6430-8 - Mégaphorbiaies montagnardes et subalpines des Alpes, du Jura, des Vosges et du Massif central

Liste hiérarchisée et descriptifs des habitats des Cahiers d'habitats

Caractéristiques stationnelles

Ce type d’habitat est localisé aux étages montagnard et sub-alpin : (600) 1000-2000 (2400) m (selon la latitude des massifs), avec un optimum dans le montagnard supérieur et le subalpin inférieur.
Les stations correspondantes sont fraîches et humides, en exposition nord prédominante et à enneigement prolongé : combes, dépressions, couloirs et ravins, pieds de parois, souvent à proximité de suintements ou de ruisselets.
En général les conditions sont plus ou moins sciaphiles (sous-bois, lisières, clairières), plus rarement extra-sylvatiques (alors compensées par une forte alimentation hydrique stationnelle : bords de torrents, zones de ruissellement).
Les substrats sont divers, carbonatés ou silicatés, souvent d’origine colluviale (dont éboulis). Les sols sont en général profonds (sauf en stations d’éboulis), humides (voire saturés en profondeur), riches en humus et souvent à forte teneur en azote, du type brun à mull mésotrophe à eutrophe.

Variabilité

Ce type d’habitat offre, dans les divers massifs considérés, une remarquable uniformité sous une forme principale à Laitue des Alpes et Adénostyle à feuilles d’alliaire [Cicerbito alpinae-Adenostyletum alliariae], au sein de laquelle peuvent être toutefois reconnues :
- une race alpienne à Hugueninie à feuilles de tanaisie (Hugueninia tanacetifolia) ;
- une race du Massif central à Doronic d’Autriche (Doronicum austriacum) auquel se joint, dans sa partie méridionale (Cantal, Haut-Vivarais, Cévennes), l’Arabette des Cévennes [Arabido cebennensis-Adenostyletum alliariae].
Dans divers secteurs, en fonction de la localisation stationnelle, de l’altitude et du substrat, quelques groupements particuliers se différencient plus ou moins de ce type principal :
- Auvergne : mégaphorbiaie montagnarde (600-1000 m) à Campanule à larges feuilles [Doronico austriaci-Campanuletum latifoliae], sur éboulis mal stabilisés (au sein de la hêtraie) ;
- Alpes méridionales : mégaphorbiaie du subalpin inférieur (1600-2000 m), sylvatique (mélèzein ou pessière), à Cirse des montagnes [Cirsio montani-Adenostyletum alliariae] ;
- Alpes maritimes (Mercantour) : mégaphorbiaie du subalpin supérieur (2100-2400 m) à Séneçon de Balbis et Peucédan ostruthium [Senecioni balbisiani-Peucedanetum ostruthii], sur éboulis siliceux de pente raide, en situation extra-sylvatique.

Physionomie, structure

Il s’agit de prairies luxuriantes à hautes herbes, principalement constituées d’hémicryptophytes mésohygrophiles et présentant globalement les caractères suivants :
- strate supérieure dense (recouvrement rarement inférieur à 100%), atteignant 1 m ou plus, à prédominance d’astéracées et d’ombellifères auxquelles peuvent se mêler de grandes fougères (Athyrium alpestre, Dryoptéris dilaté) ;
- strate inférieure clairsemée, à petits phanérogames (Violette à deux fleurs, Saxifrage à feuilles rondes) et mousses.
Elles sont habituellement développées sous couvert arboré, plus ou moins dense et à essences dominantes variées suivant l’altitude et les conditions stationnelles (érablaies, hêtraies, sapinières, hêtraies-sapinières, pessières, mélèzeins), ou en étroite liaison avec un peuplement arbustif hygrophile : fourrés de Saule à grandes feuilles (Salix appendiculata) dans le Jura et les Alpes, fourrés d’Aulne vert (Alnus alnobetula), ce dernier cas étant, dans les Alpes, particulièrement représentatif et répandu.
La dimension des stations est variable mais rarement de grande étendue, de l’ordre de quelques mètres carrés jusqu’à l’hectare.

Confusions possibles

Ce type d’habitat peut être principalement confondu avec :
- les reposoirs du bétail à communautés de hautes herbes nitrophiles (Rumicion alpini, Cor. 37.88) avec lesquelles, outre l’aspect physionomique, le type d’habitat considéré peut partager diverses espèces (Vérâtre blanc, Peucédan ostruthium, Aconit napel, etc.) ;
- les communautés de prairies grasses (UE 6520), en particulier celles encore amendées et fauchées (voire irriguées), où se retrouvent également des espèces communes aux deux types (Géranium des bois, Chérophylle hérissé, Raiponce de Haller, etc.) ;
- les prairies à hautes herbes à Calamagrostide roseau (Calamagrostis arundinacea) mais ces dernières s’en différencient par leur richesse en grandes poacées (graminées).

Dynamique

Spontanée :
Type de végétation présentant une relative stabilité (sous réserve de la pérennité des conditions d’habitat), à caractère quasi permanent (climax stationnel).

