4030-10 - Landes acidiphiles subatlantiques sèches à subsèches

Liste hiérarchisée et descriptifs des habitats des Cahiers d'habitats

Caractéristiques stationnelles

Étages planitiaire à montagnard (50-800 m).
Climat subatlantique à subcontinental, à influences océaniques atténuées.
Situations topographiques peu déclives, sur plateaux ou sur pentes faibles à moyennes à toutes expositions.
Roches-mères siliceuses diverses : sables acides (thanétiens, yprésiens…), alluvions et colluvions diverses, poches d’argile des calcaires durs.
Sols acides (pH ≤ 5 sauf dans les variantes calcimorphes), à réserve en eau faible à moyenne : rankers, sols podzoliques oligotrophes, sols bruns (parfois calcimorphes) ; aspects typiques sur podzols humo-ferrugineux secs.
Systèmes landicoles hérités de traditions pastorales extensives (ovins, bovins) souvent étayées par des pratiques d’incendie et d’étrépage ; également clairières et lisières forestières (naturelles ou anthropiques : laies, lignes électriques) ou milieux de substitution (sablières, talus, remblais…).

Variabilité

Deux types principaux habituellement distingués en France, dont les limites et conception varient selon les auteurs :
- lande à Callune vulgaire et Genêt poilu [Calluno vulgaris-Genistetum pilosae], type central à caractère subcontinental, préférant les situations sèches, avec : Genêt poilu (Genista pilosa), Genêt d’Allemagne (Genista germanica)… ; nombreuses variantes géographiques et édaphiques dont l’étude précise reste à réaliser ;
- lande à Callune vulgaire et Genêt d’Angleterre [Calluno vulgaris-Genistetum anglicae], type périphérique subatlantique réalisant le passage longitudinal et altitudinal aux landes atlantiques, associé à des situations plus fraîches soit climatiques (influence océanique marquée, climat submontagnard du versant atlantique du Massif central), soit édaphiques dans les régions de transition entre les deux types ; type proche du précédent, mais différencié par le Genêt d’Angleterre (Genista anglica)…
Les landes submontagnardes atlantiques du Limousin constituent une variante géographique remarquable nuancée d’espèces atlantiques comme la Corydale à vrilles (Ceratocapnos claviculata).

N.B. : un troisième type de lande à caractère subatlantique et intraforestier, la lande à Callune vulgaire et Danthonie décombante [Calluno vulgaris-Sieglingietum decumbentis], est parfois distingué. Très instable et proche du précédent, ce type fortement pénétré d’espèces des pelouses acidiphiles paraît assez mal caractérisé et doit être réétudié.
Plusieurs variantes édaphiques ou dynamiques, certaines communes aux deux types de landes :
- à Myrtille (Vaccinium myrtillus), dans les mésoclimats froids à frais (notamment aux expositions nord) ;
- à Molinie bleue (Molinia caerulea), Potentille tormentille (Potentilla erecta), Polygale à feuilles de serpolet (Polygala serpyllifolia), parfois Bruyère à quatre angles (Erica tetralix), sur substrats moins bien drainés, notamment par enrichissement en argile (tendances à l’engorgement) ou après incendie ;
- bryolichénique, riches en lichens fruticuleux du genre Cladonie (Cladonia pl. sp.) ;
- à Agrostide des sables (Agrostis vinealis), Corynéphore blanchâtre (Corynephorus canescens), pionnière après incendie ;
- pionnière en relation avec les pelouses acidiphiles associées, à Fétuque filiforme (Festuca filiformis), Gaillet des rochers (Galium saxatile)… ;
- à Fougère aigle (Pteridium aquilinum) sur sols podzoliques plus profonds ou sols bruns lessivés, parfois avec le Nard raide (Nardus stricta) après abandon de pelouses surpâturées ;
- sur sols partiellement décarbonatés, souvent en relation avec des pelouses calcicoles acidiclines du Chamaespartio sagittalis-Agrostidenion tenuis, à Genêt sagitté (Genista sagittalis) et diverses espèces calcicoles des Brometalia erecti.

