6210-39 - Pelouses calcaro-siliceuses sèches du Tertiaire parisien

Liste hiérarchisée et descriptifs des habitats des Cahiers d'habitats

Caractéristiques stationnelles

Étages planitiaire et collinéen (de 50 à 250 m).
Climat subatlantique à tendance continentale sensible.
Situations topographiques : pentes généralement faibles à nulles, parfois plus fortes (jusqu’à 20°).
Expositions ou situations chaudes et ensoleillées.
Roches mères silico-calcaires, généralement sables siliceux enrichis en calcaire (débris de coquilles fossiles, apport par éboulement de calcaires sus-jacents), plus rarement affleurements de calcaires sableux ou dolomitiques se désagrégeant superficiellement en sables calcaires (cas de certaines assises de calcaires lutétiens) ; ces situations géologiques sont rares et concernent principalement les sables cuisiens fossilifères ou mêlés de calcaires grossiers lutétiens, les sables de Beauchamp mêlés de calcaire de Saint-Ouen, les sables de Fontainebleau mêlés de calcaire de Beauce, les sables détritiques périglaciaires des basses plaines de Fontainebleau, les sables cénomaniens de Lamnay (Perche).
Sols squelettiques peu évolués à caractère arénacé déterminant (sols rendziniformes) ; parfois sols lessivés à bruns.
Milieux relictuels secondaires hérités pour une part des traditions de parcours ovin, aujourd’hui plus souvent ponctuels et associés à diverses perturbations anthropiques (piétinement, décapage, carrière, exploitation forestière…) entretenues ensuite par les lapins et parfois les grands herbivores en contexte pré-forestier.
Action complémentaire très importante et souvent déterminante des lapins qui affectionnent les substrats sableux propices au creusement de terriers.

Variabilité

Diversité typologique principale selon les substrats :
- sur sables calcaires squelettiques très secs et chauds : pelouse à Armoise champêtre et Silène otitès [Artemisietum campes-tris], avec : Armoise champêtre (Artemisia campestris), Silène otitès (Silene otites), Pétrorhagie prolifère (Petrorhagia prolifera), Véronique en épi (Veronica spicata)... ; diverses variantes :
- géographiques, caractérisées par des plantes très rares et présentant un grand intérêt biogéographique ; c’est en particulier le cas des pelouses du massif de Fontainebleau, riches en espèces thermo-continentales et méridionales comme l’Ail jaune (Allium flavum), la Minuartie sétacée (Minuartia setacea), etc. ;
- édaphiques, avec, sur sables calcaires moins secs, une variante à Armérie des sables (Armeria arenaria) abondante ;
- sur sables calcaires lessivés à décarbonatés : pelouse à Scille d’automne et Filipendule vulgaire [Scillo autumnalis-Filipenduletum hexapetalae], avec : Scille d’automne (Scilla autumnalis), Filipendule vulgaire (Filipendula vulgaris), Genêt sagitté (Genista sagittalis), Orchis brûlé (Orchis ustulata), Orchis bouffon (O. morio)... ;

Variabilité secondaire de type dynamique ou structural, en relation avec les communautés pionnières riches en thérophytes du Sileno conicae-Cerastion semidecandri et les ourlets dominés par le Brachypode penné (Brachypodium gr. pinnatum).

Physionomie, structure

Pelouses rases à mi-hautes, généralement écorchées (60-80 % de recouvrement), avec une dominance des hémicryptophytes (40 % env.) et une participation non négligeable des géophytes (10 %) et des chaméphytes (10-15 %) ; participation significative des thérophytes qui profitent de la discontinuité des pelouses, notamment dans les variantes les plus psammophiles.
Structure biologique et architecturale diversifiée : la part graminéenne est relativement minorée dans les types les plus xériques, mais devient par contre co-dominante avec les herbes à rosettes en situations plus mésophiles ; certaines espèces peuvent former faciès : Armérie des sables, Koelérie à grandes fleurs (Koeleria macrantha), Armoise champêtre…
Représentation forte et originale des espèces de la famille des Caryophyllacées, notamment Silènes (Silene), Œillets (Dianthus), Pétrorhagie (Petrorhagia), Sablines (Arenaria), Minuarties (Minuartia)…
Strate muscinale souvent très développée et recouvrante, à base de Tortula ruraliformis, Brachythecium albicans sur les substrats plus calcaires… ; développement possible d’une strate sous-ligneuse discontinue (Genêt ailé, Armoise champêtre…).
Adaptation typique des plantes à la sécheresse du substrat par allongement vertical ou horizontal du système racinaire, évitement des pertes en eau (cuticules épaissies, surfaces foliaires réduites, pilosité développée…).
Structure pelousaire souvent complexe et associée en mosaïque avec des pelouses pionnières riches en annuelles sur sables calcaires (Sileno conicae-Cerastion semidecandri), des communautés de dalles calcaires riches en thérophytes et chaméphytes crassulescents (Alysso alyssoidis-Sedion albi), des communautés terricoles de bryophytes et de lichens thermo-xérophiles...
Après abandon pastoral ou en relation avec les activités du lapin, développement possible d’une strate bryolichénique dense, riche en Cladonies (Cladonia pl. sp.).
Diversité floristique très importante mais associée à des floraisons souvent discrètes, ayant une expression maximale en été ; la floraison en masse de l’Armérie des sables, les landines argentées à Armoise champêtre, les teintes noires de la mousse Tortula ruraliformis en abondance peuvent cependant donner un cachet spécial.

