Liste hiérarchisée et descriptifs des habitats des Cahiers d'habitats
Étage planitiaire. Climat atlantique de type médio-atlantique, dont les aspects de fraîcheur et d’humidité atmosphérique sont localement accentués par des expositions froides ou des contextes géomorphologiques particuliers (grandes vallées, proximité maritime).
Situations topographiques variées : pentes raides (déclivité souvent supérieure à 45°) à moyennes, parfois éboulis crayeux plus ou moins fixés, rarement replats calcaires, corniches et vires rocheuses.
Expositions variées selon les types : chaudes à fraîches ou froides.
Roches mères carbonatées : craies du crétacé supérieur (Sénonien) et calcaires jurassiques, parfois plus ou moins ennoyées par des apports colluvionnaires d’argile de décalcification.
Sols peu épais : rendzines crayeuses, souvent parsemées de graviers calcaires, parfois lithosols.
Microtopographie du sol en gradins plus ou moins accusés en fonction de la pente et selon les types, reflétant les équilibres entre phénomènes mécaniques d’érosion et des processus de fixation des matériaux par la Seslérie bleuâtre.
Systèmes pastoraux extensifs hérités des traditions de parcours ovin, avec parfois des situations peu évolutives à caractère en partie primaire, rarement installations récentes par fixation d’éboulis.
Action complémentaire des lapins importante, devenue déterminante avec la déprise pastorale, jusqu’à l’arrivée de la myxomatose.
Diversité typologique principale selon les climats locaux et les substrats :
- sur les pentes crayeuses raides et corniches chaudes et ensoleillées de Normandie : pelouse à Pulsatille vulgaire et Seslérie bleuâtre [Pulsatillo vulgaris-Seslerietum caeruleae], thermophile et xérophile avec : Pulsatille vulgaire (Pulsatilla vulgaris), Euphorbe à feuilles de pin (Euphorbia esula subsp. pinifolia)... ; deux ensembles distincts :
- sur les craies de la basse vallée de la Seine, pelouses thermo-xérophiles (en limite du Seslerio caeruleae-Xerobromenion erecti) à Aster linosyris (Aster linosyris), Biscutelle de Neustrie (Biscutella neustriaca), Hélianthème blanchâtre (Helianthemum oelandicum subsp. incanum)... [subass. typicum] ; une variante géographique dans la vallée de l’Eure à Laîche humble (Carex humilis) ;
- sur les pentes chaudes et replats des calcaires de Basse-Normandie : pelouse à Coronille naine et Seslérie bleuâtre [subass. coronilletosum minimae], proche du type précédent, mais originale avec : Brunelle à grandes fleurs (Prunella grandiflora), Laîche humble (Carex humilis), Coronille naine (Coronilla minima)... ;
- sur les pentes fraîches des craies de Haute-Normandie : pelouse à Fétuque de Léman et Seslérie bleuâtre [Festuco lemanii-Seslerietum albicantis], mésophile, au cortège de plantes déalpines et thermophiles fortement appauvri, avec : Fétuque de Léman (Festuca lemanii), Séséli libanotide (Seseli libanotis), Germandrée des montagnes (Teucrium montanum)... ;
- en climat nord-atlantique picard, sur pentes crayeuses raides aux expositions fraîches : pelouse à Patience oseille et Seslérie bleuâtre [Rumici acetosae-Seslerietum caeruleae], à caractère pionnier et enrichie d’espèces d’éboulis, avec : Patience oseille (Rumex acetosa), Polygala amer (Polygala amarella), Laitue vivace (Lactuca perennis), Épervière maculée (Hieracium maculatum)...
Variabilité secondaire importante dans la plupart de ces types, notamment :
- variantes édaphiques en fonction de l’épaisseur des sols et de la proximité plus ou moins marquée des affleurements rocheux (enrichissement en espèces des dalles calcaires) ;
- variante à chaméphytes en position de prélisière et entretenue par les lapins, à Hélianthème nummulaire (Helianthemum nummularium subsp. nummularium), Épipactis pourpre noirâtre (Epipactis atrorubens) ;
- variante de pelouses encloses pâturées à Pâquerette vivace (Bellis perennis) et Trèfle rampant (Trifolium repens).
