6170-3 - Pelouses calcicoles orophiles méso-hygrophiles des Pyrénées

Liste hiérarchisée et descriptifs des habitats des Cahiers d'habitats

Caractéristiques stationnelles

Horizon supérieur de l’étage montagnard (1200 m) jusqu’à l’horizon inférieur (environ 2 400 m) de l’étage alpin.
Pentes modérées et couloirs en ombrée (versant exposé au nord), longtemps enneigés, surfaces concaves fraîches à plus haute altitude (parfois en meilleure exposition) et très rarement des légères croupes ventées et précocement déneigées.
Sols développés sur substrat carbonaté ou riche en bases.
Selon le type de communauté et selon la situation topographique correspondante, sol généralement humo-calcique (pH : 6,5 à 8), profond, parfois caillouteux, très riche en matière organique et restant relativement humecté par les eaux de fonte, ou à l’opposé, plus squelettique et plus filtrant (pelouse à Avoine de Seyne et Pâturin violacé).
Certaines communautés de bonne qualité fourragère sont pâturées par les ovins.

Variabilité

Les communautés varient en fonction de l’altitude, de la topographie et de la répartition géographique.

De l’horizon montagnard supérieur à l’horizon subalpin inférieur (1200 à 2000 m) :
- sur pentes fortes exposées en ombrée des Pyrénées centrales et occidentales, pelouse à Laîche toujours verte et Benoîte des Pyrénées [Carici sempervirentis-Geetum pyrenaici];
- dans les couloirs plus longtemps enneigés et les pentes plus faibles exposées en ombrée : pelouse à Hormin des Pyrénées et Benoîte des Pyrénées [groupement à Horminum pyrenaicum et Geum pyrenaicum] des Pyrénées centrales, et pelouse à Primevère intriquée et Hormin des Pyrénées [Primulo intricatae-Horminetum pyrenaici] des Pyrénées centrales et occidentales.

À l’horizon subalpin supérieur (2 000 à 2 400 m) :
- sur replats humides, pentes des ombrées (ou dépressions en soulane aux plus hautes altitudes) des Pyrénées ariégeoises aux Pyrénées occidentales, pelouse à Géranium cendré et Renoncule de Gouan [Geranio cinerei-Ranunculetum gouanii];
- occupant les dépressions humides ou de légères pentes en ombrée, des Pyrénées ariégeoises aux Pyrénées occidentales, pelouse à Fétuque noirâtre et Trèfle de Thal [Festuco commutatae-Trifolietum thalii], souvent fortement pâturées ;
- dans les couloirs et combes frais à végétation luxuriante des Pyrénées orientales (présence au versant français à confirmer), pelouse à Alchémille pâle et Adonis des Pyrénées [Alchemillo pallentis-Adonidetum pyrenaicae];
- sur zones convexes éventées ou vires précocement déneigées, pelouse à Avoine de Seyne et Pâturin violacé [Helictotricho sedenense-Bellardiochloetum violaceae], rare pelouse des Pyrénées occidentales.

Physionomie, structure

Pelouses ne formant en général pas de gradins, toujours de fort recouvrement, voire fermées, présentant pour certaines d’entre-elles une certaine luxuriance et une grande diversité floristique, à large prédominance des hémicryptophytes et pauvreté en cryptogames.
Durée d’enneigement impliquant une période de végétation relativement brève.

Confusions possibles

Les pelouses à Laîche toujours verte et Benoîte des Pyrénées pourraient être confondues, par leur physionomie et leur richesse floristique, avec les types les plus mésophiles des pelouses à Fétuque à balais (Festuca gautieri subsp. scoparia) [Festucion scopariae, code UE : 6170], mais ces dernières sont en général moins fermées, moins ombragées et développées sur sol squelettique plus caillouteux.
Les pelouses à Géranium cendré et Renoncule de Gouan, et les pelouses à Fétuque noirâtre et Trèfle de Thal pourraient être confondues avec les pelouses à Nard raide (Nardus stricta) [Nardion strictae, code UE : 6230*] qu’elles jouxtent fréquemment et vers lesquelles elles peuvent évoluer, mais ces dernières sont beaucoup moins diversifiées floristiquement et développées sur sol acidifié superficiellement.

Dynamique

Spontanée :
Étant donné la position topographique qu’elles occupent, les pelouses à Hormin des Pyrénées constituent très souvent des groupements permanents.
Par acidification progressive des horizons de surface du sol due au lessivage, les pelouses à Géranium cendré et Renoncule de Gouan et les pelouses à Fétuque noirâtre et Trèfle de Thal peuvent évoluer vers les nardaies [Nardion strictae, code UE : 6230*].
Assez rarement, la colonisation par des essences forestières peut se manifester, marquant une tendance à l’évolution vers les hêtraies-sapinières à l’étage montagnard et vers les pinèdes à Pin à crochets (Pinus uncinata) à l’étage subalpin.

Liée à la gestion :
Par pacage intensif, les pelouses à Géranium cendré et Renoncule de Gouan, d’une part, et les pelouses à Fétuque noirâtre et Trèfle de Thal, d’autre part, peuvent évoluer, en totalité ou en partie, vers les nardaies [Nardion strictae, code UE : 6230*].
Le pâturage limite en général l’évolution des stades de pelouses vers la forêt.

