Liste hiérarchisée et descriptifs des habitats des Cahiers d'habitats
Étage planitiaire en climat nord-atlantique.
Situations topographiques : pentes en général faibles à moyennes (10-30°), soit sur les versants des vallées, soit au niveau de cuestas (Boulonnais, Pays de Licques).
Expositions variées, avec un optimum pour le quart ouest/sud, compte tenu de l’orientation générale des vallées et des cuestas.
Roches mères carbonatées : craies sèches du Sénonien et du Turonien supérieur, craies marneuses turoniennes ;
Sols squelettiques calcaires de type rendzine à calcaréo-marneux ou compacts, peu filtrants, très rétentifs en eau, desséchés et craquelés en surface durant les périodes de sécheresse, suintants et collants après les pluies.
Systèmes pastoraux extensifs hérités des traditions de parcours ovin, parfois pâturage bovin herbager semi-extensif, rarement équin ou milieux de substitution (talus routiers, carrières...).
Action souvent intense des lapins, devenue déterminante avec la déprise pastorale, jusqu’à l’arrivée de la myxomatose.
Diversité typologique principale selon les substrats :
- sur craies sèches du Pas-de-Calais : pelouse à Thym britannique et Fétuque hérissée [Thymo britannici-Festucetum hirtulae], type très original avec : Gentianelle amère (Gentianella amarella), Gentianelle de Pamplin (Gentianella x-pamplinii), Violette du calcaire (Viola hirta subsp. calcarea), Euphraise quadrangulaire (Euphrasia tetraquetra), Avoine des prés (Avenula pratensis), Polygala du calcaire (Polygala calcarea), Thésion couché (Thesium humifusum), Hippocrépide à toupet (Hippocrepis comosa), Thym précoce (Thymus praecox), et en commun avec le type suivant, Fétuque hérissée (Festuca ovina subsp. hirtula), Thym britannique (Thymus polytrichus subsp. britannicus), Thym faux pouliot (Thymus pulegioides), Thym de Braun (Thymus x-braunii), Euphraise des bois (Euphrasia nemorosa), Fétuque rouge (Festuca rubra subsp. rubra)... ; plusieurs variations géographiques depuis le littoral jusqu’à l’extrémité de la cuvette boulonnaise ;
- sur craies marneuses du Pas-de-Calais : pelouse à Succise des prés et Brachypode penné [Succiso pratensis-Brachyopodium pinnatum] avec, outre les espèces communes au type précédent, : Succise des prés (Succisa pratensis), Parnassie des marais (Parnassia palustris), Herminion à un tubercule (Herminium monorchis), Épipactide des marais (Epipactis palustris), Dactylorhize de Fuchs (Dactylorhiza fuchsii), Danthonie décombante (Danthonia decumbens)... ;
Remarque : un type particulier au littoral du Cotentin, la pelouse à Gaillet maritime et Brachypode penné [Galio maritimi-Brachypodietum pinnati], se rattache à cet ensemble, mais est traité spécialement au sein des habitats côtiers. Un autre type de pelouses calcicoles littorales [Anthyllido langei-Thesietum humifusi], particulier aux arrière-dunes de la mer du Nord, existe en quelques points des dunes littorales flamandes à proximité de la frontière belge. Sa position phytosociologique est incertaine, mais il pourrait bien être rattaché également à ce groupe de pelouses calcicoles nord-ouest européennes (traitement également au sein des habitats côtiers).
Variabilité secondaire importante dans la plupart de ces types, notamment :
- variantes pionnières sur substrats nus généralement artificialisés (carrières, talus...) dominées par des espèces pionnières spécialisées : Parnassie des marais, Laîche glauque (Carex flacca), Liondent hispide (Leontodon hispidus)... ;
- variante à chaméphytes en position de prélisière et entretenue par les lapins, à Hélianthème nummulaire (Helianthemum nummularium subsp. nummularium) ;
- variante de pelouses encloses pâturées à Pâquerette vivace (Bellis perennis), Trèfle rampant (Trifolium repens), Trisète jaunâtre (Trisetum flavescens)...