Pelouses rases à mi-hautes, d’aspect général marqué par la Seslérie bleuâtre (physionomie typique de seslériaies de pente en gradins) ; l’aspect de gradin peut cependant s’estomper sur les pentes les plus faibles ou au contraire être semblable à un éboulis en voie de fixation sur les pentes les plus raides.
Tapis herbacé à densité variable selon les types et les stades dynamiques, de très ouvert (75-80 % environ de recouvrement moyen) pour les pelouses sèches et chaudes de la vallée de la Seine, à plus ou moins fermé dans les situations plus fraîches (types mésophiles) ; structure biologique relativement variable selon les types, fortement dominée par les hémicryptophtes dans les types mésophiles (jusqu’à près de 90 %), mais avec une part hémicryptophytique relativement minorée (55-70 %) et une bonne participation des chaméphytes (20 % environ) pour la pelouse à Pulsatille vulgaire et Seslérie bleuâtre ; thérophytes très discrets et peu nombreux ; géophytes bien représentés.
Présence extensive de plantes associées habituellement aux ourlets préforestiers et se comportant ici comme des espèces de pelouses : Séséli libanotide (Seseli libanotis), Phalangère rameuse (Anthericum ramosum), Buplèvre en faux (Bupleurum falcatum)...
Souvent associées à des formations hautes à Brachypode penné (pelouses-ourlets) au sein de complexes structuraux mosaïqués.
Strate herbacée parfois associée à un voile de Genévrier commun (Juniperus communis) dans les anciens parcours extensifs [« Formations de Juniperus communis sur landes ou pelouses calcaires », Code UE : 5130] ;
En cas de disparition des populations de lapin ou après abandon pastoral, piquetage arbustif progressif et avancée de lisières forestières aboutissant à des structures verticales complexes de « pré-bois ».
Floraison variée de la fin du printemps au début de l’été (maijuillet), avec un regain de floraison à l’automne.
Avec des pelouses méso-xérophiles vicariantes à Seslérie bleuâtre (Sesleria caerulea) des mésoclimats froids (Seslerio caeruleae-Mesobromenion erecti) [Code UE : 6210].
Avec des pelouses xérophiles de corniches et de rebords de plateau (Seslerio caeruleae-Xerobromenion erecti) [Code UE : 6210].
Avec des pelouses méso-xérophiles subatlantiques du Teucrio montani-Mesobromenion erecti [Code UE : 6210].
Avec des phases de stabilisation d’éboulis calcaires [Leontodontion hyoseroidis ; Code UE : 8160].
Pour certains faciès pionniers des corniches rocheuses, avec des végétations pionnières de dalles calcaires (Alysso alyssoidis-Sedion albi) développées en contact [Code UE : 6110].
Avec des ourlets calcicoles préforestiers développés en lisière et des pelouses-ourlets résultant de l’abandon pastoral et de la dynamique de recolonisation préforestière, généralement dominés par le Brachypode penné (Brachypodium pinnatum) et constituant les faciès typiques à Brachypode penné du Geranion sanguinei [Code UE : 6210].
Spontanée :
Végétations secondaires issues de déforestations historiques anciennes, inscrites dans des potentialités soit de hêtraies calcicoles thermophiles à affinités montagnardes du Cephalanthero rubrae-Fagion sylvaticae [Code UE : 9150], soit de forêts calcicoles de pente riches en essences ligneuses [Carpinion betuli submontagnard (Code Corine : 41.41) ou Tilio platyphylli-Acerion pseudoplatani (Code UE : 9180)].