Habitats associés ou en contact

L’habitat appartient en général au complexe d’habitats des ombrées calcaires des Pyrénées ; il peut être associé ou en contact avec les habitats suivants, la plupart d’intérêt communautaire : -éboulis calcaires pyrénéens [Iberidion spathulatae, code UE : 8130] ; -éboulis carbonatés chionophiles à Saxifrage négligé (Saxifraga praetermissa) [Saxifragion praetermissae, code UE : 8130] ; -combes à neige baso-neutrophiles [Arabidion caeruleae, code Corine : 36.12] ; -landines à Dryade à huit pétales (Dryas octopetala) et Saule des Pyrénées (Salix pyrenaica) [Dryado octopetalae-Salicetum pyrenaicae ; Laserpitio nestleri-Ranunculion thorae, code UE : 6170] ; -pelouses écorchées à Fétuque à balais [Festucion scopariae, code UE : 6170] ; -pelouses acidiphiles à Nard raide [Nardion strictae, code UE : 6230*]; -landes subalpines à Genévrier des Alpes (Juniperus sibirica) [Juniperion nanae, code UE : 4060] ; -hêtraies calcicoles [Cephalanthero rubrae-Fagion sylvaticae, code UE : 9150] ; -phases pionnières des hêtraies-sapinières [codes Corine : 41.14 et 42.122] ; -phases pionnières des pinèdes à Pin à crochets sur calcaire [code UE : 9430*].

Répartition géographique

Pelouse à Laîche toujours verte et Benoîte des Pyrénées, pelouse à Hormin des Pyrénées et Benoîte des Pyrénées, pelouse à Primevère intriquée et Hormin des Pyrénées : Pyrénées centrales et occidentales.
Pelouse à Géranium cendré et Renoncule de Gouan et pelouse à Fétuque noirâtre et Trèfle de Thal : des Pyrénées ariégeoises aux Pyrénées occidentales.
Pelouse à Alchémille pâle et Adonis des Pyrénées : Pyrénées orientales et catalanes, surtout espagnoles (présence à confirmer en France).
Pelouse à Avoine de Seyne et Pâturin violacé : Pyrénées occidentales.

Valeur écologique et biologique

Intérêt de l’habitat lié à sa grande diversité spécifique, sa richesse en espèces endémiques pyrénéennes et à la présence d’espèces protégées au plan national : Armérie à nervures poilues (Armeria pubinervis), Géranium cendré (Geranium cinereum) et Adonis des Pyrénées (Adonis pyrenaica). De plus, certains types de pelouse sont très localisés ou rares.
Cet habitat appartient au complexe d’habitats des ombrées calcaires pyrénéennes de forte valeur écologique et biologique.

États de conservation

États à privilégier :
Les stades optimaux des différentes communautés pour leur valeur écologique et biologique, et la rareté de certaines.
Autres états observables :
Phases initiales correspondant souvent à des stades intermédiaires entre des habitats rocheux et les stades optimaux.
Stades intermédiaires avec les pelouses écorchées plus xériques du Festucion scopariae (contiguïté topographique) et avec les nardaies (par pacage et acidification).
Localement, marques d’évolution dynamique vers des phases de boisement.

Tendances et menaces

Habitat semblant présenter une certaine stabilité dans les Pyrénées où il est bien représenté, bien qu’il n’occupe jamais de surfaces très importantes en raison des contraintes topographiques qui le déterminent.
Les éboulements peuvent avoir un effet de dégradation réversible sur l’habitat, alors que l’acidification progressive des sols due au lessivage a un impact négatif irréversible à long terme. La combinaison de ce dernier facteur avec le pacage amplifie les risques de dégradation à long terme de l’habitat, bien qu’un pacage modéré en limite la tendance au boisement. Le piétinement intense de certains types de l’habitat situés aux abords de sentiers ou sur des sites très fréquentés, et l’érosion de leur sol, peuvent avoir un impact très négatif.
Menaces éventuelles liées à des actions anthropiques concernant surtout la pelouse à Géranium cendré et Renoncule de Gouan et la pelouse à Fétuque noirâtre et Trèfle de Thal.

Potentialités intrinsèques de production

L’habitat regroupe des pelouses à l’aspect de prairies denses et vigoureuses, riches en espèces, où graminées et légumineuses dominent. Très appétentes, de bonne qualité fourragère pour certaines mais de faible production compte tenu de la courte période de végétation liée à la durée de l’enneigement, elles comptent parmi les meilleures pelouses d’altitude, pâturées pour certaines par des ovins.

Axes de recherche

Préciser la distribution géographique des différentes communautés reconnues et affiner leur position syntaxonomique.
Poursuivre les travaux de suivi de l’extension du Nard raide en fonction de différentes pratiques pastorales.

Fiche du cahier d'habitats (format pdf)
Bibliographie

 Bensettiti F., Boullet V., Chavaudret-Laborie C. & Deniaud J. (coord.), 2005. « Cahiers d’habitats » Natura 2000. Connaissance et gestion des habitats et des espèces d’intérêt communautaire. Tome 4 - Habitats agropastoraux. Volume 1. MEDD/MAAPAR/MNHN. Éd. La Documentation française, Paris, 445 p. + cédérom. (Source)