Pelouses rases à mi-rases, d’aspect général généralement marqué par les Fétuques (Festuca lemanii, F. ovina subsp. hirtula) associées sur craie marneuse à la Laîche glauque (Carex flacca) (physionomie typique de festuçaies sèches ou de festuçaies-cariçaies marnicoles) ; dans les phases plus âgées des pelouses, le Brachypode penné participe de façon complémentaire à la physionomie de l’habitat.
Tapis herbacé ouvert à plus ou moins fermé selon les phases dynamiques (recouvrement principalement de 80 à 100 %) ; structure biologique et architecturale avec forme une dominance des hémicryptophytes (75-80 %), une participation réduite en biomasse mais diversifiée des géophytes (surtout sur craie marneuses) et des Gentianacées (Blackstonia, Centaurium, Gentianella) et Scrophulariacées (Euphrasia, Rhinanthus) à vie courte (5-10 %).
Souvent associées à des formations hautes (pelouses-ourlets) au sein de complexes structuraux mosaïqués, dont la physionomie caractéristique est donnée par le Brachypode penné (Brachypodium pinnatum) et, sur craie marneuse, diverses hautes herbes mésohygrophiles comme la Succise des prés (Succisa pratensis), le Séneçon à feuilles de roquette (Senecio erucifolius), la Fétuque faux roseau (Festuca arundinacea)...
Après abandon pastoral ou en cas de sous-pâturage, piquetage arbustif progressif et avancée de lisières forestières aboutissant à des structures verticales complexes de « pré-bois ».
Strate herbacée typiquement associée à un voile de Genévrier commun (Juniperus communis) dans les anciens parcours extensifs [« Formations de Juniperus communis sur landes ou pelouses calcaires », Code UE : 5130].
Diversité floristique importante associée à deux pics principaux de floraison printanier (mai-juin) et tardi-estival/automnal (août-septembre).
Avec des pelouses calcicoles méso-xérophiles subatlantiques vicariantes du Teucrio montani-Mesobromenion erecti ou du Mesobromenion erecti [Code UE : 6210].
Avec des pelouses marnicoles subatlantiques vicariantes du Tetragonolobo maritimi-Mesobromenion erecti [Code UE : 6210].
Avec des pelouses aérohalines des bordures des falaises de craie (massif du Blanc-Nez) à Fétuque pruineuse (Festuca rubra subsp. pruinosa) [Dauco intermedii-Festucetum pruinosae] [Sileno maritimae-Festucion pruinosae ; Code UE : 1230].
Avec des pelouses-ourlets mésophiles fraîches résultant de l’abandon pastoral et de la dynamique de recolonisation préforestière, généralement dominés par le Brachypode penné (Brachypodium pinnatum) et diverses hautes herbes mésohygrophiles constituant les faciès typiques à Brachypode penné [Trifolion medii ; Code UE : 6210].
Avec des prairies marnicoles mésophiles pâturées (Thymo pulegiodis-Cynosurenion cristati) ou fauchées (Centaureo jaceae-Arrhenatherenion elatioris) [Code UE : 6510].
Spontanée :
Végétations secondaires issues généralement de déforestations historiques anciennes, inscrites dans des potentialités de forêts neutro-calcicoles du Carpinion betuli ; le cas des pelouses du Blanc-Nez en situation littorale et de la falaise morte de Dannes-Camiers suggère cependant leur caractère primaire ou tout au moins très ancien.
Phases dynamiques internes au niveau des pelouses elles-mêmes : phase pionnière souvent riches sur craie marneuse en plantes des bas-marais et prés humides alcalins (Parnassie des marais, Épipactide des marais, Succise des prés...), phase optimale à structure pelousaire horizontale ouverte et présentant donc une niche de régénération fonctionnelle des espèces à vie courte, phase de fermeture de la pelouse avec perte de la niche de régénération, phase de vieillissement avec élévation du tapis végétal et extension d’espèces d’ourlet comme le Brachypode penné, le Fromental élevé (Arrhenatherum elatius), la Fétuque faux roseau (Festuca arundinacea), la Succise des prés...