Confusions possibles

Avec des pelouses pionnières très ouvertes sur sables silico-calcaires à calcaires, plus ou moins fixés (Sileno conicae-Cerastion semidecandri) et souvent développées en contact [Code UE : 6120*].
Avec des pelouses calcicoles xérophiles atlantiques, psammophiles et thermophiles sur calcaires sableux du Xerobromenion erecti [Code UE : 6210*].
Avec les formes les plus sèches des pelouses méso-xérophiles sur calcaires sableux du Teucrio montani-Mesobromenion erecti développées en contact [Code UE : 6210*].
Avec des végétations de dalles calcaires [Alysso alyssoidis-Sedion albi, Code UE : 6110*].
Avec des pelouses-ourlets xéro-thermophiles résultant de l’abandon pastoral et de la dynamique de recolonisation préforestière, généralement dominés par le Brachypode penné [Geranion sanguinei, Code UE : 6210*].

Dynamique

Spontanée :
Végétations secondaires inscrites généralement dans des potentialités de forêts thermophiles soit de chênaies pubescentes proches du Quercion pubescenti-sessiliflorae (environs de Fontainebleau) [Code Corine : 41.711], soit de diverses chênaies-frênaies calcicoles thermophiles souvent enrichies en éléments des chênaies pubescentes [Carpinion betuli, Code Corine : 41.27], soit, sur substrats peu calcarifères, de formes peu acidiphiles des chênaies sessiliflores du Quercion roboris [Code Corine : 41.5].
Phases dynamiques internes au niveau des pelouses elles-mêmes : phase pionnière souvent riche en thérophytes et succédant aux communautés du Sileno conicae-Cerastion semidecandri, phase mature à strate pelousaire horizontale ouverte et présentant donc une niche de régénération fonctionnelle des espèces à vie courte, phase de fermeture de la pelouse avec perte de la niche de régénération, phase de vieillissement avec élévation du tapis végétal et extension d’espèces d’ourlet (en particulier le Brachypode penné).
Après abandon pastoral ou régression des lapins, reconstitution forestière de vitesse variable mais souvent ralentie par la sécheresse et les variations thermiques considérables et pouvant présenter des seuils dynamiques prolongés (comme les pelouses-ourlets à Brachypode penné).
Principales étapes dynamiques : densification par colonisation et extension du Brachypode penné, voile pionnier de Genêt à balais (Cytisus scoparius), piquetage arbustif et/ou arboré progressif aboutissant à la formation de fourrés coalescents ou de complexe préforestier de type « pré-bois » (mêlant pelouses, ourlets, fourrés et couvert arboré), puis à la constitution de jeunes chênaies thermophiles melangées de Chêne pubescent (Quercus humilis), Chêne pédonculé (Q. robur), Chêne sessile (Q. petraea) et parfois même de Chêne tauzin (Quercus pyrenaica).

Liée à la gestion :
Suite aux brûlis, déstabilisation de la structure biologique par régression de la part des chaméphytes et, en l’absence de reprise pastorale, accélération des processus dynamiques d’ourlification et stimulation du Brachypode penné.
Le tapis végétal extrêmement sensible au piétinement est facilement rajeuni par un pâturage léger qui provoque la réapparition de pelouses pionnières du Sileno conicae-Cerastion semidecandri [Code UE : 6120*]. Un surpiétinement aboutit par contre au développement de communautés de friches sablo-calcaires à tendance nitrophile.

