6210-30 - Pelouses calcicoles xérophiles continentales de l'Alsace, du Jura, des Préalpes et de la vallée du Rhône

Liste hiérarchisée et descriptifs des habitats des Cahiers d'habitats

Caractéristiques stationnelles

Étages planitiaire, collinéen, rarement montagnard inférieur (jusque vers 850 mètres sur les contreforts des Alpes).
Climat à tendance précontinentale, avec des étés assez chauds à chauds et une pluviométrie faible à moyenne, plus élevée sur les contreforts des Alpes (500 à 800 mm).
Situation topographique variée : pentes plus ou moins fortes, rebords de plateaux, terrasses alluviales, rarement plateaux.
Expositions assez variées, mais souvent au sud et très rarement au nord.
Roches mères : tous types de calcaires, y compris marneux, surtout d’âge jurassique ; alluvions et moraines riches en calcaire, graveleuses ou sableuses.
Sols peu épais, riches en carbonates, surtout de type brun calcique, brun calcaire, rendzine ; également sols bruns calcaires épais des alluvions.
Systèmes pastoraux extensifs liés au pâturage ovin et caprin (surtout au XIXe siècle), plus rarement bovin.
Action localement importante des lapins (vallées de l’Ain et du Rhône) ; limitation fréquente des broussailles par les chevreuils et les sangliers dans certains sites du Jura.

Variabilité

L’habitat étant présent çà et là dans une grande partie de l’est de la France, il en découle une variabilité importante, de type géographique, mais surtout de type édaphique et topographique.

Variations de type géographique et climatique :
Sous climat chaud et sec en été (Ain, Isère, Rhône, Drôme) : plusieurs associations avec une richesse maximale en espèces méridionales ; principales variations de type édaphique et topographique :
- sur les sols bruns calcaires des alluvions de l’Ain et du Rhône : pelouse à Germandrée des montagnes et Fumana couché
[Teucrio montani-Fumanetum procumbentis] sous-association à Euphorbe de Séguier [subass. euphorbietosum gerardianae avec : Laîche à utricules lustrés (Carex liparocarpos), Euphorbe de Séguier (Euphorbia seguieriana), Polygale grêle (Polygala exilis), Scorsonère hérissée (Scorzonera hirsuta), Scabieuse blanchâtre (Scabiosa canescens), Armoise champêtre (Artemisia campestris), Alysson des montagnes (Alyssum montanum) ;
- sur les moraines et les terrasses alluviales (Ain, Rhône, Isère, Drôme) : pelouse à Germandrée des montagnes et Fumana couché sous-association à thérophytes [subass. therophytosum] avec de nombreuses espèces annuelles comme le Réséda raiponce (Reseda phyteuma), le Pâturin bulbeux (Poa bulbosa), le Trèfle scabre (Trifolium scabrum), etc. ;
- sur les sols peu profonds des plateaux et des pentes faibles à fortes établies sur les calcaires durs (Ain, Isère) : pelouse à Bugrane naine et Brome dressé [Ononido pusillae-Brometum erecti], sous-association typique [subass. typicum] et sous-association à Argyrolobe de Zanon [subass. argyrolobietosum linneani] avec l’optimum pour la Bugrane naine (Ononis pusilla), la Renoncule graminée (Ranunculus gramineus) et l’Argyrolobe de Zanon (Argyrolobium zanonii);
- sur les sols plus profonds des mêmes plateaux et des pentes faibles des calcaires durs, mais aussi des calcaires crayeux et des hautes terrasses (Ain, Isère) : pelouse à Esparcette des sables et Pulsatille rouge [Onobrychido arenariae-Pulsatilletum rubrae], avec : Pulsatille rouge (Pulsatilla rubra), Esparcette des sables (Onobrychis arenaria), Véronique en épi (Veronica spicata) et de nombreuses espèces plus mésophiles comme la Centaurée de Hongrie (Centaurea pannonica) et la Brize intermédiaire (Briza media) ;
- sur les rebords de corniches très ensoleillées (Ain et Isère) : sous-association à Stipe pennée [subass. stipetosum pennatae] de la pelouse à Bugrane naine et Brome dressé avec la Stipe pennée (Stipa pennata) ;
- sur les pentes très raides et ébouleuses exposées au sud (Ain) : sous-association à Hélianthème des Apennins [subass. helianthemetosum apennini] de la pelouse à Bugrane naine et Brome dressé avec : Hélianthème des Apennins (Helianthemum apenninum var. velutinum), Silène des glariers (Silene vulgaris subsp. glareosa) ;

Sous-climat davantage pluvieux du rebord des Préalpes : pelouse à Germandrée des montagnes et Brome dressé
[Teucrio montani-Brometum erecti] avec : Aphyllanthe de Montpellier (Aphyllanthes monspeliensis), Gentiane à feuilles étroites (Gentiana angustifolia), Buphtalme à feuilles de saule (Buphthalmum salicifolium) et espèces mésophiles ;
Sous climat davantage pluvieux du Jura et du Doubs (rebord de la chaîne du Jura) : pelouse à Laîche de Haller et Brome dressé [Carici hallerianae-Brometum erecti] très appauvrie en espèces subméditerranéennes et dépourvues de caractéristiques franches, avec : Séséli des montagnes (Seseli montanum), Carline vulgaire (Carlina vulgaris) ;

Sous climat continental d’Alsace : pelouse xérique à Brome dressé [Xerobrometum erecti] avec : Potentille des sables (Potentilla arenaria), Fétuque à épaisseur variable (Festuca heteropachys), Pulsatille vulgaire (Pulsatilla vulgaris), Centaurée du Rhin (Centaurea stoebe), Gaillet glauque (Galium glaucum), Armoise blanche (Artemisia alba), etc.

