Liste hiérarchisée et descriptifs des habitats des Cahiers d'habitats
Étages collinéen et montagnard (jusque vers 1100 m). Climat à tendance semi-continentale ou précontinentale. Situation topographique : rebords de corniches, vires rocheuses,
plus rarement éboulis fixés des pentes fortes. Expositions variées, mais très souvent au sud. Stations très ventées et très ensoleillées. Roches mères : calcaires durs d’âge jurassique, plus rarement
calcaires marneux ou oolithiques.
Sols très peu épais, squelettiques, riches en cailloux, plus ou moins riche en calcaire actif, humus calcique, de pH 6,5-8. Pelouses surtout primaires, non pâturées, parfois insérées autre fois au sein de systèmes pastoraux extensifs liés au pâturage ovin et caprin. Action autrefois importante des lapins (presque disparus) ; impact important des chevreuils et des chamois pour certains sites.
L’habitat étant répandu dans une grande partie du Jura, il en découle une certaine variabilité de type géographique, climatique, édaphique et topographique.
Variations de type géographique et climatique :
- sous climat à tendance semi-continentale, assez pluvieux (étages collinéen et montagnard inférieur, Doubs et Jura) : pelouse à Laîche humble et Anthyllide des montagnes [Carici humilis-Anthyllidetum montanae] avec : Anthyllide des montagnes (Anthyllis montana), Hélianthème blanchâtre (Helianthemum oelandicum subsp. incanum), localement Ibéride des rochers (Iberis saxatilis) ;
- sous climat plus chaud (étages collinéen et montagnard inférieur, Ain : pelouse à Laîche humble et Anthyllide des montagnes avec : Anthyllide des montagnes (Anthyllis montana), Hélianthème blanchâtre (Helianthemum oelandicum subsp. incanum), Laser sermontain (Laserpitium siler), Phalangère à fleurs de lis (Anthericum liliago), Hélianthème des Apennins (Helianthemum apenninum), Fétuque d’Hervier (Festuca marginata subsp. gallica) ;
- sous climat plus froid et plus humide (étage montagnard, Doubs : pelouse à Coronille engainante et Laîche humble [Coronillo vaginalis-Caricetum humilis] avec : Coronille engainante (Coronilla vaginalis), Thésion à feuilles fines (Thesium alpinum var. tenuifolium) et diverses espèces montagnardes ;
- sous climat plus froid (étage montagnard, Jura, rarement Ain) : pelouse à Genêt poilu et Laser sermontain [Genisto pilosae-Laserpitietum sileris] avec : Laser sermontain, Orobanche du laser sermontain (Orobanche laserpitii-sileris) et de nombreuses espèces montagnardes comme la Leucanthème brûlé (Leucanthemum adustum), le Thésion des Alpes (Thesium alpinum), la Globulaire à feuilles en coeur (Globularia cordifolia).
Principale variation de type édaphique : sur sols plus profonds des calcaires ébouleux, variante mésophile de la pelouse à Genêt poilu et Laser sermontain avec diverses espèces mésophiles du Mesobromion erecti.
Variations de type topographique :
- vires rocheuses étroites à sol très peu épais en bordure de falaises avec la Mélique ciliée (Melica ciliata) et davantage de Fétuques (Festuca gr. ovina) et d’Orpins (Sedum album) ; ces pelouses de rochers à caractère climacique et continental occupent une place intermédiaire entre les pelouses xérophiles continentales précédentes et les végétations de dalles calcaires [Code UE : 6110*]. Elles constituent un ensemble très original [Diantho gratianopolitani-Melicion ciliatae], très rare en France et de haute valeur patrimoniale, et, bien qu’indiquées à part dans Corine Biotope (Code Corine : 34.35), elles peuvent être rattachées à cet habitat de la directive ;
- en bordure de la chaîne : groupement à Mélique ciliée et Germandrée petit chêne (Teucrium chamaedrys), avec Laitue vivace (Lactuca perennis) et Séséli des montagnes (Seseli montanum) ;
- ailleurs (sauf dans le sud) : pelouse à Œillet de Grenoble et Fétuque pâle [Diantho gratianopolitani-Festucetum pallentis] avec : Œillet de Grenoble (Dianthus gratianopolitanus) et Drave faux aizoon (Draba aizoides).