Phases dynamiques internes au niveau des pelouses elles-mêmes : phase pionnière écorchées en gradins à Seslérie bleuâtre et souvent riche en chaméphytes, phase optimale à strate pelousaire horizontale suffisamment ouverte pour présenter une niche de régénération fonctionnelle des espèces à vie courte, phase de fermeture de la pelouse à Seslérie bleuâtre hyperdominante avec perte de la niche de régénération, phase de vieillissement avec élévation du tapis végétal et extension d’espèces d’ourlet.
Après abandon pastoral, reconstitution forestière de vitesse variable généralement lente et pouvant présenter des seuils dynamiques prolongés (comme les pelouses-ourlets à Brachypode penné).
Principales étapes dynamiques : densification par colonisation et extension du Brachypode penné, piquetage arbustif et/ou arboré progressif aboutissant à la formation de fourrés coalescents ou de complexe préforestier de type « pré-bois » (mêlant pelouses, ourlets, pré-manteaux, fourrés et couvert arboré) puis à la constitution de jeunes chênaies pubescentes diversifiées en essences calcicoles.
Liée à la gestion :
Par intensification du pâturage, passage à des variantes appauvries mésophiles ; dans certains cas, ces pelouses dont la productivité fourragère est favorisée par les expositions fraîches, semblent supporter une certaine intensification du pâturage, même bovin.
Éboulis calcaires à Violette de Rouen et Gaillet à tige grêle (Violo hispidae-Galietum gracilicaulis) (vallées de la Seine et de l’Eure) ou à Épervière maculée et Laitue vivace (vallées picardes et hautes-normandes) [Leontodontion hyoseroidis ; Code UE : 8160].
Communautés pionnières de dalles de l’Alysso alyssoidis-Sedion albi [Code UE : 6110] généralement fragmentaires, à Orpin blanc (Sedum album), Orpin âcre (Sedum acre)...
Voile de Genévrier commun (Juniperus communis) sur pelouses calcicoles [Code UE : 5130].
Pelouses xérophiles thermophiles à caractère plus méditerranéen (Xerobromenion erecti) développées en contact sur les plateaux calcaires [Code UE : 6210].
Pelouses méso-xérophiles atlantiques thermophiles du Festucenion timbalii [Code UE : 6210].
Pelouses-ourlets et ourlets méso-xérophiles du Geranion sanguinei à Brachypode penné (Brachypodium pinnatum) et Seslérie bleuâtre [Code UE : 6210] ; plusieurs types non ou peu étudiés, notamment un type thermophile à Géranium sanguin et Garance voyageuse (Rubia peregrina) dans la vallée de la Seine [Geranio sanguinei-Rubietum peregrinae].
Manteaux arbustifs préforestiers calcicoles épars à Viorne lantane (Viburnum lantana), Cornouiller mâle (Cornus mas), Prunier de Sainte-Lucie (Prunus mahaleb)... [Berberidion vulgaris ; Code Corine : 31.812] ; un type thermo-montagnard original dans la vallée de la Seine à If commun (Taxus baccata) et Amélanchier ovale (Amelanchier ovalis subsp. embergeri) [Taxo baccatae-Prunetum mahaleb].
Hêtraies thermo-calcicoles submontagnardes, enrichies en espèces des chênaies pubescentes... [Cephalanthero rubrae-Fagion sylvaticae ; Code UE : 9150], rarement frênaies-acéraies calcicoles de pente plus mésophiles et de position systématique variable [Carpinion betuli submontagnard (Code Corine : 41.41) à Tilio platyphylli-Acerion pseudoplatani (Code UE : 9180)].
Pelouse à Pulsatille vulgaire et Seslérie bleuâtre : basse vallée de la Seine des Andelys (27) à Rouen (76) et basse vallée de l’Eure.
Pelouse à Coronille naine et Seslérie bleuâtre : campagnes jurassiques de Caen, Falaise et Trun en Basse-Normandie.
Pelouse à Fétuque de Léman et Seslérie bleuâtre : vallées des plateaux de craie de Haute-Normandie (basse Seine, Eure, Gambon et environs de la forêt de Lyons).