Après abandon pastoral, processus dynamiques de reconstitution forestière de vitesse variable et pouvant présenter des seuils dynamiques prolongés (comme les pelouses-ourlets à Brachypode penné et Succise des prés ou à Brachypode penné et Fétuque faux roseau).
Principales étapes dynamiques : densification par colonisation et extension rapide du Brachypode penné (et souvent d’autres plantes mésohygrophiles de taille élevée), piquetage arbustif et/ou arboré progressif aboutissant à la formation de fourrés coalescents ou de complexe préforestier de type « pré-bois » (mêlant pelouses, ourlets, fourrés et couvert arboré, manteaux forestiers) aboutissant rapidement à la constitution de jeunes forêts diversifiées en essences calcicoles.
Liée à la gestion :
Par intensification du pâturage, généralement accompagnée d’amendements accrus (situation classique en enclos herbager, plutôt avec des bovins ou des équins), passage d’abord à des variantes piétinées à Pâquerette et Trèfle rampant, puis à des prairies calcicoles pâturées plus fertiles.
Boisement artificiel fréquent (feuillus divers, parfois résineux) conduisant à une dégradation et une destruction progressive des pelouses.
Voile de Genévrier commun (Juniperus communis) sur pelouses calcicoles [Code UE : 5130].
Prairies mésophiles et mésotrophes calcicoles, soit pâturées (Thymo pulegiodis-Cynosurenion cristati) [Code Corine : 38.112] ou soit fauchées (Centaureo jaceae-Arrhenatherenion elatioris) [Code UE : 6510].
Pelouses aérohalines des bordures des falaises de craie (massif du Blanc-Nez) [Sileno maritimae-Festucion pruinosae ; Code UE : 1230].
Pelouses-ourlets et ourlets calcicoles à marnicoles nord-atlantiques à Brachypode penné et Centaurées du groupe Jacée (Centaurea subg. Jacea], accompagnés sur craie marneuse du Téphroséris hélénitis (Tephroseris helenitis) et de mésohygrophytes divers, certaines communes avec les mégaphorbiaies (Senecio spatulaefolii-Succisetum pratensis) [Trifolion medii ; Code UE : 6210].
Manteaux arbustifs préforestiers calcicoles à Tamier commun (Tamus communis), Viorne lantane (Viburnum lantana), divers rosiers (Rosa pl. sp.) et localement l’Alouchier (Sorbus aria) [Tamo communis-Viburnenion lantanae ; Code Corine : 31.812].
Forêts calcicoles nord-atlantiques à essences variées [Carpinion betuli], souvent sous sylvofaciès de hêtraies calcicoles [Code UE : 9130].
Pelouse à Thym britannique et Fétuque hérissée : aire très restreinte localisée aux massifs crayeux littoraux du Blanc-Nez et de Dannes-Camiers, aux cuestas du Boulonnais et du Pays de Licques.
Pelouse à Succise des prés et Brachypode penné : aire très restreinte localisée à l’Artois occidental et méridional, du Blanc-Nez à la Canche.
Les deux types de pelouses sont endémiques d’aire restreinte ; relictuels et en voie de forte régression, ils sont aujourd’hui réduits à un très petit nombre de sites ; ils représentent en France le groupe des pelouses calcicoles nord-ouest européennes et possèdent de ce fait une forte originalité nationale.
Diversité floristique importante avec un ensemble floristique très original au niveau national et comportant les seules localités françaises de la Violette du calcaire (Viola hirta subsp. calcarea), microendémique des collines de craie anglaises, et de la Gentianelle de Pamplin (Gentianella x-pamplinii) hybride des Gentianelles amère et d’Allemagne.
Sur craie marneuses, diverses populations isolées d’espèces végétales hygrophiles des bas-marais alcalins, certaines représentées par des écotypes originaux comme la Parnassie des marais.