Pelouses rases, presque toujours écorchées, moyennement à assez recouvrantes (60 % à 90 %), dominées par les hémicryptophytes : Seslérie bleuâtre (Sesleria caerulea), Laîche humble (Carex humilis), Fétuque gr. ovine (Festuca gr. ovina), plus rarement Brome dressé (Bromus erectus) et les chamaephytes : Germandrée petit chêne, Anthyllide des montagnes, Genêt poilu (Genista pilosa).
Souvent une strate herbacée élevée avec le Laser sermontain.
Généralement une strate arbustive constituée de Genévrier commun (Juniperus communis), d’Amélanchier à feuilles ovales (Amelanchier ovalis), de Nerprun des Alpes (Rhamnus alpina), de Hippocrépide émérus (Hippocrepis emerus), de Buis (Buxus sempervirens).
Diversité floristique importante avec un pic de floraison printanier (avril-juin) et une seconde floraison très discrète (aoûtoctobre).
Avec les pelouses xérophiles de corniches vicariantes dans les régions de contact [Code UE : 6210*].
Avec les pelouses méso-xérophiles du Teucrio montani-Merobromenion erecti qu’elles côtoient dans le Jura et le Doubs ; dans le cas fréquent où les deux habitats cohabitent, le Teucrio montani-Mesobromenion erecti s’installe au-delà de la corniche sur le plateau ou en dessous sur la pente [Code UE : 6210*].
Avec les pelouses xérophiles du Xerobromion erecti qu’elles côtoient dans l’Ain (plus rarement au nord) ; dans le cas fréquent où les deux habitats cohabitent, le Xerobromion s’installe au-delà de la corniche sur le plateau ou en dessous sur la pente [Code UE 6210*].
Avec les pelouses subalpines du Seslerion caerulae qui les relaient en altitude à partir du montagnard supérieur et qui possèdent en partie les mêmes espèces (notamment la pelouse à Genêt poilu et Laser sermontain).
Avec les pelouses-ourlets enrichies en Géranium sanguin (Geranium sanguineum) et en Rosier à feuilles de boucage (Rosa pimpinellifolia)[Geranion sanguinei, Code UE : 6210*].
Pelouses généralement primaires, résultant rarement de la déforestation de chênaies pubescentes ou de hêtraies thermoxérophiles.
Spontanée :
Après diminution de la pression des herbivores (lapins, chevreuils, chamois, etc.) ou plus rarement abandon pastoral (chèvres, moutons) : densification très lente du tapis graminéen (Seslerie bleuâtre), parfois passage à la pelouse-ourlet [Geranion sanguinei].
Parallèlement, développement des fruticées par noyaux à partir des arbustes isolés ou par front lorsque la pelouse côtoie une forêt (ce qui est fréquent). Le Buis lorsqu’il est présent constitue la menace principale pour ces pelouses. Les périodes de sécheresse provoquent l’élimination d’une partie des broussailles.
Le Chêne pubescent (Quercus pubescens) et le Chêne sessile (Quercus petraea) peuvent s’installer, mais leur développement est souvent limité par les conditions extrêmes du milieu.
Groupements rupicoles à Doradilles diverses, Athamanthe de Crête (Athamantha cretensis), Daphné des Alpes (Daphne alpina) [Potentillion caulescentis, Code UE : 8210].
Éboulis à Silène des glariers (Silene vulgaris subsp. glareosa), Galéopsis à feuilles étroites (Galeopsis angustifolia), Rumex à écussons (Rumex scutatus) [Stipetalia calamagrostis, Code UE : 8160*].
Communautés pionnières de l’Alysso alyssoidis-Sedion albi à Orpin âcre (Sedum acre), Orpin doux (Sedum sexangulare), Pâturin de Baden (Poa badensis), Ail des montagnes (Allium lusitanicum) et groupements bryolichéniques terricoles thermophiles [Code UE : 6110*].
Pelouses xérophiles à Trinie glauque (Trinia glauca), Laîche de Haller (Carex halleriana), Bugrane naine (Ononis pusilla) (sud du Jura) [Xerobromenion erecti, Code UE : 6210*].
Pelouses méso-xérophiles à Fétuque de Léman (Festuca lemanii), Cytise rampant (Cytisus decumbens), Thésion à feuilles de lin (Thesium linophyllon), Polygale à toupet (Polygala comosa), etc [Teucrio montani-Mesobromenion erecti, Code UE : 6210*].