Physionomie, structure

Pelouses surtout rases, rarement mi-rases, souvent écorchées, moyennement recouvrantes (50 à 80 %, sauf la pelouse à Esparcette des sables et Pulsatille rouge : 80 à 100 %), dominées par les hémicryptophytes, surtout Brome dressé (Bromus erectus) et Fétuque gr. ovine (Festuca gr. ovina), riches en chaméphytes : Germandrées (Teucrium), Fumana (Fumana), Hélianthèmes (Helianthemum).
Parfois une strate arbustive constituée surtout de Buis (Buxus sempervirens), de Genévrier commun (Juniperus communis), accompagnés d’autres arbustes : le Prunier mahaleb (Prunus mahaleb) et dans le Jura le Nerprun des rochers (Rhamnus saxatilis).
Diversité floristique importante avec un pic de floraison printanier (avril-juin) et une seconde floraison plus discrète (septembre).

Confusions possibles

Avec des pelouses xérophiles vicariantes dans les régions de contact [Code UE : 6210*].
Avec des pelouses méso-xérophiles du Tetragonolobo maritimi-Mesobromenion erecti et du Teucrio montani-Mesobromenion erecti, qu’elles côtoient ; ces dernières pelouses s’installent plutôt sur les plateaux et les versants exposés au nord. Mais les mosaïques restent possibles dans un même site lorsque la profondeur du sol y est variable [Code UE : 6210*].
Avec des pelouses-ourlets enrichies en Géranium sanguin (Geranium sanguineum), Peucédan cervaire (Peucedanum cervaria) et en Trèfle pourpre (Trifolium rubens)[Geranion sanguinei, Code UE : 6210*].

Dynamique

Pelouses généralement secondaires résultant de la déforestation de chênaies pubescentes, très rarement primaires (éboulis fixés, rebords de corniches).

Spontanée :
Après abandon pastoral, densification lente à très lente du tapis graminéen (surtout Brome dressé et Fétuques), formation progressive d’une litière sèche plus ou moins dense, réduction lente de la diversité floristique, localement passage à la pelouse-ourlet [Geranion sanguinei]. Ce phénomène est plus rapide sur les sols les plus épais des secteurs les mieux arrosés (intérieur de la chaîne du Jura). Il peut être très lent ou peu significatif sur les sols peu épais en exposition sud et dans les vallées alluviales.
Parallèlement, implantation de fruticées par noyaux à partir des genévriers, des pruniers mahaleb, des buis, des nerpruns des rochers (Rhamnus saxatilis) et, dans les vallées, des saules drapés (Salix elaeagnos) (ou par front lorsque la pelouse côtoie une forêt). Le Buis lorsqu’il est présent constitue une menace importante pour ces pelouses. Le chêne pubescent (Quercus humilis) et le chêne sessile (Quercus petraea) s’installent petit à petit sauf dans les vallées où ce phénomène est très limité.
À long terme, un complexe préforestier mosaïqué est obtenu ; il peut se maintenir sous cette forme très longtemps.
Il peut devenir une accrue forestière diversifiée en espèces calcicoles en plusieurs décennies (au minimum cinq). Cette dernière dérive généralement vers une chênaie pubescente ou une chênaie sessiliflore sèche calcicole.
Certaines pelouses semblent stables à l’échelle humaine, notamment dans les vallées de l’Ain et du Rhône.