Liée aux activités humaines :
Type d’habitat en principe non directement soumis à une gestion. Toutefois, en ce qui concerne les communautés sous couvert sylvatique, possibilité de répercussion sur leur structure, leur composition et leur évolution :
- de leur utilisation par le bétail (station d’ombrage), entraînant le développement des espèces nitrophiles (Chérophylles, Vérâtre, et surtout Rumex alpin, Rumex pseudalpinus) ;
- de l’exploitation du couvert.

Habitats associés ou en contact

Parois rocheuses (UE 8210 et UE 8220) et éboulis (UE 8110 et UE 8120).
Pieds de rochers frais et humides abritant des communautés de « microphorbiaies » à petites hémicryptophytes, souvent également présentes dans la strate basse des mégaphorbiaies (Violette à deux fleurs, Saxifrage à feuilles rondes).
Eaux courantes des ruisseaux et torrents (UE 3220).
Prairies grasses de fauche (UE 6520).
Landes à éricacées (UE 4060), fourrés d’Aulne vert (Cor. 31.61) et de Saule à grandes feuilles (Cor. 31.62).
Divers types de forêts : hêtraies, hêtraies-sapinières et sapinières (UE 9110 et UE 9140), forêts mélangées de pente et ravins (UE 9180), pessières (UE 9410) et mélèzeins (UE 9420).

Répartition géographique

Vosges, Jura, Alpes, Massif central, de manière très disséminée.

Valeur écologique et biologique

La forte valeur écologique et biologique de ce type d’habitat résulte :
- d’une individualité écologique et floristique très marquée (communautés spécialisées) ;
- de stations localisées et souvent d’extension limitée ;
- du caractère vraisemblablement primaire de certaines stations, à valeur de témoins relictuels d’une végétation post-glaciaire (cas des mégaphorbiaies liées aux fourrés subalpins d’Aulne vert des Alpes).
L’habitat est en outre susceptible d’abriter divers taxons rares, dont plusieurs bénéficient d’une protection :
- nationale : Ancolie des Alpes (Aquilegia alpina), Cirse des montagnes (espèce également inscrite au livre rouge de la flore menacée de France parmi les espèces prioritaires), Cortusa de Matthiole (Cortusa matthiolii), Panicaut des Alpes ;
- régionale : Dauphinelle élevée (Delphinium elatum) et Dauphinelle douteuse (D. dubium) (Rhône-Alpes), Doronic d’Autriche (PACA), Séneçon de Balbis (PACA), Tozzie des Alpes (Auvergne, PACA).

États de conservation

États à privilégier :
Privilégier en priorité, dans chacun des massifs concernés (Vosges, Jura, Alpes, Massif central), les représentants sylvatiques (ou liés à des fourrés du type aulnaie verte dans les Alpes) du Cicerbito alpinae-Adenostyletum alliariae (et des autres associations apparentées) à diversité floristique maximale (ensemble spécifique normal de l’ordre d’une trentaine d’espèces).
Mais également, pour des raisons inverses, les mégaphorbiaies (sylvatiques et extra-sylvatiques), plus rares et fragmentaires, des Alpes méridionales (réduction des précipitations), Cirsio montani-Adenostyletum alliariae, Senecioni balbisiani-Peucedanetum ostruthii.

Autres états observables :
On peut principalement rencontrer :
- de nombreux faciès (prédominance d’une espèce, entraînant une faible diversité floristique) : à Adénostyle, à fougère (Athyrium alpestre), à Peucédan ostruthium (influence du bétail), etc. ;
- des états intermédiaires avec d’autres types : communautés de reposoirs, prairies fraiches à hautes herbes (par exemple dans les Alpes : prairies à Myrrhis odorant et Adénostyle à feuilles d’alliaire [Myrrhido odoratae-Adenostyletum alliariae], à Renouée bistorte et Panicaut des Alpes [Polygono bistortae-Eryngietum alpini].

Tendances et menaces

Le type d’habitat s’avère particulièrement sensible compte tenu de sa spécificité écologique, mais il n’apparaît pas globalement menacé dans le contexte actuel. Toutefois les stations (souvent de dimensions restreintes) peuvent être perturbées ou irrémédiablement dégradées, d’une part et principalement par l’exploitation forestière, d’autre part par tous travaux d’aménagement modifiant la topographie et/ou l’alimentation hydrique stationnelle.

Potentialités intrinsèques de production

Aucune.

Axes de recherche

On peut préconiser principalement :
- les inventaires faunistiques et les études axées sur les relations plantes-insectes (nombreux cas d’interspécificité stricte) ;
- les recherches sur les sols, particulièrement au plan biochimique (rôle des nodosités racinaires des Aulnes) ;
- les recherches sur la stabilité et le rôle fonctionnel de ces mégaphorbiaies, particulièrement celles à caractère riverain (relations avec la dynamique des berges et des cours d’eau).

Fiche du cahier d'habitats (format pdf)
Bibliographie

 Bensettiti F., Gaudillat V. & Haury J. (coord.), 2002. « Cahiers d’habitats » Natura 2000. Connaissance et gestion des habitats et des espèces d’intérêt communautaire. Tome 3 - Habitats humides. MATE/MAP/MNHN. Éd. La Documentation française, Paris, 457 p. + cédérom. (Source)