6210-38 - Pelouses subatlantiques xériques acidoclines sur sables alluviaux

Liste hiérarchisée et descriptifs des habitats des Cahiers d'habitats

Caractéristiques stationnelles

Étages planitiaire et collinéen (de 20 à 200 m).
Climat subatlantique ligérien à tendance continentale sensible.
Situations topographiques : terrasses alluviales tabulaires rarement inondées (fortes crues hivernales) des niveaux moyens à assez élevés du lit majeur des grands fleuves ; pour la Loire moyenne, optimum en terrasses d’environ + 3 à + 4,5 m des étiages.
Microtopographie naturelle (bourrelets sableux perchés, cuvettes) ou anthropique (relief artificiel) accroissant considérablement la diversité stationnelle : texture du sol, économie en eau, microclimat…
Roches mères : généralement sables siliceux grossiers à fraction granulométrique fine peu abondante.
Sols squelettiques peu évolués à caractère arénacé déterminant (sols rendziniformes à humus de type mull et horizon superficiel faiblement organique, à pH généralement à tendance neutrocline de 5,7 à 7, à réserves en eau faibles) ; calcaire absent ou à l’état de traces, mais bonne capacité en bases échangeables du complexe absorbant du sol.
Milieux associés aux perturbations hydrodynamiques des grands fleuves, à caractère subpermanent, bien que leur stabilisation soit également historiquement tributaire des usages pastoraux et de l’action des lapins ; parfois situations pionnières anthropiques associées aux extractions de granulats (Seine notamment).

Variabilité

Diversité typologique principale selon les secteurs géographiques, mais encore insuffisamment connue et caractérisée (difficulté d’analyse typologique des complexes de pelouses sur sables, informations fragmentaires sur les espèces des genres Festuca et Koeleria). On peut provisoirement distinguer une unité centrale en Loire moyenne : pelouse à Fétuque à longues feuilles et Armoise champêtre [Festuco longifoliae-Artemisietum campestris], avec : Armoise champêtre (Artemisia campestris), Fétuque à longues feuilles (Festuca longifolia subsp. longifolia), Silène otitès (Silene otites), Pétrorhagie prolifère (Petrorhagia prolifera)... ; plusieurs variations périphériques de cette unité centrale sont connues :
- Loire amont : variante plus acidicline et plus oligotrophique sans Armoise champêtre ; on peut placer au voisinage une pelouse très originale des plus hautes terrasses des environs de Decize à Lunetière controversée (Biscutella controversa) et Violette des rochers (Viola saxatilis) ;
- Loire aval : variante sans Fétuque à longues feuilles ;
- Allier aval : variante sans Fétuque à longues feuilles ;
- Cher : variante à Fétuque d’Hervier (Festuca marginata subsp. gallica) ;
- Seine aval : variante riche en Koelérie du groupe albescens/macrantha.

D’autres types existent dans le haut et moyen val d’Allier, avec notamment la Fétuque du Valais (Festuca valesiaca), la Fétuque d’Auvergne (Festuca arvernensis), la Scrophulaire des chiens (Scrophularia canina), l’Armoise champêtre… ; une étude récente distingue :
- pelouse à Scrophulaire des chiens et Armoise champêtre [Scrophulario caninae-Artemisietum campestris] avec Scrophulaire des chiens, Fétuque d’Auvergne, Plantain holosté (Plantago holosteum)… ;
- pelouse à Luzerne naine et Fétuque du Valais [Medicago minimae-Festucetum valesiacae], sur bancs de sables stabilisés de l’Allier moyen, à Fétuque du Valais, Astragale à hameçon (Astragalus hamosus), Bugle de Genève (Ajuga genevensis)…

Variabilité secondaire importante :
- stationnelle : variantes mésoxérophiles des flancs frais des buttes et des légères dépressions à Saxifrage granulée (Saxifraga granulata), Orchis bouffon (Orchis morio), Laîche du printemps (Carex caryophyllea)… ;
-pastorale : variantes prairiales riches en Trèfles (Trifolium subterraneum, T. striatum…) et Graminées (Festuca rubra, Cynodon dactylon…) ;
-dynamique ou structurale, principalement en relation avec la mobilité et la granulométrie des sables et les communautés pionnières riches en thérophytes du Sileno conicae-Cerastion semidecandri, du Corynephorion canescentis, du Thero-Airion et de l’Alysso alyssoidis-Sedion albi.