Habitats associés ou en contact

Pelouses pionnières très ouvertes sur sables silico-calcaires à calcaires, plus ou moins fixés (Sileno conicae-Cerastion semidecandri) et généralement développées en contact ou en mosaïque [Code UE : 6120*].
Pelouses pionnières sur sables acides ou décalcifiés, plus ou moins mobiles [Corynephorion canescentis, Code UE : 2330*].
Pelouses calcicoles xérophiles atlantiques, psammophiles et thermophiles sur calcaires sableux du Xerobromenion erecti [Code UE : 6210*].
Groupements bryolichéniques psammophiles thermophiles.
Communautés pionnières de dalles de l’Alysso alyssoidis-Sedion albi [Code UE : 6110*].
Pelouses méso-xérophiles du Teucrio montani-Mesobromenion erecti développées en contact [Code UE : 6210*].
Pelouses-ourlets et ourlets xérophiles thermophiles (Geranion sanguinei) à dominante de Brachypode penné (Brachypodium pinnatum) dans les stades succédant aux pelouses [Code UE : 6210*] ; plusieurs types à définir.
Manteaux arbustifs préforestiers calcicoles [Berberidion vulgaris, Code Corine : 31.812].
Chênaies thermo-calcicoles sèches souvent enrichies en espèces des chênaies pubescentes (plusieurs types) [Carpinion betuli ; Code Corine : 41.27], passant localement (par exemple à Fontainebleau) à des chênaies pubescentes thermophiles proches du Quercion pubescenti-sessiliflorae [Code Corine : 41.711].

Répartition géographique

Pelouse à Armoise champêtre et Silène otitès : aire disjointe en îlots relictuels principalement au sein du Tertiaire parisien : massif de Fontainebleau, Valois, Laonnois méridional, Soissonnais, Vexin français ; présent aussi dans le Perche méridional.
Pelouse à Scille d’automne et Filipendule vulgaire : basses plaines du massif forestier de Fontainebleau, à rechercher ailleurs.

Valeur écologique et biologique

Tous les types de pelouses sont extrêmement relictuels, réduits aujourd’hui à un petit nombre de sites de surface restreinte ; tous sont en voie de disparition et d’importance patrimoniale majeure.
Cortèges floristiques très originaux à caractère substeppique comprenant des plantes rares en France et extrêmement localisées : Armoise champêtre, Orobanche lisse, Armérie des sables ; nombreuses plantes protégées régionalement ; diversité entomologique encore peu étudiée, mais probablement très élevée, notamment dans les systèmes les plus psammophiles.
Plusieurs Reptiles de l’annexe IV de la directive « Habitats » : Lézard des souches (Lacerta agilis), Lézard vert (Lacerta viridis), Lézard des murailles (Podarcis muralis), Coronelle lisse (Coronella austriaca).

États de conservation

États à privilégier :
Pelouse rase à mi-haute largement ouverte (allure steppique) ; cette structure est largement favorisée soit par les populations de lapins, soit par un piétinement pastoral adapté.
Selon la conduite pastorale ou la densité de lapins, on peut aboutir soit à une structure homogène du tapis végétal, soit à une structure mélangée de phases dynamiques de pelouses pionnières sur sables plus ou moins mobiles, de pelouses sur sables plus ou moins fixés, de pelouses-ourlets.
Maintien éventuel de faciès à chaméphytes (landines à Armoise champêtre, Genêt sagitté) en situation de prélisière ou en situation de seuil dynamique à caractère landicole.
Autres états observables :
Variantes nitrophiles surpiétinées ou surexploitées par les lapins.
Phases densifiées à Brachypode penné, typiques des pelouses vieillies ou incendiées.

Tendances et menaces

Disparition spatiale continue depuis le XIXe siècle avec accélération très forte depuis 1960 ayant pour causes principales la régression des lapins avec la myxomatose, l’abandon pastoral, la reconstitution de boisements, les plantations forestières (divers Pins, Robinier faux acacia), l’urbanisation en région parisienne...
Partout menaces très fortes et rapides d’extinction ; urgence de la mise en place de mesures conservatoires et de gestion, ainsi que dans de nombreux cas de mesures strictes de protection.
Utilisation pour les loisirs (pique-nique avec feux, moto verte, véhicules tout terrain…).

Potentialités intrinsèques de production

Le pastoralisme ovin traditionnel est aujourd’hui abandonné.
Ces habitats, bien que restreints, constituent des espaces agréables et des destinations prisées pour les promenades dominicales.

Axes de recherche

Absence de données.

Bibliographie

 Bensettiti F., Boullet V., Chavaudret-Laborie C. & Deniaud J. (coord.), 2005. « Cahiers d’habitats » Natura 2000. Connaissance et gestion des habitats et des espèces d’intérêt communautaire. Tome 4 - Habitats agropastoraux. Volume 2. MEDD/MAAPAR/MNHN. Éd. La Documentation française, Paris, 487 p. + cédérom. (Source)