Pelouses acidiclines à Danthonie décombante (Danthonia decumbens), Genêt d’Allemagne (Genista germanica), Molinie faux roseau (Molinia caerulea subsp. arundinaceae), Brachypode penné (Brachypodium gr. pinnatum) [Chamaespartio sagittalis-Agrostidenion tenuis, Code UE : 6210*]
Ourlets xérophiles à Géranium sanguin, Coronille en couronne (Coronilla coronata), Rosier à feuilles de boucage, Laser à larges feuilles (Laserpitium latifolium)[Geranion sanguinei, Code UE : 6210*].
Manteaux arbustifs préforestiers à Prunier mahaleb (Prunus mahaleb), Genévrier commun, Buis, Amélanchier à feuilles ovales, Nerprun des Alpes, Hippocrépide émérus (plusieurs types) [Berberidenion vulgaris, Code Corine : 31.812].
Chênaies pubescentes à Hippocrépide émérus [Quercion pubescenti-sessiliflorae, Code Corine : 41.711].
Chênaies sessiliflores xérophiles et calcicoles.
Chaîne du Jura depuis le Jura alsacien jusqu’au Bugey. À rechercher dans les Préalpes du Nord.
Habitat rare à très rare ; tous les types sont localisés à l’exception de la pelouse à Laîche humble et Anthyllide des montagnes plus répandue.
Pelouses le plus souvent primaires, d’âge très ancien.
Diversité floristique élevée.
Beaucoup d’espèces sont en limite d’aire dans ces pelouses : espèces subméditerranéennes comme l’Hélianthème des Apennins, espèces d’Europe centrale comme la Coronille engainante, espèces méditerranéo-montaganardes comme le Laser sermontain.
Microspéciation importante : Centaurée de la Grigna (Centaurea scabiosa subsp. grinensis), Helianthemum apenninum var. velutinum, Thesium alpinum var. tenuifolium, Helianthemum oelandicum cf. subsp. Pourretii.
Diversité entomologique très élevée (grande variété des Orthoptères, des Rhopalocères, plusieurs espèces d’Ascalaphes, Mante religieuse, Petite Cigale des montagnes).
Habitat de plusieurs Reptiles : Lézard vert (Lacerta viridis), Vipère aspic (Vipera aspis), Couleuvre verte et jaune (Zamenis viridiflavus), Couleuvre d’Esculape (Elaphe longissima).
États à privilégier :
Pelouse rase, assez ouverte, non pâturée, souvent maintenue par les lapins, les chamois et les chevreuils.
Pelouse rase plus ou moins ouverte, mosaïquée avec des fruticées à Buis, Prunier mahaleb, Amélanchier à feuilles ovales, Buis et des pelouses-ourlets à Géranium sanguin, non pâturée, souvent maintenue par les mêmes herbivores.
Autres états observables :
Pelouse rase plus ou moins ouverte, envahie par les Buis et autres arbustes.
Habitat se maintenant relativement bien mais en réduction suite aux enrésinements (Pin noir, Pin sylvestre), à l’embuissonnement (par le Buis), plus rarement aux ouvertures de carrières. L’habitat est toujours très morcelé et donc relictuel.
Utilisation pour les loisirs : pique-nique avec feux, moto verte, véhicules tout terrain, aires de stationnement pour la varappe, aires de delta-plane.
Ces pelouses ont une très faible valeur agricole, accentuée par leur position sur de fortes pentes et des sols superficiels sur graviers et débris rocheux rajeunis par l’érosion. Il est donc difficile d’imaginer leur valorisation par l’agriculture. Elles se trouvent cependant à proximité de secteurs pâturés par des ovins et parfois des caprins, ce qui devra être pris en compte lors de l’élaboration des mesures de gestion.
Évaluer la possibilité d’un embroussaillement naturel à moyenne échéance (vingt à cinquante ans).
Bensettiti F., Boullet V., Chavaudret-Laborie C. & Deniaud J. (coord.), 2005. « Cahiers d’habitats » Natura 2000. Connaissance et gestion des habitats et des espèces d’intérêt communautaire. Tome 4 - Habitats agropastoraux. Volume 2. MEDD/MAAPAR/MNHN. Éd. La Documentation française, Paris, 487 p. + cédérom. (Source)