Physionomie, structure

Pelouses rases à hautes selon les faciès, assez peu ouvertes (7090 % de recouvrement herbacé), à spectre biologique relativement équilibré avec des hémicryptophytes plutôt discrets (3050 %) et comportant une part importante d’espèces à vie courte, des thérophytes souvent bien représentés (10-30 %) et une participation non négligeable des géophytes (5-15 %) et des chaméphytes (10-20 %).
Structure biologique et architecturale diversifiée : la part graminéenne est relativement minorée dans les types sans Fétuque à longues feuilles, mais devient par contre codominante avec les herbes à rosettes dans le type central ; certaines espèces peuvent former faciès : Armoise champêtre, Fétuque à longues feuilles, Koeléries, Hélianthème nummulaire (Helianthemum nummularium subsp. nummularium)…
Strate muscinale souvent très développée et recouvrante, contribuant fortement à la fermeture du tapis végétal, à base de grandes pleurocarpes (Hypnum lacunosum, Racomitrium elongatum, Rhytidium rugosum), d’acrocarpes sociales (Tortula ruraliformis, Polytrichum juniperinum) et de divers lichens (Peltigera praetextata, Cladonia pl. sp.).
Développement parfois spectaculaire de l’Armoise champêtre (faciès connu sous le nom de « lande à Armoise champêtre »).
Adaptation typique des plantes à la sécheresse du substrat par allongement vertical ou horizontal du système racinaire, évitement des pertes en eau (cuticules épaissies, surfaces foliaires réduites, pilosité développée…).
Pelouses généralement développées au sein de mosaïques pelousaires à structure complexe associant :
-des pelouses pionnières à post-pionnières riches en annuelles sur sables enrichis en bases (Sileno conicae-Cerastion semidecandri) ;
-des communautés de dalles calcaires riches en thérophytes et chaméphytes crassulescents (Alysso alyssoidis-Sedion albi) ;
-des communautés terricoles de bryophytes et de lichens thermo-xérophiles ;
-localement aussi (surtout Loire amont) des pelouses pionnières sur sables acides ou décalcifiés, plus ou moins mobiles (Corynephorion canescentis)...
Ces paysages pelousaires des terrasses alluviales sont souvent piquetés ici et là d’arbustes isolés (Aubépines, Rosiers, Prunelliers…).
Après abandon pastoral ou en relation avec les activités du lapin, développement possible d’une strate bryolichénique dense, riche en Cladonies (Cladonia pl. sp.).
Diversité floristique très importante mais associée à des floraisons souvent discrètes, ayant une expression maximale en été ; la floraison de l’Armérie des sables, les landines argentées à Armoise champêtre, les teintes ternes des bryophytes et des lichens en abondance peuvent cependant donner un cachet spécial.

Confusions possibles

Avec des pelouses pionnières à post-pionnières très ouvertes sur sables silico-calcaires à calcaires, plus ou moins fixés (Sileno conicae-Cerastion semidecandri) et souvent développées en contact [Code UE : 6120*].
Avec des végétations de dalles calcaires (Alysso alyssoidis-Sedion albi) [Code UE : 6110*].
Avec des pelouses-ourlets alluviales xérophiles résultant de l’abandon pastoral et de la dynamique de recolonisation préforestière, généralement dominées par des hybrides de Chiendents (Elytrigia) [Falcario vulgaris-Poion angustifoliae souvent en limite du Trifolion medii (Code UE : 6210*)].