Diversité entomologique très élevée, notamment dans les complexes structuraux mélangeant pelouses et pelouses-ourlets.
Diversité orchidologique exceptionnelle présentant un intérêt patrimonial majeur (nombre d’espèces, taille et variabilité des populations) ; autres intérêts orchidologiques : espèce rare à l’échelle nationale : Herminion à un tubercule (Herminium monorchis).
Paysages des pelouses à Genévrier (présentant sur les pelouses littorales des anémomorphoses particulières) et richesse de la faune associée.
Plante protégée au niveau national : Gentianelle amère (Gentianella amarella).
Nombreuses espèces protégées régionalement.
Espèces de l’annexe II de la directive « Habitats » :
Damier de la succise (Euphydryas aurinia) dont les populations sont généralement bien représentées au niveau de ces pelouses et pelouses-ourlets.
États à privilégier :
Pelouse rase à mi-rase ouverte, c’est-à-dire présentant un tapis végétal avec de micro-ouvertures constituant la niche de régénération ; cette structure est obtenue par un pâturage extensif sans amendement, préférentiellement par des ovins.
Selon la conduite pastorale, on peut aboutir soit à une structure homogène du tapis végétal, soit à une structure mélangée de phases dynamiques de pelouses et de pelouses-ourlets.
Maintien de faciès à chaméphytes associé aux populations de lapin, en situation de prélisière.
Superposition à la pelouse d’un voile de Genévrier, associé aux pratiques pastorales.
Autres états observables :
Pelouses fermées à graminées et, sur sols calcareo-marneux, hautes herbes hygrophiles.
Phases densifiées à Brachypode penné, typiques des pelouses vieillies ou incendiées.
Pelouses rases pâturées par bovins.
Pelouses fauchées avec fauche estivale ou automnale.
Disparition spatiale continue depuis le début du XXe siècle avec accélération très forte depuis 1960 ayant pour causes principales l’abandon pastoral et la reconstitution de boisements (en moins d’un demi-siècle dans certains cas), la transformation agricole en prairie intensive (plus rarement en culture), le reboisement en feuillus, l’ouverture et l’extension de carrières (pour l’amendement généralement ou la cimenterie)...
Maintien précaire en dehors des espaces où une gestion conservatoire spécifique a été mise en place en relation avec les structures gestionnaires de milieu naturel ; maintien possible ailleurs mais aléatoire dans le cadre d’exploitation agricole herbagère semi-intensive par bovins, parfois associé à des mesures agrienvironnementales spécifiques.
Menaces très fortes sur la rarissime pelouse à Thym britannique et Fétuque hérissée au niveau du secteur de Dannes-Camiers, par l’extension d’une cimenterie.
Coteaux calcaires dont la ressource pastorale est intéressante pour le pâturage en début et fin de saison.
Évaluation de l’impact de différents modes de pâturage (pâturage ovin, bovin, équin ou combiné), des différentes pratiques (friche/pâturage/fauche).
Mise en place d’un pâturage itinérant avec berger.
Comparaison des effets sur l’habitat d’un pâturage permanent, d’un pâturage avec un chargement élevé sur une période courte, d’un pâturage avec un chargement plus faible sur quelques mois.
Effet de la réduction d’intrants.
Intérêt d’une fauche avant remise en pâturage du site.
Définition plus précise des dates de retrait du troupeau de la pelouse, afin de permettre la floraison des espèces à forte valeur patrimoniale qui la composent.
Seuils et conditions à appliquer pour l’utilisation d’intrants phytosanitaires.
Bensettiti F., Boullet V., Chavaudret-Laborie C. & Deniaud J. (coord.), 2005. « Cahiers d’habitats » Natura 2000. Connaissance et gestion des habitats et des espèces d’intérêt communautaire. Tome 4 - Habitats agropastoraux. Volume 2. MEDD/MAAPAR/MNHN. Éd. La Documentation française, Paris, 487 p. + cédérom. (Source)