Physionomie, structure

Landes mi-hautes à hautes [(20-) 30-60 (-100) cm], plus ou moins fermées, dominées dans leurs aspects typiques par uneÉricacée sociale, la Callune vulgaire, qui apparaît en vastes peuplements denses. Cette espèce imprime généralement la physionomie générale (« callunaies ») à laquelle contribuent plus ou moins modestement les Genêts.
Le Genêt à balais, habituellement réduit à des taches arbustives épaisses, peut lorsqu’il participe en abondance à la lande former une strate nanophanérophytique haute.
Communautés secondaires dominées par des chaméphytes sous-frutescents sempervirents bryophylles à nanophylles, de structure verticale variable en fonction du stade d’évolution dynamique et du degré de stabilisation du tapis végétal. On peut ainsi distinguer des « landes stabilisées » par des pratiques répétées (fauche, incendie, pâturage extensif) et des « landes fugaces » inscrites dans un processus dynamique orienté soit vers les forêts acidiphiles (voie progressive), soit vers les pelouses acidiphiles (voie régressive).
L’ouverture du tapis de chaméphytes, dans les stades régressifs ou progressifs de la lande, permet la structuration d’une mosaïque complexe hébergeant des hémicryptophytes ou des plantes à vie courte héritées des pelouses acidiphiles en contact spatial ou temporel.
Dans les ouvertures de la lande laissant apparaître le sol, s’installent diverses communautés de cryptogames landicoles pionniers rassemblant des bryophytes acrocarpes (Dicranum, Polytrichum) et des lichens (Cladonia sp. pl.) ; les lapins peuvent avoir un rôle important dans leur genèse et leur maintien.
Dans les stades de vieillissement des landes, la strate bryolichénique enregistre généralement un développement important des muscinées pleurocarpiques, et notamment de la Pleurozie de Schreber (Pleurozium schreberi) ; le tapis muscinal alors très épais et dense empêche les germinations des phanérogames.
Fréquemment au sein de la lande, le Bouleau verruqueux (Betula pendula), parfois accompagné du Bouleau pubescent (Betula alba), réalise un piquetage arbustif progressif qui peut aboutir à des structures verticales complexes de « pré-bois landicoles » offrant des paysages très pittoresques de « landes à Bouleaux ».
Strate herbacée parfois associée à un voile de Genévrier commun (Juniperus communis) dans les anciens parcours extensifs [« Formations de Juniperus communis sur landes ou pelouses calcaires », code UE : 5130].

Faible diversité floristique.
Physionomie très colorée et spectaculaire en été avec la floraison rose massive de la Callune, très morne le reste de l’année.

Confusions possibles

Avec des landes sèches à subsèches nord-atlantiques vicariantes, notamment dans les régions de contact (Picardie orientale, Île-de-France, Nord) [Ulici minoris-Ericenion cinereae, code UE : 4030].
Avec des landes atlantiques subsèches vicariantes à Ajonc nain (Ulex minor), notamment dans les régions de contact (Limousin) [Ulici minoris-Ericenion cinereae, code UE : 4030].
Avec des landes acidiphiles montagnardes, notamment dans les régions de contact (bordure du Massif central) [Genisto pilosae-Vaccinion uliginosi, code UE : 4030].
Avec des pelouses acidiphiles subatlantiques en contact topographique ou en liaison dynamique [Galio saxatilis-Festucion filiformis, code UE : 6230*].
Avec des manteaux acidiphiles pionniers à Genêt à balais (Cytisus scoparius), Bourdaine (Frangula alnus) [Cytisetea scopario-striati, code Corine : 31.841, et pour les communautés à Genévrier commun, code UE : 5130].

Dynamique

Spontanée :
Végétations secondaires issues généralement de déforestations historiques anciennes, inscrites dans des potentialités de forêts acidiphiles du Quercion roboris, et plus particulièrement des chênaies sessiliflores du Quercenion robori-petraeae, ou de hêtraies-chênaies et hêtraies acidiphiles du Luzulo sylvaticae-Fagion sylvaticae.
L’existence de seuils de blocage de la dynamique de recolonisation forestière, tenant essentiellement aux fortes contraintes édaphiques, peut cependant ralentir plus ou moins longtemps les processus évolutifs (certaines de ces landes ont été qualifiées pour ces raisons de paraclimaciques). Ces seuils restent néanmoins fort précaires et particulièrement sensibles aux perturbations édaphiques violentes (incendies violents, remaniements du sol…).
Phases dynamiques internes au niveau des landes elles-mêmes : phase pionnière à strate chaméphytique ligneuse ouverte, associée à une strate herbacée basse de plantes des pelouses acidiphiles vivaces (Fétuque filiforme, Danthonie décombante, Patience petite oseille…) ou annuelles (Aïra précoce, Aira praecox), phase mature à structure chaméphytique haute semi-ouverte associée à une strate bryolichénique de Cladonies et de bryophytes acrocarpes, phase de vieillissement avec fermeture et élévation du tapis végétal et extension au sol de bryophytes pleurocarpes (Pleurozie de Schreber) qui finit par constituer une strate muscinale dense et continue.
Principales étapes dynamiques : piquetage arbustif et/ou arboré progressif par le Bouleau verruqueux, la Bourdaine (Frangula alnus), les Pins (quand existent des porte-graines à proximité), surtout le Pin sylvestre (Pinus sylvestris) et parfois le Sorbier des oiseleurs (Sorbus aucuparia), aboutissant à la formation de fourrés coalescents ou de complexes préforestiers de type « pré-bois » (mêlant landes, fourrés et couvert arboré). De là se constitueront progressivement de jeunes forêts acidiphiles à Chêne sessile (Quercus petraea) et hybrides associés, Bouleau verruqueux et, en fonction de la pluviosité, Hêtre (Fagus sylvatica).
Action souvent intense des lapins, jadis déterminante avant l’arrivée de la myxomatose.