Dynamique

Spontanée :
Phases dynamiques internes au niveau des pelouses elles-mêmes : phase pionnière souvent riche en thérophytes et succédant aux communautés du Sileno conicae-Cerastion semidecandri, phase mature à strate pelousaire horizontale ouverte et présentant donc une niche de régénération fonctionnelle des espèces à vie courte, phase de fermeture de la pelouse avec perte de la niche de régénération, phase de vieillissement avec élévation du tapis végétal et extension d’espèces d’ourlet ; les grandes crues, les perturbations des lapins, le piétinement des troupeaux contribuent largement à réinitier le processus dynamique.
Après abandon pastoral ou régression des lapins, reconstitution forestière très lente et pas toujours perceptible ; jadis la fréquence des grandes crues semble avoir joué un rôle crucial dans la limitation des processus dynamiques ; actuellement, bien que ceux-ci soient ralentis par la sécheresse et les variations thermiques au sol considérables, on observe en de nombreux points une réactivation de ces processus ; un moindre enfoncement saisonnier de la nappe alluviale peut d’ailleurs localement faciliter l’embroussaillement.
Principales étapes dynamiques : densification de la strate herbacée et extension de phorbes et de Graminées sociales élevées [Gaillet jaune, Pâturin à feuilles étroites (Poa angustifolia), Chiendents (hybrides d’Elytrigia, principalement E. campestris x intermedia)…], voile pionnier de Genêt à balais (Cytisus scoparius) ou de Genêt purgatif (Cytisus oromediterraneus) en peuplements pouvant devenir denses, piquetage arbustif et/ou arboré progressif aboutissant parfois à la formation de fourrés coalescents.
Localement évolution possible vers des boisements alluviaux à Orme champêtre (Ulmus minor), Frêne commun (Fraxinus excelsior), Érable sycomore (Acer pseudoplatanus), Chêne pédonculé (Quercus robur) [Ulmenion minoris ; Code UE : 91F0].

Liée à la gestion :
Le tapis végétal extrêmement sensible au piétinement est facilement rajeuni par un pâturage léger qui provoque la réapparition de pelouses pionnières du Sileno conicae-Cerastion semidecandri [Code UE : 6120*]. Un surpiétinement aboutit par contre au développement de communautés de friches sablo-calcaires à tendance nitrophile.

Habitats associés ou en contact

Pelouses pionnières à post-pionnières très ouvertes sur sables silico-calcaires à calcaires, plus ou moins fixés (Sileno conicae-Cerastion semidecandri) et généralement développées en contact ou en mosaïque [Code UE : 6120*].
Localement, pelouses pionnières sur sables acides ou décalcifiés, plus ou moins mobiles [Corynephorion canescentis, Code UE : 2330].
Groupements bryolichéniques psammophiles xérophiles.
Communautés pionnières de sables et graviers tassés de l’Alysso alyssoidis-Sedion albi [Code UE : 6110*].
Agropyraies alluviales mésophiles à Patience à fleurs en thyrse (Rumex thyrsiflorus), pelouses-ourlets méso-xérophiles à xérophiles à Prêle de Moore (Equisetum x moorei) et hybrides de Chiendents [Convolvulo arvensis-Agropyrion repentis].
Friches sableuses alluviales du Dauco carotae-Melilotion officinalis.
Cytisaies pionnières à Genêt à balais et/ou Genêt purgatif [Cytisetea scopario-striati, Code Corine : 31.84].

Répartition géographique

Pelouse à Fétuque à longues feuilles et Armoise champêtre : fleuves et grandes rivières du Bassin parisien central : basse et moyenne Loire, de Decize à Angers, bas Allier, Cher et basse Seine, de Paris à Rouen.
Pelouse à Scrophulaire des chiens et Armoise champêtre : haut et moyen Allier, haute Loire.
Pelouse à Luzerne naine et Fétuque du Valais : moyen Allier.

