Liste hiérarchisée et descriptifs des habitats des Cahiers d'habitats
Cet habitat se rencontre généralement aux étages submontagnard et montagnard, plus rarement à l’étage collinéen. Il occupe de vastes étendues dans les lits majeurs étroits de ruisseaux et de rivières où les ripisylves ont été éliminées. Lorsque la végétation forestière est présente, il forme des lisières ombragées ou constitue la végétation des clairières forestières.
Le substrat est souvent soumis à des écoulements d’eau plus ou moins permanents. Les sols sont généralement assez riches en éléments grossiers (limons sableux, galets avec sables) provenant de matériaux alluviaux et sont donc bien aérés, avec une forte activité biologique (sols riches en azote…). Il s’agit de sols alluviaux ou de sols installés sur des colluvions, sur divers types de substrats libérant beaucoup d’éléments minéraux.
Les hautes eaux sont généralement printanières et de courte durée, elles se produisent avant le développement des feuilles du Pétasite. Elles apportent des matières organiques et minérales et font disparaître la nécromasse. En altitude, des crues violentes assez espacées dans le temps jouent un rôle important dans la dynamique de l’habitat. Le Pétasite surmonte les effets de ces fortes crues (érosion et alluvionnement) par la croissance de son rhizome puissant, il peut ainsi former rapidement des tapis plus ou moins continus.
On observe des formes altitudinales.
Forme collinéenne : communautés à Baldingéra faux-roseau et Pétasite hybride [Phalarido arundinaceae-Petasitetum hybridi], avec le Cerfeuil des prés (Anthriscus sylvestris), l’Égopode podagraire, l’Ortie dioïque (Urtica dioica), le Lierre terrestre (Glechoma hederacea), l’Angélique sauvage...
Forme montagnarde : communautés à Chérophylle hérissé et Pétasite hybride [Chaerophyllo hirsuti-Petasitetum officinalis], avec l’Impatiente n’y-touchez-pas (Impatiens noli-tangere), la Stellaire des bois, l’Aconit tue-loup (Aconitum lycoctonum subsp. vulparia), le Séneçon de Fuchs (Senecio ovatus subsp. ovatus), le Chérophylle doré (Chaerophyllum aureum), le Géranium des bois, le Chardon bardane (Carduus personatus).
Cet habitat a été peu étudié pour l’instant en France, il est probable que des races géographiques existent, mais elles restent à définir.
L’uniformité physionomique imposée par l’opulent feuillage du Pétasite est très caractéristique de l’habitat, mais elle cache la grande diversité des espèces herbacées de mégaphorbiaies associées. Le Pétasite fleurit en mars-avril, puis développe ses feuilles ; sa taille est variable au cours de l’année (10 à 100 cm).
Cette végétation forme un liseré verdoyant qui épouse les sinuosités des vallées et des cours d’eau.
On peut confondre ces mégaphorbiaies avec les prairies de fauche voisines issues de l’utilisation anthropique de ces habitats : prairies à Avoine élevée (Arrhenatherum elatius, UE 6510) ou à Trisète jaunâtre (Trisetum flavescens, UE 6520), prairies pâturées à Ray-grass (Lolium perenne, Cor. 38.1). Ces prairies se distinguent bien par leur physionomie, avec la dominance des graminées, la rareté des espèces élevées, et surtout par l’absence du Pétasite.
Cet habitat est souvent intégré dans une mosaïque de milieux avec lesquels il est en relation dynamique constante, notamment du fait des crues importantes. Les groupements arbustifs et arborescents riverains peuvent être détruits lors de la crue ce qui favorise l’extension temporaire de la mégaphorbiaie. Lors de la reconquête ligneuse, certaines espèces de la mégaphorbiaie demeurent en sous-bois, en lisière ou dans les trouées occasionnées par la dynamique de la canopée et représentent un potentiel de semences pour le futur.
Cf. schéma du cahier d'habitat.
Ces mégaphorbiaies n’ont pas subi de pressions d’exploitation par l’agriculteur ou le bétail et sont dépourvues d’espèces prairiales courantes qui n’apparaissent que dans les individus d’habitats exploités extensivement. L’exploitation pastorale entraîne le passage à des prairies hygrophiles fauchées ou pâturées (à Avoine élevée, Trisète jaunâtre ou à Crételle) où subsistent pendant un certain temps des espèces de mégaphorbiaies. L’abandon de ces prairies entraîne le redéveloppement des espèces de mégaphorbiaies qui peu à peu étouffent les espèces prairiales et les font disparaître.
Eaux courantes avec végétation de Renoncules flottantes (UE 3260).
Saulaies arbustives de lisière (Cor. 44.1).
Forêts riveraines diverses : aulnaies à Stellaire des bois, frênaies-érablaies, aulnaies blanches (UE 91E0*).
Chênaies pédonculées-frênaies (UE 9160).
Hêtraies-chênaies à Luzule blanchâtre (Luzula luzuloides) (UE 9110).
Hêtraies-chênaies à Aspérule odorante (Galium odoratum) (UE 9130).
Prairies de fauche (à Avoine élevée, UE 6510) ou pâturées collinéennes (à Crételle, Cynosurus cristatus, Cor. 38.1).
Prairies de fauche à Trisète jaunâtre (UE 6520) ou pâturées montagnardes à Crételle (Cor. 38.1).
Groupements fontinaux (lorsque l’habitat se développe en aval de sources).
L’habitat est surtout localisé le long des cours d’eau à eaux vives de l’Europe tempérée, au niveau des montagnes et de leurs piémonts.
Ces milieux sont le berceau de certaines espèces de prairies de fauche ou pâturées. Ils occupent une surface réduite par rapport aux prairies gérées ce qui leur confère un intérêt patrimonial certain. On note parfois la présence d’espèces rares à l’échelle régionale.
États à privilégier :
Mégaphorbiaies spatiales.
Mégaphorbiaies linéaires localisées du fait du passage à des prairies de fauche.
Autres états observables :
Mégaphorbiaies sous Peupliers (Populus spp.).
On observe souvent le passage à la prairie de fauche avec fertilisation ou à la prairie pâturée ce qui détruit une grande partie de l’habitat qui subsiste alors à l’état de liseré en écotone.
Une plantation de Peupliers peut contribuer à faire régresser certaines populations, mais l’habitat peut se maintenir en sous-bois si celle-ci est réalisée sans drainages, sans travaux du sol et sans utilisation de produits chimiques.
Ces milieux offrent une grande sensibilité aux travaux de corrections des rivières et à toutes réductions des lits majeurs où ils se développent (réduction drastique de leur extension).
Il n’y a pas d’action de l’eutrophisation des eaux sur ces mégaphorbiaies.
Ces prairies naturelles tiennent leur existence de la non-gestion (absence de fauche, de fertilisation, de pâturage) et sont à considérer comme sans intérêt agronomique.
De nouvelles investigations se révèlent nécessaires pour bien cerner la diversité de cet habitat et l’extension géographique des variantes.
Bensettiti F., Gaudillat V. & Haury J. (coord.), 2002. « Cahiers d’habitats » Natura 2000. Connaissance et gestion des habitats et des espèces d’intérêt communautaire. Tome 3 - Habitats humides. MATE/MAP/MNHN. Éd. La Documentation française, Paris, 457 p. + cédérom. (Source)