Habitats associés ou en contact

Communautés pionnières de l’Alysso alyssoidis-Sedion albi à Céraiste nain (Cerastium pumilum), Orpin âcre (Sedum acre), Orpin doux (Sedum sexangulare), Pâturin de Baden (Poa badensis) et groupements bryolichéniques terricoles thermophiles [Code UE : 6110*].
Pelouses xérophiles des corniches à Anthyllide des montagnes (Anthyllis montana), Œillet des rochers (Dianthus sylvestris), Stipe pennée (Jura) [Seslerio caeruleae-Xerobromenion erecti, Code UE : 6210].
Ourlets xérophiles à Géranium sanguin, Coronille en couronne (Coronilla coronata), Rosier à feuilles de boucage (Rosa pimpinellifolia), Peucédan cervaire, Trèfle pourpre [Geranion sanguinei, Code UE : 6210*].
Pelouses méso-xérophiles à Anthyllide vulnéraire (Anthyllis vulneraria), Hélianthème sombre (Helianthemum nummularium subsp. obscurum), Cytise rampant (Cytisus decumbens), Thésion à feuilles de lin (Thesium linophyllon), Polygale à toupet (Polygala comosa) [Eu-Mesobromenion erecti, Code UE : 6210*].
Pelouses acidiclines à Brachypode penné (Brachypodium gr. pinnatum), Danthonie décombante (Danthonia decumbens), Callune vulgaire (Calluna vulgaris) [Chamaespartio sagittalis-Agrostidenion tenuis, Code UE : 6210*].
Manteaux arbustifs préforestiers à Prunier de mahaleb, Genévrier commun, Nerprun des rochers, Buis, Amélanchier à feuilles ovales (Amelanchier ovalis) (plusieurs types) [Berberidenion vulgaris, Code Corine : 31.812].
Manteaux arbustifs à Saule drapé (Salix elaegnos), Saule pourpre (Salix purpurea), Genévrier commun (vallées de l’Ain et du Rhône).
Chênaies pubescentes à Hippocrépide émérus (Hippocrepis emerus), Buis, Garance voyageuse (Rubia peregrina)[Quercion pubescenti-sessiliflorae, Code Corine : 41.711].

Répartition géographique

Rebord de la chaîne du Jura depuis Lons-le-Saunier (exceptionnel au nord) jusqu’au sud de la chaîne, vallées internes à la chaîne (vallées du Bugey et vallée de l’Ain).
Collines sous-vosgiennes d’Alsace.
Plateau de l’Île-Crémieu (Isère).
Terrasses et lit majeur du Rhône et de l’Ain (peut-être du Doubs vers Dôle).
Moraines et terrasses du Rhône, de l’Isère et de la Drôme.
Collines de la vallée du Rhône au nord de Montélimar.
Contreforts des Préalpes de la Savoie et de l’Isère.

Valeur écologique et biologique

Habitat rare et en forte régression spatiale ; certains types sont très localisés : Pelouse à Laîche de Haller et Brome dressé ou presque disparus : sous-associations à Euphorbe de Séguier et à thérophytes de la pelouse à Germandrée des montagnes et Fumana couché.
Diversité floristique très élevée, avec souvent des Orchidées.
Beaucoup d’espèces méridionales sont en limite d’aire dans ces pelouses : Hélianthème des Apennins, Thésion divariqué (Thesium divaricatum), Renoncule graminée, Koelérie du Valais, Scorsonère hérissé de même que des espèces médioeuropéennes comme la Scabieuse blanchâtre, la Potentille des sables (Potentilla arenaria) et la Centaurée du Rhin (Centaurea stoebe).
Diversité entomologique très élevée (grande variété des Orthoptères, des Rhopalocères, plusieurs espèces d’Ascalaphes, Mante religieuse).
Habitat de plusieurs Reptiles : Lézard vert (Lacerta viridis), Vipère aspic (Vipera aspis).

États de conservation

États à privilégier :
Pelouse rase à mi-rase, ouverte ; cet état est obtenu par un pâturage extensif ovin, très rarement bovin (parfois chèvres ou chevaux, à l’exclusion des chevaux lourds), sans fertilisation ni amendement complémentaires.
Pelouse rase à mi-rase mosaïquée avec des fruticées à Buis, Genévrier commun, Prunier de mahaleb et des pelouses-ourlets à Géranium sanguin, non pâturée, maintenue par les lapins, parfois par les chevreuils et les sangliers.
Pelouse rase mosaïquée avec des fruticées à Saule pourpre, Saule drapé, Genévrier commun et des pelouses élevées à Brachypode penné et Prêle rameuse (Equisetum ramosissimum), non pâturée, maintenue par les lapins.
Autres états observables :
Pelouse rase surpâturée et piétinée, enrichie en annuelles.

Tendances et menaces

Habitat autrefois plus répandu, en réduction spatiale continue depuis le milieu du dernier siècle avec une très forte accélération vers 1965 : mise en culture (vallées de l’Ain et du Rhône), urbanisation (région de Lyon), ouverture de carrières, implantation de vignobles (Alsace), embuissonnement puis reforestation naturelle lente après abandon. L’habitat est actuellement morcelé et souvent relictuel.
Utilisation pour les loisirs : pique-nique avec feux, moto verte, véhicules tout terrain.

Potentialités intrinsèques de production

Pâturage extensif ovins et caprins, plus rarement bovins.
Habitat également entretenu par les herbivores sauvages (lapins, chevreuils).

Axes de recherche

Évaluer la vitesse de l’embroussaillement en cas d’absence de pâturage et en fonction des caractères du milieu.

Fiche du cahier d'habitats (format pdf)
Bibliographie

 Bensettiti F., Boullet V., Chavaudret-Laborie C. & Deniaud J. (coord.), 2005. « Cahiers d’habitats » Natura 2000. Connaissance et gestion des habitats et des espèces d’intérêt communautaire. Tome 4 - Habitats agropastoraux. Volume 2. MEDD/MAAPAR/MNHN. Éd. La Documentation française, Paris, 487 p. + cédérom. (Source)