Valeur écologique et biologique

Habitat extrêmement relictuel, réduit aujourd’hui à un petit nombre de sites de surface restreinte ; tous sont en voie de disparition et d’importance patrimoniale majeure.
Cortèges floristiques très originaux à caractère substeppique [Armoise champêtre, Silène otitès, Véronique couchée (Veronica prostrata)] et enrichis par des apports migratoires le long des corridors fluviaux (pénétration d’espèces méridionales, descente d’espèces montagnardes du Plateau central) ; plusieurs plantes rares en France et extrêmement localisées : Lunetière controversée (endémique française), Violette des rochers, Laîche de la Loire, Myosotis de Balbis (Myosotis balbisiana), Renoncule de Montpellier (Ranunculus monspeliacus) représenté ici par un micromorphe (var. lugdunensis) ; plusieurs plantes protégées régionalement.
Peuplements entomologiques arénicoles spécialisés.

États de conservation

États à privilégier:
Pelouse rase à mi-haute largement ouverte (allure steppique) ; cette structure est largement favorisée soit par les populations de lapins, soit par un piétinement pastoral adapté.
Selon la conduite pastorale ou la densité de lapins, on peut aboutir soit à une structure homogène du tapis végétal, soit à une structure mélangée de phases dynamiques de pelouses pionnières sur sables plus ou moins mobiles, de pelouses sur sables plus ou moins fixés, de pelouses-ourlets.
Maintien éventuel de faciès à chaméphytes (landines à Armoise champêtre) en situation de seuil dynamique à caractère landicole.
Autres états observables :
Variantes nitrophiles surpiétinées ou surexploitées par les lapins.
Phases densifiées envahies par les hybrides de Chiendent.
Plusieurs Reptiles de l’annexe IV de la directive « Habitats » : Lézard vert (Lacerta viridis), Lézard des souches (Lacerta agilis).
Oiseaux de la directive Oiseaux (annexe I) : Alouette lulu (Lullula arborea), Alouette calandrelle (Calandrella brachydactyla), Oedicnème criard (Burhinus oedicnemus), Pie-grièche écorcheur et Bondrée apivore (Pernis apivorus).

Tendances et menaces

Disparition spatiale continue depuis le XIXe siècle avec accélération très forte depuis 1960 ayant principalement des causes anthropiques (aménagements divers des lits majeurs, établissement de sablières, plantations forestières, cultures) ainsi que des causes naturelles : régression des lapins avec la myxomatose, abandon pastoral, extension des agropyraies, embroussaillement et boisement naturel (phénomènes lents mais accélérés récemment par la raréfaction des grandes crues et l’abandon du pâturage)… ; l’habitat est actuellement presque entièrement détruit en val de Seine où il n’est pratiquement plus représenté que par des formes appauvries de recolonisation après exploitation de carrières.
Partout menaces très fortes et rapides d’extinction ; urgence de la mise en place de mesures conservatoires et de gestion, ainsi que dans de nombreux cas de mesures strictes de protection.
Utilisation pour les loisirs (pique-nique avec feux, moto verte, véhicules tout terrain…).

Potentialités intrinsèques de production

Les variantes prairiales de cet habitat permettent une valorisation pastorale, toutefois de plus en plus abandonnée.
Cet habitat participe également à un paysage très apprécié du public puisque le long des rivières et des fleuves, d’où une valorisation économique indirecte pour les loisirs (moto-cross, 4 x 4, aires de pique-nique sauvages...).

Axes de recherche

Suivi de l’impact d’un étrépage de surface. Mise en place localement de protocoles de lutte contre les robiniers.

Fiche du cahier d'habitats (format pdf)
Bibliographie

 Bensettiti F., Boullet V., Chavaudret-Laborie C. & Deniaud J. (coord.), 2005. « Cahiers d’habitats » Natura 2000. Connaissance et gestion des habitats et des espèces d’intérêt communautaire. Tome 4 - Habitats agropastoraux. Volume 2. MEDD/MAAPAR/MNHN. Éd. La Documentation française, Paris, 487 p. + cédérom. (Source)