6430-4 - Mégaphorbiaies eutrophes des eaux douces

Liste hiérarchisée et descriptifs des habitats des Cahiers d'habitats

Caractéristiques stationnelles

Ces mégaphorbiaies se développent aux étages collinéen et montagnard des domaines atlantique et continental. Elles sont liées aux cours d’eau (rivières, ruisseaux) éclairés drainant des prairies humides et occupent les espaces d’anciennes forêts alluviales détruites ou constituent des ourlets au niveau des forêts résiduelles. Elles peuvent également se trouver dans les clairières forestières, mais aussi au bord de plans d’eau ou de fossés.
Elles sont souvent soumises à des crues périodiques d’intensité variable. Les sols sont eutrophisés lors de ces inondations qui apportent des éléments organiques en abondance ; leur optimum se situe sur des sols calcaires argileux (sur matériaux alluviaux divers). Ces mégaphorbiaies peuvent aussi être associées à des sols à caractère tourbeux après assèchement.
Ces formations ne subissent aucune action anthropique (fauche ou pâturage).
Elles se retrouvent aussi dans des espaces enrichis en azote (milieux rudéraux près des habitations, des ruines, des bords des routes, reposoirs au niveau de prairies humides), mouillés, avec dans ce cas, dominance de l’Ortie. Dans cette situation, elles ne sont pas à prendre en considération.

Variabilité

Selon l’importance du cours d’eau on peut distinguer deux grands ensembles de végétations.
Végétations des ripisylves de rivières, ruisseaux, plans d’eau et de milieux humides divers (fossés...) :
- sur sols humides à mouillés des bords de rivières et ruisseaux : communautés à Ortie dioïque et Liseron des haies [Urtico dioicae-Calystegietum sepium] ;
- en lisières de forêts riveraines, au niveau des fossés : communautés à Liseron des haies et Eupatoire chanvrine [Calystegio sepium-Eupatorietum cannabini] ;
- dans les lits inondables riches en calcaires : communautés à Liseron des haies et Épilobe hérissé [Calystegio sepium-Epilobietum hirsuti] ;
- en stations à fortes oscillations de la nappe : communautés à Baldingéra faux-roseau [Phalaridetum arundinaceae].

Végétations du bord des grands fleuves :
- sur substrats nitrophiles : communautés à Séneçon des cours d’eau (Senecio sarracenicus) [Senecionetum fluviatilis], avec le Cucubale à baies (Cucubalus baccifer) ;
- sur substrats très nitrophiles : communautés à Cuscute d’Europe (Cuscuta europaea) et Liseron des haies [Cuscuto europaeae-Calystegietum sepium], avec l’Ortie dioïque.
Dans les régions aux climats plus tempérés et plus chauds, les mégaphorbiaies eutrophes s’enrichissent en éléments atlantiques et méditerranéens. Ces communautés, bien représentées sur la façade atlantique française et aux abords de la région méditerranéenne, sont encore peu connues en France. On peut citer :
- sur les bords de la Loire et de la Seine : les communautés à Liseron des haies et Aristoloche clématite (Aristolochia clematitis) [Calystegio sepium-Aristolochietum clematitis], avec l’Armoise vulgaire ;
- sous climat cantabro-atlantique du Pays basque : les communautés à Picride fausse-épervière (Picris hieracioides) et Eupatoire chanvrine [Picrido hieracioidis-Eupatorietum cannabini] ;
- sous climat méditerranéen : les communautés à Canne de Provence (Arundo donax) et Liseron des haies [Arundini donacis-Convolvuletum sepium], avec le Cynanque aigu (Cynanchum acutum), l’Aster écailleux (Aster squamatus).

Physionomie, structure

Il s’agit de prairies élevées pouvant dépasser un mètre de hauteur et présentant fréquemment des faciès constitués par des espèces sociales très dynamiques : Ortie dioïque, Baldingéra, Eupatoire chanvrine, Épilobes... Souvent, leur présence entraîne une certaine pauvreté floristique. Ces formations sont marquées par la présence d’espèces lianiformes telles que la Cuscute d’Europe, le Liseron des haies ou le Houblon grimpant (Humulus lupulus). On observe également la présence d’espèces exotiques envahissantes (Renouées asiatiques, Reynoutria spp., Buddleja, Impatiente glanduleuse, Impatiens glandulifera, Topinambour, Helianthus tuberosus, Solidages, Solidago spp., Asters, Aster spp., notamment Aster lanceolatus, etc.) dont le développement explosif peut conduire à la disparition des espèces de l’habitat.
Selon les vallées et l’histoire anthropique, ces formations peuvent se limiter à des liserés et des taches au sein des forêts riveraines, au bord des talus…, ou occuper de plus grandes étendues aux dépens de prairies abandonnées. Elles peuvent aussi se développer en sous-bois de plantations de Robinier faux-acacia (Robinia pseudo-acacia), avantagées par l’azote libéré par le ligneux (présence de nodosités fixatrices d’azote sur les racines).

