chaméphytes (Bruyères, Callune) et des nanophanérophytes (Ajoncs), se caractérisent par la présence simultanée de la Bruyère à quatre angles, définissant leur caractère humide, et de la Bruyère ciliée définissant leur caractère océanique tempéré. La Molinie, toujours présente et parfois abondante, peut imprimer à ce milieu une physionomie herbeuse. Ces landes sont plutôt basses, voire rases (0,25 à 0,5 m de hauteur), mais peuvent être plus hautes dans les vieilles landes humides colonisées par la Callune (jusqu’à 1-1,5 m) ou lorsque la Bruyère à balai est présente et forme une lande humide à Brande (jusqu’à plus de 2 m). Dans les stations les plus humides, les Sphaignes peuvent former un tapis plus ou moins continu mais leur présence n’est pas systématique. Il s’agit alors d’espèces mésohygrophiles (Sphagnum compactum, S. tenellum et S. denticulatum généralement) dont l’activité turfigène, lorsqu’elle existe, reste toujours modérée.
Des confusions sont possibles :
- avec les landes humides atlantiques septentrionales à Erica tetralix (UE 4010) : celles-ci possèdent une physionomie et un fond floristique similaires, mais se distinguent par l’absence d’Erica ciliaris. Erica ciliaris est présente en dehors de l’aire de distribution des landes humides tempérées à Erica ciliaris et Erica tetralix, mais elle se cantonne alors aux landes mésophiles sans s’associer significativement à Erica tetralix dans les landes hygrophiles ;
- avec les landes mésophiles (UE 4030 p.p.) : celles-ci, très souvent en contact étroit (marges) avec les landes humides, s’en distinguent par l’absence d’Erica tetralix, caractéristique des landes hygrophiles ;
- avec les habitats de tourbières acides (notamment UE 7110*, UE 7120 et UE 7130) : la confusion est possible dans la mesure où la « limite » entre la lande tourbeuse et la tourbière est toujours très graduelle et qu’un continuum s’établit généralement entre ces milieux. Les landes dans lesquelles la proportion des chaméphytes et nanophanérophytes diminue, dans lesquelles les Sphaignes se diversifient, ont un recouvrement important et une activité turfigène notoire, et dans lesquelles la proportion des espèces caractéristiques des tourbières (Eriophorum spp., Narthecium ossifragum...) augmente, sont à rattacher aux habitats de tourbières et non aux landes humides.
Il s’agit essentiellement de landes régressives issues de défrichements anthropiques anciens. Certaines, établies sur des sols très peu profonds, très hydromorphes et/ou très oligotrophes (cas des landes humides à Trichophorum cespitosum de Bretagne), sont stables et peuvent être considérées comme paraclimaciques. Il s’agit de cas isolés et la plupart de ces landes, en l’absence d’entretien, subissent une dynamique progressive de colonisation par les ligneux. Elles évoluent alors vers des fourrés préforestiers de Bourdaine (Frangula alnus) ou de Saules (Salix acuminata, Salix aurita), de Bouleau pubescent (Betula alba) dans les systèmes perturbés, et peuvent se voir coloniser par les Pins (Pinus sylvestris et Pinus pinaster principalement) si des porte-graines se trouvent à proximité. Les landes humides âgées contiennent une plus forte proportion de Callune qui voit sa contribution spécifique augmenter à mesure du vieillissement de la lande, alors que les espèces plus hygrophiles (notamment Erica tetralix, E. ciliaris et les Sphaignes) régressent.
La fauche régulière ou le pâturage, ainsi que les feux courants naturels ou provoqués, peuvent bloquer cette évolution progressive et maintenir l’habitat dans un état de conservation favorable. Des phénomènes naturels d’évolution régressive peuvent apparaître par dénudation du sol par les mammifères (les Sangliers, Sus scrofa, notamment), entraînant une ouverture du tapis végétal et la régénération des faciès pionniers (cf. habitat UE 7150 « Dépressions sur substrats tourbeux »).
Ces landes humides se trouvent souvent associées à d’autres habitats - notamment aux tourbières et aux landes « sèches » - avec lesquels elles constituent des complexes en mosaïques. Les limites entre ces habitats sont souvent assez peu distinctes (effet de continuum).
Les habitats associés les plus caractéristiques sont :
- les landes « sèches » (UE 4030), et notamment les landes mésophiles à Erica ciliaris ;
- les tourbières hautes (UE 7110*, UE 7120) et de couverture (UE 7130*) ;
- les bas-marais acides (Cor. 54.4) et les tourbières de transition (UE 7140) ;
- les dépressions sur substrats tourbeux (Rhynchosporion albae) (UE 7150) ;
- les boulaies à Sphaignes (UE 91D0*) ;
- les moliniaies acidiphiles (UE 6410) ;
- les prairies à Jonc rude et les pelouses humides à Nard raide (Nardus stricta) (Cor. 37.32).
Ces landes se rencontrent essentiellement en Bretagne (Finistère, Côtes-d’Armor, Morbihan, Ille-et-Vilaine) et en Gascogne (Gironde, Dordogne, Lot-et-Garonne, Landes, Gers), ainsi que dans le Pays basque (Pyrénées-Atlantiques et Hautes-Pyrénées) et dans l’ouest du Limousin (Haute-Vienne). Des irradiations existent dans les régions limitrophes, notamment en Basse- Normandie, en Loire-Atlantique, dans l’Anjou et le Maine.