Liée à la gestion :
Le piétinement (de l’homme ou des troupeaux) destructure la strate bryolichénique et favorise l’installation et le développement des hémicryptophytes et des annuelles au détriment de la strate chaméphytique sous-frutescente.
Le pâturage irrégulier ou très extensif entretient des mosaïques complexes et fortement intriquées de pelouses acidiphiles et de landes, donnant à l’ensemble un aspect de landes basses, plus ou moins herbeuses.

Habitats associés ou en contact

Communautés bryolichéniques landicoles associées.
Voile de Genévrier commun (Juniperus communis) sur landes sèches [code UE : 5130].
Pelouses acidiphiles pionnières atlantiques à thérophytes [Thero-Airion, code Corine : 35.21].
Pelouses acidiphiles pionnières des sables mobiles [Corynephorion canescentis, code UE : 2330].
Pelouses acidiphiles nord-atlantiques [Galio saxatilis-Festucion filiformis, code UE : 6230*].
Ourlets acidiphiles nord-atlantiques [Conopodio majoris-Teucrion scorodoniae].
Landes humides atlantiques [Ulici minoris-Ericenion ciliaris, code UE : 4020*].
Landes tourbeuses atlantiques [Ericion tetralicis, code UE : 4020*].
Manteaux pionniers à Ajonc d’Europe, Genêt à balais, Bourdaine… [Cytisetea scopario-striati].
Forêts acidiphiles collinéennes nord-atlantiques [Quercion roboris, codes Corine : 41.52 et 41.12].

Répartition géographique

Lande à Callune vulgaire et Genêt poilu : nord-est et est de la France, depuis la Picardie orientale jusqu’aux frontières allemande et suisse ; présence, sous une forme proche, à étudier sur les roches cristallines des secteurs subcontinentaux collinéens du nord-est du Massif central.
Lande à Callune vulgaire et Genêt d’Angleterre : nord de la France (Valenciennois, Laonnois), Limousin et probablement basse Auvergne.

Valeur écologique et biologique

Biotopes originaux et marginaux, souvent relictuels, excellents bio-indicateurs édaphiques et climatiques.
Diversité floristique réduite mais présence de nombreuses plantes rares en France, notamment aux étages planitiaire et collinéen ; forte représentation du genre Genista : Genêt poilu, Genêt d’Allemagne, Genêt d’Angleterre…
Diversité et originalité des invertébrés très élevées, incluant de nombreuses espèces inféodées aux biotopes de landes.
Paysages variés de landes, depuis les landes monostrates jusqu’aux landes à Genévrier commun (indicatrices d’usages anciens) et landes à Bouleaux.
Plusieurs espèces protégées régionalement.

États de conservation

États à privilégier :
Landes à structure chaméphytique mi-haute à haute semi-ouverte, associée à une strate bryolichénique de Cladonies et de bryophytes acrocarpes.
Autres états observables :
Landes rases en mosaïques pastorales avec des pelouses acidiphiles vivaces.
Landes vieillies à Callune vulgaire et Pleurozie de Schreber.

Tendances et menaces

Depuis plus d’un demi-siècle, l’enrésinement systématique de ces landes sèches est l’une des causes majeures de leur disparition. Aujourd’hui, les deux types de landes, dans leurs aspects stabilisés et diversifiés, sont relictuels et en voie de disparition dans certaines régions (Nord, Picardie orientale) ; ils sont plus fréquents à l’état fragmentaire en contexte forestier.
La lande à Callune vulgaire et Genêt d’Angleterre est en voie de disparition totale dans le nord de la France ; divers exploitations industrielles (sablières) et aménagements (infrastructures routières, plantations de résineux) ont presque entièrement détruit les espaces subsistants de ces landes.

Potentialités intrinsèques de production

Contrairement à d’autres ligneux bas, la Callune vulgaire est pâturée, surtout à l’automne quand elle est en fleur et que les autres ressources fourragères commencent à s’épuiser sur l’estive. La valeur pastorale des landes à Callune dépend directement de leur âge, les plus « jeunes » ayant une appétence plus élevée (développement du tapis herbacé rendu possible par la réouverture de la lande jusqu’au retour de la Callune vulgaire - deux à trois ans pour une lande jeune) ; l’intérêt pastoral est maximal entre la cinquième et la dixième année après l’ouverture de la lande. Elle est pâturée en été par des vaches allaitantes à forts besoins (allaitement). Cet habitat peut être valorisé par trente journées vaches/hectares. Les vaches n’ont alors pas besoin de complément alimentaire.

Axes de recherche

Suivi de l’impact du pâturage par différents herbivores (lapins, bovins, ovins) afin d’optimiser à terme sa pression pour la conservation de l’habitat.

Fiche du cahier d'habitats (format pdf)
Bibliographie

 Bensettiti F., Boullet V., Chavaudret-Laborie C. & Deniaud J. (coord.), 2005. « Cahiers d’habitats » Natura 2000. Connaissance et gestion des habitats et des espèces d’intérêt communautaire. Tome 4 - Habitats agropastoraux. Volume 1. MEDD/MAAPAR/MNHN. Éd. La Documentation française, Paris, 445 p. + cédérom. (Source)