Confusions possibles

Des confusions sont possibles :
- avec des prairies de fauche eutrophes voisines issues de l’utilisation anthropique de ces milieux et enrichies en espèces nitrophiles : prairies fauchées collinéennes à Rumex à feuilles obtuses (Rumex obtusifolius) et Avoine élevée (Arrhenatherum elatius) [Rumici obtusifolii-Arrhenatherenion elatioris, UE 6510] ou montagnardes à Trisète jaunâtre (Trisetum flavescens, UE 6520) ;
- avec des prairies pâturées à Crételle (Cynosurus cristatus, Cor. 38.1) où peuvent s’observer des faciès à Ortie, mais dans ces cas la dominance est assurée par les graminées ;
- avec les lisières eutrophes dominées par l’Ortie, hors des com- plexes inondables ;
- avec les végétations rudérales, à proximité des habitations ou des lieux de pâturage : bien que dominées par l’Ortie dioïque, elles sont dépourvues des espèces hygroclines et mésohygro- philes caractéristiques de l’habitat ;
- avec d’autres mégaphorbiaies installées sur des substrats moins enrichis en azote, se trouvant à l’abri des sources d’eutrophisation.

Dynamique

Ces mégaphorbiaies dérivent de forêts alluviales détruites anciennement par l’homme. Elles sont par ailleurs en liaison dynamique avec ces forêts :
Elles peuvent également, après eutrophisation du cours d’eau, dériver de mégaphorbiaies à Reine-des-prés (Filipendula ulmaria). Par contre, en cas d’eutrophisation excessive, le cortège floristique se réduit considérablement en faveur des espèces les plus nitrophiles (Ortie notamment).
Cf. schéma du cahier d'habitat.
N’ayant pas subi de pressions d’exploitation par l’agriculteur ou le bétail, elles sont dépourvues d’espèces prairiales courantes qui n’apparaissent que dans les individus d’habitats exploités extensivement. Les pratiques pastorales (fauche, pâturage) les font disparaître au profit de prairies de fauche à Avoine élevée ou Trisète jaunâtre ou de prairies pâturées à Crételle. Ces mégaphorbiaies peuvent dériver de l’abandon de prairies gérées ; on observe dans ce cas le développement progressif des espèces de ces mégaphorbiaies qui, peu à peu, étouffent les espèces prairiales et les font disparaître.

Habitats associés ou en contact

Habitats des eaux courantes ou stagnantes (UE 3150, UE 3260).
Saulaies arbustives (parfois UE 3240).
Forêts riveraines résiduelles (UE 91E0*).
Forêts riveraines des bords des grands fleuves (UE 91F0).
Chênaies pédonculées-frênaies (dont UE 9160).
Hêtraies-chênaies neutrophiles (dont UE 9130).
Hêtraies-chênaies acidiphiles (dont UE 9110).
Hêtraies-sapinières.
Roselières (Cor. 53.1), cariçaies (Cor. 53.2).
Prairies de fauches humides (UE 6440, UE 6510).
Mégaphorbiaies mésotrophes (habitat 6430-1).

Répartition géographique

Ces végétations sont très largement réparties à l’étage collinéen (elles restent plus localisées à l’étage montagnard) dans les domaines atlantique, continental et localement méditerranéen.

Valeur écologique et biologique

Ces milieux sont le berceau de quelques espèces prairiales de prairies de fauche ou pâturées. Ils occupent des surfaces réduites par rapport aux prairies gérées et possèdent un intérêt patrimonial certain. Le fond floristique est plutôt composé d’espèces relativement banales (nitrophiles), mais il est possible d’observer quelques espèces rares à l’échelle régionale telles que l’Aristoloche clématite (Aristolochia clematitis).

États de conservation

États à privilégier :
Mégaphorbiaies spatiales.
Mégaphorbiaies linéaires localisées du fait du passage à des prairies.
Mégaphorbiaies formant des ourlets forestiers.

Autres états observables :
Mégaphorbiaies sous Peupliers (Populus spp.).

Tendances et menaces

Du fait de l’eutrophisation des cours d’eau, l’habitat est sans doute en expansion, celle-ci se faisant aux dépens des mégaphorbiaies mésotrophes.
On observe souvent le passage à la prairie de fauche avec fertilisation ou à la prairie pâturée, ce qui détruit une grande partie de l’habitat qui subsiste alors à l’état de liseré en écotone.
Une plantation de Peupliers peut contribuer à faire régresser certaines populations, mais l’habitat peut se maintenir en sous-bois si celle-ci est réalisée sans drainage, sans travail du sol et sans utilisation de produits chimiques.
Ces milieux offrent une grande sensibilité aux travaux de correction des rivières et à toutes réductions des lits majeurs où ils se développent (réduction drastique de leur extension). La mégaphorbiaie disparaît aussi en cas d’empierrement des rives.
On notera aussi le risque d’envahissement par des pestes végétales (espèces exotiques envahissantes telles que les Renouées asiatiques, le Buddleja, le Solidage du Canada, Solidago canadensis, Topinambour, Impatiente glanduleuse…). Ces espèces dont les populations présentent une forte dynamique (généralement du fait d’une multiplication végétative puissante) finissent par couvrir totalement le sol provoquant la disparition des espèces de la mégaphorbiaie.

Potentialités intrinsèques de production

Ces groupements prairiaux sont dépourvus de valeur agronomique (dominance d’espèces non fourragères). Par ailleurs, il faut remarquer qu’ils tiennent leur existence et leur pérennité de la non gestion (ni fauche, ni pâturage).

Axes de recherche

De nouvelles investigations sont nécessaires pour bien cerner la diversité de ces formations et l’extension géographique des variantes.

Fiche du cahier d'habitats (format pdf)
Bibliographie

 Bensettiti F., Gaudillat V. & Haury J. (coord.), 2002. « Cahiers d’habitats » Natura 2000. Connaissance et gestion des habitats et des espèces d’intérêt communautaire. Tome 3 - Habitats humides. MATE/MAP/MNHN. Éd. La Documentation française, Paris, 457 p. + cédérom. (Source)