Exemples de sites avec l’habitat dans un bon état de conservation :
Landes des monts d’Arrée (Finistère) et du piémont pyrénéen (Pays basque).
Bien que ces landes humides tempérées puissent être localement abondantes, leur aire de distribution est assez limitée ce qui en fait un habitat peu commun à l’échelle tant de la France que de l’Europe. Elles sont en déclin dans l’ensemble de leur aire de distribution.
Elles abritent des communautés animales et végétales souvent rares et menacées, spécialisées, adaptées à des contraintes environnementales pouvant être fortes (acidité, oligotrophie, humidité élevée pouvant contraster avec des phases de sécheresse). Citons, par exemple, la Gentiane pneumonanthe, plante hôte de l’Azuré des mouillères (Maculinea alcon), papillon protégé en France et menacé à l’échelle de l’Europe. Les landes tourbeuses accueillent le Spiranthe d’été (Spiranthes aestivalis), les Rossolis (Drosera rotundifolia et Drosera intermedia) ou le Lycopode inondé (Lycopodiella inundata) dans les zones mises à nu. En Basse-Bretagne, cet habitat constitue également le biotope de prédilection de la Sphaigne de La Pylaie, espèce d’intérêt communautaire qui se développe préférentiellement dans les dépressions des landes mouilleuses.
L’intérêt de cet habitat pour la faune, notamment l’avifaune, est certain : les landes humides constituent d’excellents biotopes de reproduction pour le Courlis cendré (Numenius arquata), les Busards cendré (Circus pygargus) et Saint-Martin (Circus cyaneus), ainsi que pour la Fauvette pitchou (Sylvia undata) dans les landes hautes évoluées.
Souvent en relation étroite avec les tourbières, l’intérêt écologique de ces landes humides n’en est que renforcé. Cet habitat assure fréquemment la transition entre les tourbières et les milieux environnants, ce qui leur confère un important rôle fonctionnel de zone-tampon, notamment d’un point de vue hydrique.
Privilégier les stades humides, ouverts, possédant une végétation basse à rase, dans lesquels le cortège des espèces indicatrices de l’habitat est bien représenté. Les landes humides âgées sont appauvries et caractérisées par le fort recouvrement de la Callune, parfois par l’intrusion d’espèces ligneuses arbustives. Les landes humides très riches en Molinie et dans lesquelles le cortège d’espèces caractéristiques est appauvri, constituent également des faciès d’un moindre intérêt écologique mais pouvant être restaurés.
Autrefois exploitées de manière artisanale et raisonnée pour les nombreuses ressources naturelles qu’elles offraient (litière, fourrage, pâture), la plupart des landes humides ont été abandonnées avec la déprise agricole. En l’absence d’entretien, cet habitat évolue spontanément vers des formations de landes mésophiles ou vers des fourrés préforestiers, cette évolution s’accompagnant de la perte de biocénoses patrimoniales. Parallèlement à leur abandon, de nombreuses landes ont fait - et font encore - l’objet de mise en culture ou de boisement, généralement précédés de drainage, d’apports d’amendements ou de travaux du sol, qui ont entraîné la destruction irréversible de plusieurs milliers d’hectares de landes humides. Cet habitat est donc en régression du fait, soit de son abandon, soit de son exploitation à des fins sylvicoles ou agricoles. Enfin, notons que les « feux d’humus » (incendies avec combustion profonde) peuvent entraîner la destruction irréversible de la lande en favorisant le développement de la Molinie au détriment des éricacées.
Mise en valeur difficile, en raison tant de l’hydromorphie du sol, que de son acidité et de son oligotrophie. Les tentatives de boisement ont démontré leur inanité économique car elles doivent s’accompagner de travaux préalables d’assainissement (onéreux) et la production reste très médiocre. En revanche, cet habitat peut être valorisé dans le cadre de filières agricoles traditionnelles extensives. Ces landes humides peuvent être fauchées et fournir des produits pouvant servir de litière ou de fourrage pour le bétail, de matière première pour la production de compost ou d’amendements organiques, pour le paillage des haies, des légumes... Des filières plus expérimentales sont actuellement à l’essai, comme, par exemple, l’utilisation des produits de fauche de lande, en mélange à du lisier, pour la fabrication de compost.
Préciser les limites de l’aire de distribution de cet habitat et l’extension des irradiations dans les régions limitrophes.
Préciser la position de cet habitat, notamment des faciès tourbeux ou paratourbeux, au sein de la nomenclature phytosociologique.
Développer des recherches concernant le matériel utilisable pour la fauche et le débroussaillement : concevoir notamment des outils assurant fauche et conditionnement simultané de la matière végétale (aspiration -) et préservant le sol (problématique limitée aux landes les plus humides).
Développer des recherches sur les débouchés et la valorisation des produits de fauche de landes.
Préciser les conditions dans lesquelles la gestion conservatoire des landes humides peut être intégrée dans les systèmes de production agricole, et favoriser ce type d’intégration le cas échéant.
Étudier les effets à long terme du pâturage sur ces milieux.
Bensettiti F., Gaudillat V. & Haury J. (coord.), 2002. « Cahiers d’habitats » Natura 2000. Connaissance et gestion des habitats et des espèces d’intérêt communautaire. Tome 3 - Habitats humides. MATE/MAP/MNHN. Éd. La Documentation française, Paris, 457 p. + cédérom. (Source)