Pelouse à Patience oseille et Seslérie bleuâtre : très localisée dans quelques vallées de Picardie (Somme, Oise et Thérain).
Îlots isolés dans le Tertiaire parisien (basse vallée de l’Oise aux environs de Creil, Laonnois, environs de Fontainebleau...), à caractériser précisément.
Tous les types de pelouses sont relictuels, et généralement réduits à un petit nombre de sites de surface restreinte ; tous sont en voie de forte régression et d’importance patrimoniale majeure en tant qu’éléments isolés aux étages planitiaire et collinéen des pelouses du Seslerio caeruleae-Merobromenion erecti.
Diversité et originalité floristique importantes, comportant diverses populations isolées d’espèces végétales et représentées probablement par des génotypes originaux dont une microendémique : la Biscutelle de Neustrie (Biscutella neustriaca) ; intérêt floristique complémentaire dans les communautés d’éboulis associées au complexes pelousaires avec la Violette de Rouen (Viola hispida) inscrite à l’annexe II de la directive « Habitats » ; diversité orchidologique importante avec notamment la présence d’une population originale d’Ophrys, rapportée provisoirement à l’Ophrys brillant (Ophrys splendida) ; diversité entomologique encore peu étudiée, mais probablement très élevée.
Plantes protégées au niveau national : Biscutelle de Neustrie (Biscutella neustriaca), Gentianelle amère (Gentianella amarella) ; plantes menacées en France (Livre rouge national, tome I) : Biscutelle de Neustrie (Biscutella neustriaca), Gaillet de Fleurot (Galium fleurotii), Ophrys brillant (Ophrys splendida).
Plusieurs plantes protégées régionalement.
Espèces de l’annexe II de la directive « Habitats » :
Biscutella neustriaca : la pelouse à Pulsatille vulgaire et Seslérie bleuâtre renferme la quasi-totalité des populations mondiales de cette espèce.
États à privilégier :
Pelouse rase à mi-rase entrouverte, c’est-à-dire présentant un tapis végétal avec de micro-ouvertures constituant la niche de régénération ; cette structure est obtenue sur les pentes raides par la pérennité de processus érosifs qui limite le vieillissement du tapis végétal et qui sont favorablement associés à l’action des lapins, ou ailleurs par le maintien d’un pâturage extensif sans amendement, associé ou non à l’action des lapins.
Pelouse ouverte en gradins marqués de Seslérie bleuâtre.
Superposition à la pelouse d’un voile de Genévrier, associé aux pratiques pastorales.
Autres états observables :
Pelouse fermée dense à Seslérie bleuâtre.
Phases densifiées à Brachypode penné, typiques des pelouses vieillies ou incendiées.
Disparition spatiale continue depuis le début du XXe siècle avec accélération très forte depuis 1970 ayant pour causes principales l’abandon pastoral et la reconstitution de boisements, l’extension urbaine (environs de Rouen)...
Menaces fortes d’extinction pour tous les types de pelouses, et plus particulièrement pour celles très localisées de Basse-Normandie, du Tertiaire parisien et de Picardie.
Pâturage extensif ovin, voire bovin (petit gabarit) ou caprin.
Outre leur valeur économique, ces pelouses ont une valeur organisationnelle sur l’exploitation, en offrant des degrés de liberté supplémentaires dans la gestion du troupeau.
Gestion des habitats par des races rustiques.
Étude et suivi de la rémanence des produits de traitement phytosanitaire.
Bensettiti F., Boullet V., Chavaudret-Laborie C. & Deniaud J. (coord.), 2005. « Cahiers d’habitats » Natura 2000. Connaissance et gestion des habitats et des espèces d’intérêt communautaire. Tome 4 - Habitats agropastoraux. Volume 2. MEDD/MAAPAR/MNHN. Éd. La Documentation française, Paris, 487 p. + cédérom. (Source)